- ParatgeNeoprof expérimenté
Les sciences de l'éducation ou de fausses sciences selon le grand physicien Richard Feynman, prix Nobel.
La science « culte du cargo »
Discours de fin d’études de Caltech en 1974 ; extrait du livre Vous voulez rire, M. Feynman !
Texte intégral :
http://esgs.free.fr/fr/art/rf1.htm
Extraits :
« Au Moyen Âge, régnaient les croyances les plus absurdes ; on croyait, par exemple, qu’une corne de rhinocéros pouvait augmenter la puissance sexuelle d’un individu. Et puis, on a trouvé un critère permettant de séparer les idées en deux grandes catégories : d’une part, les idées qui marchent et, d’autre part, celles qui ne marchent pas (et que, pour cette raison, l’on doit éliminer). Cette méthode s’est développée et s’est organisée en ce que nous appelons aujourd’hui la science : nous vivons à l’ère de la science. Nous vivons même tellement à l’ère de la science qu’il nous est difficile d’imaginer qu’il ait jamais pu exister des sorciers, puisqu’aussi bien aucun, ou presque, des remèdes qu’ils proposaient ne marchait.
Pourtant aujourd’hui encore, je rencontre des tas de gens qui au détour de la conversation me demandent ce que je pense des ovnis, de l’astrologie, ou de toute autre forme de mysticisme, des phénomènes de conscience élargie, de la télépathie, de la parapsychologie, que sais-je encore. D’où j’en conclus que nous ne vivons pas vraiment dans un monde scientifique.
La plupart des gens croient à tant de choses étonnantes que j’ai décidé de chercher pourquoi. Et ce que l’on a appelé ma curiosité de chercheur m’a embarqué dans des difficultés où il y avait tant de bêtises que j’en ai été découragé. J’ai d’abord commencé par enquêter sur plusieurs idées et expériences mystiques. Je suis entré dans des caissons d’isolation avec pour résultat des heures d’hallucinations, donc je sais quelque chose sur ce sujet. Puis je suis allé à Esalen, qui est un foyer de ce genre de pensée (c’est un endroit merveilleux que vous devriez visiter). Alors j’ai été complètement ébahi. Je ne m’étais pas rendu compte qu’il y en avait AUTANT.
…
Je me suis alors posé la question suivante : « N’y a-t-il pas des choses plus ordinaires auxquelles les gens croient sans raison valable ? » » (J’ai alors pensé aux sorciers ; dommage qu’il n’y en ait plus parce qu’il aurait été facile dans ce cas-là de faire la preuve que leurs remèdes ne marchent pas). Finalement, j’ai trouvé : les gens croient, par exemple, qu’il existe une science de l’éducation. On enseigne la pédagogie ; il y a des gens qui réfléchissent à la manière d’enseigner les mathématiques et la lecture, etc. Et pourtant, mais si vous faites attention vous verrez que les scores de lecture baissent, le rendement de l’enseignement ne cesse de baisser ; au mieux ils restent stationnaires en dépit du fait qu’on utilise ces mêmes personnes pour améliorer les méthodes. Voilà donc un exemple de remède de sorcier qui ne marche pas. On devrait examiner tout ceci ; comment savent-ils que leur méthode marcherait ? Mais on pourrait songer à d’autres exemples ; la manière dont nous traitons les criminels en est un. On n’a fait manifestement aucun progrès dans ce domaine ; beaucoup de théories mais aucun progrès ; la manière dont nous traitons les criminels ne fait pas le moins du monde diminuer la criminalité.
Et pourtant, toutes ces choses se prétendent scientifiques, et il y a des gens qui font des recherches dans ces domaines-là. À mon avis, toute cette pseudoscience ne sert qu’à impressionner l’homme de la rue. Si, par exemple, une institutrice trouve quelques bonnes recettes pour apprendre à lire aux enfants, elle se voit immédiatement rappelée à l’ordre et obligée de procéder autrement quand elle ne s’autocensure pas et ne s’imagine pas d’elle-même que sa méthode n’est pas la bonne. Autre exemple : Ou bien le parent de mauvais garçons se culpabilise sous prétexte qu’il punit les enfants quand ils font des bêtises, simplement parce que de soi-disant experts ont décidé que ce n’était pas la chose à faire !
Tout cela pour dire que nous devrions nous préoccuper un peu plus des théories qui ne marchent pas et des sciences qui n’en sont pas.
Les sciences et la psychologie de l’éducation sont à mon avis des exemples de ces pseudosciences dont je serais tenté de dire qu’elles s’apparentent au « culte du cargo ». Dans les îles du Pacifique sud règne ce que l’on appelle le culte du cargo. Les indigènes qui ont vu pendant toute la guerre atterrir des avions chargés de marchandises aimeraient bien que ça recommence. Pour ce faire, ils construisent des espèces de pistes d’atterrissage où rien ne manque, depuis les feux de signalisation jusqu’à la hutte en bois dans laquelle se tient un soi-disant contrôleur aérien, avec son casque sur la tête, d’où sortent, en guise d’antennes, des tiges de bambou. Et ils attendent l’arrivée des avions. Tout est exactement comme c’était pendant la guerre et pourtant, rien ne se passe ; ça ne marche pas ; aucun avion ne vient atterrir. Si j’assimile toutes ces pseudosciences au culte du cargo c’est parce que, dans un cas comme dans l’autre, les règles formelles de la vraie recherche scientifique sont respectées ; mais il manque visiblement quelque chose d’essentiel, puisque les avions n’atterrissent pas.
Évidemment, pour bien faire, il faudrait maintenant que je vous dise ce qui manque. C’est à peu près aussi difficile que d’expliquer aux populations des mers du Sud comment faire pour que les richesses recommencent à tomber du ciel ; s’il ne s’agissait que de modifier la forme des écouteurs, ce serait beaucoup plus facile.
Pourtant, il y a une chose qui je crois manque profondément à ces pseudosciences – c’est une chose que l’on vous a, du moins je l’espère, apprise à l’école – une chose dont on ne parle jamais explicitement, et qu’il est intéressant, pour cette raison, de faire sortir de l’ombre. Je veux parler de cette espèce d’intégrité propre à la pensée scientifique, qui en dernière analyse correspond à une forme d’honnêteté fondamentale – une sorte d’exigence extrême qui ne laisse rien au hasard. Quand, par exemple, vous faites une expérience, vous savez bien qu’il faut tout noter, pas seulement ce qui va dans le sens de la validation de l’expérience, mais aussi tout ce qui pourrait rendre le résultat contestable. Vous devez en particulier noter tous les « points » que vous avez éliminés sur la base d’autres expériences, afin qu’en lisant le compte rendu, on sache que vous avez éliminé ces points-là. De même, vous devez donner, quand vous en avez connaissance, toutes les informations susceptibles de jeter le doute sur l’interprétation que vous proposez. De même encore, si vous faites un travail théorique, il ne faut pas vous contenter d’en vanter les avantages ; il faut également signaler tout ce qui peut l’invalider et faire état d’éventuelles objections. Ce n’est d’ailleurs pas si simple qu’il y paraît. Par exemple, lorsqu’on élabore une théorie simple en rassemblant un certain nombre d’idées, il faut prendre garde, lorsqu’on explique ce avec quoi ladite théorie cadre, à ne pas inclure là-dedans les résultats à partir desquels la théorie elle-même a été élaborée ; il faut s’assurer que la théorie, dans son état final, permet bien de prédire des choses nouvelles, apporte quelque chose de nouveau.
…
L’expérience prouve d’ailleurs que de toute façon la vérité finit toujours par triompher : tôt ou tard, d’autres referont vos expériences et les confirmeront, ou les infirmeront : tôt ou tard, les phénomènes manifesteront leur accord ou leur désaccord avec votre théorie. Et même si momentanément vos expériences, ou votre théorie, vous valent des avantages et une certaine gloire, à long terme, votre réputation n’a rien à gagner à ce que l’on découvre que vous n’avez pas travaillé sérieusement. C’est cette exigence, ce souci de ne pas s’en conter à soi-même qui, souvent, manque aux chercheurs de ces disciplines que j’assimile au culte du cargo.
Évidemment cela tient pour une large part aux difficultés inhérentes à ces disciplines, au fait que la méthode scientifique ne peut guère y être appliquée. Mais dire cela, à mon avis, ne résout pas le problème. Cela explique pourquoi les avions n’atterrissent pas ; mais le problème reste entier : les avions n’atterrissent pas.
…
Aujourd’hui, nous avons appris à nous méfier et ces choses ne se produisent plus guère. Malheureusement, nous n’avons pas été jusqu’à instituer dans le cursus d’enseignement un cours spécial, où l’on apprendrait aux étudiants à ne pas se laisser abuser, à être tout simplement honnêtes. Nous nous contentons d’espérer que les étudiants acquerront ces qualités par simple osmose.
Le premier principe fondamental de la recherche scientifique est le suivant : ne pas se raconter d’histoires, ne pas s’abuser soi-même, étant entendu qu’on est soi-même la personne qu’il est le plus facile d’abuser. Dès lors qu’on applique cette règle, dès lors qu’on arrive à ne pas se raconter d’histoires à soi-même, ne pas en raconter aux autres ne présente plus aucune espèce de difficulté : il suffit simplement d’être honnête, au sens habituel du terme.
…
Autre exemple : vous voulez vérifier telle théorie, ou bien faire passer telle ou telle idée. Un principe général dans ces cas-là est qu’il faut tout publier, tout absolument tout, comme ça se présente. En effet, il est toujours possible, en ne publiant que des résultats sélectionnés, de faire passer pour vrai n’importe quel raisonnement. Il faut donc publier absolument tout.
La même exigence de rigueur s’impose dans les avis que vous pouvez être amené à donner à tel ou tel organisme public. Imaginez, par exemple, qu’un sénateur vous demande un avis scientifique sur l’opportunité d’un forage dans son Etat, et qu’il vous semble, après examen de la question, qu’il vaudrait mieux prospecter ailleurs. Si vous ne rendez pas publiques vos conclusions, vous ne donnez pas, à mon sens, un avis scientifique. Vous vous faites exploiter. Parce que de deux choses l’une : ou bien votre réponse va dans le sens souhaité par ce sénateur et alors vous pouvez être sûr qu’il saura en faire usage et en tirer profit ; ou bien, votre réponse le prend à rebrousse-poil et alors il ne la publiera tout simplement pas. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas ce que l’on peut appeler un avis scientifique.
…
Un autre exemple en la matière nous est fourni par les expériences de parapsychologie de Rhine. Comme ces expériences ont été fortement critiquées – y compris par Rhine lui-même – les techniques mises en œuvre sont devenues de plus en plus performantes et les effets décelés de plus en plus faibles au point même de disparaître complètement. Les parapsychologues cherchent à réaliser des expériences qui soient reproductibles, où les mêmes causes produisent les mêmes effets, ne serait-ce que statistiquement. Alors ils répètent la même expérience sur des millions de rats – excusez-moi, je veux dire, de gens. Ils en tirent un effet statistique ; malheureusement, la fois suivante cet effet a disparu. Alors il se trouve quelqu’un pour dire qu’après tout la reproductibilité n’est pas une exigence en soi. Et après ça, on viendra nous dire que c’est de la science !
Ce quelqu’un, après avoir démissionné de l’Institut de parapsychologie, a fait scission et fondé sa propre école. Et, s’adressant à ses disciples, il leur recommande de ne recruter que des étudiants ayant fait preuve de leurs capacités à obtenir de nombreux résultats ; il n’a pas de temps à perdre avec ceux qui, soit par ambition intellectuelle, soit par intérêt, ne trouvent que par hasard. Je trouve cela très grave ; il est dangereux, lorsqu’on enseigne, d’apprendre aux étudiants à obtenir des résultats plutôt que de leur apprendre comment faire une expérience en toute honnêteté.
Maintenant, pour finir, il me reste à vous souhaiter de toujours vous trouver dans une situation telle que vous puissiez satisfaire aux exigences d’honnêteté dont je viens de vous entretenir. Je souhaite que vous n’ayez jamais à renoncer à cette intégrité, que ce soit pour assurer votre position à l’intérieur de l’institution, pour satisfaire aux contraintes financières, ou pour toute autre raison. De tout cœur, je vous souhaite cette liberté.
La science « culte du cargo »
Discours de fin d’études de Caltech en 1974 ; extrait du livre Vous voulez rire, M. Feynman !
Texte intégral :
http://esgs.free.fr/fr/art/rf1.htm
Extraits :
« Au Moyen Âge, régnaient les croyances les plus absurdes ; on croyait, par exemple, qu’une corne de rhinocéros pouvait augmenter la puissance sexuelle d’un individu. Et puis, on a trouvé un critère permettant de séparer les idées en deux grandes catégories : d’une part, les idées qui marchent et, d’autre part, celles qui ne marchent pas (et que, pour cette raison, l’on doit éliminer). Cette méthode s’est développée et s’est organisée en ce que nous appelons aujourd’hui la science : nous vivons à l’ère de la science. Nous vivons même tellement à l’ère de la science qu’il nous est difficile d’imaginer qu’il ait jamais pu exister des sorciers, puisqu’aussi bien aucun, ou presque, des remèdes qu’ils proposaient ne marchait.
Pourtant aujourd’hui encore, je rencontre des tas de gens qui au détour de la conversation me demandent ce que je pense des ovnis, de l’astrologie, ou de toute autre forme de mysticisme, des phénomènes de conscience élargie, de la télépathie, de la parapsychologie, que sais-je encore. D’où j’en conclus que nous ne vivons pas vraiment dans un monde scientifique.
La plupart des gens croient à tant de choses étonnantes que j’ai décidé de chercher pourquoi. Et ce que l’on a appelé ma curiosité de chercheur m’a embarqué dans des difficultés où il y avait tant de bêtises que j’en ai été découragé. J’ai d’abord commencé par enquêter sur plusieurs idées et expériences mystiques. Je suis entré dans des caissons d’isolation avec pour résultat des heures d’hallucinations, donc je sais quelque chose sur ce sujet. Puis je suis allé à Esalen, qui est un foyer de ce genre de pensée (c’est un endroit merveilleux que vous devriez visiter). Alors j’ai été complètement ébahi. Je ne m’étais pas rendu compte qu’il y en avait AUTANT.
…
Je me suis alors posé la question suivante : « N’y a-t-il pas des choses plus ordinaires auxquelles les gens croient sans raison valable ? » » (J’ai alors pensé aux sorciers ; dommage qu’il n’y en ait plus parce qu’il aurait été facile dans ce cas-là de faire la preuve que leurs remèdes ne marchent pas). Finalement, j’ai trouvé : les gens croient, par exemple, qu’il existe une science de l’éducation. On enseigne la pédagogie ; il y a des gens qui réfléchissent à la manière d’enseigner les mathématiques et la lecture, etc. Et pourtant, mais si vous faites attention vous verrez que les scores de lecture baissent, le rendement de l’enseignement ne cesse de baisser ; au mieux ils restent stationnaires en dépit du fait qu’on utilise ces mêmes personnes pour améliorer les méthodes. Voilà donc un exemple de remède de sorcier qui ne marche pas. On devrait examiner tout ceci ; comment savent-ils que leur méthode marcherait ? Mais on pourrait songer à d’autres exemples ; la manière dont nous traitons les criminels en est un. On n’a fait manifestement aucun progrès dans ce domaine ; beaucoup de théories mais aucun progrès ; la manière dont nous traitons les criminels ne fait pas le moins du monde diminuer la criminalité.
Et pourtant, toutes ces choses se prétendent scientifiques, et il y a des gens qui font des recherches dans ces domaines-là. À mon avis, toute cette pseudoscience ne sert qu’à impressionner l’homme de la rue. Si, par exemple, une institutrice trouve quelques bonnes recettes pour apprendre à lire aux enfants, elle se voit immédiatement rappelée à l’ordre et obligée de procéder autrement quand elle ne s’autocensure pas et ne s’imagine pas d’elle-même que sa méthode n’est pas la bonne. Autre exemple : Ou bien le parent de mauvais garçons se culpabilise sous prétexte qu’il punit les enfants quand ils font des bêtises, simplement parce que de soi-disant experts ont décidé que ce n’était pas la chose à faire !
Tout cela pour dire que nous devrions nous préoccuper un peu plus des théories qui ne marchent pas et des sciences qui n’en sont pas.
Les sciences et la psychologie de l’éducation sont à mon avis des exemples de ces pseudosciences dont je serais tenté de dire qu’elles s’apparentent au « culte du cargo ». Dans les îles du Pacifique sud règne ce que l’on appelle le culte du cargo. Les indigènes qui ont vu pendant toute la guerre atterrir des avions chargés de marchandises aimeraient bien que ça recommence. Pour ce faire, ils construisent des espèces de pistes d’atterrissage où rien ne manque, depuis les feux de signalisation jusqu’à la hutte en bois dans laquelle se tient un soi-disant contrôleur aérien, avec son casque sur la tête, d’où sortent, en guise d’antennes, des tiges de bambou. Et ils attendent l’arrivée des avions. Tout est exactement comme c’était pendant la guerre et pourtant, rien ne se passe ; ça ne marche pas ; aucun avion ne vient atterrir. Si j’assimile toutes ces pseudosciences au culte du cargo c’est parce que, dans un cas comme dans l’autre, les règles formelles de la vraie recherche scientifique sont respectées ; mais il manque visiblement quelque chose d’essentiel, puisque les avions n’atterrissent pas.
Évidemment, pour bien faire, il faudrait maintenant que je vous dise ce qui manque. C’est à peu près aussi difficile que d’expliquer aux populations des mers du Sud comment faire pour que les richesses recommencent à tomber du ciel ; s’il ne s’agissait que de modifier la forme des écouteurs, ce serait beaucoup plus facile.
Pourtant, il y a une chose qui je crois manque profondément à ces pseudosciences – c’est une chose que l’on vous a, du moins je l’espère, apprise à l’école – une chose dont on ne parle jamais explicitement, et qu’il est intéressant, pour cette raison, de faire sortir de l’ombre. Je veux parler de cette espèce d’intégrité propre à la pensée scientifique, qui en dernière analyse correspond à une forme d’honnêteté fondamentale – une sorte d’exigence extrême qui ne laisse rien au hasard. Quand, par exemple, vous faites une expérience, vous savez bien qu’il faut tout noter, pas seulement ce qui va dans le sens de la validation de l’expérience, mais aussi tout ce qui pourrait rendre le résultat contestable. Vous devez en particulier noter tous les « points » que vous avez éliminés sur la base d’autres expériences, afin qu’en lisant le compte rendu, on sache que vous avez éliminé ces points-là. De même, vous devez donner, quand vous en avez connaissance, toutes les informations susceptibles de jeter le doute sur l’interprétation que vous proposez. De même encore, si vous faites un travail théorique, il ne faut pas vous contenter d’en vanter les avantages ; il faut également signaler tout ce qui peut l’invalider et faire état d’éventuelles objections. Ce n’est d’ailleurs pas si simple qu’il y paraît. Par exemple, lorsqu’on élabore une théorie simple en rassemblant un certain nombre d’idées, il faut prendre garde, lorsqu’on explique ce avec quoi ladite théorie cadre, à ne pas inclure là-dedans les résultats à partir desquels la théorie elle-même a été élaborée ; il faut s’assurer que la théorie, dans son état final, permet bien de prédire des choses nouvelles, apporte quelque chose de nouveau.
…
L’expérience prouve d’ailleurs que de toute façon la vérité finit toujours par triompher : tôt ou tard, d’autres referont vos expériences et les confirmeront, ou les infirmeront : tôt ou tard, les phénomènes manifesteront leur accord ou leur désaccord avec votre théorie. Et même si momentanément vos expériences, ou votre théorie, vous valent des avantages et une certaine gloire, à long terme, votre réputation n’a rien à gagner à ce que l’on découvre que vous n’avez pas travaillé sérieusement. C’est cette exigence, ce souci de ne pas s’en conter à soi-même qui, souvent, manque aux chercheurs de ces disciplines que j’assimile au culte du cargo.
Évidemment cela tient pour une large part aux difficultés inhérentes à ces disciplines, au fait que la méthode scientifique ne peut guère y être appliquée. Mais dire cela, à mon avis, ne résout pas le problème. Cela explique pourquoi les avions n’atterrissent pas ; mais le problème reste entier : les avions n’atterrissent pas.
…
Aujourd’hui, nous avons appris à nous méfier et ces choses ne se produisent plus guère. Malheureusement, nous n’avons pas été jusqu’à instituer dans le cursus d’enseignement un cours spécial, où l’on apprendrait aux étudiants à ne pas se laisser abuser, à être tout simplement honnêtes. Nous nous contentons d’espérer que les étudiants acquerront ces qualités par simple osmose.
Le premier principe fondamental de la recherche scientifique est le suivant : ne pas se raconter d’histoires, ne pas s’abuser soi-même, étant entendu qu’on est soi-même la personne qu’il est le plus facile d’abuser. Dès lors qu’on applique cette règle, dès lors qu’on arrive à ne pas se raconter d’histoires à soi-même, ne pas en raconter aux autres ne présente plus aucune espèce de difficulté : il suffit simplement d’être honnête, au sens habituel du terme.
…
Autre exemple : vous voulez vérifier telle théorie, ou bien faire passer telle ou telle idée. Un principe général dans ces cas-là est qu’il faut tout publier, tout absolument tout, comme ça se présente. En effet, il est toujours possible, en ne publiant que des résultats sélectionnés, de faire passer pour vrai n’importe quel raisonnement. Il faut donc publier absolument tout.
La même exigence de rigueur s’impose dans les avis que vous pouvez être amené à donner à tel ou tel organisme public. Imaginez, par exemple, qu’un sénateur vous demande un avis scientifique sur l’opportunité d’un forage dans son Etat, et qu’il vous semble, après examen de la question, qu’il vaudrait mieux prospecter ailleurs. Si vous ne rendez pas publiques vos conclusions, vous ne donnez pas, à mon sens, un avis scientifique. Vous vous faites exploiter. Parce que de deux choses l’une : ou bien votre réponse va dans le sens souhaité par ce sénateur et alors vous pouvez être sûr qu’il saura en faire usage et en tirer profit ; ou bien, votre réponse le prend à rebrousse-poil et alors il ne la publiera tout simplement pas. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas ce que l’on peut appeler un avis scientifique.
…
Un autre exemple en la matière nous est fourni par les expériences de parapsychologie de Rhine. Comme ces expériences ont été fortement critiquées – y compris par Rhine lui-même – les techniques mises en œuvre sont devenues de plus en plus performantes et les effets décelés de plus en plus faibles au point même de disparaître complètement. Les parapsychologues cherchent à réaliser des expériences qui soient reproductibles, où les mêmes causes produisent les mêmes effets, ne serait-ce que statistiquement. Alors ils répètent la même expérience sur des millions de rats – excusez-moi, je veux dire, de gens. Ils en tirent un effet statistique ; malheureusement, la fois suivante cet effet a disparu. Alors il se trouve quelqu’un pour dire qu’après tout la reproductibilité n’est pas une exigence en soi. Et après ça, on viendra nous dire que c’est de la science !
Ce quelqu’un, après avoir démissionné de l’Institut de parapsychologie, a fait scission et fondé sa propre école. Et, s’adressant à ses disciples, il leur recommande de ne recruter que des étudiants ayant fait preuve de leurs capacités à obtenir de nombreux résultats ; il n’a pas de temps à perdre avec ceux qui, soit par ambition intellectuelle, soit par intérêt, ne trouvent que par hasard. Je trouve cela très grave ; il est dangereux, lorsqu’on enseigne, d’apprendre aux étudiants à obtenir des résultats plutôt que de leur apprendre comment faire une expérience en toute honnêteté.
Maintenant, pour finir, il me reste à vous souhaiter de toujours vous trouver dans une situation telle que vous puissiez satisfaire aux exigences d’honnêteté dont je viens de vous entretenir. Je souhaite que vous n’ayez jamais à renoncer à cette intégrité, que ce soit pour assurer votre position à l’intérieur de l’institution, pour satisfaire aux contraintes financières, ou pour toute autre raison. De tout cœur, je vous souhaite cette liberté.
- verdurinHabitué du forum
Ça me rappelle un livre que l'on m'avait fait lire il y a de nombreuses années.
Il prouvait un effet indubitable de la volonté sur le hasard.
On demande à un certain nombre de personnes d'influencer le résultat de tirages aléatoire genre pile ou face.
On distingue alors trois groupes :
Pour le troisième groupe on peut quand même remarquer que l'écart-type est significativement différent de ce devrait produire le hasard.
Il est en effet difficile de ne pas faire le lien avec les «sciences» de l'éducation.
Il prouvait un effet indubitable de la volonté sur le hasard.
On demande à un certain nombre de personnes d'influencer le résultat de tirages aléatoire genre pile ou face.
On distingue alors trois groupes :
- ceux qui réussissent bien. (environ 20% au seuil de risque 20%)
- ceux qui inversent les résultats. C'est à dire qui obtiennent pile quand ils veulent face. On peut considérer que c'est une réussite négative. (environ 20% au seuil de risque 20%)
- les autres, qui n'ont aucun résultat significatif.(environ 60%)
Pour le troisième groupe on peut quand même remarquer que l'écart-type est significativement différent de ce devrait produire le hasard.
Il est en effet difficile de ne pas faire le lien avec les «sciences» de l'éducation.
_________________
Contre la bêtise, les dieux eux mêmes luttent en vain.
Ni centidieux, ni centimètres.
- Libé-RationGuide spirituel
Ah, le culte du cargo, c'est chez moi !
Mais il y a aussi des sorciers, dans ce pays, et n'importe qui vous dira que ça marche, et qu'il faut faire attention à la magie. Et aussi, il y a des avions qui atterrissent tous les jours ou presque, et qui apportent des gens et des marchandises. Donc ça marche !
Mais il y a aussi des sorciers, dans ce pays, et n'importe qui vous dira que ça marche, et qu'il faut faire attention à la magie. Et aussi, il y a des avions qui atterrissent tous les jours ou presque, et qui apportent des gens et des marchandises. Donc ça marche !
- EdgarNeoprof expérimenté
Cela est, en un sens, une façon de poser la question de l'objectivité supposée de la science en général, et surtout de celle des sciences humaines en particulier.
Pour le culte du cargo, comment peut-il en être autrement au sujet d'un domaine, l'éducation en France, qui est aussi inféodé à l'idéologie, et ce à tous les étages et depuis si longtemps. Il n'y a pas une décision, pas un choix, pas une réunion, pas une théorie, pas une conversation, dans l'enceinte d'une école, dans les lieux de formation, au ministère, qui ne soit dominé par l'idéologie. On connaît toujours la réponse attendue avant de poser un problème, avant d'analyser des chiffres, avant d'ouvrir la bouche, avant de donner ses notes. Et comme on aime les bonnes nouvelles et que l'on est "optimiste" dans l'EN, les choses vont officiellement et curieusement toujours mieux qu'elles n'en ont pourtant l'air.
Pour le culte du cargo, comment peut-il en être autrement au sujet d'un domaine, l'éducation en France, qui est aussi inféodé à l'idéologie, et ce à tous les étages et depuis si longtemps. Il n'y a pas une décision, pas un choix, pas une réunion, pas une théorie, pas une conversation, dans l'enceinte d'une école, dans les lieux de formation, au ministère, qui ne soit dominé par l'idéologie. On connaît toujours la réponse attendue avant de poser un problème, avant d'analyser des chiffres, avant d'ouvrir la bouche, avant de donner ses notes. Et comme on aime les bonnes nouvelles et que l'on est "optimiste" dans l'EN, les choses vont officiellement et curieusement toujours mieux qu'elles n'en ont pourtant l'air.
- User5899Demi-dieu
"Je fais une distinction claire entre le pédagogue et l'enseignant. L'enseignant est quelqu'un qui fait ce qu'il peut, dans des conditions pas toujours faciles, pour instruire des enfants ou de jeunes adultes, afin de leur transmettre des connaissances, des habitudes de travail et de pensée qui sont les siennes, et auxquelles il a un peu réfléchi. Le pédagogue est un monsieur emporté par une sorte de folie, la pédagogie. Il hache, il découpe les éléments vitaux d'un savoir dont il se moque éperdument, mais qui lui sert de prétexte à des numéros personnels qui sont destinés, au fond, à le mettre lui même en valeur. Autrement dit, le pédagogue est un enseignant malade. L'ennui, c'est que les traités de pédagogie dont il se nourrit, au contraire des traités sur la peste ou la syphilis, ne sont pas faits pour essayer de le guérir, mais pour envenimer sa maladie. Parce qu'ils sont conçus par des pédagogues. C'est un peu comme si les traités de psychiatrie étaient écrits par les pensionnaires des asiles d'aliénés."
Claude DUNETON, À hurler le soir au fond des collèges (1983)
Claude DUNETON, À hurler le soir au fond des collèges (1983)
- roxanneOracle
Si j'osais, je le mettrais en sdp.Mais, les personnes concernées ne se reconnaîtraient pas et d'ailleurs ne le liraient pas, trop occupées à nous pondre des nouveaux Projets et à le faire savoir.
Je parle du texte de Cripure.
Je parle du texte de Cripure.
- DaphnéDemi-dieu
roxanne a écrit:Si j'osais, je le mettrais en sdp.Mais, les personnes concernées ne se reconnaîtraient pas et d'ailleurs ne le liraient pas, trop occupées à nous pondre des nouveaux Projets et à le faire savoir.
Je parle du texte de Cripure.
Il est excellent
- IgniatiusGuide spirituel
J'adore le point de vue de Feynman, notamment quand il pointe le pb majeur des sciences de l'éducation : l'honnêteté intellectuelle.
L'intérêt de la reproductibilité a en effet été mise en cause ici par quelques-uns des pédagos qui sont intervenus sur le forum (je pense notamment à une prof d'HG...) et nous avons été nombreux à pointer les ravages de l'idéologie : ces gens-là connaissent les résultats de leurs expériences avant de les avoir menées au bout.
Il n'est qu'à voir les certitudes incroyables de collègues qui n'ont pas 40 ans, n'ont encore rien prouvé quant à leur efficacité fantasmée, et se permettent de dire à chacun comment enseigner.
L'intérêt de la reproductibilité a en effet été mise en cause ici par quelques-uns des pédagos qui sont intervenus sur le forum (je pense notamment à une prof d'HG...) et nous avons été nombreux à pointer les ravages de l'idéologie : ces gens-là connaissent les résultats de leurs expériences avant de les avoir menées au bout.
Il n'est qu'à voir les certitudes incroyables de collègues qui n'ont pas 40 ans, n'ont encore rien prouvé quant à leur efficacité fantasmée, et se permettent de dire à chacun comment enseigner.
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"Celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui perd sa passion."
St Augustin
"God only knows what I'd be without you"
Brian Wilson
- LefterisEsprit sacré
J'ai la même opinion de la pédagogie et de ses "recettes", qui ressemblent en effet à des danses pour faire tomber la pluie. D'ailleurs, j'ai essayé , pour ne pas me montrer hostile par principe, puisque j'ai fait l'IUFM fort tard par rapport à d'autres. Ca ressemblait à un coup de dés : ça peut marcher, mais c'est une pure coïncidence, la plupart du temps c'est facteur d'échec, de bruit dans la classe. Et ce que j'ai le plus remarqué très vite, c'est chronophage, ça disperse l'attention.Igniatius a écrit:J'adore le point de vue de Feynman, notamment quand il pointe le pb majeur des sciences de l'éducation : l'honnêteté intellectuelle.
L'intérêt de la reproductibilité a en effet été mise en cause ici par quelques-uns des pédagos qui sont intervenus sur le forum (je pense notamment à une prof d'HG...) et nous avons été nombreux à pointer les ravages de l'idéologie : ces gens-là connaissent les résultats de leurs expériences avant de les avoir menées au bout.
Il n'est qu'à voir les certitudes incroyables de collègues qui n'ont pas 40 ans, n'ont encore rien prouvé quant à leur efficacité fantasmée, et se permettent de dire à chacun comment enseigner.
Cela étant, je n'ai pas une vision aussi pessimiste de mes collègues : il y en a bien sûr qui ne jurent que par les foutaises, les " projets", les TICE , mais la plupart aiment le calme, la trace écrite bien formulée, la mémorisation, la réflexion, et beaucoup vomissent les noms de Meirieu et des ses apôtres. J'ai vu aussi des stagiaires qui ne comprennent pas qu'on empêche d'enseigner. C'est leur matière qui les amenés là, il ne voient pas pourquoi il faut faire de l'extra-pro en permanence. Même les EAP sont parfois comme ça.
Ce qui est bien plus inquiétant, c'est que les idéologues semble complètement barricadés dans leurs certitudes, comme je l'ai constaté en formation, au motif que certains qui grenouillent autour d'eux semblent adhérer ou adhèrent à certains dogmes. Florilège :
" les jeunes sont moins attachés la transmission, il viennent pour faire de l'éducatif".
" le fait de faire 35 heures dans l'établissement ne les gênera pas, ils sont déjà dans cet état d'esprit"
" faire des tâches annexes ne sera pas considéré comme de l'extra pro par eux".
Donc on construit ( façon de parler.. ) dans la moquette des cabinets le futur sur des dogmes faux en considérant qu'ils sont nécessairement vrais . Or, avec ce que je vois autour de moi, c'est plutôt l'inverse, hormis quelques uns prêts à tout gober. Pour la plupart, c'est vider le métier de son sens, en y ajoutant l'inconfort de situations désagréables (faire de la présence pour faire des tâches sans intérêt).
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- ParatgeNeoprof expérimenté
Igniatius a écrit:J'adore le point de vue de Feynman, notamment quand il pointe le pb majeur des sciences de l'éducation : l'honnêteté intellectuelle.
L'intérêt de la reproductibilité a en effet été mise en cause ici par quelques-uns des pédagos qui sont intervenus sur le forum (je pense notamment à une prof d'HG...) et nous avons été nombreux à pointer les ravages de l'idéologie : ces gens-là connaissent les résultats de leurs expériences avant de les avoir menées au bout.
Il n'est qu'à voir les certitudes incroyables de collègues qui n'ont pas 40 ans, n'ont encore rien prouvé quant à leur efficacité fantasmée, et se permettent de dire à chacun comment enseigner.
C'est justement parce que ça ne marche pas qu'il faut appliquer le constructivisme !
Le constructivisme est à la pédagogie ce que l'imposition des mains est à la médecine moderne. Ça permet aussi de faire le beau, de prendre cette posture insupportable du Vrai Croyant qui « sait », qui est dans le camp du Bien, qui aime les « gamins » comme y disent.
J'ai heureusement fait d'autres choses avant d'enseigner et c'est peu dire que j'ai détesté les peu regrettés IUFM...
- LefterisEsprit sacré
Exactement ça , il faut prier encore plus fort pour que ça marche: credo quia absurdum .Paratge a écrit:
C'est justement parce que ça ne marche pas qu'il faut appliquer le constructivisme !
Le constructivisme est à la pédagogie ce que l'imposition des mains est à la médecine moderne. Ça permet aussi de faire le beau, de prendre cette posture insupportable du Vrai Croyant qui « sait », qui est dans le camp du Bien, qui aime les « gamins » comme y disent.
J'ai heureusement fait d'autres choses avant d'enseigner et c'est peu dire que j'ai détesté les peu regrettés IUFM...
Même expérience des IUFM après avoir fait autre chose, et donc encore plus difficile à formater. Pire, connaissant assez bien le système du monde du travail , des faux semblants, du mal que l'on fait parce qu'on en retire un avantage personnel, j'en suis arrivé à un profond mépris pour des gens qui à mon avis ne peuvent pas ignorer le charlatanisme de tout ça mais continuent à le professer parce que la soupe est bonne. Tartuffe en mode clonage.
Il doit bien y avoir quelques illuminés pour y croire, mais à mon avis très peu. Quand on est un ancien bûcheur , qu'on a été en compétition dans des concours, on ne peut pas dire sérieusement que les savoirs ne sont rien, qu'ils se construisent de toute manière tout seul, que mémoriser ne sert à rien, et autre balivernes. Entendre des professeurs de lettres, parfois agrégés en plus, affirmer avec le plus grand sérieux que la grammaire s'apprend par "infusion" " immersion" sans l'étudier, que "tout est déjà connu" demande quand même une bonne dose de bienveillance quant à la bonne foi de la part de l'auditeur.
A mon avis, ils sont tels les haruspices à Rome, qui ne pouvaient se croiser sans pouffer de rire, selon l'aphorisme célèbre.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- ParatgeNeoprof expérimenté
Lefteris a écrit:
Même expérience des IUFM après avoir fait autre chose, et donc encore plus difficile à formater. Pire, connaissant assez bien le système du monde du travail, des faux semblants, du mal que l'on fait parce qu'on en retire un avantage personnel, j'en suis arrivé à un profond mépris pour des gens qui à mon avis ne peuvent pas ignorer le charlatanisme de tout ça mais continuent à le professer parce que la soupe est bonne. Tartuffe en mode clonage.
Il doit bien y avoir quelques illuminés pour y croire, mais à mon avis très peu. Quand on est un ancien bûcheur , qu'on a été en compétition dans des concours, on ne peut pas dire sérieusement que les savoirs ne sont rien, qu'ils se construisent de toute manière tout seul, que mémoriser ne sert à rien, et autre balivernes.
A mon avis, ils sont tels les haruspices à Rome, qui ne pouvaient se croiser sans pouffer de rire, selon le dicton.
Je suis bien d'accord !
Je ne crois pas que quelqu'un d'honnête puisse, sans pouvoir s'empêcher éclater de rire, parler par exemple de « leviers » ou de « communauté éducative » ou de « construction du savoir » et autres khonneries.
J'ai même été un temps dans l'armée et je trouve que l'Éducnat' est pire par certains côtés : c'est une armée qui serait dirigée par des déserteurs et des pacifistes. Et ils détruisent consciencieusement la maison qu'ils devraient défendre avec une ferveur religieuse inquiétante.
- LefterisEsprit sacré
Moi aussi, avant ma première carrière, j'ai été quelque temps dans l'armée, sous contrat (à l'âge où d'autres sont en classe prépa je faisais une prépa d'un genre différent , à bord d'un Nord-Atlas ...) et je trouve même avec le recul que l'armée -non exempte de défauts dans son organisation- avait au moins le mérite d'entretenir des rapports clairs sur tout. On ne se tape pas sur le ventre si l'on n'est pas copains, les rapports sont beaucoup moins hypocrites , notamment les relations hiérarchiques , qui du même coup passent moins par le coup-fourré fait en douce. Et dans une compagnie, tout le monde mouille la chemise, chefs compris. On ne peut pas faire semblant de marcher, de retrouver son chemin à la carte, de tenir éveillé... Dans certains endroits de l'EN que je ne nommerai pas on peut faire semblant de savoir quelque chose, de travailler réellement, d'être sympa trop cool , de vouloir l'intérédézélèves et se construire ainsi un bon petit fromage.Paratge a écrit:Lefteris a écrit:
Même expérience des IUFM après avoir fait autre chose, et donc encore plus difficile à formater. Pire, connaissant assez bien le système du monde du travail, des faux semblants, du mal que l'on fait parce qu'on en retire un avantage personnel, j'en suis arrivé à un profond mépris pour des gens qui à mon avis ne peuvent pas ignorer le charlatanisme de tout ça mais continuent à le professer parce que la soupe est bonne. Tartuffe en mode clonage.
Il doit bien y avoir quelques illuminés pour y croire, mais à mon avis très peu. Quand on est un ancien bûcheur , qu'on a été en compétition dans des concours, on ne peut pas dire sérieusement que les savoirs ne sont rien, qu'ils se construisent de toute manière tout seul, que mémoriser ne sert à rien, et autre balivernes.
A mon avis, ils sont tels les haruspices à Rome, qui ne pouvaient se croiser sans pouffer de rire, selon le dicton.
Je suis bien d'accord !
Je ne crois pas que quelqu'un d'honnête puisse, sans pouvoir s'empêcher éclater de rire, parler par exemple de « leviers » ou de « communauté éducative » ou de « construction du savoir » et autres khonneries.
J'ai même été un temps dans l'armée et je trouve que l'Éducnat' est pire par certains côtés : c'est une armée qui serait dirigée par des déserteurs et des pacifistes. Et ils détruisent consciencieusement la maison qu'ils devraient défendre avec une ferveur religieuse inquiétante.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- ParatgeNeoprof expérimenté
Lefteris a écrit:
Moi aussi, avant ma première carrière, j'ai été quelque dans l'armée (à l'âge où d'autres sont en classe prépa je faisais une prépa d'un genre différent, à bord d'un Nord-Atlas ...) et je trouve même avec le recul que l'armée - non exempte de défauts dans son organisation - avait au moins le mérite d'entretenir des rapports clairs sur tout. On ne se tape pas sur le ventre si l'on n'est pas copains, les rapports sont beaucoup moins hypocrites, notamment les relations hiérarchiques, qui du même coup passent moins par le coup-fourré fait en douce. Et dans une compagnie, tout le monde mouille la chemise, chefs compris. On ne peut pas faire semblant de marcher, de retrouver son chemin à la carte, de tenir éveillé... Dans certains endroits de l'EN que je ne nommerai pas on peut faire semblant de savoir quelque chose, de travailler réellement, d'être sympa trop cool, de vouloir l'intérédézélèves et se construire ainsi un bon petit fromage.
Le faire-semblant devrait être rajouté à la liste des capacités et compétences requises pour faire partie de la maison.
C'est vrai qu'on n'arrête pas de faire semblant, de pratiquer la langue de bois à grande échelle : certains élèves ont du « potentiel », d'autres ont des « difficultés », « Kevin devrait faire preuve de plus de maturité », etc.
J'en suis arrivé à dire à l'IPR qu'il arrête de me dire « cher collègue », comme le font aussi les CDE, car je n'étais pas inspecteur et que lui n'était pas professeur.
Et j'ai rajouté que je n'avais aucune confiance en lui. D'ailleurs on devrait porter ses galons et ses insignes, on saurait qui est qui, par exemple SGEN en gros sur la chemise et on sait où on va !
Et non, je ne passe pas au grand choix.
- ParatgeNeoprof expérimenté
Extrait de la terminologie de l'enseignement de Hirsch :
http://ecolereferences.blogspot.fr/2011/07/normal-0-21-false-false-false.html
« La recherche a montré »
Expression employée pour précéder et étayer des prétentions pédagogiques. Elle est souvent utilisée sélectivement, même quand la recherche prédominante ou la plus fiable ne le confirme pas, comme dans l’affirmation : « La recherche a montré que les enfants apprennent mieux avec les méthodes de la main à la pâte. »
La recherche pédagogique varie énormément en qualité et en fiabilité. Certaines recherches sont peu sûres car la taille de leurs échantillons tend à être petite et car un grand nombre de variables significatives (sociales, historiques, culturelles et personnelles) ne peuvent être contrôlées.
Si un article décrit une stratégie « qui réussit », telle que construire un village de pionnier avec des bâtons de sucettes au lieu de lire plutôt des choses à propos des pionniers, le succès ne pourra pas être pleinement documenté et l’idée que la méthode marchera pour tous les élèves et toutes les classes est une simple supposition.
Il y a de fortes limites éthiques sur le degré jusqu’où les variables de la recherche peuvent ou devraient être contrôlées quand les sujets de la recherche sont des enfants.
Beaucoup de constatations de la recherche pédagogique sont hautement contradictoires.
La plus grande confiance peut être placée dans les revues de référence dans les disciplines dominantes. (Une revue de référence est une revue dont les articles ont été vérifiés par des scientifiques ou des personnes de référence respectés dans une spécialité donnée).
Vient ensuite en degré de fiabilité la recherche qui apparaît dans les plus prestigieuses revues pédagogiques de référence.
Très peu de confiance peut être placée dans la recherche publiée dans des revues moins prestigieuses et dans des publications non vérifiées.
Le type le plus fiable de recherche pédagogique (comme en médecine) tend à être la « recherche épidémiologique », c’est-à-dire des études sur des effets définitivement observables trouvés dans de grandes populations de sujets sur des périodes de temps considérables. La taille de l’échantillon et la durée de telles études à grande échelle aident à éliminer les influences trompeuses des variables non contrôlées.
Un degré supplémentaire de confiance peut être placé dans la recherche pédagogique si elle est cohérente avec des résultats bien acceptés dans des disciplines voisines comme la psychologie et la sociologie. La recherche pédagogique qui contredit de tels résultats de la recherche dominante est à traiter avec un scepticisme tout particulier.
Moralité : ce qui est imprimé ne confère pas une autorité fiable à une prétention pédagogique. Dans le doute, demandez des références spécifiques et vérifiez-les. Beaucoup de prétentions s’évaporent sous un examen minutieux.
http://ecolereferences.blogspot.fr/2011/07/normal-0-21-false-false-false.html
« La recherche a montré »
Expression employée pour précéder et étayer des prétentions pédagogiques. Elle est souvent utilisée sélectivement, même quand la recherche prédominante ou la plus fiable ne le confirme pas, comme dans l’affirmation : « La recherche a montré que les enfants apprennent mieux avec les méthodes de la main à la pâte. »
La recherche pédagogique varie énormément en qualité et en fiabilité. Certaines recherches sont peu sûres car la taille de leurs échantillons tend à être petite et car un grand nombre de variables significatives (sociales, historiques, culturelles et personnelles) ne peuvent être contrôlées.
Si un article décrit une stratégie « qui réussit », telle que construire un village de pionnier avec des bâtons de sucettes au lieu de lire plutôt des choses à propos des pionniers, le succès ne pourra pas être pleinement documenté et l’idée que la méthode marchera pour tous les élèves et toutes les classes est une simple supposition.
Il y a de fortes limites éthiques sur le degré jusqu’où les variables de la recherche peuvent ou devraient être contrôlées quand les sujets de la recherche sont des enfants.
Beaucoup de constatations de la recherche pédagogique sont hautement contradictoires.
La plus grande confiance peut être placée dans les revues de référence dans les disciplines dominantes. (Une revue de référence est une revue dont les articles ont été vérifiés par des scientifiques ou des personnes de référence respectés dans une spécialité donnée).
Vient ensuite en degré de fiabilité la recherche qui apparaît dans les plus prestigieuses revues pédagogiques de référence.
Très peu de confiance peut être placée dans la recherche publiée dans des revues moins prestigieuses et dans des publications non vérifiées.
Le type le plus fiable de recherche pédagogique (comme en médecine) tend à être la « recherche épidémiologique », c’est-à-dire des études sur des effets définitivement observables trouvés dans de grandes populations de sujets sur des périodes de temps considérables. La taille de l’échantillon et la durée de telles études à grande échelle aident à éliminer les influences trompeuses des variables non contrôlées.
Un degré supplémentaire de confiance peut être placé dans la recherche pédagogique si elle est cohérente avec des résultats bien acceptés dans des disciplines voisines comme la psychologie et la sociologie. La recherche pédagogique qui contredit de tels résultats de la recherche dominante est à traiter avec un scepticisme tout particulier.
Moralité : ce qui est imprimé ne confère pas une autorité fiable à une prétention pédagogique. Dans le doute, demandez des références spécifiques et vérifiez-les. Beaucoup de prétentions s’évaporent sous un examen minutieux.
- philannDoyen
Paratge
D'ailleurs, question bête...Mais y a-t-il des chercheurs en Sc. Educ à la mode qui réussiraient à placer des articles dans des revues scient. hors de France...?? (vraie question parce que ma dir de thèse allemande est en sc. de l'éduc. ...et que je ne l'ai JAMAIS entendu parler de recherches françaises...)
Cette phrase me donne des envies de meurtre!!! Surtout que quelqu'un faisant de la recherche en SHS est bien payé (enfin non mal plutôt mais ce n'est pas le sujet) pour savoir que peu de choses sont définitivement montrées et établies...
T'abuse un peu quand même...rien n'est plus reconnaissable qu'un membre du SGEN! :cBon hevalier:
D'ailleurs, question bête...Mais y a-t-il des chercheurs en Sc. Educ à la mode qui réussiraient à placer des articles dans des revues scient. hors de France...?? (vraie question parce que ma dir de thèse allemande est en sc. de l'éduc. ...et que je ne l'ai JAMAIS entendu parler de recherches françaises...)
- Spoiler:
- Bon d'accord je lui ai aussi dit que je n'aurais jamais eu une dir. de thèse venant d'une telle discipline en France...ça n'a pas dû aider...
« La recherche a montré »
Cette phrase me donne des envies de meurtre!!! Surtout que quelqu'un faisant de la recherche en SHS est bien payé (enfin non mal plutôt mais ce n'est pas le sujet) pour savoir que peu de choses sont définitivement montrées et établies...
D'ailleurs on devrait porter ses galons et ses insignes, on saurait qui est qui, par exemple SGEN en gros sur la chemise et on sait où on va !
T'abuse un peu quand même...rien n'est plus reconnaissable qu'un membre du SGEN! :cBon hevalier:
- ParatgeNeoprof expérimenté
« T'abuse un peu quand même...rien n'est plus reconnaissable qu'un membre du SGEN ! »
Oui, l'exemple est mal choisi !
Quant aux prétendus chercheurs, Michel Delord me disait que beaucoup s'étaient traduire les livres des pédagogistes américains (souvent grâce à leurs épouses anglicistes) sans le dire afin de pouvoir faire croire qu'ils innovaient, ou le copié-collé avant l'heure !
Par exemple, la marotte du grand Meirieu himself, à savoir faire travailler en groupes pour que chaque groupe fasse un compte-rendu à un autre groupe, tout ça vient d'un Américain dont j'ai oublié le nom.
Oui, l'exemple est mal choisi !
Quant aux prétendus chercheurs, Michel Delord me disait que beaucoup s'étaient traduire les livres des pédagogistes américains (souvent grâce à leurs épouses anglicistes) sans le dire afin de pouvoir faire croire qu'ils innovaient, ou le copié-collé avant l'heure !
Par exemple, la marotte du grand Meirieu himself, à savoir faire travailler en groupes pour que chaque groupe fasse un compte-rendu à un autre groupe, tout ça vient d'un Américain dont j'ai oublié le nom.
- philannDoyen
Paratge a écrit:« T'abuse un peu quand même...rien n'est plus reconnaissable qu'un membre du SGEN ! »
Oui, l'exemple est mal choisi !
Quant aux prétendus chercheurs, Michel Delord me disait que beaucoup s'étaient traduire les livres des pédagogistes américains (souvent grâce à leurs épouses anglicistes) sans le dire afin de pouvoir faire croire qu'ils innovaient, ou le copié-collé avant l'heure !
Par exemple, la marotte du grand Meirieu himself, à savoir faire travailler en groupes pour que chaque groupe fasse un compte-rendu à un autre groupe, tout ça vient d'un Américain dont j'ai oublié le nom.
Oui mais là tu réponds sans répondre!!
Ils repiquent aux autres et ne font preuve d'aucune véritable originalité d'accord! MAIS réussissent ils comme les "bons" plagiaires à refourguer la camelote à l'étranger en faisant croire que cela vient d'eux..???
- OlympiasProphète
Cripure a écrit:"Je fais une distinction claire entre le pédagogue et l'enseignant. L'enseignant est quelqu'un qui fait ce qu'il peut, dans des conditions pas toujours faciles, pour instruire des enfants ou de jeunes adultes, afin de leur transmettre des connaissances, des habitudes de travail et de pensée qui sont les siennes, et auxquelles il a un peu réfléchi. Le pédagogue est un monsieur emporté par une sorte de folie, la pédagogie. Il hache, il découpe les éléments vitaux d'un savoir dont il se moque éperdument, mais qui lui sert de prétexte à des numéros personnels qui sont destinés, au fond, à le mettre lui même en valeur. Autrement dit, le pédagogue est un enseignant malade. L'ennui, c'est que les traités de pédagogie dont il se nourrit, au contraire des traités sur la peste ou la syphilis, ne sont pas faits pour essayer de le guérir, mais pour envenimer sa maladie. Parce qu'ils sont conçus par des pédagogues. C'est un peu comme si les traités de psychiatrie étaient écrits par les pensionnaires des asiles d'aliénés."
Claude DUNETON, À hurler le soir au fond des collèges (1983)
La pédagogogie, :boulet:
:faim: de savoir, du vrai !!!
Je plussoie bien tardivement, mais...deux jours sans Néo, la crise de manque arrive !!
- AnaxagoreGuide spirituel
Je trouve les textes de Feynman et de Duneton intéressants.
Cependant je trouve que c'est une raison supplémentaire pour ne pas laisser la pédagogie aux pédagogues auto-proclamés, rappeler que la pédagogie c'est pour enseigner quelque chose et rappeler la centralité des contenus.
En ce qui concerne une hypothétique théorie "scientifique" générale en matière d'éducation, je cite les réflexions sur l'éducation de Kant tous les deux messages, mais je trouve vraiment que c'est d'actualité.
Philonenko résume cela ainsi:
"Beaucoup de bon sens aussi, car Kant a bien vu l'immense abîme qui sépare la théorie de la pratique dans le domaine de la pédagogie et les Réflexions sur l'Education nous montrerons un esprit moins préoccupé d'établir un "système" de l'éducation a priori que d'unir les leçons de l'expérience et les projets de la raison."
"De tous les grands esprits qui s'appliquèrent à la pédagogie, c'est lui qui, paradoxalement sait le mieux rejoindre le concret. Tout devrait l'en empêcher et surtout son système, dira-t-on qui est le plus grand de tous ceux que l'histoire nous propose. On est surpris de voir comment les vues métaphysiques de Kant ne l'empêchent jamais de proposer en pédagogie des solutions équilibrées, de bon sens, en un mot mesurées. Lui qui dispose d'un système étonnant, "propre à résoudre toutes les équations", a la sagesse de nous avertir qu'en pédagogie "tout revient à l'expérience". Loin de le conduire à proposer des vues abstraites, son système le conduit au contraire à serrer la réalité, à tenir compte de ce qui est possible et de ce qui ne l'est pas. La métaphysique de Kant intervient dans la pédagogie à tout moment-non pour nous égarer dans l'abstrait, mais pour nous ramener au concret. Dans les Réflexions sur l'Education la pensée et l'expérience se nouent, s'éclairant et se guidant mutuellement, et l'on peut dire que la pédagogie de Kant, œuvre d'homme, de pédagogue, de précepteur et de philosophe demeure actuelle comme la philosophie critique."
"Il est entièrement erroné et vain de vouloir expliquer l'empirisme pédagogique de Kant-empirisme au demeurant nuancé, comme nous le verrons-en tentant de rattacher les Réflexions sur l'éducation à ce que l'on est convenu d'appeler la période précritique.
Seule par conséquent une profonde raison métaphysique peut justifier l'empirisme pédagogique kantien. Et cette raison évidente, passionnante aussi, est la liberté humaine. Dire que l'homme est libre, c'est dire qu'il ne peut comme les choses être un objet de science, ou plus exactement de connaissance. Il n'y a véritablement de connaissance possible que si la connaissance, procurée par l'expérience, est prédéterminée par une connaissance de l'essence de l'objet. Cette connaissance de l'essence de l'objet, ou si l'on préfère de ses conditions de possibilité, est une connaissance a priori, susceptible de nécessité et d'universalité. Les choses, par exemple la réalité physique, peuvent être connues parce qu'elles possèdent une essence que l'entendement peut saisir a priori. Et la célèbre Révolution copernicienne consiste à montrer que la connaissance de l'essence des choses se fonde dans la subjectivité transcendentale-c'est ainsi que dans la Critique de la Raison pure, l'Analytique des Principes développe les structures fondamentales de l'essence de toute réalité physique et prouvent comment celles-ci coïncident avec les principes de l'entendement pur. Mais dire qu'un être est libre, c'est dire qu'il n'a pas d'essence qui détermine son existence et c'est pourquoi lorsque surgit la liberté, lorsqu'il s'agit de l'homme, être dont aucune essence ne détermine nécessairement l'existence, la Révolution copernicienne découvre sa frontière absolue:"Les planètes écrit Kant, vues de la terre, tantôt vont en arrière, tantôt s'arrêtent et tantôt vont en avant. Mais si le point de vue est pris du Soleil, ce que la raison seule peut faire, elles suivent selon l'hypothèse de Copernic régulièrement leur cours...Mais...nous ne pouvons nous placer à ce point de vue quand il s'agit de la prévision d'actions libres. Car ce serait le point de vue de la providence". Si l'éducation devait être une science au sens fort de ce terme, c'est-à-dire une connaissance indépendante de l'expérience dans la mesure où elle possèderait comme fondement un savoir de l'essence de son objet, il faudrait ou bien que l'homme ne soit pas libre et ressemble aux choses dont l'essence détermine a priori l'existence, ou bien que la raison puisse s'élever jusqu'à ce savoir absolu qui n'appartient qu'à Dieu et qui seul peut constituer la connaissance des êtres libres (c'est à dire sans essence qui les détermine). Telle est la profonde raison métaphysique qui conduit Kant à concevoir l'éducation comme un art, non comme une connaissance, et à la lier résolument à l'expérience."
Cependant je trouve que c'est une raison supplémentaire pour ne pas laisser la pédagogie aux pédagogues auto-proclamés, rappeler que la pédagogie c'est pour enseigner quelque chose et rappeler la centralité des contenus.
En ce qui concerne une hypothétique théorie "scientifique" générale en matière d'éducation, je cite les réflexions sur l'éducation de Kant tous les deux messages, mais je trouve vraiment que c'est d'actualité.
Philonenko résume cela ainsi:
"Beaucoup de bon sens aussi, car Kant a bien vu l'immense abîme qui sépare la théorie de la pratique dans le domaine de la pédagogie et les Réflexions sur l'Education nous montrerons un esprit moins préoccupé d'établir un "système" de l'éducation a priori que d'unir les leçons de l'expérience et les projets de la raison."
"De tous les grands esprits qui s'appliquèrent à la pédagogie, c'est lui qui, paradoxalement sait le mieux rejoindre le concret. Tout devrait l'en empêcher et surtout son système, dira-t-on qui est le plus grand de tous ceux que l'histoire nous propose. On est surpris de voir comment les vues métaphysiques de Kant ne l'empêchent jamais de proposer en pédagogie des solutions équilibrées, de bon sens, en un mot mesurées. Lui qui dispose d'un système étonnant, "propre à résoudre toutes les équations", a la sagesse de nous avertir qu'en pédagogie "tout revient à l'expérience". Loin de le conduire à proposer des vues abstraites, son système le conduit au contraire à serrer la réalité, à tenir compte de ce qui est possible et de ce qui ne l'est pas. La métaphysique de Kant intervient dans la pédagogie à tout moment-non pour nous égarer dans l'abstrait, mais pour nous ramener au concret. Dans les Réflexions sur l'Education la pensée et l'expérience se nouent, s'éclairant et se guidant mutuellement, et l'on peut dire que la pédagogie de Kant, œuvre d'homme, de pédagogue, de précepteur et de philosophe demeure actuelle comme la philosophie critique."
"Il est entièrement erroné et vain de vouloir expliquer l'empirisme pédagogique de Kant-empirisme au demeurant nuancé, comme nous le verrons-en tentant de rattacher les Réflexions sur l'éducation à ce que l'on est convenu d'appeler la période précritique.
Seule par conséquent une profonde raison métaphysique peut justifier l'empirisme pédagogique kantien. Et cette raison évidente, passionnante aussi, est la liberté humaine. Dire que l'homme est libre, c'est dire qu'il ne peut comme les choses être un objet de science, ou plus exactement de connaissance. Il n'y a véritablement de connaissance possible que si la connaissance, procurée par l'expérience, est prédéterminée par une connaissance de l'essence de l'objet. Cette connaissance de l'essence de l'objet, ou si l'on préfère de ses conditions de possibilité, est une connaissance a priori, susceptible de nécessité et d'universalité. Les choses, par exemple la réalité physique, peuvent être connues parce qu'elles possèdent une essence que l'entendement peut saisir a priori. Et la célèbre Révolution copernicienne consiste à montrer que la connaissance de l'essence des choses se fonde dans la subjectivité transcendentale-c'est ainsi que dans la Critique de la Raison pure, l'Analytique des Principes développe les structures fondamentales de l'essence de toute réalité physique et prouvent comment celles-ci coïncident avec les principes de l'entendement pur. Mais dire qu'un être est libre, c'est dire qu'il n'a pas d'essence qui détermine son existence et c'est pourquoi lorsque surgit la liberté, lorsqu'il s'agit de l'homme, être dont aucune essence ne détermine nécessairement l'existence, la Révolution copernicienne découvre sa frontière absolue:"Les planètes écrit Kant, vues de la terre, tantôt vont en arrière, tantôt s'arrêtent et tantôt vont en avant. Mais si le point de vue est pris du Soleil, ce que la raison seule peut faire, elles suivent selon l'hypothèse de Copernic régulièrement leur cours...Mais...nous ne pouvons nous placer à ce point de vue quand il s'agit de la prévision d'actions libres. Car ce serait le point de vue de la providence". Si l'éducation devait être une science au sens fort de ce terme, c'est-à-dire une connaissance indépendante de l'expérience dans la mesure où elle possèderait comme fondement un savoir de l'essence de son objet, il faudrait ou bien que l'homme ne soit pas libre et ressemble aux choses dont l'essence détermine a priori l'existence, ou bien que la raison puisse s'élever jusqu'à ce savoir absolu qui n'appartient qu'à Dieu et qui seul peut constituer la connaissance des êtres libres (c'est à dire sans essence qui les détermine). Telle est la profonde raison métaphysique qui conduit Kant à concevoir l'éducation comme un art, non comme une connaissance, et à la lier résolument à l'expérience."
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"De même que notre esprit devient plus fort grâce à la communication avec les esprits vigoureux et raisonnables, de même on ne peut pas dire combien il s'abâtardit par le commerce continuel et la fréquentation que nous avons des esprits bas et maladifs." Montaigne
"Woland fit un signe de la main, et Jérusalem s'éteignit."
"On déclame contre les passions sans songer que c'est à leur flambeau que la philosophie allume le sien." Sade
- User5899Demi-dieu
Pas du tout, voyons. Tout le monde sait que l'agrégation se prépare en buvant des infusionsLefteris a écrit:Entendre des professeurs de lettres, parfois agrégés en plus, affirmer avec le plus grand sérieux que la grammaire s'apprend par "infusion" " immersion" sans l'étudier, que "tout est déjà connu" demande quand même une bonne dose de bienveillance quant à la bonne foi de la part de l'auditeur.
A mon avis, ils sont tels les haruspices à Rome, qui ne pouvaient se croiser sans pouffer de rire, selon l'aphorisme célèbre.
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