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Robin
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Respecter autrui, est-ce l'accepter tel qu'il est ? (éléments de réflexion) Empty Respecter autrui, est-ce l'accepter tel qu'il est ? (éléments de réflexion)

par Robin Ven 12 Avr 2013 - 20:31
Le mot "autrui n'appartient pas au vocabulaire courant, mais au registre soutenu. Il s'agit d'un mot savant, relevant de la psychologie, de Droit, de la morale ("ne fais pas à autrui...") ou de la philosophie ; le mot "autrui" est formé sur le datif ("alteri") du mot latin "alter" (autre).

Autrui, c'est la prochain par rapport à moi, "l'autre homme" (cf. Emmanuel Levinas, L'humanisme de l'autre homme ). Cependant, l’altérite ne suffit pas à caractériser autrui. Car s'il est autre que moi, autrui est aussi et en même temps mon semblable. Autrui est un alter ego, un autre moi-même.

Le respect est un sentiment qui porte à traiter quelqu'un ou quelque chose avec égard, à ne pas lui porter atteinte. Respecter autrui est-ce l'accepter tel qu'il est ? Nous verrons que le respect est une attitude morale essentielle, sans laquelle la vie en société serait intolérable. Toutefois, respecter autrui, est-ce l'accepter inconditionnellement tel qu'il est ? En d'autres termes le respect se confond-il avec la simple tolérance ?

I/ Respecter autrui = l'accepter "tel qu'il est" :

La différence est inscrite au cœur du monde. Elle permet la relation, mais elle peut aussi la fausser. La différence fait peur, l'hétérophobie est la peur de l'autre parce qu'il est autre (cf. Montesquieu, Lettres persanes : "Comment peut-on être persan ?"). Pour le raciste, l'antisémite, l'homophobe, l'autre est un étranger intégral qui, à la limite, n'appartient pas à l'espèce humaine. Le raciste est incapable de voir l'identité sous la différence.

Le respect d'autrui est un devoir : je dois accepter l'autre en tant qu'autre. "Je dois" implique la notion de devoir et la nécessité de lutter contre une tendance (une tentation) à le rejeter, à le détruire, à le tuer. Emmanuel Levinas a montré que le visage, trace de l'infini dans le fini par lequel "Dieu vient à l'idée" symbolisait par sa nudité la vulnérabilité d'autrui, le pouvoir que j'ai de le blesser et faisait signe vers le commandement venu d'ailleurs : "Tu ne tueras point !". Pour Levinas non seulement je dois le respect à autrui, mais je suis responsable de lui et je dois le faire passer après moi. Les règles de politesse ("Après vous Monsieur, je vous en prie, veuillez m'excuser...") témoigne de ce souci d'autrui sans lequel il n'est pas de relation possible entre les hommes.

Le dialogue est fondé sur le respect. On ne peut pas dialoguer avec autrui sans le respecter. Le "dialogue" entre Socrate et Calliclès dans le Gorgias tourne court parce que Calliclès méprise Socrate. Il ne peut donc pas "entendre" ses arguments.

2/ Les limites du respect :

Respecter autrui, est-ce toujours, forcément et dans toutes les circonstances, s'interdire de le juger ? L'amitié, par exemple, consiste-t-elle à accepter chez autrui (son ami) ce que l'on ne tolère pas chez soi ? Doit-on accepter, par exemple, le mensonge, le vol, le crime, la trahison chez autrui ?

On doit se garder de condamner, mais on ne peut pas ne pas juger car il y a des comportements critiquables, aussi bien sur le plan individuel que sur le plan collectif. Le relativisme culturel conduit à tout accepter, même les pratiques les plus "barbares", au nom du respect inconditionnel des autres cultures (l'esclavage, l'anthropophagie, l'excision,, le mépris de le femme, le voile intégral, etc.). Ne ruine-t-on pas ainsi la possibilité d'une morale, d'un Droit universel (les Droits de l'Homme) ?

Il faut distinguer entre le jugement, l'exercice du discernement et la condamnation. Condamner, c'est enfermer l'autre dans une culpabilité irrémédiable, le réduire à une essence : "Tu es un voleur." (cf. les analyses de J.- P. Sartre dans saint Genet, comédien et martyre)... Tout autre est le discernement qui intègre la dimension du temps : "Tu n'est pas ce que tu as fait. Tu vaux mieux que cela."

Pardonner, c'est refuser d'enfermer l'autre (ou soi-même) dans son passé, c'est ménager l'avenir. Le pardon suppose la croyance dans la liberté humaine : je ne suis pas une somme des déterminismes sociaux, familiaux, psychologiques, une "totalité" close.

Pour Hegel, le jugement et le châtiment (pourvu qu'il soit proportionné à la faute) est paradoxalement un signe de respect. Refuser de juger autrui, c'est considérer autrui comme irresponsable (de "respondere" = répondre, incapable de répondre de ses actes), c'est le considérer comme un animal, un aliéné ou un idiot, et donc ne pas le respecter.

L'éducation ne consiste pas à accepter l'autre (l'enfant, de "infans" = celui qui ne parle pas, qui n'est pas (encore) doué de la parole et qui, tant qu'il est "infans" est irresponsable (ne peut pas répondre), mais à le faire passer de la nature à la culture, de le revêtir des caractères de l'humanité. L' éducateur peut donc être amené à "juger" le comportement de l'enfant et à poser des limites.

Conclusion :

Le respect est une valeur essentielle sans laquelle les hommes ne peuvent pas vivre ensemble. Nous devons respecter celui qui nous ressemble, mais aussi celui qui diffère, sa culture, ses coutumes, sa religion, sa langue. Toutefois, on peut se demander si on doit accepter, au nom du respect érigé en valeur absolue, tous les comportements. L'éducation ne consiste pas à accepter l'enfant "tel qu'il est", avec son égocentrisme, ses colères..., mais à le conduire de la nature à la culture, c'est-à-dire à se montrer capable de respect.
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