- Docteur OXGrand sage
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Laure M. | prof en école maternelle
Je suis prof. Le genre de prof qui croit au sens de son métier, qui l’a choisi par vocation, s’est battu pour lui avec passion, et le vit au quotidien comme un engagement. Je ne suis pas meilleure qu’une autre, je rencontre des difficultés, j’essuie des échecs, je fais parfois des impasses que je regrette, des erreurs...
Je suis juste une « maîtresse » qui ne compte pas ses heures, ni dans l’école ni à la maison, quand il s’agit de monter ses projets ou de préparer son matériel. Je suis une enseignante impliquée dans le parcours de ses élèves, en auto-formation permanente.
Je suis ce genre de prof, et le moins qu’on puisse dire, c’est que je ne suis pas seule. Je ne suis même pas rare, en fait. Je suis légion. Nous pouvons être découragés, désabusés, fatigués, agacés, révoltés, nous pouvons même être malades ou déprimés, nous pouvons, à l’occasion, tirer au flanc, nous pouvons mêmes, hélas, être mauvais, mais pour la plupart d’entre nous, faire correctement notre travail est une priorité.
Pour la plupart d’entre nous, arriver à l’heure le matin, assurer son service, partir à l’heure le soir, revenir le lendemain et toucher son salaire à la fin du mois n’est pas suffisant.
Rien à voir avec le mercredi chômé
Quand un prof se plaint de ses conditions de travail, ce n’est pas un travailleur qui veut faire valoir ses droits syndicaux (et qu’on ne voie là aucun jugement de valeur : je suis plus que favorable à la défense des droits des travailleurs par leurs représentants syndicaux, ce n’est pas le sujet), c’est un professionnel de l’éducation qui tire une sonnette d’alarme.
Alors non, quand « on » vous dit que les enseignants manifestent et se mettent en grève (plusieurs jours d’affilée, avec ce que cela implique en termes de sacrifice financier et de désorganisation des apprentissages) parce qu’ils sont corporatistes, réfractaires au changement, ou préoccupés par la sauvegarde de leurs avantages sociaux, et bien il ne faut tout simplement pas croire ce qu’on vous dit.
Parce que, vous le savez bien, « on » est un con. Bien sûr, c’est chouette de ne pas travailler le mercredi, ça permet de rester auprès de ses enfants, de reprendre une bouffée d’air avant de replonger dans un quotidien professionnel souvent éprouvant, de faire tout le travail de préparation que nécessite un enseignement de qualité, de se rendre aux rendez-vous médicaux ou administratifs pour lesquels nous n’avons pas le loisir de prendre des RTT ou un jour de congé. Mais on s’est adaptés par le passé, et on s’adaptera encore.
La mobilisation actuelle n’a rien à voir avec une « défense du mercredi
chômé ». Pour la plupart d’entre nous, travailler un jour de plus et avoir des vacances plus courtes et plus espacées, c’est du bon sens… mais pas à n’importe quel prix.
J’en rêvais. Peillon l’a fait. Ou pas
Alors la réforme des rythmes scolaires, moi, je suis pour. Depuis toujours.
J’en rêvais, Peillon l’a fait. Ou pas. Je suis prof à Paris. Dans six mois, cette réforme sera donc mise en œuvre dans l’école ou je travaille.
Je lis un peu partout dans la presse qu’il s’agit de passer à quatre jours et demi de classe par semaine, et que les trois heures de classe du mercredi seront « récupérées » en finissant à 15h au lieu de 16h30 le mardi et le vendredi (ces deux plages de 1h30 de classe supprimées étant remplacées par des « activités périscolaires de qualité »).
Soit. Ce que cela signifie en pratique ? Les lundis et jeudis, les élèves resteront à l’école, comme c’est le cas aujourd’hui, de 8h30 à 16h30 (sans compter ceux qui arrivent à 7h30 ou repartent à 18h30, selon les possibilités offertes par le périscolaire).
Les mercredis, ils auront trois heures de classe le matin, et ceux qui allaient au centre de loisirs ce jour-là continueront à y aller aussi. Les mardis et vendredis, seule une faible proportion de parents viendra chercher ses enfants à 15 h (sauf ponctuellement, les vendredis de gros week-ends), ils iront donc au périscolaire jusqu’à 16h30 (ou plus tard).
Où est l’allègement ? Où est la cohérence ? Où est l’intérêt de l’enfant ? Les deux jours qui ne changent pas, bah…. ne changent pas. Pour les deux jours qui changent, tout le changement repose sur la qualité des activités périscolaires proposées. Je rappelle à ceux qui ne sont pas familiers de ces questions que le périscolaire ne dépend pas du ministère de l’Education nationale, mais de la mairie.
La mort du centre de loisirs tel qu’il existe
Je vous laisse en déduire les inégalités que cela implique en terme de « périscolaire de qualité », les moyens financiers n’étant clairement pas les mêmes à Paris que dans la petite commune rurale où mes enfants sont scolarisés, par exemple (et à l’intérieur même de Paris, les inégalités sont flagrantes, j’ai sillonné suffisamment d’arrondissements pour l’affirmer).
Pour moi qui travaille en maternelle, un rythme différent chaque jour est une véritable catastrophe (ce n’est pas la panacée non plus en élémentaire, mais les élèves sont déjà plus habitués à l’école).
De plus, le fonctionnement du dispositif repose sur le recrutement massif
d’animateurs. Quand on connaît les difficultés actuelles de la mairie de Paris à recruter des personnels et à assurer le remplacement des animateurs absents, on se demande si, pour être aussi confiant, M. Delanoë a découvert le secret du clonage.
Quant au mercredi travaillé, auquel je ne suis pas du tout hostile sur le principe, il signe, dans ce contexte, la mort du « centre de loisirs » tel qu’il existe actuellement : plus de sorties à la journée, plus de rencontres sportives avec des groupes scolaires éloignés, plus de pique-niques, moins de temps pour organiser un défilé de carnaval ou faire un roulement d’activités.
Pas besoin d’un doctorat en psychologie du management pour deviner que ça ne va pas galvaniser les équipes d’animation (je suppose également que les nouveaux horaires que cette réforme implique ne vont pas faciliter la fidélisation des personnels recrutés).
Je voulais faire l’école pour tous
Mais le point le plus grave reste, à mon sens, cette territorialisation irréfléchie.
Je suis prof. Dans le public. Je suis une fonctionnaire de l’Education nationale. J’ai choisi de travailler dans les écoles publiques, même si elles ne m’offraient pas la possibilité de me former et de m’adonner aux pédagogies qui m’intéressaient le plus.
J’ai fait ce choix parce que je voulais travailler avec des élèves de tous milieux, dans les conditions de la vie réelle, sans sélection à l’accueil, faire l’école pour TOUS. Cette réforme fait un pas de plus dans la direction opposée.
Je ne détiens pas la solution au problème des rythmes scolaires. J’ai mon
opinion sur le sujet. Ce que je sais, en revanche, c’est que ce ne sera pas prêt dans six mois, pas dans ces conditions. JAMAIS.
Alors il me reste mes yeux pour pleurer, et mes mots pour partager mon
désarroi, mon inquiétude, ma colère. Je ne suis pas seule. Je suis légion.
Le périscolaire de qualité n’aura pas lieu
Laure M. nous a envoyé ce texte par e-mail (qu’elle a posté sur Facebook ce week-end et « qui a été apprécié »). Au téléphone, elle nous apporte quelques précisions : elle a 35 ans et travaille dans une maternelle du XIIIe arrondissement de Paris, « des conditions difficiles mais une équipe soudée », très différente de son expérience près du jardin du Luxembourg. Elle est certaine que le « périscolaire de qualité » n’aura pas lieu dans son établissement, où l’on peine à recruter des animateurs. N.L.B.
- roxanneOracle
D'accord sur le fond .Après , le côté "super prof qui ne compte pas ses heures, qui enchaîne les Projets, qui la Vocation, pas comme ceux qui ne viennent que pour faire cours et qui partent après" , je n'en peux plus .
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