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Mareuil
Neoprof expérimenté

Il n'y a pas de poésie engagée Empty Il n'y a pas de poésie engagée

par Mareuil Ven 01 Mar 2013, 19:13
C'est ennuyeux parce qu'il n'y a pas de poésie engagée. Ou alors toute poésie est engagée même la poésie pure. Sartre a été très mauvais sur ce coup-là.
Cordialement.
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thrasybule
Devin

Il n'y a pas de poésie engagée Empty Re: Il n'y a pas de poésie engagée

par thrasybule Ven 01 Mar 2013, 19:17
Je suis d'accord avec Mareuil.
Le seul engagement, c'est la littérature
Enfin ce genre de trucs n'est pas destiné à disparaître avec cette c... de morale laïque
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Mareuil
Neoprof expérimenté

Il n'y a pas de poésie engagée Empty Re: Il n'y a pas de poésie engagée

par Mareuil Ven 01 Mar 2013, 19:30
thrasybule a écrit:Je suis d'accord avec Mareuil.
Le seul engagement, c'est la littérature
Enfin ce genre de trucs n'est pas destiné à disparaître avec cette c... de morale laïque

Allez, un petit poème d'un poète non-engagé :

Contre la poésie pure

Fontaine aux oiseaux fontaine profonde
Fontaine froide ainsi que les eaux sans amour
On y vient par les airs des quatre coins du monde
Jouer dans l'eau légère et la lumière blonde
Qui vous font oublier le jour

Fontaine aux oiseaux fontaine démente
Fraîche comme la mort le mensonge et le miel
Le songe de la sauge et le parfum des menthes
Dégriment du soleil dégrisent des tourmentes
Les pèlerins ailés du ciel

Le passereau le merle et la mésange
Le paon le rouge-gorge et le chardonneret
Y donnent un concert que les grands cerfs dérangent
Et que jalousement dans leurs ailes les anges
Surveillent du toit des forêts

On n'y voit jamais rétive
L'aronde toute noire et son gorgerin clair
Andromaque du vent de soi-même captive
Ce doux refus ailé qui se déprend et prive
L'eau de son reflet d'air

D'un Cid oiseau chère et folle Chimène
Crains-tu de l'oublier dans l'eau froide à plaisir
Ce deuil aérien que partout tu promènes
Aronde que j'adore inhumaine inhumaine
Qui n'as pas voulu me choisir

Au disparu pourquoi rester fidèle
J'ai des ailes aussi comme ton paysan
Ô veuve blanche et noire Au fond des asphodèles
L'aigle fait rossignol chante pour l'hirondelle
Un long minuit de ver-luisant

Je ne crois pas à tes métamorphoses
Je ne veux de plaisir que ceux de mon malheur
C'est trop d'un rameau vert sur l'arbre où je me pose
Je m'enfuirais d'un pré pour une seule rose
C'est une insulte qu'une fleur

Où qu'elle soit je troublerai l'eau pure
Si tu me tends le feu je souffle et je l'éteins
Si tu me tends ton cœur je le jette aux ordures
Ah que le jour me blesse ah que la nuit me dure
Jusqu'aux fantômes du matin

Un vieil Hector faisait une Andromaque
Un pauvre Cid Chimène et ce grand bruit du sort
Me comparer à ces forains dans leur baraque
Compte si tu peux les étoiles du lac
Je pleure tout un ciel de morts

Fontaine du rêve où meurt la mémoire
Où tournent les couleurs du beau monde volant
Doux mentir de tes eaux poésie ô miroir
Fable entre les roseaux les oiseaux vont y boire
Excepté l'oiseau noir et blanc

Si l'oiseau blessé la source méprise
Cette aronde est mon cœur et qui la va chassant
Qu'il assure sa fronde et sache qu'il me vise
Pour avoir préférant la vie à la feintise
Préféré le sang à l'encens
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thrasybule
Devin

Il n'y a pas de poésie engagée Empty Re: Il n'y a pas de poésie engagée

par thrasybule Ven 01 Mar 2013, 19:32
Dans un genre beaucoup moins noble, mais j'adore cette chanson ( que je retrouve pas sur le net, si quelque bonne âme le trouvait, il aurait droit à un gros poutou)
Y en a qui voudraient que je porte
une oriflamme ou un couteau,
que je crie et que je m'emporte,
mais faudrait qu'ils se lèvent tôt.
Il y a quinze ans et des poussières
peut-être je leur aurais plu.
J'ai pleuré pour ma vie entière,
maintenant je ne pleure plus.
Oui, mais moi, quand j'avais quinze ans,
quand on me parlait de justice,
j'entrevoyais un précipice,
et puis je pleurais tant et tant.
Quand on me disait liberté,
je mordais mon poing et ma peine.
Alors, tu vois, c'est pas la veine;
il me semble que j'ai changé.

Y en a qui voudraient que je chante
des grands sujets, des grands machines,
mais pour la chanson méritante
j'ai pas 1e souffle et pas l'entrain.
Quand on en a pris plein la gueule,
on hésite à recommencer.
J'aime mieux me chanter toute seule
ma petite chanson dégagée.
Et maintenant que me voilà,
quand on me parle de courage,
je manque m'étrangler de rage,
mais je ne pleure plus, tu vois.
Je crois bien même que je ris,
mais c'est un rire qui me brûle,
et peu à peu la joie recule.
Pauvre de moi, que j'ai vieilli!

Ils croient donc qu'avec des paroles
on peut changer le genre humain.
Ils pensent que je suis bien folle
d'aimer ceux que j'ai sous la main.
Si je sais rien faire d'autre
qu'aimer, aimer et le chanter,
pourquoi faire le bon apôtre
en faisant semblant de penser ?
J'avais quinze ans et j'en pleurais,
mais j'ai grandi, et c'est bien triste.
Tu vois pourtant, rien ne résiste,
je ne pleurerai plus jamais.
Mais j'oublierai, mais j'oublierai
jusqu'aux anciennes meurtrissures,
et tu verras, et j'en suis sûre:
c'est à ce prix que je vivrai.


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Mareuil
Neoprof expérimenté

Il n'y a pas de poésie engagée Empty Re: Il n'y a pas de poésie engagée

par Mareuil Ven 01 Mar 2013, 19:46
thrasybule a écrit:Dans un genre beaucoup moins noble, mais j'adore cette chanson ( que je retrouve pas sur le net, si quelque bonne âme le trouvait, il aurait droit à un gros poutou)
Y en a qui voudraient que je porte
une oriflamme ou un couteau,
que je crie et que je m'emporte,
mais faudrait qu'ils se lèvent tôt.
Il y a quinze ans et des poussières
peut-être je leur aurais plu.
J'ai pleuré pour ma vie entière,
maintenant je ne pleure plus.
Oui, mais moi, quand j'avais quinze ans,
quand on me parlait de justice,
j'entrevoyais un précipice,
et puis je pleurais tant et tant.
Quand on me disait liberté,
je mordais mon poing et ma peine.
Alors, tu vois, c'est pas la veine;
il me semble que j'ai changé.

Y en a qui voudraient que je chante
des grands sujets, des grands machines,
mais pour la chanson méritante
j'ai pas 1e souffle et pas l'entrain.
Quand on en a pris plein la gueule,
on hésite à recommencer.
J'aime mieux me chanter toute seule
ma petite chanson dégagée.
Et maintenant que me voilà,
quand on me parle de courage,
je manque m'étrangler de rage,
mais je ne pleure plus, tu vois.
Je crois bien même que je ris,
mais c'est un rire qui me brûle,
et peu à peu la joie recule.
Pauvre de moi, que j'ai vieilli!

Ils croient donc qu'avec des paroles
on peut changer le genre humain.
Ils pensent que je suis bien folle
d'aimer ceux que j'ai sous la main.
Si je sais rien faire d'autre
qu'aimer, aimer et le chanter,
pourquoi faire le bon apôtre
en faisant semblant de penser ?
J'avais quinze ans et j'en pleurais,
mais j'ai grandi, et c'est bien triste.
Tu vois pourtant, rien ne résiste,
je ne pleurerai plus jamais.
Mais j'oublierai, mais j'oublierai
jusqu'aux anciennes meurtrissures,
et tu verras, et j'en suis sûre:
c'est à ce prix que je vivrai.


On ne trouve que les paroles.
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thrasybule
Devin

Il n'y a pas de poésie engagée Empty Re: Il n'y a pas de poésie engagée

par thrasybule Ven 01 Mar 2013, 19:48
La mélodie est très belle, j'ai égaré le cd( qu'on ne trouve que dans l'intégrale)
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Mareuil
Neoprof expérimenté

Il n'y a pas de poésie engagée Empty Re: Il n'y a pas de poésie engagée

par Mareuil Ven 01 Mar 2013, 19:55
thrasybule a écrit:La mélodie est très belle, j'ai égaré le cd( qu'on ne trouve que dans l'intégrale)

On se console avec ces quelques vers :

Les vivants et les morts se ressemblent s'ils tremblent
Les vivants sont des morts qui dorment dans leurs lits
Cette nuit les vivants sont désensevelis
Et les morts réveillés tremblent et leur ressemblent

A-t-il fait nuit si parfaitement nuit jamais
Où sont partis Musset ta muse et tes hantises
Il flotte quelque part un parfum de cytises
C'est mil neuf cent quarante et c'est la nuit de Mai
Mama
Mama
Vénérable

Il n'y a pas de poésie engagée Empty Re: Il n'y a pas de poésie engagée

par Mama Dim 03 Mar 2013, 01:33
Débat passionnant Smile Quelques éléments de réflexion que j'avais collectés pour les concours :

La politique, hélas ! voilà notre misère.
Mes meilleurs ennemis me conseillent d'en faire.
Être rouge ce soir, blanc demain, ma foi, non.

Je veux, quand on m'a lu, qu'on puisse me relire.
Si deux noms, par hasard, s'embrouillent sur ma lyre,
Ce ne sera jamais que Ninette ou Ninon.

Musset
-----------------------
  Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. Les poèmes ont toujours de grandes marges blanches, de grandes marges blanches de silence où la mémoire ardente se consume pour recréer un délire sans passé. Leur principale qualité est non pas, je le répète, d'invoquer, mais d'inspirer. Tant de poèmes d'amour sans objet réuniront, un beau jour, des amants.

  On rêve sur un poème comme on rêve sur un être. La compréhension, comme le désir, comme la haine, est faite de rapports entre la chose à comprendre et les autres, comprises ou incomprises.

  C'est l'espoir ou le désespoir qui déterminera pour le rêveur éveillé, pour le poète, l'action de son imagination. Qu'il formule cet espoir ou ce désespoir et ses rapports avec le monde changeront immédiatement. Tout est au poète objet à sensations et, par conséquent, à sentiments. Tout le concret devient alors l'aliment de son imagination et l'espoir, le désespoir passent, avec les sensations et les sentiments, au concret.

Eluard, L'évidence poétique
-----------------------------------------------
Ecrire son poème, est-ce une trahison,
comme devant la mise à mort d'un innocent
on détourne les yeux ? Aligner quelques mots
qui lâchent le réel pour un gramme d'azur,

est-ce dresser un paravent contre le monde
affolé dans son bain, parmi l'écume noire ?
Traiter sa fable favorite en libellule
par-dessus la rivière, est-ce oublier le pain

qui manque à l'homme ? Remplacer le vrai printemps
par un printemps verbal aux toucans invisibles
qui sont peut-être un peu de feu, est-ce insulter

notre nature ? Aimer une voyelle blanche
comme on aime sa fille, est-ce être dédaigneux
de notre amour universel, qui nous saccage ?

"Défense du poète" Alain Bosquet
----------------------------------------------
Maudite la poésie qui fut conçue comme un luxe
Culturel par tous les neutres
Ceux qui font la sourde oreille, ceux qui gardent les mains propres,
Maudite la poésie dont pas un mot
Ne s'engage, s'engage et compromette.

Je fais miennes les fautes, je ressens les souffrances,
Et respirant, je chante,
Chante et chante, et chantant au-delà de ma peine,
De mes peines personnelles,
J'avance, j'avance.

Je veux vous redonner vie, provoquer de nouveaux actes
Et calcule en cela ce que peut ma technique
Je me sens un ouvrier du vers, un ingénieur
Qui travaille avec vous en l'Espagne,
L'Espagne en sa puissance.

Ma poésie n'est pas goutte à goutte pensée.
Ce n'est pas une fleur, et pas un fruit parfait.
C'est ce qui est nécessaire et qui n'a pas de nom,
Des actes sur la terre,
Un cri vers l'horizon.

Car nous vivons à la force, et c'est à peine s'ils nous laissent
Leur dire ce que nous sommes.
Alors nos chants ne peuvent être sans péché pure forme
Nous touchons au fond de l'ombre,
Nous touchons au fond de l'ombre.

Gabriel Celaya, poète espagnol (1911-1991), trad. P Pascal, 1970.
-----------------------------------
Comment voudriez-vous que je parle des fleurs
Et qu’il n’y ait des cris dans tout ce que j’écris
De l’arc-en-ciel ancien je n’ai que trois couleurs
Et les airs que j’aimais vous les avez proscrits

Aragon, Le Musée Grévin
-------------------------------------------
"Une foule de gens se figurent que le but de la poésie est un enseignement quelconque, qu'elle doit tantôt fortifier la conscience, tantôt perfectionner les mœurs, tantôt enfin démontrer quoi que ce soit d'utile... La Poésie, pour peu qu'on veuille descendre en soi-même, interroger son âme, rappeler ses souvenirs d'enthousiasme, n'a pas d'autre but qu'Elle-même; elle ne peut pas en avoir d'autre, et aucun poème ne sera si grand, si noble, si véritablement digne du nom de poème, que celui qui aura été écrit uniquement pour le plaisir d'écrire un poème."

Baudelaire
---------------------------
Eluard : Tout dire


Le tout est de tout dire, et je manque de mots
Et je manque de temps, et je manque d'audace
Je rêve et je dévide au hasard mes images
J'ai mal vécu, et mal appris à parler clair.
Tout dire les roches, la route et les pavés
Les rues et leurs passants les champs et les bergers
Le duvet du printemps la rouille de l'hiver
Le froid et la chaleur composant un seul fruit
Je veux montrer la foule et chaque homme en détail
Avec ce qui l'anime et qui le désespère
Et sous ses saisons d'homme tout ce qui l'éclaire

Son espoir et son sang son histoire et sa peine
Je veux montrer la foule immense divisée
La foule cloisonnée comme un cimetière
Et la foule plus forte que son ombre impure
Ayant rompu ses murs ayant vaincu ses maîtres
La famille des mains, la famille des feuilles
Et l'animal errant sans personnalité
Le fleuve et la rosée fécondants et fertiles
La justice debout le pouvoir bien planté
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