Quand je lis une autobiographie, pour moi ou pour mes élèves,
- User5899Demi-dieu
Suite à une discussion un peu enflammée sur le fil "insulte dans un devoir", j'aimerais avoir d'autres sons de cloche que l'écho de mon bureau
Pour moi, c'est réponse 2.
Pour moi, c'est réponse 2.
- NadejdaGrand sage
Je me jette à l'eau...
Hormis les autobiographies qu'on nous vend dans les supermarchés et qui piquent d'abord la curiosité jusqu'au voyeurisme, je crois vous rejoindre sur cette question. Lejeune s'excusait déjà dans son Pacte autobiographique de ce que beaucoup de textes ne vérifiaient certainement pas son équivalence auteur/narrateur/personnage puisque de toute manière un écrivain saura forcément jouer avec les ambivalences de la langue. En somme, Serge Doubrovsky n'a rien inventé avec son terme d'autofiction...
Pour travailler sur une littérature qui entretient justement un fort rapport au réel, la littérature dite de témoignage relative aux génocides etc., je pense aussi que vérifier si les faits racontés sont vrais en recherchant et en recoupant des sources extérieures est vite une impasse, même un danger (c'est en procédant ainsi que nombre de témoins ont été pris à partie par de faux historiens, les négationnistes). Tout texte littéraire est forcément lacunaire, procède de choix, est un trou qui permet tous les excès, toutes les consolations aussi, tous les écarts. Un rescapé qui fera oeuvre d'écrivain ne pourra pas rester rivé à sa stricte autobiographie : il voudra la dépasser. J'aime beaucoup ce que dit Imre Kertész de son oeuvre : il faut "inventer Auschwitz dans la langue", ce qu'il a du reste fait en se remodelant, en dessinant un reflet oblique de lui-même pour dire autre chose et pour faire triompher la langue sur son vécu. Je trouverais obscène d'aller vérifier si untel a bien été dans tel camp, a bien vécu les horreurs dont il parle. Ça n'empêche pas la contextualisation bien sûr mais celle-ci ne doit pas contraindre le texte à lui faire dire ce qu'il n'est pas. Et ceux qui écrivent des faux et ne sont pas démasqués — il y en a bien sûr eu — ont été à mon avis mal lus (souvent avec un excès d'empathie). Je me méfie aussi des mauvaises lectures historiennes ou sociologiques car elles oublient le texte. Un auteur, qui écrit sur tout à fait autre chose, me racontait qu'une de ses lectrices s'était amusée à vérifier si tel modèle de train qu'il cite en passant dans son dernier bouquin circulait vraiment dans tel coin de la France. L'auteur s'était "trompé" : dans ce coin-là circulaient d'autres trains. Ce reproche l'a fait rire forcément. Quelle importance...
Mais j'émets quand même une réserve sur l'appréhension des textes sous le seul angle de la fiction. Je me demande si les études littéraires ne sont pas trop embourbées dans le rapport mensonge / vérité, fiction / autobiographie. Un genre me paraît assez étranger à toutes ces considérations : la poésie, et plus largement tout texte qui glisse vers elle. Quand on en lit — et pas de celles qui dénoncent quelque chose... — la littérarité est telle qu'on ne s'interroge que très rarement sur ce que l'auteur a pu masquer, remodeler. Beaucoup de poètes russes de la première moitié du XXe siècle se sont réécrits pour corriger en un sens une histoire censurée, mais lorsqu'on les lit, et c'est ainsi qu'ils voulaient être lus, on est d'abord admiratif de leur langue, de leur réseau d'images, de leur ingéniosité à dépasser un réel trop pesant.
J'enfonce peut-être des portes ouvertes. :lol:
Hormis les autobiographies qu'on nous vend dans les supermarchés et qui piquent d'abord la curiosité jusqu'au voyeurisme, je crois vous rejoindre sur cette question. Lejeune s'excusait déjà dans son Pacte autobiographique de ce que beaucoup de textes ne vérifiaient certainement pas son équivalence auteur/narrateur/personnage puisque de toute manière un écrivain saura forcément jouer avec les ambivalences de la langue. En somme, Serge Doubrovsky n'a rien inventé avec son terme d'autofiction...
Pour travailler sur une littérature qui entretient justement un fort rapport au réel, la littérature dite de témoignage relative aux génocides etc., je pense aussi que vérifier si les faits racontés sont vrais en recherchant et en recoupant des sources extérieures est vite une impasse, même un danger (c'est en procédant ainsi que nombre de témoins ont été pris à partie par de faux historiens, les négationnistes). Tout texte littéraire est forcément lacunaire, procède de choix, est un trou qui permet tous les excès, toutes les consolations aussi, tous les écarts. Un rescapé qui fera oeuvre d'écrivain ne pourra pas rester rivé à sa stricte autobiographie : il voudra la dépasser. J'aime beaucoup ce que dit Imre Kertész de son oeuvre : il faut "inventer Auschwitz dans la langue", ce qu'il a du reste fait en se remodelant, en dessinant un reflet oblique de lui-même pour dire autre chose et pour faire triompher la langue sur son vécu. Je trouverais obscène d'aller vérifier si untel a bien été dans tel camp, a bien vécu les horreurs dont il parle. Ça n'empêche pas la contextualisation bien sûr mais celle-ci ne doit pas contraindre le texte à lui faire dire ce qu'il n'est pas. Et ceux qui écrivent des faux et ne sont pas démasqués — il y en a bien sûr eu — ont été à mon avis mal lus (souvent avec un excès d'empathie). Je me méfie aussi des mauvaises lectures historiennes ou sociologiques car elles oublient le texte. Un auteur, qui écrit sur tout à fait autre chose, me racontait qu'une de ses lectrices s'était amusée à vérifier si tel modèle de train qu'il cite en passant dans son dernier bouquin circulait vraiment dans tel coin de la France. L'auteur s'était "trompé" : dans ce coin-là circulaient d'autres trains. Ce reproche l'a fait rire forcément. Quelle importance...
Mais j'émets quand même une réserve sur l'appréhension des textes sous le seul angle de la fiction. Je me demande si les études littéraires ne sont pas trop embourbées dans le rapport mensonge / vérité, fiction / autobiographie. Un genre me paraît assez étranger à toutes ces considérations : la poésie, et plus largement tout texte qui glisse vers elle. Quand on en lit — et pas de celles qui dénoncent quelque chose... — la littérarité est telle qu'on ne s'interroge que très rarement sur ce que l'auteur a pu masquer, remodeler. Beaucoup de poètes russes de la première moitié du XXe siècle se sont réécrits pour corriger en un sens une histoire censurée, mais lorsqu'on les lit, et c'est ainsi qu'ils voulaient être lus, on est d'abord admiratif de leur langue, de leur réseau d'images, de leur ingéniosité à dépasser un réel trop pesant.
J'enfonce peut-être des portes ouvertes. :lol:
- PhénimeNiveau 10
Je ferai court: la seule chose qui m'intéresse dans une autobiographie est de lire comment un auteur analyse les épisodes de sa vie et non de savoir si cela est vrai ou non. Se raconter, c'est forcément fictionner, c'est pourquoi j'ai voté 2.
- User5899Demi-dieu
Marrant, finalement. Le biographique est à la mode, l'autobiographie figure dans différents programmes, et seulement deux réponses :shock:
- JohnMédiateur
Le biographique n'est plus au programme au lycée depuis déjà bien longtemps, et l'autobiographie en a disparu peu à peu puis tout à fait.
Et je ne me reconnais dans aucune des quatre propositions soumises.
Et je ne me reconnais dans aucune des quatre propositions soumises.
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
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- NLM76Grand Maître
Pas de réponse: je déteste les autobiographies, donc je n'en lis pas.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- User5899Demi-dieu
C'est pour ça qu'il y a "collège et lycée". Et on peut en faire lire non pas pour un objet d'étude expressément au programme mais dans un autre cadre.John a écrit:Le biographique n'est plus au programme au lycée depuis déjà bien longtemps, et l'autobiographie en a disparu peu à peu puis tout à fait.
Et je ne me reconnais dans aucune des quatre propositions soumises.
Pour le reste, je suis un peu surpris, s'agissant de la 2e proposition.
Mais bon, apparemment, sujet clos
- zigotineHabitué du forum
2 (adapté à des élèves de3° ...)
- HermionyGuide spirituel
zigotine a écrit:2 (adapté à des élèves de3° ...)
+1
- ChocolatGuide spirituel
Réponses 1 et 2, me concernant.
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- MamaVénérable
Mélange de 2 et 4 : avec les 3e, ce n'est plus l'autobiographie mais le récit d'enfance, cependant nous étudions La promesse de l'aube 1ère partie.
On suit à peu près la réponse 2, mais cela conduit forcément à s'interroger sur le point 4 : mon avis est justement que le vrai pacte se construit au fil des pages, selon la manière dont l'auteur/narrateur/personnage expose ou dissimule sa prise de recul et sa propension à "fictionniser", et peu importe ce qu'il avait annoncé au début, voyons les faits d'écriture (s'pas, Rousseau? )
On suit à peu près la réponse 2, mais cela conduit forcément à s'interroger sur le point 4 : mon avis est justement que le vrai pacte se construit au fil des pages, selon la manière dont l'auteur/narrateur/personnage expose ou dissimule sa prise de recul et sa propension à "fictionniser", et peu importe ce qu'il avait annoncé au début, voyons les faits d'écriture (s'pas, Rousseau? )
- DalvaVénérable
En tant que prof, vis à vis des élèves, c'est 2 (je ne vois pas l'intérêt du 1, ce que nous étudions, c'est le texte, pas la vie de l'auteur).
En tant que lectrice, je ne me pose pas la question, je déteste les autobiographies en tant que telles, je ne prends plaisir à les lire qu'en tant qu'elles sont des œuvres littéraires, et il faut vraiment que l'auteur assure.
Ce qui donne :
- La Promesse de l'aube (et là, comment ne pas ressentir le n°2 de Cripure, il n'y a même pas besoin de chercher ! j'adore...) ;
- W ou le souvenir d'enfance ;
- Les mots ;
- et pour l'intérêt de la cause, Mémoires d'une jeune fille rangée, que je ne trouve pas non plus exceptionnellement bien écrit quoique avec pas mal d'humour aussi finalement.
- Enfance m'a lassée même si j'ai bien aimé.
Je dois reconnaître que l'auto-complaisance dans la plainte me hérisse, et on ne peut pas dire que l'autobiographie se prête beaucoup à autre chose. Sauf pour Gary, qui est donc mon Dieu.
En tant que lectrice, je ne me pose pas la question, je déteste les autobiographies en tant que telles, je ne prends plaisir à les lire qu'en tant qu'elles sont des œuvres littéraires, et il faut vraiment que l'auteur assure.
Ce qui donne :
- La Promesse de l'aube (et là, comment ne pas ressentir le n°2 de Cripure, il n'y a même pas besoin de chercher ! j'adore...) ;
- W ou le souvenir d'enfance ;
- Les mots ;
- et pour l'intérêt de la cause, Mémoires d'une jeune fille rangée, que je ne trouve pas non plus exceptionnellement bien écrit quoique avec pas mal d'humour aussi finalement.
- Enfance m'a lassée même si j'ai bien aimé.
Je dois reconnaître que l'auto-complaisance dans la plainte me hérisse, et on ne peut pas dire que l'autobiographie se prête beaucoup à autre chose. Sauf pour Gary, qui est donc mon Dieu.
- MamaVénérable
+ 1000 pour Gary. Sa Promesse à lui, écrire une oeuvre d'art, est bien tenue
Lue d'une traite en sept heures de train : trois ou quatre voisins ont voulu savoir quel livre me faisait éclater de rire si souvent Il y a d'ailleurs un très beau passage où il "répond" à ceux qui lui reprochent d'être trop souvent dans l'autodérision.
Lue d'une traite en sept heures de train : trois ou quatre voisins ont voulu savoir quel livre me faisait éclater de rire si souvent Il y a d'ailleurs un très beau passage où il "répond" à ceux qui lui reprochent d'être trop souvent dans l'autodérision.
- DalvaVénérable
C'est idiot mais ce que je préfère, c'est quand il ne parle pas de sa mère... mais de sa fameuse victoire à la finale de ping-pong de Nice. C'est vraiment émouvant.
Et puis rien que le "C'est fini." en première phrase d'une autobiographie, à quarante-quatre ans, c'est fort non ?
La raison pour laquelle je ne vais pas chercher qui est l'homme derrière le texte, ni quelle est sa vie, c'est qu'il n'y a jamais correspondance réelle. Gary est celui qui nous fait rire quand on le lit, et qui mène Seberg au suicide quand on le vit. Bon, peut-être que j'exagère, mais je préfère ne connaître que l'auteur, pas l'homme.
Et puis rien que le "C'est fini." en première phrase d'une autobiographie, à quarante-quatre ans, c'est fort non ?
La raison pour laquelle je ne vais pas chercher qui est l'homme derrière le texte, ni quelle est sa vie, c'est qu'il n'y a jamais correspondance réelle. Gary est celui qui nous fait rire quand on le lit, et qui mène Seberg au suicide quand on le vit. Bon, peut-être que j'exagère, mais je préfère ne connaître que l'auteur, pas l'homme.
- MamaVénérable
Tellement d'épisodes mémorables... Ah, la vision d'un avenant fessier en lieu et place du visage du prof de maths, la recherche des pseudonymes, l'enfant tenté de mourir sous ses bûches et sauvé par un minet de guingois mais ronronnant, le pâtissier artiste qui présida à sa découverte visuelle des choses de l'amour, le prof de violon dépité, l'aviateur mutique qui le laisse s'égarer dans sa mauvaise prose de jeune idéaliste, les maladies effrayantes pendant l'enfance puis la guerre (en Afrique), le jeu de la mort inventé pour Valentine et repris 30 ans plus tard, je pourrais continuer encore et encore... Toutes ces choses qui pourraient si facilement devenir inintéressantes... Mais au lieu de se perdre et se complaire, il en fait un roman ; et l'humour est toujours là, partout, en filigrane ou affiché, accompagné de la sobriété, et ce beau mélange laisse entrer une émotion subtile et mêlée, enfin. Alors que le larmoyant Rousseau me sort par les yeux...
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