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Comment savoir si on est "fait pour la recherche" ? Empty Comment savoir si on est "fait pour la recherche" ?

par Al Sam 03 Nov 2012, 14:16
Bonjour,

Tout est dans le titre... je précise que je suis en Lettres. M'inscrire en thèse serait la suite logique des choses, beaucoup de professeurs m'y poussent, or là je galère pour écrire un malheureux article... le mémoire n'a pas été non plus une "révélation" Rolling Eyes . En recherche, parfois je m'éclate, parfois je perds mes moyens. Le plus dur c'est de prendre le temps de "tout lire" pour savoir ce qui a déjà été fait avant, pour pouvoir ensuite produire quelque chose de nouveau... je ne sais pas si je suis capable de cela... pale je me sens plus d'affinités avec les thèses scientifiques où le "programme" est fixé par le directeur de recherches, où il y a un cadre précis... et où on trouve "juste" :lol: des résultats en testant différentes théories. En lettres c'est différent, j'ai l'impression de ne pas avoir pied. J'hésite à m'inscrire dans un projet, à m'engager, en doutant autant de mes capacités et en ne sachant absolument pas si je pourrai achever une thèse tout en enseignant à temps plein (15h) dans le secondaire, ce à quoi je ne suis pas prête à renoncer pour l'instant. heu Pourtant, il y a beaucoup de choses qui m'attirent dans le fait de mener à bien une thèse, et à terme j'adorerais avoir quelques h en prépa (pas littéraires, je précise :lol: ).
Merci de me donner vos conseils éclairés, peut-être ceux qui sont en train de faire leur thèse ou qui ont fini tout en enseignant dans le secondaire ? veneration

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Condorcet
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Comment savoir si on est "fait pour la recherche" ? Empty Re: Comment savoir si on est "fait pour la recherche" ?

par Condorcet Sam 03 Nov 2012, 22:16
Difficile à dire mais je pense qu'avec la motivation et de bonnes méthodes, beaucoup de personnes peuvent devenir des chercheurs tout à fait honnêtes. Si tu dois concilier professorat et thèse, prépare-toi des calendriers de travail, des échéances à court, moyen et long terme : comme dans beaucoup de domaines d'activités, le succès provient de la capacité à décomposer les difficultés en autant de fois que nécessaires pour la surmonter. N'ayant pas un cerveau surpuissant ni des méthodes à toute épreuve et ayant malgré tout mené à son terme la thèse, je mettrai aussi en avant d'autres facteurs : la motivation induite par le sujet et le diplôme, les relations avec le directeur de thèse, les relations avec les autres chercheurs. Selon un aphorisme légèrement réécrit, "on ne nait pas chercheur, on le devient" : je crois beaucoup à cette succession de petits bonds, de petits caps qui s'avèrent a posteriori de grandes victoires alors que sur le moment, ils ne semblaient que des épiphénomènes.
Arverne
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par Arverne Dim 04 Nov 2012, 05:22
Aletheia a écrit:Bonjour,

Tout est dans le titre... je précise que je suis en Lettres. M'inscrire en thèse serait la suite logique des choses, beaucoup de professeurs m'y poussent, or là je galère pour écrire un malheureux article... le mémoire n'a pas été non plus une "révélation" Rolling Eyes . En recherche, parfois je m'éclate, parfois je perds mes moyens. Le plus dur c'est de prendre le temps de "tout lire" pour savoir ce qui a déjà été fait avant, pour pouvoir ensuite produire quelque chose de nouveau... je ne sais pas si je suis capable de cela... pale je me sens plus d'affinités avec les thèses scientifiques où le "programme" est fixé par le directeur de recherches, où il y a un cadre précis... et où on trouve "juste" :lol: des résultats en testant différentes théories. En lettres c'est différent, j'ai l'impression de ne pas avoir pied. J'hésite à m'inscrire dans un projet, à m'engager, en doutant autant de mes capacités et en ne sachant absolument pas si je pourrai achever une thèse tout en enseignant à temps plein (15h) dans le secondaire, ce à quoi je ne suis pas prête à renoncer pour l'instant. heu Pourtant, il y a beaucoup de choses qui m'attirent dans le fait de mener à bien une thèse, et à terme j'adorerais avoir quelques h en prépa (pas littéraires, je précise :lol: ).
Merci de me donner vos conseils éclairés, peut-être ceux qui sont en train de faire leur thèse ou qui ont fini tout en enseignant dans le secondaire ? veneration
Pour voir si la préparation de la thèse te convient, pourquoi ne pas commencer, si tu as ton sujet, à faire des recherches, sans t'inscrire ? Ce ne serait pas du temps perdu car je crois qu'on n'a jamais assez de temps pour faire une thèse. Tu verrais ainsi si la recherche te plait, si tu arrives à avancer malgré tes heures d'enseignement dans le secondaire.
Philomèle
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Comment savoir si on est "fait pour la recherche" ? Empty Re: Comment savoir si on est "fait pour la recherche" ?

par Philomèle Dim 04 Nov 2012, 11:02
Bonjour,

Je ne poserais pas le problème de cette façon - je précise que j'ai fini ma thèse (menée avec financement) puis ai été recrutée.

La question est plutôt : "Est-ce que j'ai envie, viscéralement, (presque besoin), de faire cette thèse ?" Relire la première lettre de Rilke "à un jeune poète" et transposer ce qu'il dit de la poésie à la vie intellectuelle.

Ensuite, deux possibilités :
- Est-ce pour le diplôme, le titre de docteur, simplement la poursuite d'études alors que la majorité a lâché, c'est-à-dire pour satisfaire l'amour propre ? Ou même parce que d'autres personnes seraient fières que je poursuive ? Dans ce cas, je dirais : attention au miroir aux alouettes et aux désillusions. La thèse fantasmée, confrontée à la réalité du travail de thèse, cela risque de provoquer bien des déceptions.

- Est-ce pour le plaisir de la lecture, de la réflexion : prendre position dans le champ critique, se battre avec soi-même, aller jusqu'au bout d'une démonstration, vouloir montrer quelque chose qu'on est le seul à pouvoir montrer... ? Ou même plus simplement par goût pour une oeuvre ou une série d'oeuvres, pour prendre le temps de les lire et de les mettre en valeur pour le public ?

En ce moment, je me bats avec l'organisation d'un article et le plaisir vient du jeu intellectuel de construction : c'est comme bâtir un circuit électrique et faire circuler des trains. Lorsque le circuit s'élargit et que le sens tourne bien entre les différents arguments et moments du plan, bonheur. Mais parfois le train s'arrête dans une impasse et il faut reprendre la réflexion et l'agencement jusqu'à ce que le train finisse sa boucle, angoisse. Jeu bien équivoque !

Je pense qu'il faut deux choses : à la fois que tu aies envie d'entreprendre ce travail de thèse (long et ingrat, soyons réalistes) et que le sujet te tienne vraiment à coeur. Ensuite, pour le travail en parallèle dans le secondaire, je pense que si les conditions précédentes sont réunies, le travail de thèse peut plutôt être une bulle d'oxygène et compenser la menace d'usure intellectuelle en permettant de continuer à progresser (On peut continuer à progresser sans faire de thèse, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas écrit ! Simplement, la thèse peut être un moyen pour continuer à se former, un moyen parmi d'autres). En ce sens, l'enseignement dans le secondaire ne me paraît pas être un obstacle à la thèse, même s'il peut être source de frustrations (il faudra dégager du temps de-ci delà).

Qu'est-ce qui "t'attire dans le fait de mener à bien une thèse" (comme tu l'écris) ? C'est ce point qu'il faut clarifier pour toi-même.
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Comment savoir si on est "fait pour la recherche" ? Empty Re: Comment savoir si on est "fait pour la recherche" ?

par Al Dim 04 Nov 2012, 18:13
Merci de vos sages réponses,

Pour répondre à vos questions, je n'ai pas arrêté mes recherches, en faire sans être inscrite en thèse, je trouve ça très sympa, je ne suis pas limitée à un sujet, j'arrive à imaginer plein de choses...Mais le côté "officiel" me bloque complètement, j'ai peur d'être inscrite et de devoir abandonner par manque d'idées... pale Je n'ai pas les connaissances nécessaires pour savoir ce qu'est un sujet de thèse "fertile" ou non, et je ne vois pas comment avoir cela à moins d'être surdoué... ce qui n'est de loin pas mon cas. Je vois beaucoup de gens se lancer dans des thèses "au feeling" et j'ai du mal à comprendre comment ils font...
Pour mes motivations, elles sont très claires, j'aimerais avoir quelques heures en prépa, point barre. Renoncer définitivement à la thèse n'est pas une option que j'arrive à souhaiter actuellement, je ne pense pas avoir l'envie chevillée au corps (sans sujet et avec ces doutes sur ma propre valeur, c'est dur...) ; MAIS j'ai déjà pensé que si je n'en faisais pas, j'allais forcément le regretter, que ça va me paraitre "le truc manquant" dans mon cursus et dans ce que j'aime faire depuis ces 6 ans... Je me vois pas ne pas en faire, je sais que j'en ferai une ; dans toutes les raisons que tu indiques Philomèle, ce serait plutôt pour aller au bout de moi-même, je conçois pas que mes études et mes "recherches" s'arrêtent un jour. Mais on m'a fait comprendre qu'il serait bon que je traine pas trop pour m'inscrire...et c'est là que je panique un peu... je suis loin de ressentir ce que tu décris Philomèle pour la construction d'un article, comme cette stimulation intellectuelle...ça je l'ai ressenti au moment de préparer les concours ou dans les cours de fac, mais pas réellement en recherche, je crois que ça me stresse trop, trop d'enjeux...

En fait, j'aimerais d'abord faire ma thèse avec les recherches et tout, et ensuite (une fois que je l'ai quasiment entière) m'inscrire ! :lol: comme ça je suis sure qu'elle est faisable et que je n'abandonnerai pas, mais ça me ferait perdre beaucoup d'années ^^

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Comment savoir si on est "fait pour la recherche" ? Empty Re: Comment savoir si on est "fait pour la recherche" ?

par Ruthven Dim 04 Nov 2012, 18:22
Philomèle a écrit:

- Est-ce pour le plaisir de la lecture, de la réflexion : prendre position dans le champ critique, se battre avec soi-même, aller jusqu'au bout d'une démonstration, vouloir montrer quelque chose qu'on est le seul à pouvoir montrer... ? Ou même plus simplement par goût pour une oeuvre ou une série d'oeuvres, pour prendre le temps de les lire et de les mettre en valeur pour le public ?

Je pense qu'il faut deux choses : à la fois que tu aies envie d'entreprendre ce travail de thèse (long et ingrat, soyons réalistes) et que le sujet te tienne vraiment à coeur. Ensuite, pour le travail en parallèle dans le secondaire, je pense que si les conditions précédentes sont réunies, le travail de thèse peut plutôt être une bulle d'oxygène et compenser la menace d'usure intellectuelle en permettant de continuer à progresser (On peut continuer à progresser sans faire de thèse, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas écrit ! Simplement, la thèse peut être un moyen pour continuer à se former, un moyen parmi d'autres). En ce sens, l'enseignement dans le secondaire ne me paraît pas être un obstacle à la thèse, même s'il peut être source de frustrations (il faudra dégager du temps de-ci delà).

Vision optimiste !

Il y a quelque chose de stérilisant aussi dans le travail de thèse, c'est l'ultraspécialisation, devoir lire les trente articles en français, allemand, anglais, italien etc... sur le détail d'un texte, cela prend du temps, et cela rend impossible d'autres lectures ou la découverte d'autres champs du savoir. Pour ma part, je regrette d'avoir perdu tout ce temps et de n'avoir pas, à la place, commencé des études dans d'autres domaines que ma spécialité.

Sur la compatibilité avec le secondaire, tout dépend du sujet, un sujet très ciblé avec un corpus restreint facilite les choses, sinon il faut compter y passer toutes tes vacances pendant plusieurs années.
Philomèle
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Comment savoir si on est "fait pour la recherche" ? Empty Re: Comment savoir si on est "fait pour la recherche" ?

par Philomèle Lun 05 Nov 2012, 10:49
Bonjour Aletheia,

D'après ce que tu écris, tu as l'air prête ! Si tu sais que tu regretteras de ne pas t'inscrire en thèse et si tu as le sentiment de n'avoir pas fini tes études, alors fonce !

Par contre, je ne sais pas s'il y a absolument urgence : "on m'a fait comprendre qu'il serait bon que je traine pas trop pour m'inscrire"... Je trouve cela étrange. On peut poursuivre sur la lancée du master et du concours. On peut aussi se laisser le temps de vivre un peu et mûrir, pour ne pas rester éternellement étudiant. On peut aussi reprendre une thèse après une dizaine d'années dans le secondaire. Il n'y a pas de règle. Ce n'est pas très utile de s'imposer des obligations qui n'en sont pas. La seule réserve, c'est si tu as commencé à défricher un sujet et qu'il y a un risque que quelqu'un d'autre le traite à ta place : dans ce cas, mieux vaut ne pas tarder.

Sur la question des doutes sur soi-même, c'est sain et normal, mais il faut douter raisonnablement : juste pour être capable de souplesse d'esprit et de remise en question. Mais cela ne doit pas être envahissant : ce qui importe, c'est lire les textes et les faire lire. Si j'osais, et j'ose : le savoir au centre, pas l'apprenant !

Effectivement, tes hésitations semblent plutôt tenir au fait que tu n'as pas encore trouvé de sujet à défendre. Comme le dit très justement Ruthven, le choix de ton corpus et sujet (et peut-être de la discipline : littérature française, comparée, ancienne, linguistique, stylistique, etc. ?) dépend aussi du temps que tu comptes libérer. Ce sera probablement plus confortable de choisir un travail monographique, sur un auteur dont l'oeuvre complète fait déjà l'objet d'une solide édition critique en Pléiade, par exemple. Inversement, le corpus est parfois un résultat de la thèse, c'est une autre démarche, plus risquée. Normalement, tu ne pourras pas faire l'économie d'un travail en bibliothèque mais il y a un monde entre un travail qui suppose de squatter les fonds anciens et implorer les conservateurs avec des yeux de cocker pour avoir le droit de feuilleter le précieux graal (j'exagère à peine !), ou même un travail sur une revue du XXe siècle dont les exemplaires sur des décennies sont conservés en bibliothèque, plus ou moins microfilmés, et une thèse qui te conduit ponctuellement à faire jouer le PEB (prêt entre bibliothèques) pour accéder à une concordance ou à un article en allemand paru dans une revue tchèque... Généralement, les travaux de poétique, rhétorique, métrique peuvent être assez bien calibrés pour un travail en 3-4 ans, avec une bibliographie ciblée et maîtrisable.

@ Rutheven Ce que tu décris est bien sombre ("stérilisant", "ultraspécialisation"...) !
Je crois que je te rejoins lorsqu'il me semble qu'il y a un risque de formatage dans une écriture et une forme de pensée académiques, scolastiques (en étant très malveillant à l'égard de la scolastique médiévale). Je regrette parfois de ne plus être capable de la pensée brouillonne mais aussi effervescente, réactive, qu'ont quelques amis lorsqu'ils sont enthousiasmés par un livre ou un film... C'est parfois difficile de conserver une intelligence créatrice et de ne pas sombrer dans l'analyse pointilleuse et la production de données non pertinentes. Que la raison ne stérilise pas l'imagination.
Mais est-ce que cette usure ne se produirait pas aussi sans thèse : au sens où on peut légitimement être fatigué et décervelé par les impératifs professionnels, les transports, la routine... Parfois, il faut être vraiment fort et créatif pour garder un élan intellectuel, mettre en oeuvre une curiosité tout en ayant un travail salarié et son cortège de contraintes. Pas d'autre choix que de faire des choix !
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