- JohnMédiateur
http://www.senat.fr/espace_presse/actualites/201206/lassouplissement_de_la_carte_scolaire_3_questions_a_francoise_cartron.html
Le 10 janvier 2012, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, présidée par Marie-Christine Blandin (Ecolo, Nord), a créé une mission d’information sur la carte scolaire. Mise en place en 1958, la carte scolaire permet d'équilibrer les effectifs des différents collèges ou lycées en affectant les élèves à un établissement public, selon la zone géographique. L’assouplissement, décidé par Nicolas Sarkozy à partir de 2007, visait à donner aux parents d'élèves plus de liberté dans le choix des inscriptions pour lutter contre la formation de « ghettos » scolaires.
Présidée par Pierre Martin (UMP, Somme), cette mission s’est intéressée aux effets de la déréglementation, notamment dans l’éducation prioritaire, en termes de mixité sociale et de répartition des moyens entre les établissements. Dans le cadre de ses travaux, elle a mené de nombreuses auditions et organisé des déplacements dans plusieurs académies, dans des collèges et des lycées, publics et privés, en milieu rural et urbain.
Françoise Cartron (Soc, Gironde), rapporteure de la mission d'information sur l'assouplissement de la carte scolaire, a présenté, mercredi 27 juin en conférence de presse, les conclusions de ses travaux. Quels sont les effets de cette réforme de désectorisation ? Qu’en pensent les experts et les acteurs sur le terrain ?
La sénatrice revient sur les principaux enseignements de cette mission d'information.
Quels effets a provoqué la mesure d’assouplissement de la carte scolaire ?
"L’assouplissement de la carte scolaire n’a pas produit les mêmes effets sur tout le territoire et au sein de toutes les couches sociales. Si son impact a pu être jugé modéré au plan national, en raison des contraintes réglementaires et physiques limitant l’accueil dans les établissements attractifs, on constate l’aggravation inquiétante de la ségrégation scolaire dans certaines zones et pour certains publics. L’assouplissement a servi de révélateur de toutes les inégalités qui grevaient le système éducatif.
Dans la région parisienne par exemple, l’assouplissement de la carte scolaire a accru les disparités de recrutement entre les collèges et renforcé la polarisation des établissements et leur hiérarchisation. Grâce aux possibilités de dérogation, les inégalités se creusent entre les territoires et les classes sociales. Les parents d’élèves, notamment chez les CSP+, mettent en place des stratégies d’évitement des établissements les moins réputés en invoquant un parcours scolaire particulier (options rares, sections internationales, etc.).
Outre ses impacts sur le flux des élèves et sur la mixité des établissements, la désectorisation a amplifié aussi les effets de réputation et de rumeur, relayés dans les classements publiés dans la presse. C’est vrai, l’offre éducative n’est pas uniforme et homogène sur le territoire national, mais j’estime qu’il est important de combattre la propagation d’une vision trop alarmiste et fataliste de l’école. Ces représentations biaisées ne traduisent pas les efforts qui sont faits aujourd’hui par les établissements pour dispenser un enseignement de qualité. Il est important de lutter contre le pessimisme social qui se répand de plus en plus en réaffirmant la vocation et la capacité de l’école à réduire les inégalités."
Bordeaux, Créteil, Dijon, Lyon et Nancy-Metz : Que retenez-vous de vos nombreux déplacements dans ces différentes académies ?
"Notre mission avait pour objectif de comprendre et d’apprécier concrètement comment se mettent en œuvre les dynamiques décrites par les sociologues et les experts : il était essentiel d’aller à la rencontre des établissements, pour différencier le diagnostic et saisir les situations dans leur contexte territorial. Zone rurale, zone urbaine ou périurbaine : les réalités ne sont pas les mêmes.
Alors qu’en milieu rural, les effets de l’assouplissement de la carte scolaire ont été en général moins fortement ressentis, en Seine-Saint-Denis, où les difficultés sociales et économiques s’accumulent, la mesure de désectorisation a nourri l’affaiblissement des établissements par la fuite des meilleurs élèves. Même situation dans la banlieue bordelaise. Des lycées comme Alfred Nobel à Clichy-sous-Bois ou Elie Faure à Lormont, malgré un engagement de fond mené par des équipes pédagogiques motivées et des taux enviables de réussite au baccalauréat, restent victimes de la réputation qui les précède et peinent à retenir les classes moyennes.
Mais les difficultés ne sont pas absentes des territoires ruraux et c’est de la concurrence avec le privé que les établissements souffrent le plus. Pour y remédier, les collèges font preuve d’une innovation pédagogique remarquable avec le soutien des conseils généraux. Les résultats sont probants."
Quelles sont les évolutions que vous proposez pour neutraliser les effets pervers de la carte scolaire et la faire évoluer vers plus de mixité sociale?
"En termes de mixité sociale à l’école, il faut être ambitieux et attaquer le problème sous différents angles. Ce rapport ne prône pas la désectorisation, tout au contraire. Mais il part du principe que le retour à la situation antérieure ne réglera rien et n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
C’est pourquoi il propose une remise à plat de l’offre d’options et de parcours spécifiques qui ne sont plus des instruments pédagogiques mais des supports de contournement de la sectorisation. En outre, il conviendrait d’élargir le périmètre de recrutement des collèges et de prévoir la possibilité, sous la houlette des conseils généraux, de créer des secteurs communs à plusieurs collèges. Les procédures d’affectation devraient ensuite être revues : les parents pourraient formuler des vœux entre les différents collèges de leur secteur. Les demandes seraient classées selon un barème qui donnerait une forte priorité aux boursiers sociaux et découragerait les demandes de dérogations sur la base d’options ou de parcours spécifiques.
Il faut, par ailleurs, agir sur le plan financier en préservant les moyens des établissements très évités qui ne doivent pas subir une double peine : perte d’élèves et perte de ressources. Il faut également envisager une modulation des dotations des collectivités et de l’Etat aux établissements en fonction de leur composition sociale afin d’apporter plus à ceux qui en ont le plus besoin. L’enseignement privé devrait être compris dans cette réflexion, afin que plus de mixité sociale se retrouve dans ces établissements.
Enfin, c’est aussi sur les mentalités qu’il faut agir. Je souhaite que le ministre de l’éducation nationale puisse remobiliser les personnels et amorcer un travail de pédagogie auprès des parents, au service de la mixité sociale et de la réduction des inégalités scolaires."
Le 10 janvier 2012, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, présidée par Marie-Christine Blandin (Ecolo, Nord), a créé une mission d’information sur la carte scolaire. Mise en place en 1958, la carte scolaire permet d'équilibrer les effectifs des différents collèges ou lycées en affectant les élèves à un établissement public, selon la zone géographique. L’assouplissement, décidé par Nicolas Sarkozy à partir de 2007, visait à donner aux parents d'élèves plus de liberté dans le choix des inscriptions pour lutter contre la formation de « ghettos » scolaires.
Présidée par Pierre Martin (UMP, Somme), cette mission s’est intéressée aux effets de la déréglementation, notamment dans l’éducation prioritaire, en termes de mixité sociale et de répartition des moyens entre les établissements. Dans le cadre de ses travaux, elle a mené de nombreuses auditions et organisé des déplacements dans plusieurs académies, dans des collèges et des lycées, publics et privés, en milieu rural et urbain.
Françoise Cartron (Soc, Gironde), rapporteure de la mission d'information sur l'assouplissement de la carte scolaire, a présenté, mercredi 27 juin en conférence de presse, les conclusions de ses travaux. Quels sont les effets de cette réforme de désectorisation ? Qu’en pensent les experts et les acteurs sur le terrain ?
La sénatrice revient sur les principaux enseignements de cette mission d'information.
Quels effets a provoqué la mesure d’assouplissement de la carte scolaire ?
"L’assouplissement de la carte scolaire n’a pas produit les mêmes effets sur tout le territoire et au sein de toutes les couches sociales. Si son impact a pu être jugé modéré au plan national, en raison des contraintes réglementaires et physiques limitant l’accueil dans les établissements attractifs, on constate l’aggravation inquiétante de la ségrégation scolaire dans certaines zones et pour certains publics. L’assouplissement a servi de révélateur de toutes les inégalités qui grevaient le système éducatif.
Dans la région parisienne par exemple, l’assouplissement de la carte scolaire a accru les disparités de recrutement entre les collèges et renforcé la polarisation des établissements et leur hiérarchisation. Grâce aux possibilités de dérogation, les inégalités se creusent entre les territoires et les classes sociales. Les parents d’élèves, notamment chez les CSP+, mettent en place des stratégies d’évitement des établissements les moins réputés en invoquant un parcours scolaire particulier (options rares, sections internationales, etc.).
Outre ses impacts sur le flux des élèves et sur la mixité des établissements, la désectorisation a amplifié aussi les effets de réputation et de rumeur, relayés dans les classements publiés dans la presse. C’est vrai, l’offre éducative n’est pas uniforme et homogène sur le territoire national, mais j’estime qu’il est important de combattre la propagation d’une vision trop alarmiste et fataliste de l’école. Ces représentations biaisées ne traduisent pas les efforts qui sont faits aujourd’hui par les établissements pour dispenser un enseignement de qualité. Il est important de lutter contre le pessimisme social qui se répand de plus en plus en réaffirmant la vocation et la capacité de l’école à réduire les inégalités."
Bordeaux, Créteil, Dijon, Lyon et Nancy-Metz : Que retenez-vous de vos nombreux déplacements dans ces différentes académies ?
"Notre mission avait pour objectif de comprendre et d’apprécier concrètement comment se mettent en œuvre les dynamiques décrites par les sociologues et les experts : il était essentiel d’aller à la rencontre des établissements, pour différencier le diagnostic et saisir les situations dans leur contexte territorial. Zone rurale, zone urbaine ou périurbaine : les réalités ne sont pas les mêmes.
Alors qu’en milieu rural, les effets de l’assouplissement de la carte scolaire ont été en général moins fortement ressentis, en Seine-Saint-Denis, où les difficultés sociales et économiques s’accumulent, la mesure de désectorisation a nourri l’affaiblissement des établissements par la fuite des meilleurs élèves. Même situation dans la banlieue bordelaise. Des lycées comme Alfred Nobel à Clichy-sous-Bois ou Elie Faure à Lormont, malgré un engagement de fond mené par des équipes pédagogiques motivées et des taux enviables de réussite au baccalauréat, restent victimes de la réputation qui les précède et peinent à retenir les classes moyennes.
Mais les difficultés ne sont pas absentes des territoires ruraux et c’est de la concurrence avec le privé que les établissements souffrent le plus. Pour y remédier, les collèges font preuve d’une innovation pédagogique remarquable avec le soutien des conseils généraux. Les résultats sont probants."
Quelles sont les évolutions que vous proposez pour neutraliser les effets pervers de la carte scolaire et la faire évoluer vers plus de mixité sociale?
"En termes de mixité sociale à l’école, il faut être ambitieux et attaquer le problème sous différents angles. Ce rapport ne prône pas la désectorisation, tout au contraire. Mais il part du principe que le retour à la situation antérieure ne réglera rien et n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
C’est pourquoi il propose une remise à plat de l’offre d’options et de parcours spécifiques qui ne sont plus des instruments pédagogiques mais des supports de contournement de la sectorisation. En outre, il conviendrait d’élargir le périmètre de recrutement des collèges et de prévoir la possibilité, sous la houlette des conseils généraux, de créer des secteurs communs à plusieurs collèges. Les procédures d’affectation devraient ensuite être revues : les parents pourraient formuler des vœux entre les différents collèges de leur secteur. Les demandes seraient classées selon un barème qui donnerait une forte priorité aux boursiers sociaux et découragerait les demandes de dérogations sur la base d’options ou de parcours spécifiques.
Il faut, par ailleurs, agir sur le plan financier en préservant les moyens des établissements très évités qui ne doivent pas subir une double peine : perte d’élèves et perte de ressources. Il faut également envisager une modulation des dotations des collectivités et de l’Etat aux établissements en fonction de leur composition sociale afin d’apporter plus à ceux qui en ont le plus besoin. L’enseignement privé devrait être compris dans cette réflexion, afin que plus de mixité sociale se retrouve dans ces établissements.
Enfin, c’est aussi sur les mentalités qu’il faut agir. Je souhaite que le ministre de l’éducation nationale puisse remobiliser les personnels et amorcer un travail de pédagogie auprès des parents, au service de la mixité sociale et de la réduction des inégalités scolaires."
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