- MaieuHabitué du forum
lapetitemu a écrit:
Moi aussi, dans l'absolu. Mais pour moi, le noyau dur, c'est de savoir ce qu'on enseigne : la littérature ou bien le français.
Prof de français ou de littérature, ce qui reste aux élèves…
Si la littérature inclut la maîtrise de la langue, la maîtrise de la langue n’inclut pas la littérature.
Le problème se complexifie avec l’écriture : narration, argumentation ou commentaire sont des créations qui, de près ou de loin, plus ou moins, sont dans le champ de la littérature. Mais créer ne va pas de soi, encore moins si la création est obligée, considérée comme un exercice de contrôle, et dont l’objet est imposé.
Français ou littérature ?
Au collège ou au lycée, on n’annonce pas dans l’emploi du temps "cours ou prof de littérature", mais exclusivement "de français". Une dénomination restrictive qui a forcément des effets (négatifs), pour les élèves et pour les profs.
Quand je propose l’explication d’un texte, je suis perçu, en gros, comme le prof de français qui utilise ce texte de littérature à des fins d’apprentissage du français.
Comme si, dans l’analyse d’un tableau, j’étais perçu comme celui qui utilise l’œuvre peinte pour enseigner les couleurs.
Comment faire pour que le prof de français n’étouffe pas celui de littérature ? Au fond, c’est la question majeure que posent l’explication de texte, le commentaire en particulier.
Je prends l’exemple de la première strophe :
N’écris pas. Je suis triste, et je voudrais m’éteindre.
Les beaux étés sans toi, c’est la nuit sans flambeau.
J’ai refermé mes bras qui ne peuvent d’atteindre,
Et frapper à mon cœur, c’est frapper au tombeau.
N’écris pas !
Si je veux être prof de littérature (donc, français inclus), il faut que je me situe dans le champ de la création. Autrement dit, de la construction de problématiques.
N’écris pas : l’écriture, l’injonction, le destinataire, l’absence d’objet, Quatre constituants de la problématique créée par l’utilisation ici de cette forme verbale. Cela suppose que soient (aient été) abordés leurs contenus théoriques : pourquoi écrit-on ? Qu’est-ce qu’une injonction ? L’importance du destinataire. Emploi du verbe dans son sens absolu.
Est-ce que ces problèmes intéressent les élèves ? Est-ce qu’ils sont les leurs ?
La réponse que nous choisissons est déterminante. Elle n’est pas d’ordre pédagogique, mais un choix d’ordre philosophique. Si l’on répond non à ces deux questions, il faut en conclure que l’enseignement de la littérature est impossible parce que c’est précisément cela qui en est l’objet. Pareil pour la peinture, la musique etc.
Si on répond oui, on dit en même temps que la création, quelle qu’elle soit, est une construction de problématiques qui concernent tout le monde. Enfants, adolescents compris.
On peut donc passer des heures sur un texte. Comme tous mes collègues, j’ai expliqué pendant des années des œuvres dont j’ai découvert à chaque fois des strates nouvelles qui me permettaient des discours nouveaux.
La pédagogie intervient ici pour déterminer jusqu’où on peut aller avec telle classe de tel âge.
Ce qui rejoint la question du « ce qui reste aux élèves ».
A mon sens, une question inadéquate parce qu’il n’existe pas de réponse possible, venant de nous. La réponse n’est pas essentiellement dans le présent ou le futur proche. Il suffit de s’interroger soi-même pour vérifier ce qu’il faut de temps pour savoir « ce qui nous reste » de ce qu’on nous a enseigné en littérature.
Les textes sont, sauf exceptions rarissimes (si ce sont bien des exceptions…), écrits par des adultes. Si les problématiques qu’ils construisent ne sont pas d’adultes – elles sont celles d’êtres humains – en revanche, l’investissement est celui d’adultes.
«… je voudrais m’éteindre … frapper au tombeau », par exemple, ne résonnent pas de la même façon pour une femme de quarante ans (douloureusement frappée par des décès de proches) ou pour un adolescent. Ils résonnent quand même et c’est cette résonnance qu’il faut parvenir à provoquer. C’est elle qui permet l’accès à la création (commentaire de texte…)
Ce qui reste dépendra de l’investissement sur ces questions-là de l’adolescent devenu adulte. Nul ne peut en préjuger.
Moi aussi, dans l'absolu. Mais pour moi, le noyau dur, c'est de savoir ce qu'on enseigne : la littérature ou bien le français.
Prof de français ou de littérature, ce qui reste aux élèves…
Si la littérature inclut la maîtrise de la langue, la maîtrise de la langue n’inclut pas la littérature.
Le problème se complexifie avec l’écriture : narration, argumentation ou commentaire sont des créations qui, de près ou de loin, plus ou moins, sont dans le champ de la littérature. Mais créer ne va pas de soi, encore moins si la création est obligée, considérée comme un exercice de contrôle, et dont l’objet est imposé.
Français ou littérature ?
Au collège ou au lycée, on n’annonce pas dans l’emploi du temps "cours ou prof de littérature", mais exclusivement "de français". Une dénomination restrictive qui a forcément des effets (négatifs), pour les élèves et pour les profs.
Quand je propose l’explication d’un texte, je suis perçu, en gros, comme le prof de français qui utilise ce texte de littérature à des fins d’apprentissage du français.
Comme si, dans l’analyse d’un tableau, j’étais perçu comme celui qui utilise l’œuvre peinte pour enseigner les couleurs.
Comment faire pour que le prof de français n’étouffe pas celui de littérature ? Au fond, c’est la question majeure que posent l’explication de texte, le commentaire en particulier.
Je prends l’exemple de la première strophe :
N’écris pas. Je suis triste, et je voudrais m’éteindre.
Les beaux étés sans toi, c’est la nuit sans flambeau.
J’ai refermé mes bras qui ne peuvent d’atteindre,
Et frapper à mon cœur, c’est frapper au tombeau.
N’écris pas !
Si je veux être prof de littérature (donc, français inclus), il faut que je me situe dans le champ de la création. Autrement dit, de la construction de problématiques.
N’écris pas : l’écriture, l’injonction, le destinataire, l’absence d’objet, Quatre constituants de la problématique créée par l’utilisation ici de cette forme verbale. Cela suppose que soient (aient été) abordés leurs contenus théoriques : pourquoi écrit-on ? Qu’est-ce qu’une injonction ? L’importance du destinataire. Emploi du verbe dans son sens absolu.
Est-ce que ces problèmes intéressent les élèves ? Est-ce qu’ils sont les leurs ?
La réponse que nous choisissons est déterminante. Elle n’est pas d’ordre pédagogique, mais un choix d’ordre philosophique. Si l’on répond non à ces deux questions, il faut en conclure que l’enseignement de la littérature est impossible parce que c’est précisément cela qui en est l’objet. Pareil pour la peinture, la musique etc.
Si on répond oui, on dit en même temps que la création, quelle qu’elle soit, est une construction de problématiques qui concernent tout le monde. Enfants, adolescents compris.
On peut donc passer des heures sur un texte. Comme tous mes collègues, j’ai expliqué pendant des années des œuvres dont j’ai découvert à chaque fois des strates nouvelles qui me permettaient des discours nouveaux.
La pédagogie intervient ici pour déterminer jusqu’où on peut aller avec telle classe de tel âge.
Ce qui rejoint la question du « ce qui reste aux élèves ».
A mon sens, une question inadéquate parce qu’il n’existe pas de réponse possible, venant de nous. La réponse n’est pas essentiellement dans le présent ou le futur proche. Il suffit de s’interroger soi-même pour vérifier ce qu’il faut de temps pour savoir « ce qui nous reste » de ce qu’on nous a enseigné en littérature.
Les textes sont, sauf exceptions rarissimes (si ce sont bien des exceptions…), écrits par des adultes. Si les problématiques qu’ils construisent ne sont pas d’adultes – elles sont celles d’êtres humains – en revanche, l’investissement est celui d’adultes.
«… je voudrais m’éteindre … frapper au tombeau », par exemple, ne résonnent pas de la même façon pour une femme de quarante ans (douloureusement frappée par des décès de proches) ou pour un adolescent. Ils résonnent quand même et c’est cette résonnance qu’il faut parvenir à provoquer. C’est elle qui permet l’accès à la création (commentaire de texte…)
Ce qui reste dépendra de l’investissement sur ces questions-là de l’adolescent devenu adulte. Nul ne peut en préjuger.
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