- lebrudu84Niveau 9
Comme prévu, j'ai choisi la section "tableaux parisiens" des Fleurs du mal comme OI poésie pour ma Seconde; pour mon inspection, je compte attaquer par la LA du poème liminaire: "Paysage"; or à la relecture, ce poème n'est pas si évident et surtout, j'ai peur de faire un léger contresens: suis-je le seul à voir une légère satire du romantisme (à la Larmartine)
je cite l'extrait en question :
Et quand viendra l'hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Des jardins, des jets d'eau pleurant dans les albâtres,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l'Idylle a de plus enfantin.
Le mot "enfantin" me semble dénoncer la gentille "niaiserie" de cette rêverie, entre féérie (façon Orientales de Hugo) et regression antique (l'Idylle).
Bref, je crains de me planter et surtout: mes élèves comprendont-ils cette subtilité? (je précise que j'ouvre la séquence par "L'isolement" de Lamartine).
Alors, voyez-vous cela aussi?
D'un autre côté, je me demande si le deuxième poème de la section "Le soleil" ne serait pas plus simple et plus adéquat, avec le gros avantage d'amorcer une fonction du poète...
extrait (dernier quatrain):
Quand, ainsi qu'un poète, il descend dans les villes,
Il ennoblit le sort des choses les plus viles,
Et s'introduit en roi, sans bruit et sans valets,
Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.
je cite l'extrait en question :
Et quand viendra l'hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Des jardins, des jets d'eau pleurant dans les albâtres,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l'Idylle a de plus enfantin.
Le mot "enfantin" me semble dénoncer la gentille "niaiserie" de cette rêverie, entre féérie (façon Orientales de Hugo) et regression antique (l'Idylle).
Bref, je crains de me planter et surtout: mes élèves comprendont-ils cette subtilité? (je précise que j'ouvre la séquence par "L'isolement" de Lamartine).
Alors, voyez-vous cela aussi?
D'un autre côté, je me demande si le deuxième poème de la section "Le soleil" ne serait pas plus simple et plus adéquat, avec le gros avantage d'amorcer une fonction du poète...
extrait (dernier quatrain):
Quand, ainsi qu'un poète, il descend dans les villes,
Il ennoblit le sort des choses les plus viles,
Et s'introduit en roi, sans bruit et sans valets,
Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.
_________________
Bravo, tu as saisi la différence entre l'auxiliaire "être" et l'auxiliaire "avoir"!
- MaieuHabitué du forum
Paysage. C'est effectivement un regard nouveau sur la ville. Distanciation à la fois de la vision romantique et de l'actualité sociale et politique. Il y a dans cette démarche esthétique un quelque chose qui évoque la philosophie épicurienne et qui annonce Apollinaire. La recherche de la beauté dans la vie/ville moderne. Je le trouve plus abordable que Soleil.
- MarcassinHabitué du forum
Ce passage précis est d'interprétation difficile.
Je peux me tromper mais je n'y vois pas de second degré. Peut-être la mise à distance de ce qui est inaccessible.
Le mouvement dans les quelques vers est celui du spleen vers l'idéal, du repli vers l'intime à partir de la moitié du poème. Ce monde merveilleux mais comme vide, impersonnel et d'un luxe volontiers factice et artificiel (« palais », « jardins », « albâtres ») rappelle "le vert paradis des amours enfantines" ("Mœsta et errabunda"), en dehors du temps et de l'espace, que la puissance incantatoire de la poésie fait entrer dans une misérable mansarde aux volets clos pendant le rude hiver.
« le génie n’est que l’enfance retrouvée à volonté » (Le peintre de la vie moderne)
Je trouve les jeux de sonorités particulièrement subtils pour correspondre à ce monde idéal et précieux :
« je rêverai// des horizons/ bleuâtr(e)s, / Des jardins,/ des jets d’eau// pleurant/ dans les albâtr(e)s/ Des baisers,/ des oiseaux » (allitérations j/d/z)
« Pour bâtir/ dans la nuit// mes féeri/ques palais. » (assonance en i rythmée).
Je peux me tromper mais je n'y vois pas de second degré. Peut-être la mise à distance de ce qui est inaccessible.
Le mouvement dans les quelques vers est celui du spleen vers l'idéal, du repli vers l'intime à partir de la moitié du poème. Ce monde merveilleux mais comme vide, impersonnel et d'un luxe volontiers factice et artificiel (« palais », « jardins », « albâtres ») rappelle "le vert paradis des amours enfantines" ("Mœsta et errabunda"), en dehors du temps et de l'espace, que la puissance incantatoire de la poésie fait entrer dans une misérable mansarde aux volets clos pendant le rude hiver.
« le génie n’est que l’enfance retrouvée à volonté » (Le peintre de la vie moderne)
Je trouve les jeux de sonorités particulièrement subtils pour correspondre à ce monde idéal et précieux :
« je rêverai// des horizons/ bleuâtr(e)s, / Des jardins,/ des jets d’eau// pleurant/ dans les albâtr(e)s/ Des baisers,/ des oiseaux » (allitérations j/d/z)
« Pour bâtir/ dans la nuit// mes féeri/ques palais. » (assonance en i rythmée).
- SergeMédiateur
Marcassin a écrit:Ce passage précis est d'interprétation difficile.
Je peux me tromper mais je n'y vois pas de second degré.
Moi non plus. Baudelaire évoque plusieurs fois ce genre de descriptions idéales, rendues possible par le rêve, seul moyen de vaincre le spleen et la médiocrité de la réalité.
Je n'ai plus le titre de chacun de ces poèmes en tête mais je peux essayer de les retrouver si ça t'intéresse.
- HannibalHabitué du forum
lebrudu84 a écrit:Comme prévu, j'ai choisi la section "tableaux parisiens" des Fleurs du mal comme OI poésie pour ma Seconde; pour mon inspection, je compte attaquer par la LA du poème liminaire: "Paysage"; or à la relecture, ce poème n'est pas si évident et surtout, j'ai peur de faire un léger contresens: suis-je le seul à voir une légère satire du romantisme (à la Larmartine)
je cite l'extrait en question :
Et quand viendra l'hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Des jardins, des jets d'eau pleurant dans les albâtres,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l'Idylle a de plus enfantin.
Je suis d'accord avec cette lecture. L'idylle est à contre-emploi, et l'on est visiblement face à une série de clichés poétisants. Je pense que cette ironie railleuse pointe la disparition de toute référence à la Nature dans la ville moderne.
Il y a aussi, je pense, une nuance d'ironie à l'égard du Parnasse, à travers les allusions à Gautier ("L'Emeute tempêtant vainement à ma vitre /Ne fera pas lever mon front de mon pupitre").
- MarcassinHabitué du forum
Mais n'a-t-il pas dédié Les Fleurs du Mal au "poëte impeccable" qu'est Théophile Gautier ?
Pour moi c'est une idylle revisitée dans la ville moderne (cf "mes églogues" au début) dont - par provocation - il peint un "paysage" soit par la contemplation à la fenêtre soit par la recréation d'un univers poétique intérieur.
Comme quoi ce poème est vraiment difficile.
Pour moi c'est une idylle revisitée dans la ville moderne (cf "mes églogues" au début) dont - par provocation - il peint un "paysage" soit par la contemplation à la fenêtre soit par la recréation d'un univers poétique intérieur.
Comme quoi ce poème est vraiment difficile.
- HannibalHabitué du forum
Marcassin a écrit:Mais n'a-t-il pas dédié Les Fleurs du Mal au "poëte impeccable" qu'est Théophile Gautier ?
Pour moi c'est une idylle revisitée dans la ville moderne (cf "mes églogues" au début) dont - par provocation - il peint un "paysage" soit par la contemplation à la fenêtre soit par la recréation d'un univers poétique intérieur.
Je pense qu'il présente ironiquement la section des TP en parlant d'églogues, et qu'il garde une distance critique par rapport au Parnasse (voir la chute de Rêve parisien). Bref à certains égards, ce programme poétique est presque un anti-programme.
La poésie ne peut ignorer la modernité, et en même temps celle-ci prend sens par ce décalage ironique avec des paysages bucoliques ou féériques devenus dérisoires ou illusoires.
- MarcassinHabitué du forum
Je relis et je réfléchis.
_________________
"Je regarde la grammaire comme la première partie de l'art de penser." (Condillac)
- MaieuHabitué du forum
Peut-être une légère ironie dirigée contre lui-même, teintée d’un peu de dérision visant sa démarche de reconstruction pendant l’hiver des trois saisons disparues. La jouissance de la solitude choisie (l’opposé de L’isolement) et la perception d’une certaine vanité voluptueuse. Les formes de la modernité (atelier, tuyaux, fleuves de charbon…) confrontées à la résistance des formes anciennes (églogues, hymnes, l’étoile dans l’azur, pâle enchantement…).
Baudelaire règle des comptes en permanence.
Baudelaire règle des comptes en permanence.
- cléoNiveau 9
On a eu ce poème à l'agreg en 2003. A la sortie, c'était le carnage : la moitié des candidats (dont moi) disaient que c'était un poème ironique, l'autre moitié que pas du tout...Alors, oui, c'est un poème difficile et ambigu.
- MaieuHabitué du forum
Oui. C'est son intérêt. Il faut laisser fonctionner ce "jeu" de l'ambiguïté.
- MarcassinHabitué du forum
Je vois que, en lisant certaines explications, Maieu tique. :lol:
Je ne parlerais pas de parodie, compte-tenu de la fin du poème qui est sans aucun doute une célébration de la création poétique. A mes yeux ce premier poème des "Tableaux Parisiens" fait précisément la jonction entre la tradition poétique et la modernité.
Bref, si c'est un pastiche, il l'est en hommage à une poésie passée et oubliée, et non en dérision.
Je ne parlerais pas de parodie, compte-tenu de la fin du poème qui est sans aucun doute une célébration de la création poétique. A mes yeux ce premier poème des "Tableaux Parisiens" fait précisément la jonction entre la tradition poétique et la modernité.
Bref, si c'est un pastiche, il l'est en hommage à une poésie passée et oubliée, et non en dérision.
- IphigénieProphète
Sans certitude, mais j'y verrais bien, dans le sens de Marcassin plutôt que de la parodie, une forme de la nostalgie (comme dans Le Cygne qui suit), non?
Le vers:
Et tout ce que l'Idylle a de plus enfantin.
me fait irrésistiblement penser au
"vert paradis des amours enfantines"
non?
edit: je viens de lire le haut du post: Marcassin !
Peut-être influencée par les Eglogues de Virgile qui balançant entre la célébration d'un monde pastoral utopique et l'envahissement progressif de ce monde idyllique par les bouleversements de la "vraie" vie, cherchent la voie d'une nouvelle création poétique
Il me semble d'ailleurs que c'est exactement ce qu'explicite, en symétrie, le poème de fin: Rêve Parisien.
Le vers:
Et tout ce que l'Idylle a de plus enfantin.
me fait irrésistiblement penser au
"vert paradis des amours enfantines"
non?
edit: je viens de lire le haut du post: Marcassin !
Peut-être influencée par les Eglogues de Virgile qui balançant entre la célébration d'un monde pastoral utopique et l'envahissement progressif de ce monde idyllique par les bouleversements de la "vraie" vie, cherchent la voie d'une nouvelle création poétique
Il me semble d'ailleurs que c'est exactement ce qu'explicite, en symétrie, le poème de fin: Rêve Parisien.
- HannibalHabitué du forum
Remarquons tout de même que le programme qui se définit dans Paysage est mis en échec dans la section des T.P.
Dans Paysage, il s’agit de transfigurer la réalité, le chant de l’atelier devient celui des oiseaux, etc. - or cette transfiguration va échouer de plusieurs manières.
- Le poète ne restera pas en surplomb, il va sortir (Le Soleil) et se mêler à la foule parisienne, croiser la mendiante rousse, la passante, les petites vieilles etc. Il a beau se rêver en soleil qui illumine les bas-fonds dans Le Soleil, il reste un décalage significatif entre ce que le poète fait et ce qu’il rêve de faire, puisque l’astre est présenté comme une instance poétique que le je clochardisé ne singe que maladroitement : « quand le soleil cruel frappe à traits redoublés », le je, lui, tire des coups d’épée dans l’eau « Je vais m’exercer seul à ma fantasque escrime », et trébuche « sur les mots comme sur les pavés ».
- Si Paysage se propose de passer de la réalité à la fantasmagorie, Rêve parisien opère le trajet exactement inverse : la réalité vient ruiner la construction imaginaire, et ce sont moins les pouvoirs de la pure imagination qui sont célébrés que ses limites qui trouvent à s’illustrer. S’enfermer dans l'imaginaire de l’Art pour l’Art, apparemment, ça expose à des déconvenues.
Même chose d’ailleurs avec le Crépuscule du matin, ultime paysage parisien d’où le je et ses fantasmagories ont complètement disparu, au point qu’il ne reste qu’une «Seine déserte » - et une scène poétique désertée.
Bref, la section des TP s’ouvre sur un programme qui célèbre l’énergie créatrice de l’imagination, mais cette confiance accordée aux pouvoirs de transfiguration de la poésie se verra infliger des démentis plus ou moins ironiques tout au long de la section.
Et il me semble que cet échec est déjà inscrit dans les clichés de Paysage, qui n’annoncent finalement que ce qui n’aura pas lieu. La réclusion à la Gautier, qui prétend ignorer l’Histoire en s’enfermant dans l’éternité de l’Art va s’avérer intenable, et la ville moderne va prendre sens à travers sa résistance à la transfiguration artistique, ceci parce qu'elle manque, en fait, de réalité.
Dans Paysage, il s’agit de transfigurer la réalité, le chant de l’atelier devient celui des oiseaux, etc. - or cette transfiguration va échouer de plusieurs manières.
- Le poète ne restera pas en surplomb, il va sortir (Le Soleil) et se mêler à la foule parisienne, croiser la mendiante rousse, la passante, les petites vieilles etc. Il a beau se rêver en soleil qui illumine les bas-fonds dans Le Soleil, il reste un décalage significatif entre ce que le poète fait et ce qu’il rêve de faire, puisque l’astre est présenté comme une instance poétique que le je clochardisé ne singe que maladroitement : « quand le soleil cruel frappe à traits redoublés », le je, lui, tire des coups d’épée dans l’eau « Je vais m’exercer seul à ma fantasque escrime », et trébuche « sur les mots comme sur les pavés ».
- Si Paysage se propose de passer de la réalité à la fantasmagorie, Rêve parisien opère le trajet exactement inverse : la réalité vient ruiner la construction imaginaire, et ce sont moins les pouvoirs de la pure imagination qui sont célébrés que ses limites qui trouvent à s’illustrer. S’enfermer dans l'imaginaire de l’Art pour l’Art, apparemment, ça expose à des déconvenues.
Même chose d’ailleurs avec le Crépuscule du matin, ultime paysage parisien d’où le je et ses fantasmagories ont complètement disparu, au point qu’il ne reste qu’une «Seine déserte » - et une scène poétique désertée.
Bref, la section des TP s’ouvre sur un programme qui célèbre l’énergie créatrice de l’imagination, mais cette confiance accordée aux pouvoirs de transfiguration de la poésie se verra infliger des démentis plus ou moins ironiques tout au long de la section.
Et il me semble que cet échec est déjà inscrit dans les clichés de Paysage, qui n’annoncent finalement que ce qui n’aura pas lieu. La réclusion à la Gautier, qui prétend ignorer l’Histoire en s’enfermant dans l’éternité de l’Art va s’avérer intenable, et la ville moderne va prendre sens à travers sa résistance à la transfiguration artistique, ceci parce qu'elle manque, en fait, de réalité.
- MaieuHabitué du forum
Marcassin a écrit:Je vois que, en lisant certaines explications, Maieu tique. :lol:
Je ne parlerais pas de parodie, compte-tenu de la fin du poème qui est sans aucun doute une célébration de la création poétique. A mes yeux ce premier poème des "Tableaux Parisiens" fait précisément la jonction entre la tradition poétique et la modernité.
Bref, si c'est un pastiche, il l'est en hommage à une poésie passée et oubliée, et non en dérision.
Le calembour a déjà été fait par un autre intervenant. Il restera comme une... marque à cinq (sous) ... même si l'humour ainsi accouché (je parle du mien) est laborieux. Mais le calembour doit être très mauvais pour être très bon.
Cela dit, je ne tiquais pas. Je partage les explications proposées dans lesquelles je n'ai vu ni proposition de pastiche ou de parodie (?). Mais j'ai peut-être mal lu.
- lebrudu84Niveau 9
Whoua!
Je pensais que, depuis le temps, ma requête restrait sans réponse; joie de voir toutes ces riches réponses en l'espace de trois jours!
Merci à tous! Et je tire à mon chapeau à Hannibal qui a vu lui aussi le lien inversé avec "Rêve parisien" (j'ai tapé la lecture analytique cet après midi!) et pour ces éclairages hyper pertinents sur les TP, dont je vais m'inspirer pour l'ultime séance de synthèse! :lol:
En conclusion, pour ce poème lors mon inspection, ambiguité toute!
PS: Pour les relations avec Gautier, ce n'est jamais simple: la dédicace "au poète impeccable" est souvent lue comme un perfide coup de griffe et la fin du poème est aussi de mon point de vue un clin d'oeil à la préface d'Emaux et camées.
PS2: Si vous voulez un autre casse-tête baudelairien, justement dans "Rêve parisien": pourquoi ce choix de l'octosyllabe, assez inhabituel pour le grand Charles?
Je pensais que, depuis le temps, ma requête restrait sans réponse; joie de voir toutes ces riches réponses en l'espace de trois jours!
Merci à tous! Et je tire à mon chapeau à Hannibal qui a vu lui aussi le lien inversé avec "Rêve parisien" (j'ai tapé la lecture analytique cet après midi!) et pour ces éclairages hyper pertinents sur les TP, dont je vais m'inspirer pour l'ultime séance de synthèse! :lol:
En conclusion, pour ce poème lors mon inspection, ambiguité toute!
PS: Pour les relations avec Gautier, ce n'est jamais simple: la dédicace "au poète impeccable" est souvent lue comme un perfide coup de griffe et la fin du poème est aussi de mon point de vue un clin d'oeil à la préface d'Emaux et camées.
PS2: Si vous voulez un autre casse-tête baudelairien, justement dans "Rêve parisien": pourquoi ce choix de l'octosyllabe, assez inhabituel pour le grand Charles?
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Bravo, tu as saisi la différence entre l'auxiliaire "être" et l'auxiliaire "avoir"!
- HannibalHabitué du forum
lebrudu84 a écrit:PS2: Si vous voulez un autre casse-tête baudelairien, justement dans "Rêve parisien": pourquoi ce choix de l'octosyllabe, assez inhabituel pour le grand Charles?
Peut-être pour traduire un certain inachèvement, par contraste avec l'alexandrin.
Mais sinon, c'est aussi le mètre qu'emploie Gautier dans sa préface d'Emaux et Camées :
Pendant les guerres de l’empire,
Goethe, au bruit du canon brutal,
Fit le Divan occidental,
Fraîche oasis où l’art respire.
Pour Nisami quittant Shakspeare,
Il se parfuma de santal,
Et sur un mètre oriental
Nota le chant qu’Hudhud soupire.
Comme Goethe sur son divan
À Weimar s’isolait des choses
Et d’Hafiz effeuillait les roses,
Sans prendre garde à l’ouragan
Qui fouettait mes vitres fermées,
Moi, j’ai fait Émaux et Camées.
Rêve parisien me paraît faire le constat qu'il est illusoire d'espérer s'abstraire ainsi de la réalité et de l'Histoire. Tôt ou tard, il faut rouvrir les yeux et les fenêtres.
Si ça intéresse, j'avais bricolé un commentaire complet de Rêve parisien, (> mp).
- MaieuHabitué du forum
Baudelaire et l’Histoire… Il y a chez lui un clivage dont on peut trouver une illustration dans ce qu’il écrit à propos d’Auguste Barbier (Sur mes contemporains), qui, comme Pierre Dupont qu’il admire également, est un poète populaire, engagé : « Il a fait des vers superbes ; il est naturellement éloquent ; son âme a des bondissements qui enlèvent le lecteur etc. (…) La gloire de ce poète est faite et (…) la postérité ne l’oubliera pas… » Cette louange est prise en tenailles entre « Quelque magnifiques que soient ses vers, le vers en lui-même n’a pas été son amour principal » et « L’origine de cette gloire n’est pas pure ; car elle est née de l’occasion. » Pour autant son admiration est sincère.
Lui ne s’engage pas, ni dans l’actualité événementielle – s’il s’est fait remarquer sur les barricades de 1848, c’était pour demander qu’on fusille son beau-père, le général Aupick – ni dans une vision de l’Histoire.
La résolution de ses contradictions (aux figures diverses, Dieu et Satan, entre autres) est d’ordre esthétique et c’est là que se situent l’originalité et la force de sa poésie. Voir Les petites vieilles, dont la dédicace à Victor Hugo - provocation ? – est significative de cette démarche « pervertie » : là où Hugo aurait vu des personnes émouvantes, il voit des objets érotiques.
La conclusion des TP est dans le poème suivant (Le crépuscule du matin), en particulier la dernière strophe : « L’aurore grelottante en robe rose et verte... »
La ville et ses habitants commencent à être des objets de contemplation esthétique dans leur dureté même. Ce n’est évidemment pas facile (d'où précisément le titre du dernier poème des TP). Le « je » au milieu du 19ème siècle n’est encore qu’adolescent. Est-ce que Baudelaire a jamais dépassé cette étape de la vie ?
Lui ne s’engage pas, ni dans l’actualité événementielle – s’il s’est fait remarquer sur les barricades de 1848, c’était pour demander qu’on fusille son beau-père, le général Aupick – ni dans une vision de l’Histoire.
La résolution de ses contradictions (aux figures diverses, Dieu et Satan, entre autres) est d’ordre esthétique et c’est là que se situent l’originalité et la force de sa poésie. Voir Les petites vieilles, dont la dédicace à Victor Hugo - provocation ? – est significative de cette démarche « pervertie » : là où Hugo aurait vu des personnes émouvantes, il voit des objets érotiques.
La conclusion des TP est dans le poème suivant (Le crépuscule du matin), en particulier la dernière strophe : « L’aurore grelottante en robe rose et verte... »
La ville et ses habitants commencent à être des objets de contemplation esthétique dans leur dureté même. Ce n’est évidemment pas facile (d'où précisément le titre du dernier poème des TP). Le « je » au milieu du 19ème siècle n’est encore qu’adolescent. Est-ce que Baudelaire a jamais dépassé cette étape de la vie ?
- MarcassinHabitué du forum
Hannibal est très convaincant. J'ai envie de tout relire du coup.
Disons, pour la défense du premier degré, que ce poème présente une belle illusion, pour le lecteur comme pour le poète, illusion que les autres tableaux parisiens mettent ensuite à mal.
Dit comme ça, on est tous d'accord, non ?
Disons, pour la défense du premier degré, que ce poème présente une belle illusion, pour le lecteur comme pour le poète, illusion que les autres tableaux parisiens mettent ensuite à mal.
Dit comme ça, on est tous d'accord, non ?
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"Je regarde la grammaire comme la première partie de l'art de penser." (Condillac)
- lebrudu84Niveau 9
Merci de vos dernières interventions
@ Hannibal: décidément on se rejoint!J'ai constaté effectivement hier que l'octosyllabe est un vers très utilisé par Gautier; de là à y voir un clin d'oeil tordu (voire le coup de l'âne... ).
@ Maieu : sur l'Histoire, c'est tout aussi ambigu que dans le rapport à Hugo (mais pour les trois poèmes dédicacés, dont "les petites vieilles", il y a en plus intertextualité); en tout cas, très stimulante réflexion!
@ Marcassin: on est d'accord
@ Hannibal: décidément on se rejoint!J'ai constaté effectivement hier que l'octosyllabe est un vers très utilisé par Gautier; de là à y voir un clin d'oeil tordu (voire le coup de l'âne... ).
@ Maieu : sur l'Histoire, c'est tout aussi ambigu que dans le rapport à Hugo (mais pour les trois poèmes dédicacés, dont "les petites vieilles", il y a en plus intertextualité); en tout cas, très stimulante réflexion!
@ Marcassin: on est d'accord
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Bravo, tu as saisi la différence entre l'auxiliaire "être" et l'auxiliaire "avoir"!
- Avis sur une séquence : Tableaux parisiens
- Tableaux susceptibles de servir de support à la rédaction d'un poème lyrique
- De quel poème de Baudelaire est issu ce vers sur l'alchimie du lang.?
- Charles Baudelaire : "L'Invitation au voyage" (Poème en prose), lecture analytique
- Emmanuel Davidenkoff (l'Etudiant) : "Quand je dis les bobos parisiens : c'est surtout les profs parisiens qui sont mécontents de la réforme des rythmes scolaires".
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