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[libé] Le bilan de Sarkozy pour la recherche par Bruno Chaudret (CNRS) Empty [libé] Le bilan de Sarkozy pour la recherche par Bruno Chaudret (CNRS)

par Invité Mar 06 Mar 2012, 12:06
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Bruno Chaudret, chimiste et membre de l’Académie des sciences, élu par ses pairs, est Président du Conseil scientifique du Cnrs. Il répond aux questions de {Sciences²} sur la politique de recherche de Nicolas Sarkozy et ses attentes en perspective d'une alternance politique en 2012.

Ce matin, j'ai publié une longue note sur "l'incompréhension" persistante entre certains universitaires de gauche et François Hollande quant à la politique à mener après avoir changé de Président de la République.

Quel bilan tirez-vous du quinquennat de Nicolas Sarkozy pour la recherche française ?

Bruno Chaudret: Il en a beaucoup parlé pour faire croire que c’était une priorité de son gouvernement. La réalité est très différente. L’argent ? Les directeurs des laboratoires reçoivent des dotations pour 2012 en chute libre, jusqu’à 80% pour l’INSU - Institut des sciences de l’univers du Cnrs ! Les structures ? Celles qui ont organisé nos succès scientifiques par leurs choix structurants et collectifs, le CNRS en particulier, ont été affaiblies et sous-financées. La mission centrale du Cnrs, l’avancée des connaissances, est soumise à l’objectif de participer à l’économie de la connaissance. Un non-sens puisque l’histoire des sciences montre que ce sont les recherches libres qui ont in fine le plus contribué à l’industrie, recherches libres qui ont le plus diminué sous Sarkozy.

L’emploi scientifique ? Il stagne en terme de postes stables, mais des milliers d’emplois précaires peuplent toujours nos laboratoires. Sarkozy n’a absolument pas redressé la situation, au contraire puisque la France occupe désormais la vingt-sixième position (sur 32 classés par l’OCDE) pour le budget civil de la recherche rapporté au PIB. L’empilement des structures nouvelles, des appels d’offres et compétitions permanents pour le moindre sou épuisent les chercheurs qui gaspillent leur temps et leur énergie à remplir des dossiers dont l’énorme majorité sera refusée au lieu de réaliser des travaux de recherche effectifs. Le sentiment d’humiliation provoqué par le discours de Sarkozy en janvier 2009 est toujours là.

Pourquoi refuser la compétition comme mode de financement de la recherche ?

Bruno Chaudret: Au lieu de définir une politique cohérente, ces modes de financement ont organisé des concours entre projets au prix de la casse des structures de base de la recherche, les laboratoires mixtes Cnrs/université, ou Inserm/université. La recherche exige solidarité, collaborations locales, nationales et mondiales, mais aussi l’aiguillon de la compétition… Je ne connais pas de chercheur qui refuse la compétition, mais elle se déroule avec ses pairs au niveau mondial. Sarkozy en a mis partout – entre individus (primes), équipes, laboratoires, universités et régions. Mais si l’émulation est bonne lorsqu’elle sert à faire avancer les connaissances, cette concurrence à tous les niveaux est stérile. Donner plus d’argent aux meilleurs ? Imaginer que c’est le moteur intime des chercheurs ne fait qu’illustrer la méconnaissance de la science par nos élites politiques. Est-ce que la compétition entre projets de nature et objets différents favorise l’émergence de sujets nouveaux, risqués, aventureux mais porteurs de ruptures en cas de succès ? Non, un système basé sur les appels d’offres encourage en général la conformité et les thématiques déjà bien établies. Derrière les prix Nobel ou les médailles Fields, on trouve la recherche libre.

Attendez-vous d’une alternance politique en 2012 qu’elle mette en cause les structures mises en place par la droite ?

Bruno Chaudret: La communauté scientifique est fatiguée de ces réformes et veut se concentrer sur ses missions : chercher et former. L’urgence, c’est de redonner de l’oxygène aux laboratoires en rééquilibrant budget de l’Agence nationale de la recherche et Manif jeunes chercheurs précaires crédits de base des laboratoires. La politique des appels d’offres à court terme a généré des milliers d’emplois précaires dans les universités et les laboratoires et les entreprises auxquels il faut proposer des emplois stables. Mais ceci implique de mettre en place un plan pluri-annuel de l’emploi scientifique prévoyant des créations de poste en nombre. Comment parler de société de la connaissance sans investir dans la connaissance ? Ensuite, c’est l’arrêt de la politique aberrante des IDEX - initiatives d’excellence - au profit d’une politique d’aménagement du territoire cohérente, qui vise le meilleur fonctionnement possible de notre système. Le Cnrs doit pouvoir se réinvestir dans la politique scientifique nationale et la mettre en œuvre par des partenariats avec les universités. On n’oublie pas pour autant qu’il faudra revoir le rôle des agences créées par le gouvernement comme les lois qui encadrent les universités.

Propos recueillis par Sylvestre Huet
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