- MufabGrand Maître
Vous avez lu le géant égoïste ?
- phiExpert
Lorsque j'étais en CM (à Belleville, une vraie classe avec de vrais élèves, donc, vu que c'est vrai, l'an dernier j'étais dans un milieu plutôt favorisé) nous avions lu des passages de Tartarin de Tarascon (le tir à la casquette) et trois hommes dans un bateau, qui a été cité il y a quelques pages (le passage de la boîte d'ananas) ainsi que les lettres de mon moulin (déjà cité aussi) et des extraits de la gloire de mon père et du chateau de ma mère (un passage sur le déballage des bagages devant la grille du château et un autre sur les bartavelles je crois, et l'extrait où on apprend que les filles sont toutes des "garçons manqués" :lol:
Je joins quand même la version de Jeannot et Colin que j'avais lue l'année dernière: Rien à voir avec la difficulté de Candide, et je vous assure que c'est bien passé!
Et une scène de Feydeau:
Je joins quand même la version de Jeannot et Colin que j'avais lue l'année dernière: Rien à voir avec la difficulté de Candide, et je vous assure que c'est bien passé!
Et une scène de Feydeau:
- Spoiler:
- FEYDEAU: Fiancés en herbe (extraits)
COMÉDIE ENFANTINE EN UN ACTE
Jouée par la petite DUHAMEL, de la Gaîté et la petite SITHLÉ, de l'Odéon.
PERSONNAGES
René (11 ans)
La petite Duhamel (Théâtre de la Gaîté).
Henriette (9 ans)
La petite Stehlé (Théâtre de l'Odéon).
Une salle d'étude quelconque. René et Henriette sont tous les deux assis vis-à-vis l'un de l'autre, à la table de travail qui occupe le milieu de la scène. Au fond, une fenêtre avec des rideaux blancs. Mobilier «ad libitum». Sur la table, des papiers, des livres de classe, des plumes et de l'encre.
Scène unique
René, Henriette
Au lever du rideau, ils apprennent leur leçon les oreilles dans leurs mains et marmottent entre leurs dents: «Maître Corbeau, sur un arbre perché... Maître Corbeau sur un arbre perché...»
Henriette (après un temps relevant la tête): Ah! que c’est ennuyeux ! Ça ne veut pas entrer...
René: Moi ça commence !... Je sais jusqu'à “fromage!”, “... tenait dans son bec un fromage”.
Henriette: Deux lignes !... déjà!...
René: Oui, et toi?
Henriette: Moi, je commence un peu à savoir le titre.
René: Oh ! tu verras, ça n'est pas très difficile... c'est très bête cette fable-là... c'est pour les petits enfants…mais on la retient facilement.
Henriette : Dis donc, tu les aimes, toi, les Fables de La Fontaine?
René (bon enfant): Oh ! non... ça n'est plus de mon âge.
Henriette (naïvement): Qui est-ce qui les a faites, les Fables de La Fontaine? …
René (très carré): Je ne sais pas !... il n'a pas de talent.
Henriette (avec conviction): Non !... D'abord pourquoi est-ce que ça s'appelle les Fables de La Fontaine?
René: Pour rien…c'est un mot composé... comme dans la gram¬maire, «rez-de-chaussée, arc-en-ciel, chou-fleur».
Henriette: Haricots verts.
René: Parfaitement !
Henriette: Eh bien ! moi j'aurais appelé ça Fables des animaux … plutôt que Fables de La Fontaine.., parce qu'il y a tout le temps des animaux.., et qu'il n'y a presque pas de fontaines. Voilà!
René : C'est évident... et on devrait le dire à l'auteur.
Henriette: Ah ! l'auteur, ce qu'il aurait fait de mieux c'est de ne pas les écrire, ses fables ! car enfin c'est à cause de lui qu'il faut les savoir, s'il ne les avait pas faites, on n'aurait pas à les apprendre... Et puis, à quoi ça sert-il les fables?
René: Ah bien! ça vous apprend quelque chose.
Henriette: Ah! par exemple, je voudrais bien savoir ce que nous apprend Le Corbeau et le Renard?
René: Mais cela t'apprend qu'il ne faut pas parler aux gens quand on a du fromage dans la bouche.
(…)
Henriette (tragiquement): Ah ! ce n'est pas rose la vie
René : Oh ! non... sans compter que depuis quelques jours je suis très perplexe.
Henriette: Perplexe ?
René : Oui, c'est un mot de papa... ça veut dire “perplexe”, quoi!
- fugueNiveau 8
Mufab a écrit:Vous avez lu le géant égoïste ?
Oui, sinon je n'en parlerais pas.
La fin, mmm, et bien, on la coupe...
Et hop!
Pareil pour la fin du Prince heureux.
- doublecasquetteEnchanteur
Bon ! Je constate que depuis hier, il y a toujours amalgame entre le livre à emporter chez soi pour lire et l'objectif premier de DC instit, soit faire une liste de textes à lire en classe, probablement à haute voix et à tour de rôle, avec explications intercalées du maître (vocabulaire, grammaire, syntaxe), puis éventuellement discussion générale ou par groupes après lecture, le tout se déroulant à l'intérieur de la salle de classe, en huis clos, sans intervention extérieure.
Une première approche de l'explication de textes.
L'un d'entre nous, plus haut, s'inquiétait de ce que des enfants qui auraient lu de tels textes en CM ne puissent, sans s'ennuyer, les revoir en Cinquième ou Troisième.
C'est à mon humble avis une drôle d'idée, car l'usage explicatif qu'on fait d'un texte à huit ans est à cent lieues de celui qu'on en fait à quinze ans, et, si le texte est riche (et ce sera obligatoirement le cas s'il est bien choisi), les gosses seront ravis de voir comme leur cerveau a progressé depuis le temps lointain où ils avaient lu ce texte au CE2 ou CM1 et comme ils ont pu passer à côté de tant de significations, de figures de style etc ...
DC véto
Une première approche de l'explication de textes.
L'un d'entre nous, plus haut, s'inquiétait de ce que des enfants qui auraient lu de tels textes en CM ne puissent, sans s'ennuyer, les revoir en Cinquième ou Troisième.
C'est à mon humble avis une drôle d'idée, car l'usage explicatif qu'on fait d'un texte à huit ans est à cent lieues de celui qu'on en fait à quinze ans, et, si le texte est riche (et ce sera obligatoirement le cas s'il est bien choisi), les gosses seront ravis de voir comme leur cerveau a progressé depuis le temps lointain où ils avaient lu ce texte au CE2 ou CM1 et comme ils ont pu passer à côté de tant de significations, de figures de style etc ...
DC véto
- doublecasquetteEnchanteur
Merci pour les textes ! Vous me permettez de les collecter ?
En voici quatre autres pour les CE. Peut-être faudrait-il que, comme vous, je fasse apparaître le nom de l'auteur dans le titre, non ?
En voici quatre autres pour les CE. Peut-être faudrait-il que, comme vous, je fasse apparaître le nom de l'auteur dans le titre, non ?
- doublecasquetteEnchanteur
Je n'arrive pas à copier/coller le Feydeau...
Vous croyez que c'est parce qu'il est dans un spoiler ?
Vous croyez que c'est parce qu'il est dans un spoiler ?
- MufabGrand Maître
A mon avis c'est ton ordi qui déc'.
FEYDEAU: Fiancés en herbe (extraits)
COMÉDIE ENFANTINE EN UN ACTE
Jouée par la petite DUHAMEL, de la Gaîté et la petite SITHLÉ, de l'Odéon.
PERSONNAGES
René (11 ans)
La petite Duhamel (Théâtre de la Gaîté).
Henriette (9 ans)
La petite Stehlé (Théâtre de l'Odéon).
Une salle d'étude quelconque. René et Henriette sont tous les deux assis vis-à-vis l'un de l'autre, à la table de travail qui occupe le milieu de la scène. Au fond, une fenêtre avec des rideaux blancs. Mobilier «ad libitum». Sur la table, des papiers, des livres de classe, des plumes et de l'encre.
Scène unique
René, Henriette
Au lever du rideau, ils apprennent leur leçon les oreilles dans leurs mains et marmottent entre leurs dents: «Maître Corbeau, sur un arbre perché... Maître Corbeau sur un arbre perché...»
Henriette (après un temps relevant la tête): Ah! que c’est ennuyeux ! Ça ne veut pas entrer...
René: Moi ça commence !... Je sais jusqu'à “fromage!”, “... tenait dans son bec un fromage”.
Henriette: Deux lignes !... déjà!...
René: Oui, et toi?
Henriette: Moi, je commence un peu à savoir le titre.
René: Oh ! tu verras, ça n'est pas très difficile... c'est très bête cette fable-là... c'est pour les petits enfants…mais on la retient facilement.
Henriette : Dis donc, tu les aimes, toi, les Fables de La Fontaine?
René (bon enfant): Oh ! non... ça n'est plus de mon âge.
Henriette (naïvement): Qui est-ce qui les a faites, les Fables de La Fontaine? …
René (très carré): Je ne sais pas !... il n'a pas de talent.
Henriette (avec conviction): Non !... D'abord pourquoi est-ce que ça s'appelle les Fables de La Fontaine?
René: Pour rien…c'est un mot composé... comme dans la gram¬maire, «rez-de-chaussée, arc-en-ciel, chou-fleur».
Henriette: Haricots verts.
René: Parfaitement !
Henriette: Eh bien ! moi j'aurais appelé ça Fables des animaux … plutôt que Fables de La Fontaine.., parce qu'il y a tout le temps des animaux.., et qu'il n'y a presque pas de fontaines. Voilà!
René : C'est évident... et on devrait le dire à l'auteur.
Henriette: Ah ! l'auteur, ce qu'il aurait fait de mieux c'est de ne pas les écrire, ses fables ! car enfin c'est à cause de lui qu'il faut les savoir, s'il ne les avait pas faites, on n'aurait pas à les apprendre... Et puis, à quoi ça sert-il les fables?
René: Ah bien! ça vous apprend quelque chose.
Henriette: Ah! par exemple, je voudrais bien savoir ce que nous apprend Le Corbeau et le Renard?
René: Mais cela t'apprend qu'il ne faut pas parler aux gens quand on a du fromage dans la bouche.
(…)
Henriette (tragiquement): Ah ! ce n'est pas rose la vie
René : Oh ! non... sans compter que depuis quelques jours je suis très perplexe.
Henriette: Perplexe ?
René : Oui, c'est un mot de papa... ça veut dire “perplexe”, quoi!
FEYDEAU: Fiancés en herbe (extraits)
COMÉDIE ENFANTINE EN UN ACTE
Jouée par la petite DUHAMEL, de la Gaîté et la petite SITHLÉ, de l'Odéon.
PERSONNAGES
René (11 ans)
La petite Duhamel (Théâtre de la Gaîté).
Henriette (9 ans)
La petite Stehlé (Théâtre de l'Odéon).
Une salle d'étude quelconque. René et Henriette sont tous les deux assis vis-à-vis l'un de l'autre, à la table de travail qui occupe le milieu de la scène. Au fond, une fenêtre avec des rideaux blancs. Mobilier «ad libitum». Sur la table, des papiers, des livres de classe, des plumes et de l'encre.
Scène unique
René, Henriette
Au lever du rideau, ils apprennent leur leçon les oreilles dans leurs mains et marmottent entre leurs dents: «Maître Corbeau, sur un arbre perché... Maître Corbeau sur un arbre perché...»
Henriette (après un temps relevant la tête): Ah! que c’est ennuyeux ! Ça ne veut pas entrer...
René: Moi ça commence !... Je sais jusqu'à “fromage!”, “... tenait dans son bec un fromage”.
Henriette: Deux lignes !... déjà!...
René: Oui, et toi?
Henriette: Moi, je commence un peu à savoir le titre.
René: Oh ! tu verras, ça n'est pas très difficile... c'est très bête cette fable-là... c'est pour les petits enfants…mais on la retient facilement.
Henriette : Dis donc, tu les aimes, toi, les Fables de La Fontaine?
René (bon enfant): Oh ! non... ça n'est plus de mon âge.
Henriette (naïvement): Qui est-ce qui les a faites, les Fables de La Fontaine? …
René (très carré): Je ne sais pas !... il n'a pas de talent.
Henriette (avec conviction): Non !... D'abord pourquoi est-ce que ça s'appelle les Fables de La Fontaine?
René: Pour rien…c'est un mot composé... comme dans la gram¬maire, «rez-de-chaussée, arc-en-ciel, chou-fleur».
Henriette: Haricots verts.
René: Parfaitement !
Henriette: Eh bien ! moi j'aurais appelé ça Fables des animaux … plutôt que Fables de La Fontaine.., parce qu'il y a tout le temps des animaux.., et qu'il n'y a presque pas de fontaines. Voilà!
René : C'est évident... et on devrait le dire à l'auteur.
Henriette: Ah ! l'auteur, ce qu'il aurait fait de mieux c'est de ne pas les écrire, ses fables ! car enfin c'est à cause de lui qu'il faut les savoir, s'il ne les avait pas faites, on n'aurait pas à les apprendre... Et puis, à quoi ça sert-il les fables?
René: Ah bien! ça vous apprend quelque chose.
Henriette: Ah! par exemple, je voudrais bien savoir ce que nous apprend Le Corbeau et le Renard?
René: Mais cela t'apprend qu'il ne faut pas parler aux gens quand on a du fromage dans la bouche.
(…)
Henriette (tragiquement): Ah ! ce n'est pas rose la vie
René : Oh ! non... sans compter que depuis quelques jours je suis très perplexe.
Henriette: Perplexe ?
René : Oui, c'est un mot de papa... ça veut dire “perplexe”, quoi!
- doublecasquetteEnchanteur
C'est bon, ça marche ! Merci, Muf !
- fugueNiveau 8
Oui, naturellement, prenez ce que vous voulez.
D'ailleurs, si vous voyez des coquilles...
Nom de l'auteur ou titre, ma foi, je n'ai pas d'avis.
Ci-joint un texte de Delattre fait en CM2.
D'ailleurs, si vous voyez des coquilles...
Nom de l'auteur ou titre, ma foi, je n'ai pas d'avis.
Ci-joint un texte de Delattre fait en CM2.
- Fichiers joints
- fugueNiveau 8
Dans le texte de Feydeau, je trouve la fin bizarre, non? Comme s'il manquait quelque chose?
- fugueNiveau 8
Deux coquilles dans le voyage aérien de Tom Pouce:
dans la cour «lu palais.
4. Ce jour-Jà, Je roi ne déjeuna pas
dans la cour «lu palais.
4. Ce jour-Jà, Je roi ne déjeuna pas
- phiExpert
C'est seulement le début... Version "longue":
FEYDEAU: Fiancés en herbe (extraits)
COMÉDIE ENFANTINE EN UN ACTE
Jouée par la petite DUHAMEL, de la Gaîté et la petite SITHLÉ, de l'Odéon.
PERSONNAGES
René (11 ans)
La petite Duhamel (Théâtre de la Gaîté).
Henriette (9 ans)
La petite Stehlé (Théâtre de l'Odéon).
Une salle d'étude quelconque. René et Henriette sont tous les deux assis vis-à-vis l'un de l'autre, à la table de travail qui occupe le milieu de la scène. Au fond, une fenêtre avec des rideaux blancs. Mobilier «ad libitum». Sur la table, des papiers, des livres de classe, des plumes et de l'encre.
Scène unique
René, Henriette
Au lever du rideau, ils apprennent leur leçon les oreilles dans leurs mains et marmottent entre leurs dents: «Maître Corbeau, sur un arbre perché... Maître Corbeau sur un arbre perché...»
Henriette (après un temps relevant la tête): Ah! que c’est ennuyeux ! Ça ne veut pas entrer...
René: Moi ça commence !... Je sais jusqu'à “fromage!”, “... tenait dans son bec un fromage”.
Henriette: Deux lignes !... déjà!...
René: Oui, et toi?
Henriette: Moi, je commence un peu à savoir le titre.
René: Oh ! tu verras, ça n'est pas très difficile... c'est très bête cette fable-là... c'est pour les petits enfants…mais on la retient facilement.
Henriette : Dis donc, tu les aimes, toi, les Fables de La Fontaine?
René (bon enfant): Oh ! non... ça n'est plus de mon âge.
Henriette (naïvement): Qui est-ce qui les a faites, les Fables de La Fontaine? …
René (très carré): Je ne sais pas !... il n'a pas de talent.
Henriette (avec conviction): Non !... D'abord pourquoi est-ce que ça s'appelle les Fables de La Fontaine?
René: Pour rien…c'est un mot composé... comme dans la gram¬maire, «rez-de-chaussée, arc-en-ciel, chou-fleur».
Henriette: Haricots verts.
René: Parfaitement !
Henriette: Eh bien ! moi j'aurais appelé ça Fables des animaux … plutôt que Fables de La Fontaine.., parce qu'il y a tout le temps des animaux.., et qu'il n'y a presque pas de fontaines. Voilà!
René : C'est évident... et on devrait le dire à l'auteur.
Henriette: Ah ! l'auteur, ce qu'il aurait fait de mieux c'est de ne pas les écrire, ses fables ! car enfin c'est à cause de lui qu'il faut les savoir, s'il ne les avait pas faites, on n'aurait pas à les apprendre... Et puis, à quoi ça sert-il les fables?
René: Ah bien! ça vous apprend quelque chose.
Henriette: Ah! par exemple, je voudrais bien savoir ce que nous apprend Le Corbeau et le Renard?
René: Mais cela t'apprend qu'il ne faut pas parler aux gens quand on a du fromage dans la bouche.
(…)
Henriette (tragiquement): Ah ! ce n'est pas rose la vie
René : Oh ! non... sans compter que depuis quelques jours je suis très perplexe.
Henriette: Perplexe ?
René : Oui, c'est un mot de papa... ça veut dire “perplexe”, quoi!
Henriette: Ah! Bon…et pourquoi es tu…ce que tu dis?
René : Je crois que papa a l'intention de me marier.
Henriette : Toi ?
René: Oui... je ne sais pas... tu connais la marquise d'Engelure, l'amie de maman... tu sais, qui renifle tout le temps..., figure-toi qu'elle a acheté une petite fille ! Alors j'ai entendu papa qui lui disait : «Ce sera une jolie petite femme pour mon fils !». Moi j'ai pas osé dire «Ah ! flûte!» parce que papa n'aime pas ça..., mais il me dégoûte ce marmot, je ne peux pas le conduire dans le monde ! Il bave encore!... Ah ! si cela avait été toi seulement...
Henriette: Moi !
René: Oh ! oui, toi... je ne dirais pas non... j'ai de l'amitié pour toi, j'ai de l'amour.
Henriette: A quoi voit-on qu'on a de l'amour?
René: C'est pas malin... Il y a trente-six manières. Nous jouons ensemble, par exemple ! tu me casses mon cerceau... je ne te donne pas de coups de pieds... ça prouve que j'ai de l'amour...
Henriette: Et quand c'est des claques?
René : Oh c'est la même chose.
Henriette: Mais alors j'ai eu souvent de l'amour, moi... Il y a eu beaucoup d'enfants qui m'ont cassé mes jouets... et je ne leur donnais pas de coups... parce qu'ils étaient plus forts que moi! je ne savais pas que c'était de l'amour !
René: Henriette ! si tu voulais nous marier ensemble?
Henriette: Ah ! je ne peux pas... j'ai promis.
René: Toi !
Henriette: Oui, j'ai promis à papa que je l'épouserai.
René: Mais on n'épouse pas son père !
Henriette: Pourquoi donc ?...
René: Parce qu'il est de votre famille.
Henriette: Quoi ! il a bien épousé maman ! il me semble que c'est bien de sa famille.
René: Ah oui, mais ça, c'est permis... on peut épouser sa femme!
(…)
Henriette: Dis donc, mais pour ça il faut que papa veuille... s'il ne veut pas que je devienne ta femme, s'il tient à ce que je sois la sienne...
René (avec une certaine importance): Ma chère, vous êtes une enfant ! Quand vous aurez comme moi onze ans, que vous aurez l'expérience de la vie, vous ne direz plus des enfantillages pareils !
Henriette : Ah ! vraiment, monsieur ! Alors, je suis un bébé tout de suite !
René: Non ! mais tu es jeune !... Eh bien ! tu sauras que quand même on pourrait épouser son père... et ça je ne crois pas que ce soit possible !... je ne vois pas d'exemple ; en tout cas, il n'y a pas moyen lorsqu'il a déjà une femme.
Henriette: Quelle femme ?
René: Ta maman...
Henriette: Oh ! maman... c'est pas une femme, c'est maman!!!
René: Ça ne fait rien ! Ça compte tout de même ! Et vois donc ce que ça ferait ! Si tu épousais ton papa, tu deviendrais la maman de ton petit frère...
Henriette: C'est vrai pourtant... et je deviendrais ma maman aussi à moi ! puisque je serais la femme de papa... et que je suis sa fille !
René: Il n'y aurait plus moyen de s'y reconnaître!
Henriette: Alors il faudrait que maman soit veuve pour que je puisse épouser papa ?
René: Au contraire, il faudrait que ce soit ton papa qui soit ici veuf...
Henriette: Oui ! enfin maman serait partie au ciel... Oh ! pauvre maman... Oh ! je ne veux.pas ! je ne veux pas épouser papa... Oh ! comme le monde est méchant, il veut que la femme meure pour qu'on puisse se marier avec son mari... Oh! c'est mal, c'est très mal !...
René (la prenant dans ses bras): Voyons, ma petite Henriette, calme-toi... sois un homme comme moi... je ne pleure jamais, regarde... et tiens, je te dis, épouse-moi... c'est ce qu'il y a de mieux !... Avec moi il n'y a pas besoin que personne meure... et puis tu verras... je serai si gentil ! ...
Henriette: Oh ! oui, tu es gentil, toi... et je veux tout ce que tu voudras... Eh bien quand ?
René: Quand quoi?
Henriette: Quand veux-tu que nous nous mariions?
René: Ah! Dame, il faudra que nous en parlions à nos parents.
Henriette: Oh ! non, nous leur dirons après !
René: Pourquoi pas avant ?... ce serait plus convenable...
Henriette : Oui, mais s'ils disent non ?
René : Pourquoi veux-tu qu'ils disent non ? D'abord, moi, quand je suis sage, papa ne me refuse rien!
Henriette: Je ne te dis pas ! mais moi je suis d'avis d'attendre que ce soit fait... et s'ils se fâchent, d'abord il sera trop tard ! Et puis nous répondrons que nous croyions le leur avoir dit !
René : Ou plutôt que n'ayant pas osé leur dire, nous leur avons écrit... alors, qu'ils n'auront peut-être pas reçu la lettre !
Henriette : C'est cela ! sur le dos de la poste !... v'la'n' !
René: Ah oui, mais voilà ! M. le curé... et M. le maire !... ils connaissent papa... alors ils ne voudront peut-être pas...
Henriette : Qu'est-ce que ça nous fait, M. le maire et M. le curé ?...marions-nous d'abord, nous leur dirons aussi après...
René: Ah! mais non, on se marie toujours devant M. le maire.
Henriette: Ah ! ça c'est parce qu'on veut bien ! il se marie bien sans nous, lui !... nous pouvons en faire autant ! Nous n'avons qu'à faire mettre sur du papier: J'ai l'honneur de vous faire part du mariage de René avec Henriette... et ça suffira!
René: Tu crois ?...
Henriette: Mais oui ! Qu'est-ce que tu veux que ça fasse aux autres? C'est nous qui nous marions après tout ! ça n'est pas eux !
René: C'est clair ! Ah ! par exemple, quand on doit s'épouser, on échange des bagues. Je te donne la mienne…tu me donnes la tien¬ne. C'est ça qui fait le mariage...
Henriette: Oui ... Ah ! mais j'ai pas de bagues, moi.
René: Ni moi non plus... (Frappé d'une idée) Oh ! attends ! je sais où il y en a.
Il grimpe sur une chaise près de la fenêtre.
Henriette: Eh bien ! qu'est-ce que tu fais ? Tu vas tomber.
René : Laisse donc... je vais chercher des anneaux ! Il y en a aux rideaux!...(Descendant.) Là, en voilà deux ! Tant pis, je les ai arrachés!
Henriette: Oh ! regarde donc... ils sont trop grands pour mon doigt.
René:: Tu mettras ça à ton pouce... Là, prends une bague et moi une autre... Et maintenant mettons-nous à genoux sur nos chaises comme à l'église.
Ils apportent tous deux, sur le devant de la scène, leurs chaises, qu'ils placent sur le même plan, les dossiers face au public, et s'agenouillent.
Henriette : Là, c'est-il comme ça ?
René: Voilà ! Donne-moi ta bague... bien ! je te donne la mienne.., très bien! Eh bien ! voilà, nous sommes mariés...
Henriette:Vraiment ! c'est pas plus difficile que ça?
René: Maintenant tu es ma femme, tu portes mon nom...
Henriette: Comment ! je ne m'appelle plus Henriette... je m'ap¬pelle René ?...
René: Mais oui, madame René
Henriette: Ah ! que c'est drôle ! Madame René ! moi ! Ah! allons-nous être heureux ! D'abord nous n'apprenons plus de fables ! Tu en apprendras si tu veux parce que l'homme doit travailler pour la femme ! mais pas moi ! Et puis tu me mèneras au théâtre ! ( …)
René : Et puis il y a le voyage de noces... On s'en va tous les deux tout seuls ! sans la gouvernante alors ! On est des hommes... et on va très loin... en Italie... en Turquie...
Henriette : A Saint-Cloud!
René: Si l'on veut... Ah ! c'est beau d'être libres ! De n'avoir plus à obéir à personne.., nous pouvons faire tout ce que nous voulons maintenant que nous sommes mariés.
Henriette : Et d'abord plus de leçons!
René: Plus de devoirs ! plus rien... (Ils envoient promener leurs livres et leurs cahiers.) Et quand notre institutrice viendra, nous lui dirons: Mademoiselle, nous n'avons plus besoin de vous...
Henriette: Et allez donc, l'institutrice ! (chantant.) Dansons la Capucine!
René et Henriette (dansant en rond) : Dansons la Capucine ! Y a pas de pain chez nous, Y en a chez la voisine...
On entend du bruit dans les coulisses.
Henriette: Ah ! mon Dieu ! qu'est-ce que c'est ?
René: C'est l'institutrice, c'est mademoiselle Schlumann!
Henriette: Ah ! mon Dieu, et nous ne savons pas nos leçons!
René: Ah ! bien, nous allons en recevoir ! Vite dépêchons-nous!
Ils prennent chacun leur livre de fables, et se mettent à répéter comme au lever du rideau.
René et Henriette: Maître Corbeau sur un arbre perché... maître Corbeau sur un arbre perché!...
(Rideau)
Georges Feydeau, Fiancés en herbe, 1886.
FEYDEAU: Fiancés en herbe (extraits)
COMÉDIE ENFANTINE EN UN ACTE
Jouée par la petite DUHAMEL, de la Gaîté et la petite SITHLÉ, de l'Odéon.
PERSONNAGES
René (11 ans)
La petite Duhamel (Théâtre de la Gaîté).
Henriette (9 ans)
La petite Stehlé (Théâtre de l'Odéon).
Une salle d'étude quelconque. René et Henriette sont tous les deux assis vis-à-vis l'un de l'autre, à la table de travail qui occupe le milieu de la scène. Au fond, une fenêtre avec des rideaux blancs. Mobilier «ad libitum». Sur la table, des papiers, des livres de classe, des plumes et de l'encre.
Scène unique
René, Henriette
Au lever du rideau, ils apprennent leur leçon les oreilles dans leurs mains et marmottent entre leurs dents: «Maître Corbeau, sur un arbre perché... Maître Corbeau sur un arbre perché...»
Henriette (après un temps relevant la tête): Ah! que c’est ennuyeux ! Ça ne veut pas entrer...
René: Moi ça commence !... Je sais jusqu'à “fromage!”, “... tenait dans son bec un fromage”.
Henriette: Deux lignes !... déjà!...
René: Oui, et toi?
Henriette: Moi, je commence un peu à savoir le titre.
René: Oh ! tu verras, ça n'est pas très difficile... c'est très bête cette fable-là... c'est pour les petits enfants…mais on la retient facilement.
Henriette : Dis donc, tu les aimes, toi, les Fables de La Fontaine?
René (bon enfant): Oh ! non... ça n'est plus de mon âge.
Henriette (naïvement): Qui est-ce qui les a faites, les Fables de La Fontaine? …
René (très carré): Je ne sais pas !... il n'a pas de talent.
Henriette (avec conviction): Non !... D'abord pourquoi est-ce que ça s'appelle les Fables de La Fontaine?
René: Pour rien…c'est un mot composé... comme dans la gram¬maire, «rez-de-chaussée, arc-en-ciel, chou-fleur».
Henriette: Haricots verts.
René: Parfaitement !
Henriette: Eh bien ! moi j'aurais appelé ça Fables des animaux … plutôt que Fables de La Fontaine.., parce qu'il y a tout le temps des animaux.., et qu'il n'y a presque pas de fontaines. Voilà!
René : C'est évident... et on devrait le dire à l'auteur.
Henriette: Ah ! l'auteur, ce qu'il aurait fait de mieux c'est de ne pas les écrire, ses fables ! car enfin c'est à cause de lui qu'il faut les savoir, s'il ne les avait pas faites, on n'aurait pas à les apprendre... Et puis, à quoi ça sert-il les fables?
René: Ah bien! ça vous apprend quelque chose.
Henriette: Ah! par exemple, je voudrais bien savoir ce que nous apprend Le Corbeau et le Renard?
René: Mais cela t'apprend qu'il ne faut pas parler aux gens quand on a du fromage dans la bouche.
(…)
Henriette (tragiquement): Ah ! ce n'est pas rose la vie
René : Oh ! non... sans compter que depuis quelques jours je suis très perplexe.
Henriette: Perplexe ?
René : Oui, c'est un mot de papa... ça veut dire “perplexe”, quoi!
Henriette: Ah! Bon…et pourquoi es tu…ce que tu dis?
René : Je crois que papa a l'intention de me marier.
Henriette : Toi ?
René: Oui... je ne sais pas... tu connais la marquise d'Engelure, l'amie de maman... tu sais, qui renifle tout le temps..., figure-toi qu'elle a acheté une petite fille ! Alors j'ai entendu papa qui lui disait : «Ce sera une jolie petite femme pour mon fils !». Moi j'ai pas osé dire «Ah ! flûte!» parce que papa n'aime pas ça..., mais il me dégoûte ce marmot, je ne peux pas le conduire dans le monde ! Il bave encore!... Ah ! si cela avait été toi seulement...
Henriette: Moi !
René: Oh ! oui, toi... je ne dirais pas non... j'ai de l'amitié pour toi, j'ai de l'amour.
Henriette: A quoi voit-on qu'on a de l'amour?
René: C'est pas malin... Il y a trente-six manières. Nous jouons ensemble, par exemple ! tu me casses mon cerceau... je ne te donne pas de coups de pieds... ça prouve que j'ai de l'amour...
Henriette: Et quand c'est des claques?
René : Oh c'est la même chose.
Henriette: Mais alors j'ai eu souvent de l'amour, moi... Il y a eu beaucoup d'enfants qui m'ont cassé mes jouets... et je ne leur donnais pas de coups... parce qu'ils étaient plus forts que moi! je ne savais pas que c'était de l'amour !
René: Henriette ! si tu voulais nous marier ensemble?
Henriette: Ah ! je ne peux pas... j'ai promis.
René: Toi !
Henriette: Oui, j'ai promis à papa que je l'épouserai.
René: Mais on n'épouse pas son père !
Henriette: Pourquoi donc ?...
René: Parce qu'il est de votre famille.
Henriette: Quoi ! il a bien épousé maman ! il me semble que c'est bien de sa famille.
René: Ah oui, mais ça, c'est permis... on peut épouser sa femme!
(…)
Henriette: Dis donc, mais pour ça il faut que papa veuille... s'il ne veut pas que je devienne ta femme, s'il tient à ce que je sois la sienne...
René (avec une certaine importance): Ma chère, vous êtes une enfant ! Quand vous aurez comme moi onze ans, que vous aurez l'expérience de la vie, vous ne direz plus des enfantillages pareils !
Henriette : Ah ! vraiment, monsieur ! Alors, je suis un bébé tout de suite !
René: Non ! mais tu es jeune !... Eh bien ! tu sauras que quand même on pourrait épouser son père... et ça je ne crois pas que ce soit possible !... je ne vois pas d'exemple ; en tout cas, il n'y a pas moyen lorsqu'il a déjà une femme.
Henriette: Quelle femme ?
René: Ta maman...
Henriette: Oh ! maman... c'est pas une femme, c'est maman!!!
René: Ça ne fait rien ! Ça compte tout de même ! Et vois donc ce que ça ferait ! Si tu épousais ton papa, tu deviendrais la maman de ton petit frère...
Henriette: C'est vrai pourtant... et je deviendrais ma maman aussi à moi ! puisque je serais la femme de papa... et que je suis sa fille !
René: Il n'y aurait plus moyen de s'y reconnaître!
Henriette: Alors il faudrait que maman soit veuve pour que je puisse épouser papa ?
René: Au contraire, il faudrait que ce soit ton papa qui soit ici veuf...
Henriette: Oui ! enfin maman serait partie au ciel... Oh ! pauvre maman... Oh ! je ne veux.pas ! je ne veux pas épouser papa... Oh ! comme le monde est méchant, il veut que la femme meure pour qu'on puisse se marier avec son mari... Oh! c'est mal, c'est très mal !...
René (la prenant dans ses bras): Voyons, ma petite Henriette, calme-toi... sois un homme comme moi... je ne pleure jamais, regarde... et tiens, je te dis, épouse-moi... c'est ce qu'il y a de mieux !... Avec moi il n'y a pas besoin que personne meure... et puis tu verras... je serai si gentil ! ...
Henriette: Oh ! oui, tu es gentil, toi... et je veux tout ce que tu voudras... Eh bien quand ?
René: Quand quoi?
Henriette: Quand veux-tu que nous nous mariions?
René: Ah! Dame, il faudra que nous en parlions à nos parents.
Henriette: Oh ! non, nous leur dirons après !
René: Pourquoi pas avant ?... ce serait plus convenable...
Henriette : Oui, mais s'ils disent non ?
René : Pourquoi veux-tu qu'ils disent non ? D'abord, moi, quand je suis sage, papa ne me refuse rien!
Henriette: Je ne te dis pas ! mais moi je suis d'avis d'attendre que ce soit fait... et s'ils se fâchent, d'abord il sera trop tard ! Et puis nous répondrons que nous croyions le leur avoir dit !
René : Ou plutôt que n'ayant pas osé leur dire, nous leur avons écrit... alors, qu'ils n'auront peut-être pas reçu la lettre !
Henriette : C'est cela ! sur le dos de la poste !... v'la'n' !
René: Ah oui, mais voilà ! M. le curé... et M. le maire !... ils connaissent papa... alors ils ne voudront peut-être pas...
Henriette : Qu'est-ce que ça nous fait, M. le maire et M. le curé ?...marions-nous d'abord, nous leur dirons aussi après...
René: Ah! mais non, on se marie toujours devant M. le maire.
Henriette: Ah ! ça c'est parce qu'on veut bien ! il se marie bien sans nous, lui !... nous pouvons en faire autant ! Nous n'avons qu'à faire mettre sur du papier: J'ai l'honneur de vous faire part du mariage de René avec Henriette... et ça suffira!
René: Tu crois ?...
Henriette: Mais oui ! Qu'est-ce que tu veux que ça fasse aux autres? C'est nous qui nous marions après tout ! ça n'est pas eux !
René: C'est clair ! Ah ! par exemple, quand on doit s'épouser, on échange des bagues. Je te donne la mienne…tu me donnes la tien¬ne. C'est ça qui fait le mariage...
Henriette: Oui ... Ah ! mais j'ai pas de bagues, moi.
René: Ni moi non plus... (Frappé d'une idée) Oh ! attends ! je sais où il y en a.
Il grimpe sur une chaise près de la fenêtre.
Henriette: Eh bien ! qu'est-ce que tu fais ? Tu vas tomber.
René : Laisse donc... je vais chercher des anneaux ! Il y en a aux rideaux!...(Descendant.) Là, en voilà deux ! Tant pis, je les ai arrachés!
Henriette: Oh ! regarde donc... ils sont trop grands pour mon doigt.
René:: Tu mettras ça à ton pouce... Là, prends une bague et moi une autre... Et maintenant mettons-nous à genoux sur nos chaises comme à l'église.
Ils apportent tous deux, sur le devant de la scène, leurs chaises, qu'ils placent sur le même plan, les dossiers face au public, et s'agenouillent.
Henriette : Là, c'est-il comme ça ?
René: Voilà ! Donne-moi ta bague... bien ! je te donne la mienne.., très bien! Eh bien ! voilà, nous sommes mariés...
Henriette:Vraiment ! c'est pas plus difficile que ça?
René: Maintenant tu es ma femme, tu portes mon nom...
Henriette: Comment ! je ne m'appelle plus Henriette... je m'ap¬pelle René ?...
René: Mais oui, madame René
Henriette: Ah ! que c'est drôle ! Madame René ! moi ! Ah! allons-nous être heureux ! D'abord nous n'apprenons plus de fables ! Tu en apprendras si tu veux parce que l'homme doit travailler pour la femme ! mais pas moi ! Et puis tu me mèneras au théâtre ! ( …)
René : Et puis il y a le voyage de noces... On s'en va tous les deux tout seuls ! sans la gouvernante alors ! On est des hommes... et on va très loin... en Italie... en Turquie...
Henriette : A Saint-Cloud!
René: Si l'on veut... Ah ! c'est beau d'être libres ! De n'avoir plus à obéir à personne.., nous pouvons faire tout ce que nous voulons maintenant que nous sommes mariés.
Henriette : Et d'abord plus de leçons!
René: Plus de devoirs ! plus rien... (Ils envoient promener leurs livres et leurs cahiers.) Et quand notre institutrice viendra, nous lui dirons: Mademoiselle, nous n'avons plus besoin de vous...
Henriette: Et allez donc, l'institutrice ! (chantant.) Dansons la Capucine!
René et Henriette (dansant en rond) : Dansons la Capucine ! Y a pas de pain chez nous, Y en a chez la voisine...
On entend du bruit dans les coulisses.
Henriette: Ah ! mon Dieu ! qu'est-ce que c'est ?
René: C'est l'institutrice, c'est mademoiselle Schlumann!
Henriette: Ah ! mon Dieu, et nous ne savons pas nos leçons!
René: Ah ! bien, nous allons en recevoir ! Vite dépêchons-nous!
Ils prennent chacun leur livre de fables, et se mettent à répéter comme au lever du rideau.
René et Henriette: Maître Corbeau sur un arbre perché... maître Corbeau sur un arbre perché!...
(Rideau)
Georges Feydeau, Fiancés en herbe, 1886.
- Marie LaetitiaBon génie
doublecasquette a écrit:Dhaiphi a écrit:doublecasquette a écrit: J'avoue ne pas être convaincue de l'urgence qu'il y a à cela. Des extraits choisis, concernant la grande littérature me semblent mieux adaptés. En plus, si on ne fait pas d'OI, le choix est plus vaste et on peut visiter trente auteurs différents dans l'année, à raison d'un par semaine, de façon à ce qu'il y en ait pour tous les goûts.
Quant aux trois OI que réclame l'IEN, pourquoi ne pas les faire en "lecture offerte", chaque soir quinze minutes pendant que les élèves rangent les cartables ? Ou chaque matin, sous forme de rituel d'accueil ?
DC instit (qui remercie très sincèrement sa sœur de bien vouloir prendre le relais pendant sa cure de désintoxication)
aaah mon maître de CM1 faisait ça et nous en raffolions ! Il se mettait à califourchon sur sa chaise, exigeait le silence absolu, et c'était parti...
Vous avez dans votre liste France Burnett? Le jardin secret, La petite princesse, Lord Fauntleroy...
Et sinon, je vais peut-être dire une bêtise, mais il n'y a pas des recueils semblables dans les manuels des années 30-50 ?
_________________
Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- doublecasquetteEnchanteur
Argh ! Il faut rajouter d'urgence Le Petit Lord Fauntleroy, La Petite Princesse et Le Jardin Secret !
Merci Marie Laetitia ! J'y pense, Les Quatre Filles du Dr March, elles y sont ?
Pour ce qui en est des manuels, c'est tout à fait ça : actualiser ce qui se faisait dans les années 1880 à 1989 pour aider nos élèves les plus éloignés d'elle à entrer dans la Littérature en découvrant petit à petit, sans découragement ni incompréhension, des titres, des auteurs, des manières d'écrire qu'ils retrouveront, approfondiront, regarderont d'un œil neuf plus tard, au collège, au lycée ou dans le supérieur.
Merci Marie Laetitia ! J'y pense, Les Quatre Filles du Dr March, elles y sont ?
Pour ce qui en est des manuels, c'est tout à fait ça : actualiser ce qui se faisait dans les années 1880 à 1989 pour aider nos élèves les plus éloignés d'elle à entrer dans la Littérature en découvrant petit à petit, sans découragement ni incompréhension, des titres, des auteurs, des manières d'écrire qu'ils retrouveront, approfondiront, regarderont d'un œil neuf plus tard, au collège, au lycée ou dans le supérieur.
- KakHabitué du forum
doublecasquette a écrit:
L'un d'entre nous, plus haut, s'inquiétait de ce que des enfants qui auraient lu de tels textes en CM ne puissent, sans s'ennuyer, les revoir en Cinquième ou Troisième.
C'est à mon humble avis une drôle d'idée, car l'usage explicatif qu'on fait d'un texte à huit ans est à cent lieues de celui qu'on en fait à quinze ans, et, si le texte est riche (et ce sera obligatoirement le cas s'il est bien choisi), les gosses seront ravis de voir comme leur cerveau a progressé depuis le temps lointain où ils avaient lu ce texte au CE2 ou CM1 et comme ils ont pu passer à côté de tant de significations, de figures de style etc ...
C'était moi. . Je suis bien d'accord sur les lectures à plusieurs niveaux des oeuvres littéraires. Mais les adolescents ne voient pas cela comme cela.
Ce que je crains n'est pas un ennui objectif mais c'est leur impression de faire toujours la même chose et la manière dont les adolescents utilisent ce prétexte pour ne rien faire. Nous avons le même problème en grammaire.Les profs d'anglais s'en plaignent aussi pour l'anglais en sixième: ils n'apprennent plus car ils ont l'impression de savoir...
Mais tout cela est hors sujet!
- fugueNiveau 8
[quote="phi"]C'est seulement le début... Version "longue":
FEYDEAU: Fiancés en herbe (extraits)
Merci, je comprends mieux...
FEYDEAU: Fiancés en herbe (extraits)
Merci, je comprends mieux...
- Marie LaetitiaBon génie
Et Pierre Loti ? Ses oeuvres sont très accessibles, Ramutcho, Pêcheur d'Islande...
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- fugueNiveau 8
Kak a écrit:doublecasquette a écrit:
L'un d'entre nous, plus haut, s'inquiétait de ce que des enfants qui auraient lu de tels textes en CM ne puissent, sans s'ennuyer, les revoir en Cinquième ou Troisième.
C'est à mon humble avis une drôle d'idée, car l'usage explicatif qu'on fait d'un texte à huit ans est à cent lieues de celui qu'on en fait à quinze ans, et, si le texte est riche (et ce sera obligatoirement le cas s'il est bien choisi), les gosses seront ravis de voir comme leur cerveau a progressé depuis le temps lointain où ils avaient lu ce texte au CE2 ou CM1 et comme ils ont pu passer à côté de tant de significations, de figures de style etc ...
C'était moi. . Je suis bien d'accord sur les lectures à plusieurs niveaux des oeuvres littéraires. Mais les adolescents ne voient pas cela comme cela.
Ce que je crains n'est pas un ennui objectif mais c'est leur impression de faire toujours la même chose et la manière dont les adolescents utilisent ce prétexte pour ne rien faire. Nous avons le même problème en grammaire.Les profs d'anglais s'en plaignent aussi pour l'anglais en sixième: ils n'apprennent plus car ils ont l'impression de savoir...
Mais tout cela est hors sujet!
Je suis d'accord avec toi, il faut faire attention aux redites. Par exemple si on lit des textes tirés de la mythologie grecque en primaire, on peut rester léger sur Ulysse puisque c'est au programme de 6ème (je crois bien?).
[petit hors sujet - Après j'arrête, promis. Pour la grammaire, oui, c'est un vrai problème qui mérite réflexion. Ma collègue de CM2 en parlait justement l'autre jour: ses élèves prenaient de très haut la leçon sur le COD parce qu'ils avaient l'impression qu'ils dominaient le sujet (vu en CE2, en CM1...).]
- Marie LaetitiaBon génie
Hum, je viens de penser à Rabelais et à Madame de Sévigné... En creusant de ce côté, il y a sans doute moyen de trouver d'autres choses...
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- doublecasquetteEnchanteur
Marie Laetitia a écrit:Hum, je viens de penser à Rabelais et à Madame de Sévigné... En creusant de ce côté, il y a sans doute moyen de trouver d'autres choses...
Dans mes vieux manuels, j'ai trouvé en effet du Rabelais (les moutons de Panurge, par exemple).
Il me semble que nous avons aussi oublié Jules Renard...
- doublecasquetteEnchanteur
fugue a écrit:Deux coquilles dans le voyage aérien de Tom Pouce:
dans la cour «lu palais.
4. Ce jour-Jà, Je roi ne déjeuna pas
Merci, c'est corrigé !
- fraisedesboisNiveau 9
en Litt ou en litt, les Contes de la rue Broca ?
(à la bibli les Gripari sont classé en romans E -enfant- mais évidemment pas lus spontanément par les CE, et avec l'étiquette E -et non J, junior - ils sont boudés par les CM. par contre, plébiscités par tout ce petit monde en lecture offerte)
le Grand Maulnes ?
je ne m'offusquerai pas que mes propositions (celles ci ou d'autres -je cherche-) tombent mal à propos, j'ai conscience d'avoir de très mauvais repères "internes" (moi + mes enfants + la "Litterature") (aussi bien dans un sens que dans l'autre. j'avais chipé dans la bibli familiale Le grand Maulnes, je devais être en CE, et j'ai mis des siècles à comprendre Candide, pourtant lu en 3eme, puis en 2nde, puis en 1ère. et encore, je suis sure que je le relirai en tombant de ma chaise)
(à la bibli les Gripari sont classé en romans E -enfant- mais évidemment pas lus spontanément par les CE, et avec l'étiquette E -et non J, junior - ils sont boudés par les CM. par contre, plébiscités par tout ce petit monde en lecture offerte)
le Grand Maulnes ?
je ne m'offusquerai pas que mes propositions (celles ci ou d'autres -je cherche-) tombent mal à propos, j'ai conscience d'avoir de très mauvais repères "internes" (moi + mes enfants + la "Litterature") (aussi bien dans un sens que dans l'autre. j'avais chipé dans la bibli familiale Le grand Maulnes, je devais être en CE, et j'ai mis des siècles à comprendre Candide, pourtant lu en 3eme, puis en 2nde, puis en 1ère. et encore, je suis sure que je le relirai en tombant de ma chaise)
_________________
:lecteur: Il faut beaucoup d'indisciplinés pour faire un peuple libre -
Georges Bernanos, Les enfants humiliés, 1949
- arcencielGrand Maître
Un texte de Michelet (Ma jeunesse); Je le travaillais avec les CM2 et il y avait matière pour la rédaction qui suivait.
" Je vais parler d'une rencontre qui fut le grand événement de mon adolescence.
C'était la fin de l'année 1811; je commençais à me débrouiller dans mon latin; je lisais et me développais en tous sens. Le coeur seul restait vide et triste: je n'avais pas d'ami.
Un matin, j'entre en classe, et je trouve un nouveau venu; personne n'était encore arrivé, nous étions seuls. Il fallut bien, malgré moi faire connaissance, ou du moins s'examiner, et décliner son nom. Celui qui allait prendre dans ma vie une si large place s'appelait Poinsot. Il était un peu plus grand que moi ou du moins beaucoup plus élancé, en habit-veste de toile grise rayée, sans contenance et l'air fort polisson. Il riait toujours, ce qui me mettait mal à mon aise; j'ai toujours eu peur des rieurs; mais il riait sans malice, et sa physionomie était dès lors très douce.
Je lui parlai un peu; il ne m'écoutait guère et jouait autour de mes mains avec un canif, ce qui m'impatientait passablement.
Voilà notre première entrevue.
Je ne sais pas trop ce qui suivit, ni comment s'établit notre intimité. Je me souviens seulement qu'elle fut si prompte, qu'on eût dit plutôt une reconnaissance.
Ce qui nous attira l'un vers l'autre, avant de savoir combien nous nous ressemblions, ce fut peut-être, de son côté, le plaisir d'entendre des histoires, du mien, celui d'en raconter. J'avais sur lui quelque supériorité d'instruction, et cela devait être. Vivant toujours seul, il avait bien fallu que je me fisse un compagnon de mes livres et je lui débitais tout ce que j'apprenais, tout ce que je jugeais de mes lectures
Nous parlions ensemble de l'histoire ancienne; nous admirions les grandes batailles plutôt que les grandes vertus de l'antiquité. Un jour, je lui fis, chemin faisant, l'argument des deux ou trois premiers livres de Justin. Je parlais, parlais, parlais avec plus de feu qu'il n'appartient à un enfant de treize ans. Avec mon ami, je ne craignais pas le ridicule; cela m'attachait beaucoup à lui."
" Je vais parler d'une rencontre qui fut le grand événement de mon adolescence.
C'était la fin de l'année 1811; je commençais à me débrouiller dans mon latin; je lisais et me développais en tous sens. Le coeur seul restait vide et triste: je n'avais pas d'ami.
Un matin, j'entre en classe, et je trouve un nouveau venu; personne n'était encore arrivé, nous étions seuls. Il fallut bien, malgré moi faire connaissance, ou du moins s'examiner, et décliner son nom. Celui qui allait prendre dans ma vie une si large place s'appelait Poinsot. Il était un peu plus grand que moi ou du moins beaucoup plus élancé, en habit-veste de toile grise rayée, sans contenance et l'air fort polisson. Il riait toujours, ce qui me mettait mal à mon aise; j'ai toujours eu peur des rieurs; mais il riait sans malice, et sa physionomie était dès lors très douce.
Je lui parlai un peu; il ne m'écoutait guère et jouait autour de mes mains avec un canif, ce qui m'impatientait passablement.
Voilà notre première entrevue.
Je ne sais pas trop ce qui suivit, ni comment s'établit notre intimité. Je me souviens seulement qu'elle fut si prompte, qu'on eût dit plutôt une reconnaissance.
Ce qui nous attira l'un vers l'autre, avant de savoir combien nous nous ressemblions, ce fut peut-être, de son côté, le plaisir d'entendre des histoires, du mien, celui d'en raconter. J'avais sur lui quelque supériorité d'instruction, et cela devait être. Vivant toujours seul, il avait bien fallu que je me fisse un compagnon de mes livres et je lui débitais tout ce que j'apprenais, tout ce que je jugeais de mes lectures
Nous parlions ensemble de l'histoire ancienne; nous admirions les grandes batailles plutôt que les grandes vertus de l'antiquité. Un jour, je lui fis, chemin faisant, l'argument des deux ou trois premiers livres de Justin. Je parlais, parlais, parlais avec plus de feu qu'il n'appartient à un enfant de treize ans. Avec mon ami, je ne craignais pas le ridicule; cela m'attachait beaucoup à lui."
- doublecasquetteEnchanteur
Vous avez pensé à Poil de Carotte ? Je ne l'ai pas vu dans les listes.
DC véto
DC véto
- doublecasquetteEnchanteur
sinon, je vous ai trouvé ça, utilisable à votre choix in extenso sur quelques jours, ou, en faisant un extrait de l'extrait, en une seule scéance. A situer évidemment par une introduction. Je pense que l'oreille arrachée qui pend sur l'épaule devrait leur plaire ...
Mémoires d'Outre-tombe Livre I chapitre 5
Mémoires d'Outre-tombe Livre I chapitre 5
- Spoiler:
- La Vallée-aux-Loups, juin 1812.
Gesril. - Hervine Magon. - Combat contre les deux mousses.
J'ai dit que ma révolte prématurée contre les maîtresses de Lucile commença ma mauvaise renommée ; un camarade l'acheva.
Mon oncle, M. de Chateaubriand du Plessis, établi à Saint-Malo comme son frère, avait, comme lui, quatre filles et deux garçons. De mes deux cousins (Pierre et Armand), qui formaient d'abord ma société, Pierre devint page de la Reine, Armand fut envoyé au collège comme destiné à l'état ecclésiastique. Pierre au sortir des pages, entra dans la marine et se noya à la côte d'Afrique. Armand, longtemps enfermé au collège, quitta la France en 1790, servit pendant toute l'émigration, fit intrépidement dans une chaloupe vingt voyages à la côte de Bretagne, et vint enfin mourir pour le Roi à la plaine de Grenelle, le vendredi saint de l'année 1810, ainsi que je l'ai déjà dit, et que je le répéterai encore en racontant sa catastrophe [Il a laissé un fils, Frédéric, que je plaçai d'abord dans les gardes de Monsieur, et qui entra depuis dans un régiment de cuirassiers. Il a épousé, à Nancy, mademoiselle de Gastaldi, dont il a deux fils, et s'est retiré du service. La soeur aînée d'Armand, ma cousine, est, depuis longues années, supérieure des religieuses Trappistes. (Note de 1831, Genève.)].
Privé de la société de mes deux cousins, je la remplaçai par une liaison nouvelle.
Au second étage de l'hôtel que nous habitions, demeurait un gentilhomme nommé Gesril : il avait un fils et deux filles. Ce fils était élevé autrement que moi ; enfant gâté, ce qu'il faisait était trouvé charmant : il ne se plaisait qu'à se battre, et surtout qu'à exciter des querelles dont il s'établissait le juge. Jouant des tours perfides aux bonnes qui menaient promener les enfants il n'était bruit que de ses espiègleries que l'on transformait en crimes noirs. Le père riait de tout, et Joson n'en était que plus chéri. Gesril devint mon intime ami et prit sur moi un ascendant incroyable : je profitai sous un tel maître quoique mon caractère fût entièrement l'opposé du sien. J'aimais les jeux solitaires, je ne cherchais querelle à personne : Gesril était fou des plaisirs de cohue et jubilait au milieu des bagarres d'enfants. Quand quelque polisson me parlait, Gesril me disait : " Tu le souffres ? " A ce mot je croyais mon honneur compromis et je sautais aux yeux du téméraire ; la taille et l'âge n'y faisaient rien. Spectateur du combat, mon ami applaudissait à mon courage, mais ne faisait rien pour me servir. Quelquefois il levait une armée de tous les sautereaux qu'il rencontrait, divisait ses conscrits en deux bandes, et nous escarmouchions sur la plage à coups de pierres.
Un autre jeu, inventé par Gesril, paraissait encore plus dangereux : lorsque la mer était haute et qu'il y avait tempête, la vague, fouettée au pied du château, du côté de la grande grève, jaillissait jusqu'aux grandes tours. A vingt pieds d'élévation au-dessus de la base d'une de ces tours, régnait un parapet en granit, étroit, glissant, incliné, par lequel on communiquait au ravelin qui défendait le fossé : il s'agissait de saisir l'instant entre deux vagues, de franchir l'endroit périlleux avant que le flot se brisât et couvrît la tour. Voici venir une montagne d'eau qui s'avançait en mugissant et qui, si vous tardiez d'une minute, pouvait, ou vous entraîner, ou vous écraser contre le mur. Pas un de nous ne se refusait à l'aventure, mais j'ai vu des enfants pâlir avant de la tenter.
Ce penchant à pousser les autres à des rencontres dont il restait spectateur, induirait à penser que Gesril ne montra pas dans la suite un caractère fort généreux : c'est lui néanmoins qui, sur un plus petit théâtre, a peut-être effacé l'héroïsme de Régulus ; il n'a manqué à sa gloire que Rome et Tite-Live. Devenu officier de marine il fut pris à l'affaire de Quiberon ; l'action finie et les Anglais continuant de canonner l'armée républicaine, Gesril se jette à la nage, s'approche des vaisseaux, dit aux Anglais de cesser le feu, leur annonce le malheur et la capitulation des émigrés. On le voulut sauver, en lui filant une corde et le conjurant de monter à bord : " Je suis prisonnier sur parole ", s'écrie-t-il du milieu des flots et il retourne à terre à la nage : il fut fusillé avec Sombreuil et ses compagnons.
Gesril a été mon premier ami ; tous deux mal jugés dans notre enfance, nous nous liâmes par l'instinct de ce que nous pouvions valoir un jour.
Deux aventures mirent fin à cette première partie de mon histoire, et produisirent un changement notable dans le système de mon éducation.
Nous étions un dimanche sur la grève, à l' éventail de la porte Saint-Thomas à l'heure de la marée. Au pied du château et le long du Sillon, de gros pieux enfoncés dans le sable protègent les murs contre la houle. Nous grimpions ordinairement au haut de ces pieux pour voir passer au-dessous de nous les premières ondulations du flux. Les places étaient prises comme de coutume ; plusieurs petites filles se mêlaient aux petits garçons. J'étais le plus en pointe vers la mer, n'ayant devant moi qu'une jolie mignonne, Hervine Magon qui riait de plaisir et pleurait de peur. Gesril se trouvait à l'autre bout du côté de la terre. Le flot arrivait, il faisait du vent ; déjà les bonnes et les domestiques criaient : " Descendez, Mademoiselle ! descendez, Monsieur ! " Gesril attend une grosse lame : lorsqu'elle s'engouffre entre les pilotis, il pousse l'enfant assis auprès de lui ; celui-là se renverse sur un autre ; celui-ci sur un autre : toute la file s'abat comme des moines de cartes, mais chacun est retenu par son voisin ; il n'y eut que la petite fille de l'extrémité de la ligne sur laquelle je chavirai qui, n'étant appuyée par personne, tomba. Le jusant l'entraîne ; aussitôt mille cris, toutes les bonnes retroussant leurs robes et tripotant dans la mer, chacune saisissant son magot et lui donnant une tape. Hervine fut repêchée ; mais elle déclara que François l'avait jetée bas. Les bonnes fondent sur moi ; je leur échappe ; je cours me barricader dans la cave de la maison : l'armée femelle me pourchasse. Ma mère et mon père étaient heureusement sortis. La Villeneuve défend vaillamment la porte et soufflette l'avant-garde ennemie. Le véritable auteur du mal, Gesril, me prête secours : il monte chez lui, et avec ses deux soeurs jette par les fenêtres des potées d'eau et des pommes cuites aux assaillantes. Elles levèrent le siège à l'entrée de la nuit ; mais cette nouvelle se répandit dans la ville, et le chevalier de Chateaubriand, âgé de neuf ans, passa pour un homme atroce, un reste de ces pirates dont saint Aaron avait purgé son rocher.
Voici l'autre aventure :
J'allais avec Gesril à Saint-Servan, faubourg séparé de Saint-Malo par le port marchand. Pour y arriver à basse mer, on franchit des courants d'eau sur des ponts étroits de pierres plates, que recouvre la marée montante. Les domestiques qui nous accompagnaient, étaient restés assez loin derrière nous. Nous apercevons à l'extrémité d'un de ces ponts deux mousses qui venaient à notre rencontre ; Gesril me dit : " Laisserons-nous passer ces gueux-là ? " et aussitôt il leur crie : " A l'eau, canards ! " Ceux-ci, en qualité de mousses, n'entendant pas raillerie, avancent ; Gesril recule ; nous nous plaçons au bout du pont, et saisissant des galets, nous les jetons à la tête des mousses. Ils fondent sur nous, nous obligent à lâcher pied, s'arment eux-mêmes de cailloux, et nous mènent battant jusqu'à notre corps de réserve, c'est-à-dire jusqu'à nos domestiques. Je ne fus pas, comme Horatius, frappé à l'oeil, mais à l'oreille : une pierre m'atteignit si rudement que mon oreille gauche, à moitié détachée, tombait sur mon épaule.
Je ne pensai point à mon mal, mais à mon retour. Quand mon ami rapportait de ses courses un oeil poché un habit déchiré, il était plaint, caressé, choyé, rhabillé ; en pareil cas, j'étais mis en pénitence. Le coup que j'avais reçu était dangereux, mais jamais La France ne me put persuader de rentrer, tant j'étais effrayé. Je m'allai cacher au second étage de la maison, chez Gesril qui m'entortilla la tête d'une serviette. Cette serviette le mit en train : elle lui représenta une mitre ; il me transforma en évêque, et me fit chanter la grand-messe avec lui et ses soeurs jusqu'à l'heure du souper. Le pontife fut alors obligé de descendre : le coeur me battait. Surpris de ma figure débiffée et barbouillée de sang, mon père ne dit pas un mot ; ma mère poussa un cri ; La France conta mon cas piteux, en m'excusant ; je n'en fus pas moins rabroué. On pansa mon oreille, et monsieur et madame de Chateaubriand résolurent de me séparer de Gesril le plus tôt possible
- doublecasquetteEnchanteur
doublecasquette a écrit: Vous avez pensé à Poil de Carotte ? Je ne l'ai pas vu dans les listes.
DC véto
C'est bien pour ça que j'ai ajouté Jules Renard, ce matin...
Il devrait beaucoup plaire aux classes de bagarreurs ton "petit" texte de Chateaubriand...
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