- JohnMédiateur
http://passouline.blog.lemonde.fr/2012/01/20/les-celebrations-nationales-2012-inaugurees-par-une-polemique/#xtor=RSS-32280322
Les « Célébrations nationales 2012″ inaugurées par une polémique
Vous avez aimé les polémiques sur les « Commémorations nationales 2011 » ? Vous adorerez celles sur les « Commémorations nationales 2012 ». Incroyable ce que ce petit livre gratuit, inventoriant les évènements que la République a l’intention de célébrer avec les pompes de rigueur (cérémonies, colloques, discours et trompettes) peut susciter comme controverses. Un vrai brûlot sur papier glacé ! Il n’est pourtant constitué que de textes au ton assez monocorde commandés le plus souvent à des universitaires rompus à ce genre d’exercice. On se souvient du hourvari déclenché l’an dernier par l’affaire Céline. A l’orée de 2012, on peut déjà prévoir que ce ne sont pas tant l’édit de Caracalla, le traité de Fès, Rousseau, Sigebert de Gembloux, ni même vraiment Jeanne d’Arc qui déchaîneront la controverse mais la guerre d’Algérie. D’ailleurs, c’est déjà parti sans même attendre le jour anniversaire de l’indépendance cet été.
Guy Pervillé, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Toulouse/Le Mirail et l’un des meilleurs connaisseurs français du sujet, s’était donc vu commander il y a plus d’un an par le directeur chargé des Archives de France la notice relative à la fin de la guerre d’Algérie « sur le ton le plus objectif possible ». Il rendit son pensum (c'est la loi du genre) de 6000 signes à la date demandée ; on lui demanda quelques corrections mineures ; il s’exécuta de bonne grâce. Le 17 avril dernier, son texte était en boîte. Mais quelle ne fut pas sa surprise en apprenant par la bande que, sans l’en informer, « on » l'avait amputé des quatre cinquièmes et qu’il paraîtrait ainsi sans signature, contrairement aux autres contributions du recueil (mais sa bibliographie, elle, a été entièrement reproduite). « C’est le premier acte de censure que j’ai subi en plus de quarante ans de carrière » assure Guy Pervillé qui n’en revient pas. On peut juger sur pièces en comparant l’original qu’il vient de mettre en ligne ici sur son site et ce que le ministère en a fait à la page 56 du recueil. Ont sauté notamment les évocations du rôle de l’OAS, des enlèvements des Français, des massacres de harkis et de leur abandon… Le nom même du général De Gaulle n’y est plus, un exploit ! pour ne rien dire de la chute qui a évidemment disparu :
« Les accords d’Evian, voulus par le gouvernement français comme la "solution du bon sens", se révélèrent donc une utopie, qui échoua à ramener une vraie paix en Algérie. Le "rapatriement" des Français d’Algérie, et celui de "Français musulmans" (que le général de Gaulle ne considérait pas comme de vrais Français) s’imposèrent comme des nécessités. De Gaulle maintint aussi longtemps que possible ce qui restait de la politique de coopération pour éviter la faillite de l’indépendance algérienne, en espérant que la France finirait par en bénéficier un jour. »
De tout cela, Guy Pervillé n’a jamais été informé. On imagine que les responsables argueront de la longueur du texte (ce qui se fait classiquement en pareil cas), ou du manquement à la neutralité, oubliant qu’ils l'avaient commandé et accepté. On attend désormais la réaction du Haut comité d’historiens chargé de superviser les commémorations/ célébrations (il est devenu plus prudent de bégayer de la sorte, les intéressés naviguant eux-mêmes entre les deux appellations dans une valse-hésitation). Le ministre de la Culture lui avait déjà fait publiquement avaler la couleuvre de l’affaire Céline l’an dernier. Résistera-t-il à celle-ci ? Si d’autres éléments ne viennent pas contredire la version des faits par Guy Pervillé (et on voit difficilement lesquels), on n’imagine pas d’autre réaction de dignité qu’une démission en bloc, assortie d’un texte collectif de protestation. On peut rêver, non ? D'autant que sur le site des Archives, sous la liste des membres du Haut Comité, le nom de Guy Pervillé ne figure même pas dans la liste des experts remerciés pour leur contribution au recueil... On était dans le scandaleux de la censure, on tombe dans le mesquin de la médiocrité. L'an dernier, Frédéric Mitterrand croisant Henri Godard, l'universitaire responsable de la notice commémorative sur Céline, à la conférence de presse, l'avait écarté de son chemin d'un cinglant "Pas de polémique !". Cette année, il lui faudra trouver autre chose.
P.S. du 22 janvier : Selon Guy Pervillé, le chaînon manquant expliquant toute l'affaire est à chercher dans la nomination par le président de la République de M. Colin de Verdière à la tête de la fiesta commémorative
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- neomathÉrudit
Et ça donne des leçon de morale aux turcs.
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