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Fabienne
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Condition de l'écrivain au XVIIIème Empty Condition de l'écrivain au XVIIIème

par Fabienne Jeu 28 Aoû 2008 - 9:54
Bonjour,

Je voudrais faire travailler des 1ères sur l'écrivain au XVIIIème et les sanctions qu'il encourait (censure, emprisonnement, etc.) s'il s'éloignait du politiquement correct.

J'ai trouvé un topo très intéressant dans le Mitterand XVIIIème, mais j'aurais souhaité partir de textes (extraits de correspondances? Passages d'encyclopédie? Je ne sais pas trop).

Des idées?

Merci d'avance! Smile
Garance
Garance
Neoprof expérimenté

Condition de l'écrivain au XVIIIème Empty Re: Condition de l'écrivain au XVIIIème

par Garance Jeu 28 Aoû 2008 - 10:55
Figaro, acte V, scène 3

Figaro, seul, se promenant dans l'obscurité, dit du ton le plus sombre :

O femme! femme! femme! créature faible et décevante!... nul animal créé ne peut manquer à son instinct: le tien est-il donc de tromper?... Après m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa maîtresse; à l'instant qu'elle me donne sa parole, au milieu même de la cérémonie... Il riait en lisant, le perfide! et moi comme un benêt... Non, monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas... vous ne l'aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie!... Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier! Qu'avez-vous fait pour tant de biens? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste, homme assez ordinaire; tandis que moi, morbleu! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu'on n'en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes: et vous voulez jouter... On vient... c'est elle... ce n'est personne. - La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari quoique je ne le sois qu'à moitié! (Il s'assied sur un banc.) Est-il rien de plus bizarre que ma destinée? Fils de je ne sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans leurs moeurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière honnête; et partout je suis repoussé! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire! - Las d'attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre: me fussé-je mis une pierre au cou! Je broche une comédie dans les moeurs du sérail. Auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule: à l'instant un envoyé... de je ne sais où se plaint que j'offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie de la presqu'île de l'Inde, toute l'Egypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc: et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l'omoplate, en nous disant: chiens de chrétiens! - Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant. - Mes joues creusaient, mon terme était échu: je voyais de loin arriver l'affreux recors, la plume fichée dans sa perruque: en frémissant je m'évertue. Il s'élève une question sur la nature des richesses; et, comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n'ayant pas un sol, j'écris sur la valeur de l'argent et sur son produit net: sitôt je vois du fond d'un fiacre baisser pour moi le pont d'un château fort, à l'entrée duquel je laissai l'espérance et la liberté. (Il se lève.) Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil! Je lui dirais... que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours; que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur; et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. (Il se rassied.) Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue; et comme il faut dîner, quoiqu'on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume et demande à chacun de quoi il est question: on me dit que, pendant ma retraite économique, il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celles de la presse; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni dé la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette douce liberté, j'annonce un écrit périodique, et, croyant n'aller sur les brisées d'aucun autre, je le nomme Journal inutile. Pou-ou! je vois s'élever contre moi mille pauvres diables à la feuille, on me supprime, et me voilà derechef sans emploi! - Le désespoir m'allait saisir; on pense à moi pour une place, mais par malheur j'y étais propre: il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. Il ne me restait plus qu'à voler; je me fais banquier de pharaon: alors, bonnes gens! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m'ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J'aurais bien pu me remonter; je commençais même à comprendre que, pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête, il fallut bien périr encore. Pour le coup je quittais le monde, et vingt brasses d'eau m'en allaient séparer, lorsqu'un dieu bienfaisant m'appelle à mon premier état. Je reprends ma trousse et mon cuir anglais; puis, laissant la fumée aux sots qui s'en nourrissent, et la honte au milieu du chemin, comme trop lourde à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci. Un grand seigneur passe à Séville; il me reconnaît, je le marie; et pour prix d'avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la mienne! Intrigue, orage à ce sujet. Prêt à tomber dans un abîme, au moment d'épouser ma mère, mes parents m'arrivent à la file. (Il se lève en s'échauffant.) On se débat, c'est vous, c'est lui, c'est moi, c'est toi, non, ce n'est pas nous; eh! mais qui donc? (Il retombe assis,) O bizarre suite d'événements! Comment cela m'est-il arrivé? Pourquoi ces choses et non pas d'autres? Qui les a fixées sur ma tête? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j'en sortirai sans le vouloir, je l'ai jonchée d'autant de fleurs que ma gaieté me l'a permis: encore je dis ma gaieté sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce moi dont je m'occupe: un assemblage informe de parties inconnues; puis un chétif être imbécile; un petit animal folâtre; un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre; maître ici, valet là, selon qu'il plaît à la fortune; ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux... avec délices! orateur selon le danger; poète par délassement; musicien par occasion; amoureux par folles bouffées, j'ai tout vu, tout fait, tout usé. Puis l'illusion s'est détruite et, trop désabusé... Désabusé...! Suzon, Suzon, Suzon! que tu me donnes de tourments!... J'entends marcher... on vient. Voici l'instant de la crise. (Il se retire près de la première coulisse à sa droite.)
Garance
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par Garance Jeu 28 Aoû 2008 - 10:55
un article intéressant ici :

http://www.bibliolettres.com/w/pages/page.php?id_page=244
Garance
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Condition de l'écrivain au XVIIIème Empty Re: Condition de l'écrivain au XVIIIème

par Garance Jeu 28 Aoû 2008 - 11:02
Lettre de Diderot à Voltaire (1766)



Paris

Juillet 1766



Monsieur et cher maître,



Je sais bien que, quand une bête féroce a trempé sa langue dans le sang humain, elle ne peut plus s'en passer. Je sais bien que cette bête manque d'aliment, et que, n'ayant plus de Jésuites (1) à manger, elle va se jeter sur les philosophes. Je sais bien qu'elle a les yeux tournés sur moi, et que je serai peut-être le premier qu'elle dévorera. Je sais bien qu'un honnête homme peut en vingt-quatre heures perdre ici sa fortune, parce qu'ils (2) sont gueux ; son honneur, parce qu'il n'y a point de loi ; sa liberté, parce que les tyrans sont ombrageux ; sa vie, parce qu'ils comptent la vie d'un citoyen pour rien, et qu'ils cherchent à se tirer du mépris par des actes de terreur. Je sais bien qu'ils nous imputent leurs désastres parce que nous sommes seuls en état de remarquer leurs sottises. Je sais bien qu'un d'entre eux a l'atrocité de dire qu'on n'avancera rien, tant qu'on ne brûlera que des livres.



(1) L'ordre religieux des Jésuites fut dissous par une décision royale.

(2) Ils : les membres de la noblesse et des parlements, souvent ennemis des philosophes.

A M. DIDEROT

A Ferney, 14 auguste 1776.



N'ayant pas été assez heureux, monsieur, pour vous voir et pour vous entendre, à votre retour de Pétersbourg (1), rien ne pouvait mieux m'en consoler que l'apparition de votre ami, M. de Limon: Il est vrai que ma détestable vieillesse, accablée de maladies continuelles, ne m'a pas permis de jouir de sa société autant qu'il m'en a inspiré la passion. Je n'ai fait qu'entrevoir son extrême mérite, et j'ai souhaité qu'il se trouvât beaucoup de Platons semblables auprès des Denis (2). La saine philosophie gagne du terrain, depuis Archangel jusqu'à Cadix ; mais nos ennemis ont toujours pour eux la rosée du ciel, la graisse de la terre, la mitre, le coffre-fort, le glaive et la canaille. Tout ce que nous avons pu faire s'est borné à faire dire, dans toute l'Europe, aux honnêtes gens, que nous avons raison, et peut-être à rendre les moeurs un peu plus douces et plus honnêtes. Cependant le sang du chevalier de La Barre (3) fume encore. Le roi de Prusse a donné, il est vrai, une place d'ingénieur et de capitaine au malheureux ami du chevalier de La Barre, compris dans l'exécrable arrêt rendu par des cannibales ; mais l'arrêt subsiste, et les juges sont en vie. Ce qu'il y a d'affreux, c'est que les philosophes ne sont point unis, et que les persécuteurs le seront toujours. Il y avait deux sages à la cour (4) ; on a trouvé le secret de nous les ôter ; ils n'étaient pas dans leur élément. Le nôtre est la retraite ; il y a vingt-cinq ans que je suis dans cet abri (5). J'apprends que vous ne vous communiquez dans Paris qu'à des esprits dignes de vous connaître : c'est le seul moyen d'échapper à la rage des fanatiques et des fripons. Vivez longtemps, monsieur, et puissiez-vous porter des coups mortels au monstre dont je n'ai mordu que les oreilles. Si jamais vous retournez en Russie, daignez donc passer par mon tombeau.

Voltaire



1. Diderot fit un voyage en Russie auprès de l'impératrice Catherine II de mai 1773 à octobre 1774.

2. Le philosophe grec Platon avait séjourné auprès du tyran Denys de Syracuse.

3. En 1766, le jeune chevalier de La Barre, accusé sans preuves de sacrilège, fut décapité puis brûlé. Voltaire ne cessa de réclamer la révision de cette affaire.

4. Les conseillers du roi Turgot et Malesherbes.

5. Ferney, à la limite de la France et de la Suisse, servit longtemps de refuge à Voltaire.
ysabel
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Devin

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par ysabel Jeu 28 Aoû 2008 - 11:25
ne pas oublier de l'horrible danger de la lecture

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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante

« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
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par Nou Jeu 28 Aoû 2008 - 14:08
"Lettre à un premier commis" de Voltaire

J'ai des docs la-dessus que je peux t'envoyer Fabienne ! Wink

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"Les mots sont importants. Quand on parle mal, on pense mal. Et quand on pense mal, on vit mal." Nanni Moretti
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Condition de l'écrivain au XVIIIème Empty Re: Condition de l'écrivain au XVIIIème

par Invité Jeu 28 Aoû 2008 - 15:03
Tu as aussi Le Barbier Acte I scène 2 dans lequel Figaro raconte sa vie d'auteur.
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