- aposiopèseNeoprof expérimenté
Je souhaite faire un rapide corpus avec mes STI sur les fables avant et après La Fontaine (sans entrer trop dans les détails vu que l'objet d'écriture "les réécritures" ne figure pas à leur programme, c'est plus pour relancer leur curiosité et leur donner des exemples pour une éventuelle dissertation)
bref, j'ai choisi de prendre "le Lion et le Moucheron", avec :
- la fable d'Esope (le cousin et le lion)
- le texte de LF
- une réécriture argotique par Pierre Perret. Je ne suis pas certaine que mon inspecteur va apprécier, mais je pense que mes élèves vont bien rire devant l'inventivité lexicale (si ça peut les aider à se souvenir de cette séance, pourquoi pas !)
(- connaissez-vous une variante par Anouilh ? )
- une chanson de Thomas Fersen, qui est d'ailleurs passé en concert dans la ville de mon lycée il y a 3 semaines
Voici la chanson en question, intitulée "les malheurs du Lion" :
Je me demandais comment vous compreniez le changement final... La chanson est constituée de 2 parties : la "fable" qui met en scène un moucheron vainqueur, et "la réalité" dans laquelle le misérable poète, voulant prendre modèle sur le moucheron et s'attaquer au lion, se retrouve trucidé par un maffieux (si j'ai bien compris). Au passage, j'espère que mes élèves ne vont pas délirer pendant 10mn en entendant le mot "testicules" :|
Pensez-vous que l'on peut aller jusqu'à dire que le texte joue à monter la tromperie (voire la dangerosité) des fables, qui mettent en scène de belles morales par toujours applicables dans la vraie vie ? A ce moment-là, ça me ferait une transition toute trouvée vers mon prochain module (dissertation sur l'utilité des fables, avec un extrait de Rousseau)
+ si vous voyez une support imagé montrant la postérité de cette fable, je prends aussi !
merci d'avance ;-)
bref, j'ai choisi de prendre "le Lion et le Moucheron", avec :
- la fable d'Esope (le cousin et le lion)
- le texte de LF
- une réécriture argotique par Pierre Perret. Je ne suis pas certaine que mon inspecteur va apprécier, mais je pense que mes élèves vont bien rire devant l'inventivité lexicale (si ça peut les aider à se souvenir de cette séance, pourquoi pas !)
(- connaissez-vous une variante par Anouilh ? )
- une chanson de Thomas Fersen, qui est d'ailleurs passé en concert dans la ville de mon lycée il y a 3 semaines
Voici la chanson en question, intitulée "les malheurs du Lion" :
Je me demandais comment vous compreniez le changement final... La chanson est constituée de 2 parties : la "fable" qui met en scène un moucheron vainqueur, et "la réalité" dans laquelle le misérable poète, voulant prendre modèle sur le moucheron et s'attaquer au lion, se retrouve trucidé par un maffieux (si j'ai bien compris). Au passage, j'espère que mes élèves ne vont pas délirer pendant 10mn en entendant le mot "testicules" :|
Pensez-vous que l'on peut aller jusqu'à dire que le texte joue à monter la tromperie (voire la dangerosité) des fables, qui mettent en scène de belles morales par toujours applicables dans la vraie vie ? A ce moment-là, ça me ferait une transition toute trouvée vers mon prochain module (dissertation sur l'utilité des fables, avec un extrait de Rousseau)
+ si vous voyez une support imagé montrant la postérité de cette fable, je prends aussi !
merci d'avance ;-)
- CelebornEsprit sacré
aposiopèse a écrit:
Pensez-vous que l'on peut aller jusqu'à dire que le texte joue à monter la tromperie (voire la dangerosité) des fables, qui mettent en scène de belles morales par toujours applicables dans la vraie vie ?
je pense que c'est un contresens total par rapport à la fables (et aux fables) de La Fontaine.
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"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
Mon Blog
- aposiopèseNeoprof expérimenté
Dans ce cas, comment interprètes-tu la fin plutôt pessimiste de cette chanson ? Je ne vois pas comment expliquer le retournement du moucheron finalement écrasé par le Lion...
- aposiopèseNeoprof expérimenté
je mets le texte de la chanson :
Thomas Fersen
LES MALHEURS DU LION
Au café rêvait un lion
Devant sa consommation
Il voit venir une abeille
Vêtue d'un tailleur que raye
Le noir avec le soleil
Une petite merveille
Elle grésille, elle bourdonne
Avec l'accent de Narbonne
Et gentiment elle butine
Un diabolo grenadine
Ainsi rêvassait le lion
Devant sa consommation
Il voit venir un moucheron
Vêtu d'un complet marron
Avec des ailes sur le tronc
Et une mèche sur le front
Qui grésille, qui zézaye
Avec l'accent de Marseille
Qui lui casse les oreilles
Et lui arrive à l'orteil
Eh petit, je suis le lion
Allez va jouer au ballon
Tu peux t'éponger le front
Avoir les jambes en coton
Ici c'est moi le patron
C'est moi qui donne le ton
Tu zézayes, tu grésilles
Et tu tournes autour des filles
Un conseil: tiens toi tranquille
Ou tu vas t'asseoir sur le grille
T'es épais comme une fourmi
Et tu veux te battre avec me
Allez sois raisonnable
Je suis trop fort
Si tu t'en prends à la pègre
Tu finiras dans le vinaigre
Allez tiens toi tranquille
Sinon t'es mort
Le lion n'a rien vu venir
Le moucheron sans prévenir
Lui a mis un coup de saton
A la pointe du menton
Il n'en revient pas le lion
Et ce n'est qu'un échantillon
Un coup dans les testicules
Ça c'est de la part de Jules
J'aime pas tellement qu'on me bouscule
Quand je me rince les mandibules
Cette histoire n'est une fiction
Moi j'ai rencontré le lion
Je lui ai mis, c'est ridicule
Un coup dans les testicules
Il m'a dévoré tout cru
Au beau milieu de la rue
Je grésille, je zézaye
Et dans le dos j'ai des ailes
J'ai l'éternité au ciel
Grâce à mon exploit de la veille
On travaillera plus tard sur l'utilité des fables en confrontant les arguments de La FOntaine dans ses dédicaces, et ceux de Rousseau dans l'Emile... Là, avec ce premier corpus, je veux juste qu'ils trouvent les variations entre les différentes réécritures (prose/vers, niveau de langue, morale explicite ou non, contenu de la morale, etc)
Thomas Fersen
LES MALHEURS DU LION
Au café rêvait un lion
Devant sa consommation
Il voit venir une abeille
Vêtue d'un tailleur que raye
Le noir avec le soleil
Une petite merveille
Elle grésille, elle bourdonne
Avec l'accent de Narbonne
Et gentiment elle butine
Un diabolo grenadine
Ainsi rêvassait le lion
Devant sa consommation
Il voit venir un moucheron
Vêtu d'un complet marron
Avec des ailes sur le tronc
Et une mèche sur le front
Qui grésille, qui zézaye
Avec l'accent de Marseille
Qui lui casse les oreilles
Et lui arrive à l'orteil
Eh petit, je suis le lion
Allez va jouer au ballon
Tu peux t'éponger le front
Avoir les jambes en coton
Ici c'est moi le patron
C'est moi qui donne le ton
Tu zézayes, tu grésilles
Et tu tournes autour des filles
Un conseil: tiens toi tranquille
Ou tu vas t'asseoir sur le grille
T'es épais comme une fourmi
Et tu veux te battre avec me
Allez sois raisonnable
Je suis trop fort
Si tu t'en prends à la pègre
Tu finiras dans le vinaigre
Allez tiens toi tranquille
Sinon t'es mort
Le lion n'a rien vu venir
Le moucheron sans prévenir
Lui a mis un coup de saton
A la pointe du menton
Il n'en revient pas le lion
Et ce n'est qu'un échantillon
Un coup dans les testicules
Ça c'est de la part de Jules
J'aime pas tellement qu'on me bouscule
Quand je me rince les mandibules
Cette histoire n'est une fiction
Moi j'ai rencontré le lion
Je lui ai mis, c'est ridicule
Un coup dans les testicules
Il m'a dévoré tout cru
Au beau milieu de la rue
Je grésille, je zézaye
Et dans le dos j'ai des ailes
J'ai l'éternité au ciel
Grâce à mon exploit de la veille
On travaillera plus tard sur l'utilité des fables en confrontant les arguments de La FOntaine dans ses dédicaces, et ceux de Rousseau dans l'Emile... Là, avec ce premier corpus, je veux juste qu'ils trouvent les variations entre les différentes réécritures (prose/vers, niveau de langue, morale explicite ou non, contenu de la morale, etc)
- CelebornEsprit sacré
aposiopèse a écrit:Dans ce cas, comment interprètes-tu la fin plutôt pessimiste de cette chanson ? Je ne vois pas comment expliquer le retournement du moucheron finalement écrasé par le Lion...
Mais pas différemment de celui de la fable de La Fontaine, où le moucheron triomphant se retrouve pris dans une toile d'araignée : l'orgueil est un vilain défaut, et il faut se connaître soi même et connaître le monde pour y agir avec prudence plutôt que de se croire le + fort.
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- aposiopèseNeoprof expérimenté
c'est vrai, tu as raison, je me suis fourvoyée à cause de l'insistance sur le "cette histoire n'est qu'une fiction". merci !
- HannibalHabitué du forum
Celeborn a écrit:aposiopèse a écrit:Dans ce cas, comment interprètes-tu la fin plutôt pessimiste de cette chanson ? Je ne vois pas comment expliquer le retournement du moucheron finalement écrasé par le Lion...
Mais pas différemment de celui de la fable de La Fontaine, où le moucheron triomphant se retrouve pris dans une toile d'araignée
Ben si tout de même. Chez Fersen, le moucheron triomphe impunément du lion, puis on change de niveau de fiction, et c'est le narrateur qui est cette fois victime de sa témérité, comme s'il avait eu trop confiance en la première partie de la fable (celle qu'il réécrit) - alors que le moucheron de La Fontaine avait confiance en sa propre expérience.
Il y a en fait dans la chanson deux réécritures concurrentes de la première partie de la fable de La Fontaine, dont la première est dénoncée comme purement fictive, comme si la loi du plus fort ne connaissait jamais d'exception ici-bas : c'est seulement dans l'au-delà que le narrateur, encore et toujours moucheron, peut éventuellement espérer ressembler jusqu'au bout au héros de sa propre fable (cf. reprise de vers identiques) - A moins que ce ne soit là une nouvelle illusion, et qu'il ne risque de nouvelles déconvenues post-mortem.
- aposiopèseNeoprof expérimenté
merci pour ton analyse très fine ;-)
Effectivement, on "change de niveau de fiction" et je pense que c'est ce qui me plaît dans ce texte, une réécriture d'une réécriture...
Effectivement, on "change de niveau de fiction" et je pense que c'est ce qui me plaît dans ce texte, une réécriture d'une réécriture...
- CelebornEsprit sacré
Hannibal a écrit:
Ben si tout de même. Chez Fersen, le moucheron triomphe impunément du lion, puis on change de niveau de fiction, et c'est le narrateur qui est cette fois victime de sa témérité, comme s'il avait eu trop confiance en la première partie de la fable (celle qu'il réécrit) - alors que le moucheron de La Fontaine avait confiance en sa propre expérience.
Mais c'est que le moucheron chez La Fontaine est réellement + fort que le lion dans le combat (pas au sens de la force physique, hein). Fersen n'a fait qu'inverser les données dans sa reprise : Le Lion est devenu le Moucheron, et le Moucheron est devenu le Lion. Mais c'est exactement la même idée à l'arrivée : la stigmatisation d'une trop grande confiance en soi, d'une incapacité de percevoir le monde avec du recul. Avec en cadeau la raison du + fort (Le Loup et l'Agneau, en fait)
Quant à "dénoncer" le fait qu'un récit de La Fontaine serait purement fictif, je rappelle que La Fontaine qualifiait lui-même la partie récit de la fable de "mensonge".
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- HannibalHabitué du forum
Celeborn a écrit:
Mais c'est exactement la même idée à l'arrivée : la stigmatisation d'une trop grande confiance en soi, d'une incapacité de percevoir le monde avec du recul. Avec en cadeau la raison du + fort (Le Loup et l'Agneau, en fait)
Bien d'accord, mais cette confiance excessive, chez La Fontaine, vient d'une expérience vécue, et chez Fersen, elle semble plutôt venir d'une confusion entre fiction et "réalité", qui se retrouve en effet - ailleurs - chez La Fontaine.
Le moucheron de La Fontaine ne se méfie que de plus gros que lui, alors qu'il est la preuve vivante que la loi du plus fort est aussi celle du plus agile ou du plus rusé, et que le danger ne vient pas toujours d'où l'on croit. Il n'a pas tiré les bonnes leçons de sa première victoire.
Dans la fable de La Fontaine, il y a une certaine continuité entre les deux anecdotes : le moucheron face à l'araignée se retrouve sans le savoir dans la position qui était celle du lion face au même moucheron, et les mêmes causes produisent finalement les mêmes effets surprenants, car l'assurance imprudente du lion est transmise au moucheron.
Tandis que chez Fersen, le même comportement du moucheron face au lion connaît un succès différent parce qu'il y a des niveaux de "réalité" différents : le moucheron n°1 de Fersen a raison d'avoir confiance en lui, parce qu'il est dans une fable, alors que le moucheron n°2 a tort, parce qu'il est cette fois dans la "réalité", qui fonctionne autrement.
- aposiopèseNeoprof expérimenté
j'avoue que c'est surtout comme cela que j'avais compris la fin de la chanson. Enfin, je verrai bien demain ce que les élèves trouveront à dire (en dehors du "madame, il y a le mot "testicules" dans le texte !")Dans la fable de La Fontaine, il y a une certaine continuité entre les deux anecdotes : le moucheron face à l'araignée se retrouve sans le savoir dans la position qui était celle du lion face au même moucheron, et les mêmes causes produisent finalement les mêmes effets surprenants, car l'assurance imprudente du lion est transmise au moucheron.
Tandis que chez Fersen, le même comportement du moucheron face au lion connaît un succès différent parce qu'il y a des niveaux de "réalité" différents : le moucheron n°1 de Fersen a raison d'avoir confiance en lui, parce qu'il est dans une fable, alors que le moucheron n°2 a tort, parce qu'il est cette fois dans la "réalité", qui fonctionne autrement.
- User5899Demi-dieu
Une fable ou un proverbe, c'est toujours une façon de généraliser n'importe quoi sous le prétexte de l'expérience. On peut dire tel père tel fils, ou à père avare fils prodigue. On peut même écrire des fables pour le montrer. Cela doit surtout nous rappeler qu'on ne démontre pas avec des exemples.
HS Fersen est passé chez nous aussi, c'était un très beau concert
HS Fersen est passé chez nous aussi, c'était un très beau concert
- CelebornEsprit sacré
Hannibal a écrit:
Tandis que chez Fersen, le même comportement du moucheron face au lion connaît un succès différent parce qu'il y a des niveaux de "réalité" différents : le moucheron n°1 de Fersen a raison d'avoir confiance en lui, parce qu'il est dans une fable, alors que le moucheron n°2 a tort, parce qu'il est cette fois dans la "réalité", qui fonctionne autrement.
Mais le lion et le moucheron lafontainiens peuvent-ils être transposés tels quels dans la réalité humaine ? Je pense qu'affirmer qu'on dénonce le mensonge du récit de la fable au regard d'une "réalité" est aller un peu vite en besogne par rapport justement au système mis en place par La Fontaine, dans lequel le récit n'est pas un exemple à part entière, ni une expérience (éventuellement un moyen de faire mieux retenir la visée morale par sa vivacité, son côté hypotypose, à la manière de l'emblème) ; bref, dans lequel il n'est pas subordonné à la morale, mais gagne une certaine autonomie, se constitue presque comme conte, à tout le moins comme enchantement. L'idée de La Fontaine n'est pas d'affirmer que les moucherons sont supérieurs aux lions, et que donc tout moucheron peut attaquer n'importe quel lion et s'en sortir heureux : ici, c'est la roue de fortune, le risque pour tout un chacun que son hybris lui raccourcisse singulièrement l'existence, qu'il soit lion, qu'il soit moucheron.
(je pense sinon que le moucheron n'a pas eu besoin du lion pour se voir transmettre de l'assurance : il en a plus qu'il n'en faut bien avant sa victoire.
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- Et cette rédac 4è, à partir de l'Avare, vous en pensez quoi? ;-)
- Question sur une fable de La Fontaine
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