- DalivaNeoprof expérimenté
Bonjour
j'ai bien besoin d'aide pour un passage de Mme Bovary:
J'ai trouvé cette question dans des cours que j'avais eu à l'IUFM:
"en quoi le changement de point de vue révèle-t-il le bovarysme d'Emma?"
Je suis retombée dessus car je prépare une séquence pour mes élèves, et je ne vois pas du tout ce qu'il faut dire.
Et ça me parait un peu compliqué pour des bac pro, mais si vous pouviez éclairer ma lanterne, je me sentirais moins ignorante et je l'intégrerai peut-être à ma séquence.
J'imagine qu'il faut parler de l'omnisicient/interne, mais dans le texte, je ne délimite pas très bien le changement alors l’interprétation!
Merci d'avance
j'ai bien besoin d'aide pour un passage de Mme Bovary:
- Spoiler:
Rodolphe et Emma suivirent ainsi la lisière du bois. Elle se détournait de temps à autre afin d’éviter son regard. Au moment où ils entrèrent dans la forêt, le soleil parut.
— Dieu nous protège ! dit Rodolphe.
— Vous croyez ! fit-elle.
— Avançons ! avançons ! reprit-il.
De longues fougères, au bord du chemin, se prenaient dans l’étrier d’Emma. Rodolphe, tout en allant, se penchait et il les retirait à mesure. D’autres fois, pour écarter les branches, il passait près d’elle, et Emma sentait son genou lui frôler la jambe. Le ciel était devenu bleu. Les feuilles ne remuaient pas. Il y avait de grands espaces pleins de bruyères tout en fleurs ; et des nappes de violettes s’alternaient avec le fouillis des arbres, qui étaient gris, fauves ou dorés, selon la diversité des feuillages. Souvent on entendait, sous les buissons, glisser un petit battement d’ailes, ou bien le cri rauque et doux des corbeaux, qui s’envolaient dans les chênes. Ils descendirent. (…)
Ils arrivèrent à un endroit plus large, où l’on avait abattu des baliveaux. Ils s’assirent sur un tronc d’arbre renversé, et Rodolphe se mit à lui parler de son amour.
Il ne l’effraya point d’abord par des compliments. Il fut calme, sérieux, mélancolique.
Emma l’écoutait la tête basse, et tout en remuant, avec la pointe de son pied, des copeaux par terre.
Mais, à cette phrase :
— Est-ce que nos destinées maintenant ne sont pas communes ?
— Eh non ! répondit-elle. Vous le savez bien. C’est impossible.
Elle se leva pour partir. Il la saisit au poignet. Elle s’arrêta. Puis, l’ayant considéré quelques minutes d’un œil amoureux et tout humide, elle dit vivement :
— Ah ! tenez, n’en parlons plus… Où sont les chevaux ? Retournons.
Il eut un geste de colère et d’ennui. Elle répéta :
— Où sont les chevaux ? où sont les chevaux ?
Alors, souriant d’un sourire étrange et la prunelle fixe, les dents serrées, il s’avança en écartant les bras. Elle se recula tremblante. Elle balbutiait :
— Oh ! vous me faites peur ! vous me faites mal ! Partons.
— Puisqu’il le faut, reprit-il en changeant de visage.
Et il redevint aussitôt respectueux, caressant, timide. Elle lui donna son bras. Ils s’en retournèrent. Il disait :
— Qu’aviez-vous donc ? Pourquoi ? Je n’ai pas compris ! Vous vous méprenez, sans doute ? Vous êtes dans mon âme comme une madone sur un piédestal, à une place haute, solide et immaculée. Mais j’ai besoin de vous pour vivre ! J’ai besoin de vos yeux, de votre voix, de votre pensée. Soyez mon amie, ma sœur, mon ange !
Et il allongeait son bras et lui en entourait la taille. Elle tâchait de se dégager mollement. Il la soutenait ainsi, en marchant.
Mais ils entendirent les deux chevaux qui broutaient le feuillage.
— Oh ! encore, dit Rodolphe. Ne partons pas ! Restez !
Il l’entraîna plus loin, autour d’un petit étang, où des lentilles d’eau faisaient une verdure sur les ondes. Des nénuphars flétris se tenaient immobiles entre les joncs.
Au bruit de leurs pas dans l’herbe, des grenouilles sautaient pour se cacher.
— J’ai tort, j’ai tort, disait-elle. Je suis folle de vous entendre.
— Pourquoi ?… Emma ! Emma !
— Oh ! Rodolphe !… fit lentement la jeune femme en se penchant sur son épaule.
Le drap de sa robe s’accrochait au velours de l’habit. Elle renversa son cou blanc, qui se gonflait d’un soupir ; et, défaillante, tout en pleurs, avec un long frémissement et se cachant la figure, elle s’abandonna.
Les ombres du soir descendaient ; le soleil horizontal, passant entre les branches, lui éblouissait les yeux. Çà et là, tout autour d’elle, dans les feuilles ou par terre, des taches lumineuses tremblaient, comme si des colibris, en volant, eussent éparpillé leurs plumes. Le silence était partout ; quelque chose de doux semblait sortir des arbres ; elle sentait son cœur, dont les battements recommençaient, et le sang circuler dans sa chair comme un fleuve de lait. Alors, elle entendit tout au loin, au-delà du bois, sur les autres collines, un cri vague et prolongé, une voix qui se traînait, et elle l’écoutait silencieusement, se mêlant comme une musique aux dernières vibrations de ses nerfs émus. Rodolphe, le cigare aux dents, raccommodait avec son canif une des deux brides cassées. (…)
Et, dès qu’elle fut débarrassée de Charles, elle monta s’enfermer dans sa chambre.
D’abord, ce fut comme un étourdissement ; elle voyait les arbres, les chemins, les fossés, Rodolphe, et elle sentait encore l’étreinte de ses bras, tandis que le feuillage frémissait et que les joncs sifflaient.
Mais, en s’apercevant dans la glace, elle s’étonna de son visage. Jamais elle n’avait eu les yeux si grands, si noirs, ni d’une telle profondeur. Quelque chose de subtil épandu sur sa personne la transfigurait.
Elle se répétait : « J’ai un amant ! un amant ! » se délectant à cette idée comme à celle d’une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc posséder enfin ces joies de l’amour, cette fièvre du bonheur dont elle avait désespéré. Elle entrait dans quelque chose de merveilleux où tout serait passion, extase, délire ; une immensité bleuâtre l’entourait, les sommets du sentiment étincelaient sous sa pensée, et l’existence ordinaire n’apparaissait qu’au loin, tout en bas, dans l’ombre, entre les intervalles de ces hauteurs.
Alors elle se rappela les héroïnes des livres qu’elle avait lus, et la légion lyrique de ces femmes adultères se mit à chanter dans sa mémoire avec des voix de sœurs qui la charmaient. Elle devenait elle-même comme une partie véritable de ses imaginations et réalisait la longue rêverie de sa jeunesse, en se considérant dans ce type d’amoureuse qu’elle avait tant envié. D’ailleurs, Emma éprouvait une satisfaction de vengeance. N’avait-elle pas assez souffert ! Mais elle triomphait maintenant, et l’amour, si longtemps contenu, jaillissait tout entier avec des bouillonnements joyeux. Elle le savourait sans remords, sans inquiétude, sans trouble.
Madame Bovary, Gustave Flaubert, 2e partie, chapitre 9, 1857
J'ai trouvé cette question dans des cours que j'avais eu à l'IUFM:
"en quoi le changement de point de vue révèle-t-il le bovarysme d'Emma?"
Je suis retombée dessus car je prépare une séquence pour mes élèves, et je ne vois pas du tout ce qu'il faut dire.
Et ça me parait un peu compliqué pour des bac pro, mais si vous pouviez éclairer ma lanterne, je me sentirais moins ignorante et je l'intégrerai peut-être à ma séquence.
J'imagine qu'il faut parler de l'omnisicient/interne, mais dans le texte, je ne délimite pas très bien le changement alors l’interprétation!
Merci d'avance
- User5899Demi-dieu
Le changement s'établit à mon sens après "elle s'abandonna", ce qui est assez logique. Ce qui précède est dû à un narrateur omniscient, qui peut résumer plusieurs situations rencontrées sous forme synthétique (et des nappes de violettes s’alternaient avec le fouillis des arbres, qui étaient gris, fauves ou dorés, selon la diversité des feuillages. Souvent on entendait, sous les buissons, glisser un petit battement d’ailes, ou bien le cri rauque et doux des corbeaux, qui s’envolaient dans les chênes.) On passe à un point de vue interne à Emma : les messages de ses sens intègrent des souvenirs littéraires de romans sentimentaux.
- AbraxasDoyen
Oh, même avant : le dialogue n'est constitué que de poncifs, fonctionnant comme des citations mentales de tous les romans à l'eau de rose dont elle s'est abreuvée, qui sont autant de clefs pour accéder à sa serrure, si je puis ainsi m'exprimer.
- User5899Demi-dieu
Entièrement d'accord, mais j'avais exclu le dialogue de l'examen du point de vue.Abraxas a écrit:Oh, même avant : le dialogue n'est constitué que de poncifs, fonctionnant comme des citations mentales de tous les romans à l'eau de rose dont elle s'est abreuvée, qui sont autant de clefs pour accéder à sa serrure, si je puis ainsi m'exprimer.
Une serrure bien branlante, si je puis me permettre.
- DalivaNeoprof expérimenté
Cripure a écrit: On passe à un point de vue interne à Emma : les messages de ses sens intègrent des souvenirs littéraires de romans sentimentaux.
Maintenant que je le lis, ça parait évident, mais très franchement hier ce n'était pas limpide!
Merci à vous deux
- IphigénieProphète
"le cri rauque et doux des corbeaux":c'est pas déjà du bovarysme,ça?
cela dit pour des bac pro ça risque d'être surtout du chinois:bon elle le kiffe et après? y a pas d'action ,madame......
(quand j'étais stagiaire-c'est pas hier la veille-Jean-Louis Gravil,qui était IPR nous donnait comme modèle de cours réussi un cours de lep auuel il avait assisté :en sortant il avait entendu un élève dire:"ce Baudelaire,c'est pas un con!")
cela dit pour des bac pro ça risque d'être surtout du chinois:bon elle le kiffe et après? y a pas d'action ,madame......
(quand j'étais stagiaire-c'est pas hier la veille-Jean-Louis Gravil,qui était IPR nous donnait comme modèle de cours réussi un cours de lep auuel il avait assisté :en sortant il avait entendu un élève dire:"ce Baudelaire,c'est pas un con!")
- DalivaNeoprof expérimenté
iphigénie a écrit:
cela dit pour des bac pro ça risque d'être surtout du chinois:bon elle le kiffe et après? y a pas d'action ,madame......
tout à fait! Je vais en parler, mais pas m'étendre dessus
En fait, c'était surtout pour moi, car je ne voyais pas du tout ce que le formateur attendait!
- IphigénieProphète
peut-être que tu pourrais les faire "entrer "dans le texte en étudiant d'abord non pas Emma mais les passages qui décrivent Rodolphe et son attitude:c'est assez révélateur de la "discordance" entre les deux,du "rôle" que joue Rodolphe et de son art du "jeu"....
- DalivaNeoprof expérimenté
bonne idée!
J'ai prévu de leur faire relever le comportement de chaque personnage, afin qu'ils remarquent qu'ils jouent tous les deux un rôle. Commencer par Rodolphe est effectivement une bonne idée.
J'ai prévu de leur faire relever le comportement de chaque personnage, afin qu'ils remarquent qu'ils jouent tous les deux un rôle. Commencer par Rodolphe est effectivement une bonne idée.
- IphigénieProphète
non,dans un LG mais avec un lep associé et une salle de profs communes (et des bac pro que je récupère en BTS....)
- DalivaNeoprof expérimenté
D'accord, je comprends pourquoi tu cernes les "problèmes" avec ce texte alors
- IphigénieProphète
voui,je cerne les problèmes,mis pas forcément leur réponse
Tu me diras comment c'est passé?
Tu me diras comment c'est passé?
- DalivaNeoprof expérimenté
ça marche
On a commencé aujourd'hui avec le chapitre 6 (les lectures d'Emma), ils ont bien aimé et cela a suscité des réactions, je suis contente
J'aime ce livre!!
On a commencé aujourd'hui avec le chapitre 6 (les lectures d'Emma), ils ont bien aimé et cela a suscité des réactions, je suis contente
J'aime ce livre!!
- User5899Demi-dieu
Daliva a écrit:ça marche
On a commencé aujourd'hui avec le chapitre 6 (les lectures d'Emma), ils ont bien aimé et cela a suscité des réactions, je suis contente
J'aime ce livre!!
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