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par syrinxx Jeu 8 Avr 2010 - 20:35
je suis en train de composer un petit corpus sur le registre tragique à partir d'extraits de différents genres et de différentes époques pour montrer aux élèves qu'il s'agit d'une notion transversale, mais il me manque des extraits de roman. Il faudrait que le registre tragique y soit assez facilement repérable car c'est pour des secondes; J'ai pensé à du Malraux, avez-vous d'autres idées?
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par ysabel Jeu 8 Avr 2010 - 20:38
La fin du Diable au corps avec le "chapitre" 33

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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante

« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
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par Anacyclique Jeu 8 Avr 2010 - 20:48
La mort de Javert ou celle de Gavroche, dans Les Misérables ?
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par syrinxx Jeu 8 Avr 2010 - 20:52
merci!!
pourrais-tu me dire par quels mots commence le chapitre 33 parce que je n'ai pas le livre sous la main, je cherche sur internet.
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par Violet Jeu 8 Avr 2010 - 20:55
La fin de Thérèse Raquin
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par syrinxx Jeu 8 Avr 2010 - 20:58
La fin de Thérèse Raquin
Ah oui c'est une bonne idée ça!
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par syrinxx Jeu 8 Avr 2010 - 21:18
Sinon, vous trouvez que "spleen" de Baudelaire est tragique?
Je l'ai vu dans plusieurs manuels dans des chapitres consacrés au tragique, mais je m'interroge....
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par ysabel Jeu 8 Avr 2010 - 21:38
ça commence à "Notre maison respirait le calme" jusqu'à "où la rejoindre un jour."

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par Celeborn Jeu 8 Avr 2010 - 22:15
Oh alors j'avais étudié le registre tragique via un extrait de La Débâcle de Mimile. Un vrai concentré de tout ce qu'on trouve dans le tragique. J'essaie de te retrouver ça.

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par Celeborn Ven 9 Avr 2010 - 0:32
Ayé, je l'ai retrouvé ! 1e parti, chapitre III (fin du chapitre) :

À minuit, Maurice ne dormait pas encore. Une insomnie fiévreuse, traversée de mauvais rêves, le faisait se retourner sous la tente. Il finit par en sortir, soulagé d’être debout, de respirer l’air froid, fouetté de vent. Le ciel s’était couvert de gros nuages, la nuit devenait très sombre, un infini morne de ténèbres, que les derniers feux mourants des fronts de bandière éclairaient de rares étoiles. Et, dans cette paix noire, comme écrasée de silence, on sentait la respiration lente des cent mille hommes qui étaient couchés là. Alors, les angoisses de Maurice s’apaisèrent, une fraternité lui vint, pleine de tendresse indulgente pour tous ces vivants endormis, dont bientôt des milliers dormiraient du sommeil de la mort. Braves gens tout de même ! Ils n’étaient guère disciplinés, ils volaient et buvaient. Mais que de souffrances déjà, et que d’excuses, dans l’effondrement de la nation entière ! Les vétérans glorieux de Sébastopol et de Solférino n’étaient déjà plus que le petit nombre, encadrés parmi des troupes trop jeunes, incapables d’une longue résistance. Ces quatre corps, formés et reconstitués à la hâte, sans liens solides entre eux, c’était l’armée de la désespérance, le troupeau expiatoire qu’on envoyait au sacrifice, pour tenter de fléchir la colère du destin. Elle allait monter son calvaire jusqu’au bout, payant les fautes de tous du flot rouge de son sang, grandie dans l’horreur même du désastre.

Et Maurice, à ce moment, au fond de l’ombre frissonnante, eut la conscience d’un grand devoir. Il ne cédait plus à l’espérance vantarde de remporter les victoires légendaires. Cette marche sur Verdun, c’était une marche à la mort, et il l’acceptait avec une résignation allègre et forte, puisqu’il fallait mourir.

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par Carabas Ven 9 Avr 2010 - 0:36
La scène du meurtre dans l'Etranger.

Tous les Rougon Macquart : le tragique est incarné par l'hérédité et le poids du milieu social. La félure se révèle chez tous les descendants d'Adélaïde Fouque.

Du coup, le passage de la Bête Humaine concernant la "fêlure" peut être vu dans cette optique :

Jacques fuyait dans la nuit mélancolique. Il monta au galop le sentier d’une côte, retomba au fond d’un étroit vallon. Des cailloux roulant sous ses pas l’effrayèrent, il ne se lança à gauche parmi les broussailles, fit un crochet qui le ramena à droite sur un plateau vide. Brusquement, il dévala, il buta contre la haie du chemin de fer un train arrivait grondant, flambant ; et il ne comprit pas d’abord terrifié. Ah ! oui, tout ce monde qui passait, le continuel flot, tandis que lui agonisait là ! Il repartit, grimpa, descendit encore. Toujours maintenant il rencontrait la voie, au fond des tranchées profondes qui creusaient des abîmes, sur les remblais et qui fermaient l’horizon de barricades géantes. Ce pays désert, coupé de monticules, était comme un labyrinthe sans issue, où tournait sa folie, dans la morne désolation des terrains incultes. Et, depuis de longues minutes, il battait les pentes, lorsqu’il aperçut devant lui l’ouverture ronde, la gueule noire du tunnel. Un train montant s’y engouffrait, hurlant et sifflant, laissant, disparu, bu par la terre, une longue secousse dont le sol tremblait. [...]

Pourtant, il s’efforçait de se calmer, il aurait voulu comprendre. Qu’avait-il donc de différent, lorsqu’il se comparait aux autres ? Là-bas, à Plassans, dans sa jeunesse, souvent déjà il s’était questionné. Sa mère Gervaise, il est vrai, l’avait eu très jeune, à quinze ans et demi ; mais il n’arrivait que le second, elle entrait à peine dans sa quatorzième année, lorsqu’elle était accouchée du premier, Claude ; et aucun de ses deux frères, ni Claude, ni Etienne, né plus tard, ne semblait souffrir d’une mère si enfant et d’un père gamin comme elle, ce beau Lantier, dont le mauvais coeur devait coûter à Gervaise tant de larmes. Peut-être aussi ses frères avaient-ils chacun son mal qu’ils n’avouaient pas, l’aîné surtout qui se dévorait à vouloir être peintre, si rageusement, qu’on le disait à moitié fou de son génie. La famille n’était guère d’aplomb, beaucoup avaient une fêlure. Lui, à certaines heures, la sentait bien, cette fêlure héréditaire ; non pas qu’il fût d’une santé mauvaise, car l’appréhension et la honte de ses crises l’avaient seules maigri autrefois ; mais c’étaient, dans son être, de subites pertes d’équilibre, comme des cassures, des trous par lesquels son moi lui échappait, au milieu d’une sorte de grande fumée qui déformait tout. Il ne s’appartenait plus, il obéissait à ses muscles, à la bête enragée. Pourtant, il ne buvait pas, il se refusait même un petit verre d’eau-de-vie, ayant remarqué que la moindre goutte d’alcool le rendait fou. Et il en venait à penser qu’il payait pour les autres, les pères, les grands-pères, qui avaient bu, les générations d’ivrognes dont il était le sang gâté, un lent empoisonnement, une sauvagerie qui le ramenait avec les loups mangeurs de femmes, au fond des bois.

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par Abraxas Ven 9 Avr 2010 - 5:50
Y en a qui confondent tragique et dramatique.

Pour qu'il y ait du tragique, stricto sensu, faut qu'il y ait de la divinité, sous une forme ou une autre. En ce sens, Zola n'est souvent pas mal — c'est un prêcheur laïque.

En ce sens, Notre-Dame de Paris est plus dans le sujet que les Misérables — même si Dieu affleure un peu partout, chez Hugo.
Ou la mort de Milady dans les Trois mousquetaires : http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre1551.html#page_1185
et pages suivantes… On sent que c'est écrit par un vrai génie de la mise en scène théâtrale (l'élément théâtral est essentiel pour le tragique, non ?)

Ou Mauriac, souvent (Thérèse Desqueyroux, par exemple).

Ou l'extrême fin du Père Goriot (mêmes éléments que chez Dumas : des circonstances météo particulières, une invocation aux dieux, la mort, etc. — et en contrepoint, les deux dernières phrases, qui font brutalement passer du registre tragique au registre réaliste, du théâtre au roman.

Je ne sais pas si je suis clair…
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par Clarianz Ven 9 Avr 2010 - 7:23
Abraxas a écrit:Y en a qui confondent tragique et dramatique.

Pour qu'il y ait du tragique, stricto sensu, faut qu'il y ait de la divinité, sous une forme ou une autre. En ce sens, Zola n'est souvent pas mal — c'est un prêcheur laïque.

En ce sens, Notre-Dame de Paris est plus dans le sujet que les Misérables — même si Dieu affleure un peu partout, chez Hugo.
Ou la mort de Milady dans les Trois mousquetaires : http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre1551.html#page_1185
et pages suivantes… On sent que c'est écrit par un vrai génie de la mise en scène théâtrale (l'élément théâtral est essentiel pour le tragique, non ?)

Ou Mauriac, souvent (Thérèse Desqueyroux, par exemple).

Ou l'extrême fin du Père Goriot (mêmes éléments que chez Dumas : des circonstances météo particulières, une invocation aux dieux, la mort, etc. — et en contrepoint, les deux dernières phrases, qui font brutalement passer du registre tragique au registre réaliste, du théâtre au roman.

Je ne sais pas si je suis clair…


Ah si! Limpide comme un ciel de mai!

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par Violet Ven 9 Avr 2010 - 8:52
De la divinité ou du destin, de la fatalité, non ?
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Abraxas
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par Abraxas Ven 9 Avr 2010 - 9:15
violet a écrit:De la divinité ou du destin, de la fatalité, non ?

Synonymes ! Fata, fatum pluriel, ça donne fée en français — autre forme de divinité. Et le fatum, c'est le destin — ce qui est écrit : c'est ça, la fatalité. Fatalitas ! beugle Chéri-Bibi. Ce n'est pas pour rien.
Dans la tragédie, il y a toujours l'idée d'une instance supérieure qui a organisé les événements.
Dans le drame, ça s'écrit au fur et à mesure.
doctor who
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par doctor who Ven 9 Avr 2010 - 9:26
Georges Forestier nuancerait tout de même la dimension divine de la tragédie. J'ai toujours du mal à me dépêtrer de la critique qu'il fait de cette vision anthropologique du tragique. Qu'en penser ?

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Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
Blog pédagogique : http://pedagoj.eklablog.com
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Abraxas
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par Abraxas Ven 9 Avr 2010 - 10:07
Que vous dire, sinon vous conseiller l'excellent petit livre de mon ami Christian Biet sur le sujet (chez A. Colin…) ? Il est quand même bien meilleur que Forestier…
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InvitéeHr
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par InvitéeHr Ven 9 Avr 2010 - 10:15
Abraxas a écrit:Que vous dire, sinon vous conseiller l'excellent petit livre de mon ami Christian Biet sur le sujet (chez A. Colin…) ? Il est quand même bien meilleur que Forestier…

Quel est le titre de ce livre ?
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Abraxas
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par Abraxas Ven 9 Avr 2010 - 10:48
La tragédie, tout simplement.
Iphigénie
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par Iphigénie Ven 9 Avr 2010 - 11:03
la dernière page de La Voie royale me paraît éminemment tragique
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par Abraxas Ven 9 Avr 2010 - 11:15
iphigénie a écrit:la dernière page de La Voie royale me paraît éminemment tragique

Oui, certainement — le sacré, chez Malraux, c'est l'autre nom des dieux.
Iphigénie
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par Iphigénie Ven 9 Avr 2010 - 12:41
Pour comprendre ce qu'est le tragique(je préfère dire "l'esprit" du tragique plutôt que le "registre"...)il me semble également extrêmement enrichissant de lire La mort de la tragédie de Georges Steiner.
Sinon plus modestement,pour éviter que mes élèves ne confondent le tragique avec le dramatique(au sens "vulgaire"du terme) j'aime bien leur citer cette définition de Giraudoux qui dit que "la tragédie,c'est la forme accelérée du temps"(c'est je crois dans Electre).Cela leur permet de comprendre qu'est tragique ce qui a rapport au destin et non à la douleur sentimentale,ni même à la seule mort....Il y a en effet un INSTANT tragique,celui où TOUT se joue.
(de ce point de vue là,le débat sur la violence à l'école,ou la réforme du lycée sont bien tragiques ,par exemple-mais c'est un autre débat....)
Kamol
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par Kamol Mer 23 Fév 2011 - 19:17
Bonsoir tout le monde!
Je relance ce fil car je suis en train de composer le même type de document que Syrinxx à l'époque (c'est pô si vieux!) et je cherche encore du côté de la poésie. J'ai trouvé un extrait du Musée Grévin d'Aragon dans un manuel, mais je ne trouve pas ça convaincant...
En parlant du spleen, Syrinxx m'a mise sur la voie de "l'Ennemi" de Baudelaire dans les Fleurs du mal: pensez-vous que cela convient?

Avez-vous d'autres idées, ou "pire", un document regroupant des extraits de romans, poèmes, essais (j'ai pensé à Pascal) aux résonances tragiques? (je suis comme d'habitude, sur le fil du rasoir... Embarassed )

Merci encore pour votre aide!
Kamol
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par Kamol Mer 23 Fév 2011 - 20:23
Ca y est, j'ai pondu mon doc! J'ai mis:
- L'extrait de La Débâcle proposé plus haut par Celeborn
- La mort de Gavroche comme suggéré par Nellen
(merci à vous deux pour votre contribution à retardement!!)
- Un extrait de Pensées sur la misère de l'homme (intéressant pour montrer que tragique n'est pas toujours synonyme de lucidité, comme le montre le cas d'Oedipe, il me semble)
- Un extrait de Thérèse Raquin (pour la puissance des passions)
- "L'Ennemi" de Baudelaire

Ca fait 3 romans dont deux Zola, mais bon, comme on a travaillé Nana (vous allez finir par le savoir!)...

Ca vous paraît fonctionner? Une autre idée de poème, in extremis (j'aimerais un poème du XXe, mais là je n'ai plus le temps de chercher...(je pensais à L'Ignorant de Jaccottet... mais bof)?
John
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Médiateur

registre tragique dans le roman Empty Re: registre tragique dans le roman

par John Mer 23 Fév 2011 - 22:22
En poésie, il y a le louhouhoup de Vigny, ou bien "Sois tranquille cela viendra" de Jaccottet.

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