- TimNiveau 5
Dans le cadre d'une séquence sur La Ferme des Animaux, je cherche des poèmes contre le régime stalinien. Eh bien, ce n'est pas facile ! Il y a le fameux épigramme d'Ossip Mandelstam contre Staline, qu'il paya de sa vie, un poème d'Anna Akhmatova dans lelivrescolaire (extrait de Requiem), mais à part cela je ne trouve rien de clairement engagé.
... Seriez-vous connaisseurs en poésie russe des années 1930 ?
Voici le poème d'Ossip Mandelstam si vous ne le connaissez pas :
(bien évidemment c'est une traduction, d'autres versions sont disponibles)
Nous vivons sourds à la terre sous nos pieds,
À dix pas personne ne discerne nos paroles.
On entend seulement le montagnard du Kremlin,
Le bourreau et l'assassin de moujiks.
Ses doigts sont gras comme des vers,
Des mots de plomb tombent de ses lèvres.
Sa moustache de cafard nargue,
Et la peau de ses bottes luit.
Autour, une cohue de chefs aux cous de poulet,
Les sous-hommes zélés dont il joue.
Ils hennissent, miaulent, gémissent,
Lui seul tempête et désigne.
Comme des fers à cheval, il forge ses décrets,
Qu'il jette à la tête, à l'œil, à l'aine.
Chaque mise à mort est une fête,
Et vaste est l'appétit de l'Ossète.
... Seriez-vous connaisseurs en poésie russe des années 1930 ?
Voici le poème d'Ossip Mandelstam si vous ne le connaissez pas :
(bien évidemment c'est une traduction, d'autres versions sont disponibles)
Nous vivons sourds à la terre sous nos pieds,
À dix pas personne ne discerne nos paroles.
On entend seulement le montagnard du Kremlin,
Le bourreau et l'assassin de moujiks.
Ses doigts sont gras comme des vers,
Des mots de plomb tombent de ses lèvres.
Sa moustache de cafard nargue,
Et la peau de ses bottes luit.
Autour, une cohue de chefs aux cous de poulet,
Les sous-hommes zélés dont il joue.
Ils hennissent, miaulent, gémissent,
Lui seul tempête et désigne.
Comme des fers à cheval, il forge ses décrets,
Qu'il jette à la tête, à l'œil, à l'aine.
Chaque mise à mort est une fête,
Et vaste est l'appétit de l'Ossète.
- NadejdaGrand sage
Ça m'embête un peu qu'on parle de poésie engagée à propos de ces poètes. L'idée de littérature engagée ne faisait pas sens pour eux. La littérature à l'époque (le "siècle chien-loup") s'institutionnalisait (Union des écrivains soviétiques en 1932 et dogme du réalisme socialiste qui s'installait) — ces poètes étaient à l'écart de ces circuits (pas comme Gorki pour aller très vite) et s'en séparaient justement par une vraie conscience du travail poétique, du rythme... que la traduction rendra plus ou moins bien.
De Mandelstam on a aussi des poèmes sur la Grande Famine. "Printemps froid" par exemple :
D'Akhmatova trois versions d'un même poème : http://litteraturedepartout.hautetfort.com/archive/2013/10/19/anna-akhmatova-requiem-prologue-i-5200130.html
(voir l'entrée "Akhmatova" ici : http://litteraturedepartout.hautetfort.com/akhmatova-anna/)
Moins connu que ces deux-là, Nicolas Goumilev, "fondateur" de l'acméiste, très frondeur et qui le paya de sa vie. Comme Mandelstam plus tard...
Un peu plus tard et pour sortir de la poésie versifiée, je te conseille de lire les Récits de la Kolyma de Chalamov, c'est magnifique. Mais il écrivit aussi des poèmes : http://aquariumvert.wordpress.com/2013/06/30/intermede-cahiers-de-la-kolyma-1937-1956-de-varlam-chalamov/
Mais là encore je nuancerais vraiment l'expression "poésie engagée" — du moins, si elle est engagée, elle ne l'était pas à la manière des poètes français pendant la guerre.
De Mandelstam on a aussi des poèmes sur la Grande Famine. "Printemps froid" par exemple :
(http://www.revue-silene.com/images/30/article_96.pdf)Printemps froid. Timide Crimée sans pain.
Comme au temps de Wrangel, toujours aussi coupable.
Epines sur le sol, chemises rapiécées,
Et ce brouillard toujours, acide et mordant.
Les lointains épars sont toujours aussi beaux,
Les arbres aux bourgeons petitement gonflés
Sont là, comme accourus, et d’aspect pitoyable,
L’amandier est paré de la sottise pascale.
La nature ne reconnait pas son visage,
Et les ombres effrayantes de l’Ukraine et du Kouban,
Les paysans affamés sur la terre laineuse
Guettent à la barrière sans toucher à l’anneau.
D'Akhmatova trois versions d'un même poème : http://litteraturedepartout.hautetfort.com/archive/2013/10/19/anna-akhmatova-requiem-prologue-i-5200130.html
(voir l'entrée "Akhmatova" ici : http://litteraturedepartout.hautetfort.com/akhmatova-anna/)
Moins connu que ces deux-là, Nicolas Goumilev, "fondateur" de l'acméiste, très frondeur et qui le paya de sa vie. Comme Mandelstam plus tard...
Un peu plus tard et pour sortir de la poésie versifiée, je te conseille de lire les Récits de la Kolyma de Chalamov, c'est magnifique. Mais il écrivit aussi des poèmes : http://aquariumvert.wordpress.com/2013/06/30/intermede-cahiers-de-la-kolyma-1937-1956-de-varlam-chalamov/
Mais là encore je nuancerais vraiment l'expression "poésie engagée" — du moins, si elle est engagée, elle ne l'était pas à la manière des poètes français pendant la guerre.
- TimNiveau 5
Je te remercie pour ta réponse. Tu as l'air d'être calée sur le sujet !
En fait, je n'aime pas trop non plus le terme de poésie "engagée", qui déforme sans doute le projet des artistes et fait tellement "programme du ministère"...
Je vais aller me renseigner davantage sur la poésie de Mandelstam, emprunter un de ses ouvrages, et lire l'ouvrage de Chalamov que tu me conseilles.
J'avais envie de changer de Aragon et Neruda...
Merci encore pour tous tes liens. Je vais les lire avec attention.
En fait, je n'aime pas trop non plus le terme de poésie "engagée", qui déforme sans doute le projet des artistes et fait tellement "programme du ministère"...
Je vais aller me renseigner davantage sur la poésie de Mandelstam, emprunter un de ses ouvrages, et lire l'ouvrage de Chalamov que tu me conseilles.
J'avais envie de changer de Aragon et Neruda...
Merci encore pour tous tes liens. Je vais les lire avec attention.
- dorémyExpert spécialisé
Bonjour, je fais remonter ce topic car j'aimerais bien inclure de la poésie engagée russe cette année dans ma séquence de 3e.
D'autres idées d'auteurs du XXe ou contemporains ?
D'autres idées d'auteurs du XXe ou contemporains ?
- ycombeMonarque
Maïakovski.
Le passeport soviétique ? Il est très connu mais assez sympa. Caricatural par moment, je le trouve assez typique des œuvres engagées de l'époque.
http://www.inlibroveritas.net/oeuvres/2008/vers-sur-le-passeport-sovietique
En V.O.:
http://www.passportmagazine.ru/article/1205/
Le passeport soviétique ? Il est très connu mais assez sympa. Caricatural par moment, je le trouve assez typique des œuvres engagées de l'époque.
http://www.inlibroveritas.net/oeuvres/2008/vers-sur-le-passeport-sovietique
En V.O.:
http://www.passportmagazine.ru/article/1205/
_________________
Assurbanipal: "Passant, mange, bois, divertis-toi ; tout le reste n’est rien".
Franck Ramus : "Les sciences de l'éducation à la française se font fort de produire un discours savant sur l'éducation, mais ce serait visiblement trop leur demander que de mettre leur discours à l'épreuve des faits".
- eeNiveau 9
ycombe a écrit:Maïakovski.
Le passeport soviétique ? Il est très connu mais assez sympa. Caricatural par moment, je le trouve assez typique des œuvres engagées de l'époque.
http://www.inlibroveritas.net/oeuvres/2008/vers-sur-le-passeport-sovietique
En V.O.:
http://www.passportmagazine.ru/article/1205/
Rafraichissant ;-)
- LeodaganFidèle du forum
Pour les connus :
Pasternak
Chalamov
Tsvetaïeva
Soljenitsyne
Pasternak
Chalamov
Tsvetaïeva
Soljenitsyne
- LeodaganFidèle du forum
De Mandelstam: TRISTIA, LE BRUIT DU TEMPS
J'ai aussi lu un essai sur Dante qui m'a beaucoup plu: ENTRETIEN SUR DANTE
J'ai aussi lu un essai sur Dante qui m'a beaucoup plu: ENTRETIEN SUR DANTE
- JPhMMDemi-dieu
Pas Pouchkine ? Certains poèmes au moins...Leodagan a écrit:Pour les connus :
Pasternak
Chalamov
Tsvetaïeva
Soljenitsyne
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- AphrodissiaMonarque
Je remonte ce fil que j'ai trouvé en travaillant au brevet blanc de notre collège. C'est le poème que nous avons choisi (en histoire: le totalitarisme) un peu par facilité, il faut bien le reconnaître: on l'a trouvé dans le manuel Passeurs de textes . Problème: en cherchant un peu sur Internet, je trouve plusieurs traductions différentes du poème et notamment des vers 3 et 4. En plus de la traduction proposée dans le post de Tim, j'ai trouvé :
"Mais lors de la moindre conversation,
C’est du montagnard du Kremlin qu’il s’agit. "
Celle de Passeurs de textes, de Henri Abril, est encore différente pour le début du poème:
Nous vivons sans sentir sous nos pieds le pays,
A dix pas nos paroles se sont évanouies,
Et si quelques mots quand même se forment,
C'est le montagnard du Kremlin qu'ils nomment.
Pour le coup, ça m'embête un peu que nous ayons choisi ce poème si les traductions diffèrent tant. Est-ce qu'un néo saurait me dire laquelle est la plus fidèle à Mandelstam?
"Mais lors de la moindre conversation,
C’est du montagnard du Kremlin qu’il s’agit. "
Celle de Passeurs de textes, de Henri Abril, est encore différente pour le début du poème:
Nous vivons sans sentir sous nos pieds le pays,
A dix pas nos paroles se sont évanouies,
Et si quelques mots quand même se forment,
C'est le montagnard du Kremlin qu'ils nomment.
Pour le coup, ça m'embête un peu que nous ayons choisi ce poème si les traductions diffèrent tant. Est-ce qu'un néo saurait me dire laquelle est la plus fidèle à Mandelstam?
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Hominis mens discendo alitur et cogitando. (Cicéron)
Et puis les steaks ? Ça se rate toujours comme la tragédie. Mais à des degrés différents. (M. Duras)
- dorémyExpert spécialisé
Bonne idée de faire remonter ce post, j'en profite pour contribuer en proposant une chanson de Thiéfaine (dernier album) :
Cette chanson me donne la chair de poule à chaque fois ! Elle décrit le goulag de Karaganda, une ville du nord-est du Kazakhstan. J'ai étudié cette chanson avec les 3e après une séquence sur la ferme des animaux et en lien avec les cours du collègue d'H.G. Les élèves ont carrément accroché.
Des alexandrins merveilleusement césurés.
Des visages incolores,des voyageurs abstraits
des passagers perdus, des émigrants inquiets
qui marchent lentement à travers nos regrets
nos futurs enchaînés, nos rêves insatisfaits
fantômes aux danses australes, aux rhapsodiques peurs
visages camés bleuis graffités par la peur
qui marchent lentement vers l'incinérateur
vers la métallurgie des génies prédateurs
c'est l'histoire assassine qui rougit sous nos pas
c'est la voix de Staline, c'est le rire de Béria
c'est la rime racoleuse d'Aragon et d'Elsa
c'est le cri des enfants morts à Karaganda
brumes noires sur l'occident, murmures de rêves confus
barbares ivres de sang, vampires au coeur fondu
qui marchent lentement au bord des avenues,
des mondes agonisants, des déserts corrompus
ça sent la chair fétide, le rat décérébré
le module androïde, le paradoxe usé
le spectre de mutant au cerveau trafiqué
qui marche en militant sur nos crânes irradiés
c'est l'histoire assassine qui rougit sous nos pas
c'est la voix de Staline, c'est le rire de Béria
c'est la rime racoleuse d'Aragon et d'Elsa
c'est le cri des enfants morts à Karaganda
des visages incolores, des voyageurs abstraits
des passagers perdus,des émigrants inquiets qui marchent lentement à travers nos regrets nos futurs enchaînés
nos rêves insatisfaits
peuples gores et peineux, aux pensées anomiques nations mornes et fangeuses, esclaves anachroniques qui marchent lentement sous l'insulte et la trique des tribuns revenus de la nuit soviétique
c'est l'histoire assassine, qui rougit sous nos pas
c'est la voix de Staline, c'est le rire de Béria, c'est la rime racoleuse d'Aragon et d'Elsa
c'est le cri des enfants morts à Karaganda
Cette chanson me donne la chair de poule à chaque fois ! Elle décrit le goulag de Karaganda, une ville du nord-est du Kazakhstan. J'ai étudié cette chanson avec les 3e après une séquence sur la ferme des animaux et en lien avec les cours du collègue d'H.G. Les élèves ont carrément accroché.
Des alexandrins merveilleusement césurés.
Des visages incolores,des voyageurs abstraits
des passagers perdus, des émigrants inquiets
qui marchent lentement à travers nos regrets
nos futurs enchaînés, nos rêves insatisfaits
fantômes aux danses australes, aux rhapsodiques peurs
visages camés bleuis graffités par la peur
qui marchent lentement vers l'incinérateur
vers la métallurgie des génies prédateurs
c'est l'histoire assassine qui rougit sous nos pas
c'est la voix de Staline, c'est le rire de Béria
c'est la rime racoleuse d'Aragon et d'Elsa
c'est le cri des enfants morts à Karaganda
brumes noires sur l'occident, murmures de rêves confus
barbares ivres de sang, vampires au coeur fondu
qui marchent lentement au bord des avenues,
des mondes agonisants, des déserts corrompus
ça sent la chair fétide, le rat décérébré
le module androïde, le paradoxe usé
le spectre de mutant au cerveau trafiqué
qui marche en militant sur nos crânes irradiés
c'est l'histoire assassine qui rougit sous nos pas
c'est la voix de Staline, c'est le rire de Béria
c'est la rime racoleuse d'Aragon et d'Elsa
c'est le cri des enfants morts à Karaganda
des visages incolores, des voyageurs abstraits
des passagers perdus,des émigrants inquiets qui marchent lentement à travers nos regrets nos futurs enchaînés
nos rêves insatisfaits
peuples gores et peineux, aux pensées anomiques nations mornes et fangeuses, esclaves anachroniques qui marchent lentement sous l'insulte et la trique des tribuns revenus de la nuit soviétique
c'est l'histoire assassine, qui rougit sous nos pas
c'est la voix de Staline, c'est le rire de Béria, c'est la rime racoleuse d'Aragon et d'Elsa
c'est le cri des enfants morts à Karaganda
- Karaganda le goulag:
- Karaganda, une ville du nord-est du Kazakhstan. Ici, tout n'est que goulag. Tout rappelle les zeks (prisonniers) expédiés par Staline vers les steppes. Dans ce bassin minier, qui regorge de houille et de cuivre, où l'Union soviétique a implanté des combinats sidérurgiques, l'ensemble pénitentiaire du « Karlag » regroupait des dizaines de camps différents. Tout ce qui est sorti de terre à cette époque est dû au travail des victimes du tyran. Les immeubles staliniens de la ville ont été bâtis pas des forçats. Comme les routes et les chemins de fer. Les gueules noires qui abattaient le charbon dans les profondes galeries et les ouvriers qui suaient devant les hauts fourneaux étaient aussi détenus ou déportés. Ainsi que les paysans des fermes collectives...
suite ici :
http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2011/05/28/01006-20110528ARTFIG00663-enfants-au-goulag.php
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