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papillonbleu
Esprit éclairé

Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants Empty Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants

par papillonbleu Lun 21 Fév 2011 - 15:17
Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants
Nicolas Sarkozy a lui-même convenu que l'actuel système pouvait être " amélioré "


Entrée en vigueur depuis la rentrée 2010, la réforme de la formation des enseignants devra, d'une façon ou d'une autre, être modifiée. Les lauréats des concours d'enseignement sont désormais privés de l'année transitoire de formation en alternance qu'ils effectuaient sous la responsabilité des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Mais placer directement ces débutants devant les élèves, à l'usage, ne satisfait personne.

Nicolas Sarkozy lui-même a jugé opportun, le 19 janvier, de remettre " sur le chantier les éléments de formation ", et souligné qu'il ne fallait " pas avoir peur d'améliorer en permanence notre système ". " J'aurai l'occasion de voir moi-même avec Luc Chatel - le ministre de l'éducation - les organisations syndicales pour parler de cela ", a-t-il indiqué le 10 février. Depuis, les syndicats d'enseignants sont en attente, mais aucun rendez-vous ne leur a encore été fixé. Si des changements doivent intervenir à la rentrée prochaine, les délais techniques et juridiques imposent que des décisions soient prises très rapidement.

Des problèmes annoncés. " Enseigner est un métier qui s'apprend ", martelaient les opposants pendant la période de gestation de la réforme. Cette dernière substitue à la formation préalable des nouveaux enseignants leur tutorat par des collègues expérimentés. Mais le tutorat est un principe de formation inégal (tous les tuteurs ne se valent pas) et ne couvre qu'une partie des besoins. Il ne forme pas, ou peu, à certains sujets importants : l'histoire du système éducatif, les principes du service public, la gestion des situations tendues, l'apprentissage de la lecture, l'intégration des handicapés...

Tout en supprimant l'année en IUFM, le ministère a donc ajouté des périodes de formation, " groupées " sur plusieurs semaines ou " filées " un ou deux jours par semaine, à l'intention des enseignants en première année. Mais, comme la plupart d'entre eux ont désormais un service complet à effectuer, ces formations viennent soit alourdir leur charge, soit déclencher des absences. Il en résulte un surmenage des débutants et un casse-tête administratif pour gérer à la fois les compléments de formation, les absences et les remplacements.

Des débutants en souffrance La réforme fragilise la situation des débutants, alors que le constat général est au durcissement du métier. De ce fait, au risque de l'exagération, tout dysfonctionnement impliquant un nouvel enseignant lui est attribué. Dans l'immédiat, il faut cependant distinguer la situation du primaire où, en raison d'un surnombre provisoire d'environ 5 600 enseignants cette année, l'intégration des débutants se fait dans des conditions honorables, et celle du secondaire, où les problèmes s'accumulent.

Ainsi, lorsque des débutants doivent s'absenter pour suivre une formation, ils ne sont pas toujours remplacés, ou le sont par des étudiants en master 2 effectuant un stage en responsabilité. Cela se traduit parfois par des situations insolites : un professeur inexpérimenté, suivi par un tuteur, est lui-même remplacé par un étudiant, dont il devient de fait le tuteur...

Le ministère est bien seul à évoquer des " difficultés ponctuelles ". Il souligne que les cas de démission restent rarissimes, et inférieurs aux années précédentes. Mais les syndicats et les associations de parents accumulent les alertes. Un collectif dénommé Stagiaire impossible recueille des témoignages accablants. Selon une enquête du SE-UNSA (syndicat des enseignants) menée début 2011, " 8 % des enseignants stagiaires envisagent de quitter le métier en fin d'année ".

Des masters en alternance Pour " réformer la réforme ", la principale piste suivie est celle du renforcement des stages effectués avant le concours par les étudiants en master qui se destinent à l'enseignement.

Début février, le recteur de l'académie de Versailles, Alain Boissinot, a annoncé l'expérimentation à la rentrée 2011 de masters en alternance. Dès la licence, les étudiants effectueraient des missions d'assistant pédagogique ou d'éducation, intégrées à leur parcours. Puis, en master, ils interviendraient comme enseignants vacataires, six heures par semaine maximum. Cette alternance se mettrait en place avant que les étudiants ne sachent s'ils sont admissibles ou non à un concours d'enseignement.

La Conférence des directeurs d'IUFM propose, pour sa part, une alternance qui ne commencerait qu'en master 2, et serait éventuellement étalée sur deux ans, en débordant sur la première année d'exercice. En outre, le calendrier des concours serait modifié, en plaçant les épreuves d'admissibilité à la fin du master 1. En 2009, le gouvernement avait placé l'admissibilité en début de master 2, avec pour conséquence une année surchargée durant laquelle les étudiants doivent à la fois valider leur master, préparer leur admission au concours et effectuer des stages. Pour la Conférence des directeurs, seuls les étudiants admissibles accéderaient à l'alternance.

Des " prérecrutements " ? En alternance et avec une rémunération, l'organisation des études se rapprocherait d'un " prérecrutement ", favorable aux étudiants d'origine modeste. Ces propositions sont voisines de celles de l'UNSA Education, qui réclame une remise à plat de tout le dispositif et consulte, depuis le début février, ses syndicats à ce sujet. Cette fédération demande elle aussi de placer en fin de master 1 l'admissibilité, et de " calibrer " celle-ci de manière qu'on trouve en master 2 des élèves " ayant une forte probabilité d'être recrutés ".

Ces projets se heurtent à plusieurs obstacles. L'un est réglementaire, puisqu'il faudrait réviser les décrets de 2009 sur la date des épreuves de concours. Le deuxième est financier, si l'on veut pour les éventuels " alternants " une rémunération décente. Le troisième est peut-être le plus délicat : ce dispositif n'aurait guère de sens si les aspects " métier " n'étaient pas davantage pris en compte dans les concours, centrés aujourd'hui sur les connaissances académiques.

De quoi relancer une guerre de religions, alors que pointe la désaffection envers les carrières enseignantes : en septembre 2010, le nombre des candidats présents aux épreuves des concours avait presque chuté de moitié par rapport à l'année précédente.

Luc Cédelle

© Le Monde
John
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Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants Empty Re: Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants

par John Lun 21 Fév 2011 - 15:19
Chantier, c'est le mot adéquat, non ?

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papillonbleu
Esprit éclairé

Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants Empty Re: Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants

par papillonbleu Lun 21 Fév 2011 - 15:20
" Je patauge, mais personne ne trouve ça anormal "

Dans Le Monde daté du 9 octobre 2010, elle racontait les difficultés d'une rentrée sans formation préalable. Les programmes iniques, les élèves qui s'agitent, les parents qui critiquent. Six mois plus tard, rien n'a vraiment changé pour la jeune professeure stagiaire, que nous appellerons Louise pour ne pas mettre en danger sa titularisation.

La semaine dernière, elle a même pensé à l'arrêt maladie : " Je ne dormais pas, je rêvais de mes élèves. Je partais au collège en pleurant. Je me suis dit qu'il fallait que tout ça s'arrête. " Et puis elle s'est accrochée.

Elle officie dans un collège ordinaire de l'académie d'Aix-Marseille. Mais là aussi, les violences sont coutumières. Quand l'un lui jette son carnet de liaison à la figure, l'autre lui envoie des bouts de gomme dans les cheveux. Sans compter cette jeune fille incontrôlable qui feint sans cesse de lui mettre un coup de boule : " Certains élèves me font peur ", glisse la jeune professeure de français. Un jour, un jeune lui a fait un croche-pied dans le couloir. " J'ai trébuché, mais je ne suis pas tombée. "

Différentes casquettes

Pédagogiquement, Louise a dû revoir ses objectifs à la baisse. Dans sa classe de 5e, l'un des élèves ne sait toujours pas écrire son prénom. Et personne ne maîtrise encore le présent. " Je ne suis pas frustrée, je suis dépassée, précise-t-elle. Dépassée par l'importance des problèmes de ces gamins que je suis incapable de résoudre, faute de formation. "

A chaque minute, elle se tient prête à changer de casquette : enseignante, psychologue, éducatrice, assistante sociale... " et flic ". La discipline reste sa mission principale. En six mois, Louise a trouvé quelques " trucs " : elle refuse de faire rentrer ses élèves en classe s'ils n'arrivent pas en rang, deux par deux, et dans le silence. Dès qu'il y a trop de bruit, elle arrête le cours et leur demande de recopier des textes. " Ce qui marche, c'est l'acharnement. Ne jamais plier. "

Elle a aussi appris à laisser tomber quelques vieilles recettes : " La retenue, ça ne sert à rien : les jeunes en profitent juste pour pourrir le surveillant qui se trouve là. " Les mots dans le carnet ne font pas plus d'effet. Et que dire à cet adolescent qui vient de regagner le domicile familial après plusieurs années en foyer, et qui hurle que s'il a un mot dans son carnet, son père le battra ?

Parfois, Louise craque. Rarement au collège, souvent chez elle. De désespoir, de frustration, de fatigue aussi. Elle prépare ses cours la veille au soir, jusque tard dans la nuit. Et se lève à 5 h 30 pour corriger des copies : " Comment pourrais-je faire autrement ? Ma vie est grignotée par ce métier. Je ne pense qu'à ça, ne parle que de ça. Le collège m'a absorbée. "

Après les vacances, elle suivra une formation de quatre semaines à l'institut universitaire de formation des maîtres (IUFM). Une parenthèse théorique pendant laquelle elle devra confier ses élèves à une étudiante de master 2 : " Elle débarquera ici juste après son écrit du capes, alors qu'elle a encore l'oral à préparer et un mémoire à écrire, raconte Louise. Elle panique déjà. "

Son inspectrice vient de lui rendre un excellent rapport de stage : " Je patauge, mais personne ne trouve ça anormal. " La titularisation ? Elle refuse de projeter : " Ce métier n'est peut-être pas fait pour moi. Manifestement, je ne serai jamais L'Instit ou le type d'Entre les murs ! "

Marion Quillard

© Le Monde
John
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Médiateur

Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants Empty Re: Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants

par John Lun 21 Fév 2011 - 15:22
Quand l'un lui jette son carnet de liaison à la figure, l'autre lui envoie des bouts de gomme dans les cheveux. Sans compter cette jeune fille incontrôlable qui feint sans cesse de lui mettre un coup de boule : " Certains élèves me font peur ", glisse la jeune professeure de français. Un jour, un jeune lui a fait un croche-pied dans le couloir. " J'ai trébuché, mais je ne suis pas tombée. "
Mais des trucs comme cela, ça ne se sait pas assez. C'est révoltant.

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Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants Empty Re: Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants

par Nuits Lun 21 Fév 2011 - 15:44
ouaip,

d'après ce que l'on nous a laissé entendre pendant les premiers jours de notre formation massée, il n'y aura pas de changement l'an prochain, du moins dans notre académie.
Face à nos protestations (nous pensons à nos collègues de l'an prochain et ne leur souhaitons vraiment pas de vivre la même année que nous), on nous a assuré que eux seraient mieux préparés grâce à la formation master.
Peut-être...

Quoi qu'il en soit, je serais assez favorable à une prise de contact précoce avec le monde de l'EN, histoire de ne pas se farcir 5 ans d'études pour découvrir que ce métier ne nous plaît pas.

Quand j'étais à la fac (et je crois que c'est toujours le cas), il y avait des tas de cours "annexes" (on pouvait apprendre le finnois ou l'hébreu, faire du sport ou de l'informatique...). On devait obligatoirement faire un double cursus en première année pour favoriser "les passerelles" et "changements d'orientation". Il y avait également des modules obligatoires pour tous de méthodologie ("apprendre à faire une dissertation" "apprendre à faire un commentaire"...) ou de "culture gé." .

Je ne dis pas que tout ceci n'était pas fondé et nécessaire, mais sacrebleu ! pourquoi au milieu de tous ces trucs n'y avait-il pas de modules plus orientés vers l'enseignement ? Je pense qu'une licence pro serait bien plus utile...
Ah mais si ! je me souviens, j'avais suivi l'option "concours de l'enseignement". On avait fait du latin, de l'ancien français et de la grammaire moderne... Cours que j'ai suivis (à l'identique parfois) l'année de prépa. capes

Bref, je serais vraiment pour une entrée très très progressive dans le métier, une orientation plus précoce et un cursus plus court, ce qui serait possible si on arrêtait de "délayer" les savoirs disciplinaires en licence, si on arrêtait d'envoyer à la fac des gosses qui savent à peine s'exprimer... (enfin pile poil l'inverse de ce qui existe actuellement)

Voili voilou...

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guiz
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Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants Empty Re: Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants

par guiz Lun 21 Fév 2011 - 16:19
Nuits a écrit:ouaip, d'après ce que l'on nous a laissé entendre pendant les premiers jours de notre formation massée, il n'y aura pas de changement l'an prochain, du moins dans notre académie.
Face à nos protestations (nous pensons à nos collègues de l'an prochain et ne leur souhaitons vraiment pas de vivre la même année que nous), on nous a assuré que eux seraient mieux préparés grâce à la formation master. .

Dans mon académie, ils seront tellement bien formés qu'on a dit à nos tuteurs que les prochains stagiaires n'auront certainement pas de tuteurs.

Bon en même temps, sans parler des tuteurs qui mettent des bâtons dans les roues de leur stagiaire, je trouve que la relation tuteur-stagiaire est unilatérale. Je n'ai vu les classes du mien que 3 fois depuis septembre, je n'ai pas beaucoup de conseils, mais qu'est-ce qu'on aime venir me voir dans mes classes.
Mais c'est mon expérience personnelle.

pourquoi au milieu de tous ces trucs n'y avait-il pas de modules plus orientés vers l'enseignement ? Je pense qu'une licence pro serait bien plus utile...
Ah mais si ! je me souviens, j'avais suivi l'option "concours de l'enseignement". On avait fait du latin, de l'ancien français et de la grammaire moderne... Cours que j'ai suivis (à l'identique parfois) l'année de prépa. capes

Tout à fait d'accord avec toi!
...Pour ce que j'en fais maintenant de ma technique de commentaire de texte sur Shakespeare, de la chronologie de l'esclavagisme dans l'empire britannique au 19e siècle, etc No
Certes, c'est de la culture générale, j'ai adoré assisté à tous ces cours, mais j'aurai largement préféré apprendre quelque chose qui m'aurait aidé concrètement cette année.

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mimile
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Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants Empty Re: Des propositions pour remettre en chantier la formation des enseignants

par mimile Lun 21 Fév 2011 - 17:10
Tout à fait, dans ma prépa CAPET, on était au top des connaissances disciplinaires mais certains d'entre nous connaissaient très mal les filières dans lesquelles ils allaient enseigner. Et la réforme du lycée a empiré les choses...

Je trouve l'idée du recteur de Versailles pas mal du tout : des missions d'assistant d'éducation et pédagogique seraient une bonne manière de mieux connaitre le fonctionnement d'un établissement scolaire et surtout de mieux connaitre les ados.

Ensuite, pour les master enseignement, il faudrait organiser des stages de pratique accompagnée avec de l'observation dans un 1er temps puis prise en charge d'une classe avec observation du maitre de stage. Ca permettrait de se rendre compte de ce que c'est que préparer un cours...
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