- OlivariusNiveau 4
Je suis revenu tellement ému par tout ce que le formateur nous a expliqué mercredi dernier que je me suis apaisé en écrivant les vers suivants - j'avais aussi promis aux Muses, lors de l'oral de l'agrégation cette année un poème, si elles m'aidaient à réussir enfin le concours. Promesse tenue mais c'était un "deal" un peu filou car j'étais sûr de ne pouvoir accomplir cette promesse qu'avec leur aide !
(ma traduction en français suit les vers latins qui voudraient prouver que même en collège nous - et nos élèves - ne sommes pas juste bons à faire des tableaux, des sorties, et des comparaisons de traductions, mais je ne souhaite pas entrer dans le débat - c'est inutile pour être simplement un LC classique heureux, avec ou sans élève).
Crŭēntūm uīdī mŏdŏ măgīstr(um) īn līttĕris,
Lītŏrĭbŭs haūd Nārbōnaē prŏcŭl ămābĭlis
Quō nōs măgīstrī līnguaē uēnĭmŭs ūndĭque,
Ŭt īstĕ nōs dŏcērēt stūdĭă dūcĕre.
Canticum
Cōrām nōbīs tētĕ dūxīt, Mūsă, nēc pūdōr(em) hăbēbat,
Quīppĕ quī scīssūrŭs ēssĕt ōmnēs uēstēs tē uēlāntes,
Quō schŏlāstĭc(um) āgmĕn, ăiēbāt, grātĭōsām tē cēnsēret.
Quāntă dŏlēbām uūlnĕră cōrdĕ tē uĭdēndō nūdām fāctam
Cūm coēpīssēt fūr fŭrĭōsŭs ūnguēs pōnĕr(e) ămātaē dūlci !
Mutatis Modis Canticum
Ĕtĕnīm săt ĕrāt nōn sīc īstī, heū, t(u)īs taēnīs rŏsĕīs rāptis,
Laūrō grăuĭbūs sŏlĕīs trītō, fōrm(a) īn grăphĭcōs ăbăcōs uērsā,
Ānt(e) ŏcŭlōs m(e)ōs stŭpĭdōs : quīd uūlt ? Cūrnām ? Quālī rătĭōne ?
Īd(em) ămīcūs tŭūs – quĭă quĭdēm sīc ămat –
Tē, fĭlĭă mĕmŏrĭaē, sārcĭēbāt lăcĕram.
Ārtĕ lănĭōnĭā ōssă tŭă quaērĕbat
Nūd(a) ŭt ĕă tēndĕrēt quōd uŏlūptārĭūst.
Sĕpūlt(a) ēs ăb īstō sārcŏphăgō uīuō,
Līnguă Lătīn(a) ĕt aēquīs ĕīdem
Prĭūsquām tē tālēs ămātōrēs ŭlŭlēnt.
Lōngĭŭs īnsūltābĭn ĕām,
Bārbărĕ rŭdĭs ēt sĭnĕ uīscĕrĭbus ?
Mē uēr(o) haēc nōn pŏtĕrūnt fērrī !
Fĕrŭl(a) haēc fērrī fĕră frāngētur !
Cērtā mēcum, īmpĭĕ uēcors,
Haūd tămĕn ārmīs mōr(e) īmpŏsĭtīs
Sĕd ĕīs quās ōptāuīt Mūsa,
Suāuĭbŭs Hĕlĭcōnĭădūm nŭmĕrīs,
Sēns(u)ūm plēnīs ĕt ĭmāgĭnĭbus,
Ūnō uērbō phĭlŏlŏgĭā.
Canticum
Sĕd īpsĕ sēnsūm pērdŏ hŏdĭē quāssŭs ămōrĕ līnguaē.
Mĕă Mūsă tŭă nōn dŭbĭō, tāntăquĕ iăm hērēdĭtās ēst
Nūtrīcī nōstr(um) ŭt īllī mōrtŭ(am) aūt hăbērī uīuam
Nōn dīffĕrāt, spŏlĭātaē pāssīm tūrb(a) āmplā prŏcōrum.
Īgnōscĕ uērbīs dūrīs, cōmpār, ŭtĭn(am) ād mĭnŭs ămōrem
Ălĭōr(um) ādmīttās, dōctĕ uĭr, ētsī nĭmĭs ārdēns uĭdētur.
Je viens de voir un docteur ès-lettres bien cruel,
Non loin des rivages de l’aimable Narbonne,
Où nous autres professeurs de latin sommes venus de partout
Afin que cet individu nous enseignât comment mener nos cours.
Il t’a conduite en notre présence, ô Muse, sans aucune pudeur,
Lui qui s’apprêtait en effet à déchirer tous les vêtements qui te couvrent,
Afin que la troupe des écoliers, disait-il, te trouvât séduisante.
Combien de blessures recevais-je en mon cœur en te voyant dénudée
Lorsque ce voleur en furie commença à poser ses ongles sur ma douce bien-aimée !
Le fait est que ce n’était pas assez pour lui, hélas, que d’avoir arraché tes rubans roses,
Foulé de ses lourds sabots tes lauriers, transformé ta beauté en quadrillages tracés de main de maître,
Devant mes yeux hébétés : qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi ça ? Pour quelle sorte de motif ?
Le même, qui est ton ami, – car c’est ainsi qu’il t’aime –
Te raccommodait, fille de la Mémoire, une fois déchiquetée.
Avec un art de boucher il recherchait tes os
Pour les présenter mis à nu, parce qu’il est homme à aimer le plaisir.
Tu es mise en terre par ce sarcophage vivant,
Langue latine, et par ses semblables,
Avant que ces sortes d’amants ne poussent des cris gémissants sur ton sort.
L’insulteras-tu plus longtemps,
Barbare grossier et sans cœur ?
Mais je ne pourrai pas souffrir ces violences !
Cette féroce férule de fer, elle sera brisée !
Combats avec moi, insensé plein d’impiété,
Non pas avec les armes imposées par l’usage
Mais avec celles qu’a choisies la Muse,
Les suaves cadences des filles de l’Hélicon
Et les images pleines de sens et de sentiments,
En un mot la philologie.
Mais je perds moi-même tout sens aujourd’hui, secoué que je suis par l’amour de la langue.
Ma Muse est la tienne, sans aucun doute, et si grand est l’héritage
de celle qui nous nourrit que passer pour morte ou vivante
l’indiffère, elle qu’a déjà spoliée une foule impressionnante de prétendants.
Pardonne à mes injures, compagnon ; Qu’au moins l’amour
Des autres [amants] tu veuilles bien l’admettre, savant homme, quand bien même il semblerait trop ardent.
Conspectus metrorum
1-4 Iamb. sen.
5-9 Troch. octon.
10-11 Anap. octon.
12 Anap. septen.
13-16 Cret. dim.
17-19 Bacch. dim.
20-29 Anap. dim. (20, 29 catal. ; ceteri acatal.)
30-35 Iamb. septen.
Perpiniani, d. VII-VIII m. Jan. a. MMXI
(ma traduction en français suit les vers latins qui voudraient prouver que même en collège nous - et nos élèves - ne sommes pas juste bons à faire des tableaux, des sorties, et des comparaisons de traductions, mais je ne souhaite pas entrer dans le débat - c'est inutile pour être simplement un LC classique heureux, avec ou sans élève).
POETA VINDEX
(Plautina fabula)
< ACTUS I >
AUCTOR
(nec adulescens nec senex sed amans Latinae Musae)
Diverbium(Plautina fabula)
< ACTUS I >
AUCTOR
(nec adulescens nec senex sed amans Latinae Musae)
Crŭēntūm uīdī mŏdŏ măgīstr(um) īn līttĕris,
Lītŏrĭbŭs haūd Nārbōnaē prŏcŭl ămābĭlis
Quō nōs măgīstrī līnguaē uēnĭmŭs ūndĭque,
Ŭt īstĕ nōs dŏcērēt stūdĭă dūcĕre.
Canticum
Cōrām nōbīs tētĕ dūxīt, Mūsă, nēc pūdōr(em) hăbēbat,
Quīppĕ quī scīssūrŭs ēssĕt ōmnēs uēstēs tē uēlāntes,
Quō schŏlāstĭc(um) āgmĕn, ăiēbāt, grātĭōsām tē cēnsēret.
Quāntă dŏlēbām uūlnĕră cōrdĕ tē uĭdēndō nūdām fāctam
Cūm coēpīssēt fūr fŭrĭōsŭs ūnguēs pōnĕr(e) ămātaē dūlci !
Mutatis Modis Canticum
Ĕtĕnīm săt ĕrāt nōn sīc īstī, heū, t(u)īs taēnīs rŏsĕīs rāptis,
Laūrō grăuĭbūs sŏlĕīs trītō, fōrm(a) īn grăphĭcōs ăbăcōs uērsā,
Ānt(e) ŏcŭlōs m(e)ōs stŭpĭdōs : quīd uūlt ? Cūrnām ? Quālī rătĭōne ?
Īd(em) ămīcūs tŭūs – quĭă quĭdēm sīc ămat –
Tē, fĭlĭă mĕmŏrĭaē, sārcĭēbāt lăcĕram.
Ārtĕ lănĭōnĭā ōssă tŭă quaērĕbat
Nūd(a) ŭt ĕă tēndĕrēt quōd uŏlūptārĭūst.
Sĕpūlt(a) ēs ăb īstō sārcŏphăgō uīuō,
Līnguă Lătīn(a) ĕt aēquīs ĕīdem
Prĭūsquām tē tālēs ămātōrēs ŭlŭlēnt.
Lōngĭŭs īnsūltābĭn ĕām,
Bārbărĕ rŭdĭs ēt sĭnĕ uīscĕrĭbus ?
Mē uēr(o) haēc nōn pŏtĕrūnt fērrī !
Fĕrŭl(a) haēc fērrī fĕră frāngētur !
Cērtā mēcum, īmpĭĕ uēcors,
Haūd tămĕn ārmīs mōr(e) īmpŏsĭtīs
Sĕd ĕīs quās ōptāuīt Mūsa,
Suāuĭbŭs Hĕlĭcōnĭădūm nŭmĕrīs,
Sēns(u)ūm plēnīs ĕt ĭmāgĭnĭbus,
Ūnō uērbō phĭlŏlŏgĭā.
Canticum
Sĕd īpsĕ sēnsūm pērdŏ hŏdĭē quāssŭs ămōrĕ līnguaē.
Mĕă Mūsă tŭă nōn dŭbĭō, tāntăquĕ iăm hērēdĭtās ēst
Nūtrīcī nōstr(um) ŭt īllī mōrtŭ(am) aūt hăbērī uīuam
Nōn dīffĕrāt, spŏlĭātaē pāssīm tūrb(a) āmplā prŏcōrum.
Īgnōscĕ uērbīs dūrīs, cōmpār, ŭtĭn(am) ād mĭnŭs ămōrem
Ălĭōr(um) ādmīttās, dōctĕ uĭr, ētsī nĭmĭs ārdēns uĭdētur.
Je viens de voir un docteur ès-lettres bien cruel,
Non loin des rivages de l’aimable Narbonne,
Où nous autres professeurs de latin sommes venus de partout
Afin que cet individu nous enseignât comment mener nos cours.
Il t’a conduite en notre présence, ô Muse, sans aucune pudeur,
Lui qui s’apprêtait en effet à déchirer tous les vêtements qui te couvrent,
Afin que la troupe des écoliers, disait-il, te trouvât séduisante.
Combien de blessures recevais-je en mon cœur en te voyant dénudée
Lorsque ce voleur en furie commença à poser ses ongles sur ma douce bien-aimée !
Le fait est que ce n’était pas assez pour lui, hélas, que d’avoir arraché tes rubans roses,
Foulé de ses lourds sabots tes lauriers, transformé ta beauté en quadrillages tracés de main de maître,
Devant mes yeux hébétés : qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi ça ? Pour quelle sorte de motif ?
Le même, qui est ton ami, – car c’est ainsi qu’il t’aime –
Te raccommodait, fille de la Mémoire, une fois déchiquetée.
Avec un art de boucher il recherchait tes os
Pour les présenter mis à nu, parce qu’il est homme à aimer le plaisir.
Tu es mise en terre par ce sarcophage vivant,
Langue latine, et par ses semblables,
Avant que ces sortes d’amants ne poussent des cris gémissants sur ton sort.
L’insulteras-tu plus longtemps,
Barbare grossier et sans cœur ?
Mais je ne pourrai pas souffrir ces violences !
Cette féroce férule de fer, elle sera brisée !
Combats avec moi, insensé plein d’impiété,
Non pas avec les armes imposées par l’usage
Mais avec celles qu’a choisies la Muse,
Les suaves cadences des filles de l’Hélicon
Et les images pleines de sens et de sentiments,
En un mot la philologie.
Mais je perds moi-même tout sens aujourd’hui, secoué que je suis par l’amour de la langue.
Ma Muse est la tienne, sans aucun doute, et si grand est l’héritage
de celle qui nous nourrit que passer pour morte ou vivante
l’indiffère, elle qu’a déjà spoliée une foule impressionnante de prétendants.
Pardonne à mes injures, compagnon ; Qu’au moins l’amour
Des autres [amants] tu veuilles bien l’admettre, savant homme, quand bien même il semblerait trop ardent.
Conspectus metrorum
1-4 Iamb. sen.
5-9 Troch. octon.
10-11 Anap. octon.
12 Anap. septen.
13-16 Cret. dim.
17-19 Bacch. dim.
20-29 Anap. dim. (20, 29 catal. ; ceteri acatal.)
30-35 Iamb. septen.
Perpiniani, d. VII-VIII m. Jan. a. MMXI
- IphigénieProphète
belle éloquence,mais qu'est-ce au juste qui a provoqué cette ire?
- nad'Expert spécialisé
O pulcherrima verba ! Non spem mei fallitis, ut semper !
- OlivariusNiveau 4
Olivarius utrique salutem plurimam.
Iphigeniae : si tibi placet, amica, sententias Latinas (et Graecas) quasi farcimina vel lucanicas magno appetitu secare, certe iram meam non intelleges. Verum tamen nil referat si hic usus te laetiorem faciat, quo ego imo corde laeter.
Basm' : pro certo habebam te carissimam Perpinianensem non solum paulum gaudii in nuntio meo legendo habituram sed etiam pauca protinus verba mihi gratificaturam. Quae tantum gaudii mihi ipsi attulerunt. Gratias maximas !
Utrique vestrum optima hoc novo anno ineunte voveo.
Vale, valete quam optime !
Iphigeniae : si tibi placet, amica, sententias Latinas (et Graecas) quasi farcimina vel lucanicas magno appetitu secare, certe iram meam non intelleges. Verum tamen nil referat si hic usus te laetiorem faciat, quo ego imo corde laeter.
Basm' : pro certo habebam te carissimam Perpinianensem non solum paulum gaudii in nuntio meo legendo habituram sed etiam pauca protinus verba mihi gratificaturam. Quae tantum gaudii mihi ipsi attulerunt. Gratias maximas !
Utrique vestrum optima hoc novo anno ineunte voveo.
Vale, valete quam optime !
- ChloreNiveau 7
Donc, toujours pas converti, après une semaine de réflexion, aux grandeurs et beautés du tableau simplificateur ?
- IphigénieProphète
Olivari,tu quoque,felix,faustus,fortunatusque toto anno sis!
sed quod est hoc novum truxque tormentum quod dicitis tu et Chlore?
Quam ingeniosi sunt qui dicunt se artem discendi ceteros docere!...(ut breviter dicam:o tempora o mores,panem et circenses,vade retro Satana,-ut vultis......)
sed quod est hoc novum truxque tormentum quod dicitis tu et Chlore?
Quam ingeniosi sunt qui dicunt se artem discendi ceteros docere!...(ut breviter dicam:o tempora o mores,panem et circenses,vade retro Satana,-ut vultis......)
- OlivariusNiveau 4
Olivarius Chlorae ceterisque salutem magnam impertit.
Tu, cara vicina sine cara, verba mea plane intellexisti, quippe quae eidem conventiculo ac ego una ante septimana interfueris ! Nonne risum movet nosmetipsos hoc in foro denuo convenire ?
A vrai dire, ce qui a le plus suscité l'émotion à l'origine de mes vers, Iphigénie, ce ne sont pas les programmes (dont la philosophie n'a pas changé depuis 12 ans), ni les principes pédagogiques qui nous sont imposés par le "collège unique" et le lycée qui en découle maintenant. C'est comme cela. A prendre ou à laisser en choisissant un autre métier (qui aura ses avantages et ses problèmes aussi !). Mais ce qui m'a convaincu mercredi dernier de ne plus me préoccuper de "l'avenir des langues anciennes" et des motions d'indignation que la CNARELA publie ad nauseam depuis des années, c'est la mauvaise foi (ou la naïve autopersuasion) qui consiste à dire aux profs (et en particulier aux plus jeunes) : "vous êtes responsables de l'avenir des LA", "vous devez faire du nombre car c'est ce qui va les sauver dans les lycées et les universités" (quelle blague !), "vous devez et pouvez rendre votre matière "motivante" le plus longtemps possible pour tous vos élèves ou presque", etc., etc. Mais nous devons oublier soigneusement aussi ou taire le fait que les élèves qui continuent le latin ne savent toujours pas traduire facilement un texte simple à la fin du lycée, ce qui n'est pas grave puisqu'il est entendu (et imposé) que les langues anciennes sont moins des langues à apprendre que des langues permettant de réfléchir sur la langue, la grammaire, le phénomène de la traduction, etc. On nous impose donc une pédagogie et des objectifs qui ont leurs justifications mais aussi leurs limites intrinsèques (dont on a déjà longuement et suffisamment débattu dans ce forum). La mauvaise foi consiste à ne pas reconnaître ces limites, et le fait qu'elles puissent même contribuer au déclin des LA ; car on peut trouver ludique un certain temps et bon pour le développement de "l'esprit logique" de passer son temps à mettre les formes isolées d'un texte dans de beaux tableaux, qui n'ont de simplificateurs que le nom, et à découper en quatre ou cinq ou six chaque phrase, pour pouvoir la comprendre - mais l'élève le plus motivé peut se décourager à la longue d'avoir cru à tort que, passé(es) quelques années, il parviendrait à une lecture aisée et cursive du latin ou du grec... Enfin, la mauvaise foi ou la naïveté consiste à ne pas admettre en toute simplicité (sans s'énerver car ce n'est pas la fin du monde, quoiqu'en disent les plus politiques d'entre nous !) que l'enseignement des LA (et le mot d'humanisme dont certains collègues ont la bouche pleine et qui me paraît creux dans leurs bouches) a eu du succès auprès d'un petit nombre de gens pendant des siècles tant qu'il était lié d'une part à un projet de civilisation supranational et qu'il pouvait donc être aussi une stratégie sociale. Panem, même pour les clercs et les professeurs de la Renaissance. Puisqu'aujourd'hui on peut devenir prof de français sans avoir étudié le latin, que le latin n'assure plus d'être dans une "bonne" classe, et que les maths et les sciences assurent le panem (au moins dans la représentation qu'en ont une majorité de parents), il reste toujours aux profs de latin ou de grec thérapeutique circenses !
Que mes propos de quadragénaire ne vous plombent pas le moral ! Faisons ce que nous avons à faire aussi bien que nous le pouvons, nos cours, nos sorties, nos vers latins si ça nous chante, la modération d'un forum aussi sympathique et utile que celui-ci, mais ne nous laissons pas ébranlés par ces discours usés, ridicules et culpabilisants sur l'avenir des LA et de "l'humanisme", auquel les LA ne sont pas les seules à éduquer, Dieu merci, même si elles peuvent le faire merveilleusement bien !
Sursum corda ! Per angusta ad astra !
Olivarius vester
Perpiniani, Mercurii die XII, m. Jan. a. MMXI.
Tu, cara vicina sine cara, verba mea plane intellexisti, quippe quae eidem conventiculo ac ego una ante septimana interfueris ! Nonne risum movet nosmetipsos hoc in foro denuo convenire ?
A vrai dire, ce qui a le plus suscité l'émotion à l'origine de mes vers, Iphigénie, ce ne sont pas les programmes (dont la philosophie n'a pas changé depuis 12 ans), ni les principes pédagogiques qui nous sont imposés par le "collège unique" et le lycée qui en découle maintenant. C'est comme cela. A prendre ou à laisser en choisissant un autre métier (qui aura ses avantages et ses problèmes aussi !). Mais ce qui m'a convaincu mercredi dernier de ne plus me préoccuper de "l'avenir des langues anciennes" et des motions d'indignation que la CNARELA publie ad nauseam depuis des années, c'est la mauvaise foi (ou la naïve autopersuasion) qui consiste à dire aux profs (et en particulier aux plus jeunes) : "vous êtes responsables de l'avenir des LA", "vous devez faire du nombre car c'est ce qui va les sauver dans les lycées et les universités" (quelle blague !), "vous devez et pouvez rendre votre matière "motivante" le plus longtemps possible pour tous vos élèves ou presque", etc., etc. Mais nous devons oublier soigneusement aussi ou taire le fait que les élèves qui continuent le latin ne savent toujours pas traduire facilement un texte simple à la fin du lycée, ce qui n'est pas grave puisqu'il est entendu (et imposé) que les langues anciennes sont moins des langues à apprendre que des langues permettant de réfléchir sur la langue, la grammaire, le phénomène de la traduction, etc. On nous impose donc une pédagogie et des objectifs qui ont leurs justifications mais aussi leurs limites intrinsèques (dont on a déjà longuement et suffisamment débattu dans ce forum). La mauvaise foi consiste à ne pas reconnaître ces limites, et le fait qu'elles puissent même contribuer au déclin des LA ; car on peut trouver ludique un certain temps et bon pour le développement de "l'esprit logique" de passer son temps à mettre les formes isolées d'un texte dans de beaux tableaux, qui n'ont de simplificateurs que le nom, et à découper en quatre ou cinq ou six chaque phrase, pour pouvoir la comprendre - mais l'élève le plus motivé peut se décourager à la longue d'avoir cru à tort que, passé(es) quelques années, il parviendrait à une lecture aisée et cursive du latin ou du grec... Enfin, la mauvaise foi ou la naïveté consiste à ne pas admettre en toute simplicité (sans s'énerver car ce n'est pas la fin du monde, quoiqu'en disent les plus politiques d'entre nous !) que l'enseignement des LA (et le mot d'humanisme dont certains collègues ont la bouche pleine et qui me paraît creux dans leurs bouches) a eu du succès auprès d'un petit nombre de gens pendant des siècles tant qu'il était lié d'une part à un projet de civilisation supranational et qu'il pouvait donc être aussi une stratégie sociale. Panem, même pour les clercs et les professeurs de la Renaissance. Puisqu'aujourd'hui on peut devenir prof de français sans avoir étudié le latin, que le latin n'assure plus d'être dans une "bonne" classe, et que les maths et les sciences assurent le panem (au moins dans la représentation qu'en ont une majorité de parents), il reste toujours aux profs de latin ou de grec thérapeutique circenses !
Que mes propos de quadragénaire ne vous plombent pas le moral ! Faisons ce que nous avons à faire aussi bien que nous le pouvons, nos cours, nos sorties, nos vers latins si ça nous chante, la modération d'un forum aussi sympathique et utile que celui-ci, mais ne nous laissons pas ébranlés par ces discours usés, ridicules et culpabilisants sur l'avenir des LA et de "l'humanisme", auquel les LA ne sont pas les seules à éduquer, Dieu merci, même si elles peuvent le faire merveilleusement bien !
Sursum corda ! Per angusta ad astra !
Olivarius vester
Perpiniani, Mercurii die XII, m. Jan. a. MMXI.
- SergeMédiateur
Magnifique poème et magnifique message
( qui restera hélas certainement sans écho ) !
Qu'est-ce encore que ça ?
( qui restera hélas certainement sans écho ) !
Chlore a écrit:Donc, toujours pas converti, après une semaine de réflexion, aux grandeurs et beautés du tableau simplificateur ?
Qu'est-ce encore que ça ?
- OlivariusNiveau 4
J'aime beaucoup ton avatar (c'est le mot ?) et la phrase qui l'accompagne, Serge (sans parler de ta chaleureuse déclaration de connivence). L'humanisme au sens renaissant est un beau rêve, parmi d'autres.
J'aime beaucoup aussi le nouvel avatar de Basm' ou plutôt sa signature (je préfère cette image à l'ancienne).
Vale, valete.
J'aime beaucoup aussi le nouvel avatar de Basm' ou plutôt sa signature (je préfère cette image à l'ancienne).
Vale, valete.
- AmaliahEmpereur
Olivarius a écrit:Je suis revenu tellement ému par tout ce que le formateur nous a expliqué mercredi dernier que je me suis apaisé en écrivant les vers suivants - j'avais aussi promis aux Muses, lors de l'oral de l'agrégation cette année un poème, si elles m'aidaient à réussir enfin le concours. Promesse tenue mais c'était un "deal" un peu filou car j'étais sûr de ne pouvoir accomplir cette promesse qu'avec leur aide !
(ma traduction en français suit les vers latins qui voudraient prouver que même en collège nous - et nos élèves - ne sommes pas juste bons à faire des tableaux, des sorties, et des comparaisons de traductions, mais je ne souhaite pas entrer dans le débat - c'est inutile pour être simplement un LC classique heureux, avec ou sans élève).POETA VINDEXDiverbium
(Plautina fabula)
< ACTUS I >
AUCTOR
(nec adulescens nec senex sed amans Latinae Musae)
Crŭēntūm uīdī mŏdŏ măgīstr(um) īn līttĕris,
Lītŏrĭbŭs haūd Nārbōnaē prŏcŭl ămābĭlis
Quō nōs măgīstrī līnguaē uēnĭmŭs ūndĭque,
Ŭt īstĕ nōs dŏcērēt stūdĭă dūcĕre.
Canticum
Cōrām nōbīs tētĕ dūxīt, Mūsă, nēc pūdōr(em) hăbēbat,
Quīppĕ quī scīssūrŭs ēssĕt ōmnēs uēstēs tē uēlāntes,
Quō schŏlāstĭc(um) āgmĕn, ăiēbāt, grātĭōsām tē cēnsēret.
Quāntă dŏlēbām uūlnĕră cōrdĕ tē uĭdēndō nūdām fāctam
Cūm coēpīssēt fūr fŭrĭōsŭs ūnguēs pōnĕr(e) ămātaē dūlci !
Mutatis Modis Canticum
Ĕtĕnīm săt ĕrāt nōn sīc īstī, heū, t(u)īs taēnīs rŏsĕīs rāptis,
Laūrō grăuĭbūs sŏlĕīs trītō, fōrm(a) īn grăphĭcōs ăbăcōs uērsā,
Ānt(e) ŏcŭlōs m(e)ōs stŭpĭdōs : quīd uūlt ? Cūrnām ? Quālī rătĭōne ?
Īd(em) ămīcūs tŭūs – quĭă quĭdēm sīc ămat –
Tē, fĭlĭă mĕmŏrĭaē, sārcĭēbāt lăcĕram.
Ārtĕ lănĭōnĭā ōssă tŭă quaērĕbat
Nūd(a) ŭt ĕă tēndĕrēt quōd uŏlūptārĭūst.
Sĕpūlt(a) ēs ăb īstō sārcŏphăgō uīuō,
Līnguă Lătīn(a) ĕt aēquīs ĕīdem
Prĭūsquām tē tālēs ămātōrēs ŭlŭlēnt.
Lōngĭŭs īnsūltābĭn ĕām,
Bārbărĕ rŭdĭs ēt sĭnĕ uīscĕrĭbus ?
Mē uēr(o) haēc nōn pŏtĕrūnt fērrī !
Fĕrŭl(a) haēc fērrī fĕră frāngētur !
Cērtā mēcum, īmpĭĕ uēcors,
Haūd tămĕn ārmīs mōr(e) īmpŏsĭtīs
Sĕd ĕīs quās ōptāuīt Mūsa,
Suāuĭbŭs Hĕlĭcōnĭădūm nŭmĕrīs,
Sēns(u)ūm plēnīs ĕt ĭmāgĭnĭbus,
Ūnō uērbō phĭlŏlŏgĭā.
Canticum
Sĕd īpsĕ sēnsūm pērdŏ hŏdĭē quāssŭs ămōrĕ līnguaē.
Mĕă Mūsă tŭă nōn dŭbĭō, tāntăquĕ iăm hērēdĭtās ēst
Nūtrīcī nōstr(um) ŭt īllī mōrtŭ(am) aūt hăbērī uīuam
Nōn dīffĕrāt, spŏlĭātaē pāssīm tūrb(a) āmplā prŏcōrum.
Īgnōscĕ uērbīs dūrīs, cōmpār, ŭtĭn(am) ād mĭnŭs ămōrem
Ălĭōr(um) ādmīttās, dōctĕ uĭr, ētsī nĭmĭs ārdēns uĭdētur.
Je viens de voir un docteur ès-lettres bien cruel,
Non loin des rivages de l’aimable Narbonne,
Où nous autres professeurs de latin sommes venus de partout
Afin que cet individu nous enseignât comment mener nos cours.
Il t’a conduite en notre présence, ô Muse, sans aucune pudeur,
Lui qui s’apprêtait en effet à déchirer tous les vêtements qui te couvrent,
Afin que la troupe des écoliers, disait-il, te trouvât séduisante.
Combien de blessures recevais-je en mon cœur en te voyant dénudée
Lorsque ce voleur en furie commença à poser ses ongles sur ma douce bien-aimée !
Le fait est que ce n’était pas assez pour lui, hélas, que d’avoir arraché tes rubans roses,
Foulé de ses lourds sabots tes lauriers, transformé ta beauté en quadrillages tracés de main de maître,
Devant mes yeux hébétés : qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi ça ? Pour quelle sorte de motif ?
Le même, qui est ton ami, – car c’est ainsi qu’il t’aime –
Te raccommodait, fille de la Mémoire, une fois déchiquetée.
Avec un art de boucher il recherchait tes os
Pour les présenter mis à nu, parce qu’il est homme à aimer le plaisir.
Tu es mise en terre par ce sarcophage vivant,
Langue latine, et par ses semblables,
Avant que ces sortes d’amants ne poussent des cris gémissants sur ton sort.
L’insulteras-tu plus longtemps,
Barbare grossier et sans cœur ?
Mais je ne pourrai pas souffrir ces violences !
Cette féroce férule de fer, elle sera brisée !
Combats avec moi, insensé plein d’impiété,
Non pas avec les armes imposées par l’usage
Mais avec celles qu’a choisies la Muse,
Les suaves cadences des filles de l’Hélicon
Et les images pleines de sens et de sentiments,
En un mot la philologie.
Mais je perds moi-même tout sens aujourd’hui, secoué que je suis par l’amour de la langue.
Ma Muse est la tienne, sans aucun doute, et si grand est l’héritage
de celle qui nous nourrit que passer pour morte ou vivante
l’indiffère, elle qu’a déjà spoliée une foule impressionnante de prétendants.
Pardonne à mes injures, compagnon ; Qu’au moins l’amour
Des autres [amants] tu veuilles bien l’admettre, savant homme, quand bien même il semblerait trop ardent.
Conspectus metrorum
1-4 Iamb. sen.
5-9 Troch. octon.
10-11 Anap. octon.
12 Anap. septen.
13-16 Cret. dim.
17-19 Bacch. dim.
20-29 Anap. dim. (20, 29 catal. ; ceteri acatal.)
30-35 Iamb. septen.
Perpiniani, d. VII-VIII m. Jan. a. MMXI
- OlivariusNiveau 4
Gratias permultas vobis duobus quoque, gratiosissima Amalia et sagax Johannes. Nunc enim me paulo minus solitarium esse sentio !
Valete quam optime.
Valete quam optime.
- JohnMédiateur
Merci Olivier pour ce texte, et félicitations pour tes talents d'écriture !
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