Vacations à la fac : un doctorant se plaint sur Rue89.

Professeur vacataire, je coûte une misère à la fac française
Par Emöjk | thésard | 02/01/2011 | 11H53

Je suis chargé de TD vacataire en langues étrangères appliquées (LEA) à l'université de Paris IV-Clignancourt, et avant cela chargé de TD en droit à l'université de Paris I.

J'ai été embauché pour donner des cours d'anglais à des élèves de première et deuxième année d'université (étant moi-même actuellement en train de finir ma thèse en littérature américaine).

Pas une fois on n'a testé mon niveau d'anglais à l'écrit ou à l'oral, et je n'ai jamais passé d'entretien d'embauche – l'envoi de mon CV et d'un « mail de motivation » a suffi dans les deux cas.

Ma supérieure à Paris I m'avait confié que je remplaçais une chargée de TD dont on avait « découvert » au bout d'un an qu'en guise de cours, elle apprenait des chansons en anglais à ses étudiants. Il n'y a donc aucune garantie ou presque, du côté des élèves, d'avoir à faire à des enseignants compétents ; cela peut leur coûter un an d'études à apprendre n'importe quoi.
Moins d'heures qu'un titulaire, et moins payé

Mais, pis que cela, ce sont les conditions de contrat et de paiement qui m'effarent. En tant que vacataire, je n'ai le droit de dispenser que 96 heures de cours par an (soit environ quatre heures par semaine pendant une année universitaire), cela parce que je n'ai pas (encore) de qualification type Capes ou agrégation.

Cette mesure est censée être mise en place pour favoriser l'emploi des titulaires, mais dans les faits, je constate que les positions vacataires se multiplient. D'autant que je suis moins payé qu'un titulaire, parfois pour faire exactement la même chose que lui. Il faut également savoir qu'un vacataire n'est payé que trimestriellement, c'est-à-dire, normalement, en janvier et en juin.

Un de mes camarades, qui n'avait pas été mis au courant de cette fameuse limite de 96 heures, a donc travaillé bien plus, et au final,l'université a dû l'informer qu'elle ne pourrait pas lui payer plusieurs mois d'enseignement. Cela non par malice : l'université elle-même semblait peu informée de cette limite.

Le responsable pédagogique chargé de mon recrutement m'avait lui-même laissé miroiter bien plus d'heures d'enseignement, avant que je ne sois contacté par le responsable administratif de l'université, qui m'a appris cette limite horaire pour les enseignants vacataires.
Les contrats de travail ? Pas pour les vacataires/>

A Paris IV, on m'a fait comprendre qu'il n'y avait pas de contrat pour les vacataires. Je cite le mail d'un responsable administratif :

« Dans la pratique, il n'y a pas véritablement de contrat de travail au sens propre dans notre Université pour les vacataires de l'enseignement.

Celui-ci est remplacé par l'état de service que je vous ferai parvenir en janvier sur la base d'une déclaration d'heures dispensées, de votre part, et de l'arrêté de paiement qui sera signé par la direction de l'UFR au cours de la même période, et qui entraînera le paiement de vos heures. »

Il me semble bien que ce fait, outre qu'il est inacceptable, est également illégal. Cela veut aussi dire que s'il m'arrivait un accident pendant un cours (par exemple, un étudiant agressif qui s'en prend à moi) je ne serais absolument pas couvert.

John a écrit:Professeur vacataire, je coûte une misère à la fac française
Par Emöjk | thésard | 02/01/2011 | 11H53

Je suis chargé de TD vacataire en langues étrangères appliquées (LEA) à l'université de Paris IV-Clignancourt, et avant cela chargé de TD en droit à l'université de Paris I.

J'ai été embauché pour donner des cours d'anglais à des élèves de première et deuxième année d'université (étant moi-même actuellement en train de finir ma thèse en littérature américaine).

Pas une fois on n'a testé mon niveau d'anglais à l'écrit ou à l'oral, et je n'ai jamais passé d'entretien d'embauche – l'envoi de mon CV et d'un « mail de motivation » a suffi dans les deux cas.

Ma supérieure à Paris I m'avait confié que je remplaçais une chargée de TD dont on avait « découvert » au bout d'un an qu'en guise de cours, elle apprenait des chansons en anglais à ses étudiants. Il n'y a donc aucune garantie ou presque, du côté des élèves, d'avoir à faire à des enseignants compétents ; cela peut leur coûter un an d'études à apprendre n'importe quoi.
Moins d'heures qu'un titulaire, et moins payé

Mais, pis que cela, ce sont les conditions de contrat et de paiement qui m'effarent. En tant que vacataire, je n'ai le droit de dispenser que 96 heures de cours par an (soit environ quatre heures par semaine pendant une année universitaire), cela parce que je n'ai pas (encore) de qualification type Capes ou agrégation.

Cette mesure est censée être mise en place pour favoriser l'emploi des titulaires, mais dans les faits, je constate que les positions vacataires se multiplient. D'autant que je suis moins payé qu'un titulaire, parfois pour faire exactement la même chose que lui. Il faut également savoir qu'un vacataire n'est payé que trimestriellement, c'est-à-dire, normalement, en janvier et en juin.

Un de mes camarades, qui n'avait pas été mis au courant de cette fameuse limite de 96 heures, a donc travaillé bien plus, et au final,l'université a dû l'informer qu'elle ne pourrait pas lui payer plusieurs mois d'enseignement. Cela non par malice : l'université elle-même semblait peu informée de cette limite.

Le responsable pédagogique chargé de mon recrutement m'avait lui-même laissé miroiter bien plus d'heures d'enseignement, avant que je ne sois contacté par le responsable administratif de l'université, qui m'a appris cette limite horaire pour les enseignants vacataires.
Les contrats de travail ? Pas pour les vacataires/>

A Paris IV, on m'a fait comprendre qu'il n'y avait pas de contrat pour les vacataires. Je cite le mail d'un responsable administratif :

« Dans la pratique, il n'y a pas véritablement de contrat de travail au sens propre dans notre Université pour les vacataires de l'enseignement.

Celui-ci est remplacé par l'état de service que je vous ferai parvenir en janvier sur la base d'une déclaration d'heures dispensées, de votre part, et de l'arrêté de paiement qui sera signé par la direction de l'UFR au cours de la même période, et qui entraînera le paiement de vos heures. »

Il me semble bien que ce fait, outre qu'il est inacceptable, est également illégal. Cela veut aussi dire que s'il m'arrivait un accident pendant un cours (par exemple, un étudiant agressif qui s'en prend à moi) je ne serais absolument pas couvert.

Il doit bien y avoir un recours, sinon c'est de l'exploitation pure et simple.
Aucune entreprise ne pourrait se permettre ce genre de choses.

Je l'ai lu et sincèrement tout ce qu'il décrit est vrai...

Une connaissance qui fait des heures à la fac (pas doctorant, professionnel, mais il est aussi vacataire) m'a expliqué comment cela se passe pour lui. Pareil que le témoignage : contenu de cours vérifié par personne, paiement annuel, il a été averti tardivement (quelques jours avant la session d'exam) qu'il lui faudrait prévoir (et corriger) un partiel pour les recalés et non assidus, non rémunéré cela.
Il a été recruté par connaissance ("tu nous ferais pas deux cours : un sur çi et un sur ça ?" Il a dit oui, et n'a plus revu la connaissance de l'année universitaire).

Bof. Il avance aussi des choses qui ne sont pas évidentes non plus ; le régime des vacataires n'est pas là pour "favoriser l'emploi des titulaires", la limite des 96h évite seulement d'avoir à cotiser pour le chômage.

Quant aux délais de paiement, c'est bien cela ; les vacataires sont payés semestriellement.

Il découvre l'eau tiède, ce thésard, hein, sans vouloir être bégueule... Je fais le même boulot qu'un maître de conf (et même plus que certains, m'enfin c'est une autre affaire), mais je suis payée 300 euros en mois chaque mois qu'un maître de conf débutant, rien de neuf sous le soleil.

Je ne sais pas comment ça se passe en droit (puisqu'il n'y a pas de CAPES à ma connaissance mais uniquement l'agrég et encore c'est un autre monde) mais en histoire, les facs préfèrent embaucher des titulaires du secondaire, histoire d'éviter de payer trop de charges.

Quant à la non vérification du contenu, pareil, c'est la règle à l'université, ce qui me fait dire qu'il y a trop de contrôle dans le secondaire et qu'un tout petit peu de contrôle dans le sup ne serait pas en trop, ça permettrait de faire le tri. On se retrouve devant des maîtres de conf en place depuis vingt ans, à qui les autres, arrivés depuis dix ou cinq ans, ne peuvent rien dire, alors que les plus anciens n'en foutent quelque fois pas une, se débrouillent pour assurer le moins de charges en sus des 192 h, éviter toutes les charges administratives, bref. Et qui en plus jouent aux petits chefs en virant les petits nouveaux pas titulaires qui ne les ont pas spécialement caressés dans le sens du poil... (faute de réussir à les voir quelques jours dans le semestre, déjà)

J'ai commencé mes premiers TD en faisant ce que j'avais vu faire mes profs, en tant qu'élève, point barre. Je me souviens du jour où je me suis retrouvée devant mon premier tas de copies, sans barème, sans grille de correction... Et encore, l'année d'avant j'avais fait mon année de stage dans le secondaire. Cela permet aussi de tenter des expériences, de créer ses programmes, d'innover ce qui peut être très positif, mais ça ouvre aussi la porte au n'importe quoi. Même si le n'importe quoi se sait et les responsables en payent le prix. Les étudiants aussi, fatalement et c'est trop tard pour réparer les dégâts, sans parler du gaspillage d'argent public.

Le post de John ne m'étonne pas du tout. C'est le lot de nombreux collègues qui font des vacations, à qui on refourgue les TD qui n'intéressent personne et qui sont payés au lance-pierre. Le coup de la paye qui tombe fin janvier et fin juin, c'est véridique. C'est la raison pour laquelle, je ne me suis pas précipitée cette année pour faire des vacations alors qu'il y avait des opportunités en RP, je préfère faire des khôlles, c'est plus fiable même si cela devient difficile d'en trouver.

Tout est vrai dans ce message. Je fais des vacations dans le département d'anglais où j'ai fait toutes mes études, le mercredi après-midi. Hé bien, tout n'est pas rose... Effectivement, certains se croient tout permis et se plaisent à nous rappeler que nous autres, petits chargés de cours sans importance, nous n'avons pas notre mot à dire... Pas de contrat de travail, juste une autorisation de cumul à faire viser par le chef d'établissement (principal / proviseur), et des tâches supplémentaires non payées que l'on découvre tous les jours... J'ai même dû préparer les sujets d'examen (contrôle terminal + rattrapage) pour ma collègue "chef" de la discipline, alors que je ne corrigerai pas ces examens!!! Sous prétexte que je suis l'enseignante de TD, je connais mieux ce que j'ai traité ou pas... Mouais, elle se charge pourtant des CM et me flique pas mal sur tout ce que je fais (pour la liberté pédagogique, on repassera...)...

Par contre, bémol concernant le paiement des heures: on me doit toujours des heures de janvier dernier... Alors en ce qui me concerne, le paiement semestriel, je n'y crois plus!