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- Marguerite VNiveau 6
Bonsoir,
Comment prononcez-vous le vers suivant de Verlaine, extrait de "Monsieur Prudhomme" : "Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille."(vers 8 du sonnet) ? Selon vous, la diérèse doit-elle se faire sur "Monsieur" ou bien sur "marier" ?
Par avance, merci de votre réponse (et de vos explications).
Comment prononcez-vous le vers suivant de Verlaine, extrait de "Monsieur Prudhomme" : "Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille."(vers 8 du sonnet) ? Selon vous, la diérèse doit-elle se faire sur "Monsieur" ou bien sur "marier" ?
Par avance, merci de votre réponse (et de vos explications).
- HocamSage
Sur marier, sans hésitation. La diérèse sur Monsieur porterait la césure juste après le e de Prudhomme. Dans la littérature classique, mariage/marier subit la diérèse :
...Monsieur je vous délivre,
Le mariage est fait.
...Monsieur je vous délivre,
Le mariage est fait.
- VicomteDeValmontGrand sage
A "marier", bien sûr.
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Cette insigne faveur que votre coeur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.
- LefterisEsprit sacré
D'accord avec ça, et en plus l'alexandrin a ici une césure "classique", à l"hémistiche, conservant l'unité des syntagmes.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- Marguerite VNiveau 6
C'est ce que je pense aussi. Le vers me semble imprononçable autrement, mais plusieurs collègues prétendent le contraire en arguant que l'on peut accentuer le "e" de Prudhomme puisqu'il est suivi d'une consonne et prononcé. La césure se placerait donc juste après. N'est-ce pas la coupe dite "lyrique" ?
- HocamSage
On pourrait y réfléchir s'il n'y avait pas d'autre possibilité, mais puisque le vers classique pousse à dire mar-i-er, disons mar-i-er ici.
La césure lyrique reste une licence et ne s'impose que s'il n'y a pas d'autre choix, comme dans Périssez ! puissance, justice, histoire, à bas ! chez Rimbaud.
La césure lyrique reste une licence et ne s'impose que s'il n'y a pas d'autre choix, comme dans Périssez ! puissance, justice, histoire, à bas ! chez Rimbaud.
- Marguerite VNiveau 6
D'accord, merci pour ces précisions qui me rassurent.
- LefterisEsprit sacré
Je ne pense pas, la liaison qui permet la prononciation du -e interdit une pause trop forte, qui nuirait à la bonne diction du vers.Marguerite V a écrit:C'est ce que je pense aussi. Le vers me semble imprononçable autrement, mais plusieurs collègues prétendent le contraire en arguant que l'on peut accentuer le "e" de Prudhomme puisqu'il est suivi d'une consonne et prononcé. La césure se placerait donc juste après. N'est-ce pas la coupe dite "lyrique" ?
La coupe lyrique est une coupe entre deux voyelles. C'est médiéval, et non classique après Ronsard je crois (ou Malherbe plus tard ? ) . Ca peut être toléré après ponctuation forte, ce qui n'est pas le cas ici.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
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- NLM76Grand Maître
Vos collègues disent n'importe quoi. On ne peut pas "accentuer le e" sous prétexte qu'il est suivi d'une consonne; et même je ne pense pas qu'il fût accentué à la césure lyrique à l'époque de Charles d'Orléans.Marguerite V a écrit:C'est ce que je pense aussi. Le vers me semble imprononçable autrement, mais plusieurs collègues prétendent le contraire en arguant que l'on peut accentuer le "e" de Prudhomme puisqu'il est suivi d'une consonne et prononcé. La césure se placerait donc juste après. N'est-ce pas la coupe dite "lyrique" ?
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- egometDoyen
Dans tous les cas, un test de déclamation permet de trancher.
La diérèse sur "Monsieur" entraîne des lourdeurs. Il faut sacrément se forcer.
Celle sur "marier" est nettement plus fluide. Toutes les arguties sur des règles ou des licences plus ou moins subtiles ne doivent pas nous faire perdre de vue l'essentiel. Il faut que le poème sonne juste.
La diérèse sur "Monsieur" entraîne des lourdeurs. Il faut sacrément se forcer.
Celle sur "marier" est nettement plus fluide. Toutes les arguties sur des règles ou des licences plus ou moins subtiles ne doivent pas nous faire perdre de vue l'essentiel. Il faut que le poème sonne juste.
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Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
Mes livres, mes poèmes, réflexions pédagogiques: http://egomet.sanqualis.com/
- nitescenceÉrudit
Il me semble d'après de vagues souvenirs de cours d'agrégation que nous n'avons en réalité jamais le choix pour la diérèse et la synérèse : cela dépend en réalité d'une histoire d'origine des voyelles dans le mot (il faudrait que je retrouve mes fiches). Autrement dit, certains mots comportent obligatoirement une diérèse et d'autres une synérèse : ce n'est pas une option qui dépendrait du nombre de syllabes ou d'interprétation du vers. Marier impose la diérèse : il n'y a pas le choix.
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Mordre. Mordre d'abord. Mordre ensuite. Mordre en souriant et sourire en mordant. (avec l'aimable autorisation de Cripure, notre dieu à tous)
- Tem-toGrand sage
Je vous trouve un peu trop techniciens. Et si nous considérions le sens général du poème ? Il entraîne l'ironie. La diérèse sur Mon-si-eur provoque cette moquerie du bourgeois qui va bien à Verlaine lequel, par ailleurs, préférera l'impair, plus tard.
Il faut bien que les "plus tard" se préparent à un moment ou autre...
Je trouve que les deux prononciations se défendent, et même la troisième (13 pieds).
Mais bon, pour les élèves, sans doute vaut-il mieux éviter ce débat.
C'est comme celui qu'on pourrait engager sur le sens de "Green"...
Il faut bien que les "plus tard" se préparent à un moment ou autre...
Je trouve que les deux prononciations se défendent, et même la troisième (13 pieds).
Mais bon, pour les élèves, sans doute vaut-il mieux éviter ce débat.
C'est comme celui qu'on pourrait engager sur le sens de "Green"...
- IzambardFidèle du forum
Je suis assez d'accord avec ton analyse.
Je trouve de plus que marquer la dierese sur "marier" produit un effet rythmique étrange
Je trouve de plus que marquer la dierese sur "marier" produit un effet rythmique étrange
- nitescenceÉrudit
Petitfils a écrit:Je vous trouve un peu trop techniciens. Et si nous considérions le sens général du poème ? Il entraîne l'ironie. La diérèse sur Mon-si-eur provoque cette moquerie du bourgeois qui va bien à Verlaine lequel, par ailleurs, préférera l'impair, plus tard.
Il faut bien que les "plus tard" se préparent à un moment ou autre...
Je trouve que les deux prononciations se défendent, et même la troisième (13 pieds).
Mais bon, pour les élèves, sans doute vaut-il mieux éviter ce débat.
C'est comme celui qu'on pourrait engager sur le sens de "Green"...
Hum... diantre, fichtre, bigre, saperlipopette, un vers de 13 pieds ? Je suppose que tu voulais parler de 13 syllabes, mais le pied correspondant au mètre, un vers de 13 pieds ressemblerait à de la prose... Quelle que soit la prononciation que l'on adopte, cet alexandrin marche sur ses deux pieds !
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- Tem-toGrand sage
nitescence a écrit:Hum... diantre, fichtre, bigre, saperlipopette, un vers de 13 pieds ? Je suppose que tu voulais parler de 13 syllabes, mais le pied correspondant au mètre, un vers de 13 pieds ressemblerait à de la prose... Quelle que soit la prononciation que l'on adopte, cet alexandrin marche sur ses deux pieds !
... de nez
Tu as raison @nitescence (je prends trop mon pied quand je lis Verlaine et je dis des choses, mais des choses...).
- Thalia de GMédiateur
J'ai peu dormi, j'ai le cerveau en vrac, un détail m'interpelle, comme on dit
On peut mettre en parallèle les 2 vers consécutifs :
"Monsieur Prud'Homme songe à marier sa fille,
Avec Monsieur Machin, un jeune homme cossu,"
Or dans le second, pas de diérèse possible, sinon on n'a pas douze syllabes. Je penche donc pour la diérèse dans "marier".
On peut mettre en parallèle les 2 vers consécutifs :
"Monsieur Prud'Homme songe à marier sa fille,
Avec Monsieur Machin, un jeune homme cossu,"
Or dans le second, pas de diérèse possible, sinon on n'a pas douze syllabes. Je penche donc pour la diérèse dans "marier".
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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
- nitescenceÉrudit
Excuse-moi, mais cette façon de compter n'est pas la valable : on ne compte pas pour faire douze syllabes (ça c'est ce qu'on raconte aux élèves), mais on compte comme il faut et on voit ensuite à quel type de vers on aboutit... Ensuite, je suis d'accord avec toi sur le fait qu'un vers isolé ne veut rien dire et qu'il faut le resituer dans son contexte.
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- egometDoyen
Confus.nitescence a écrit:Il me semble d'après de vagues souvenirs de cours d'agrégation que nous n'avons en réalité jamais le choix pour la diérèse et la synérèse : cela dépend en réalité d'une histoire d'origine des voyelles dans le mot (il faudrait que je retrouve mes fiches). Autrement dit, certains mots comportent obligatoirement une diérèse et d'autres une synérèse : ce n'est pas une option qui dépendrait du nombre de syllabes ou d'interprétation du vers. Marier impose la diérèse : il n'y a pas le choix.
Bien sûr qu'il y a un choix en poésie.
Simplement on ne parlera de diérèse ou de synérèse que là où la prononciation s'écarte de l'usage ordinaire. Cela n'aurait tout simplement pas de sens de signaler un phénomène qui ne produit pas d'effet.
Pas de diérèse sur "hier", alors qu'une synérèse est possible.
Pas de synérèse sur "lion", alors qu'une diérèse est possible.
Maintenant il est fort possible que deux mots d'un même vers soient susceptibles de contenir une diérèse. Il y a bien des choix interprétatifs. En général, comme ici, la césur, les e caducs et les accents limitent ce choix. Mais on peut bel et bien trouver des exemples:
"Derrière les rochers, une chienne inquiète"
La diérèse est dans le second hémistiche de toute façon, il n'y a donc pas de changement rythmique majeur, mais il faut choisir entre "chi-enne" ou "inqui-ète". Faire les deux donnerait un vers trop long.
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- nitescenceÉrudit
Rhaaa... c'est terrible ! je n'ai pas mes fiches sous la main pour l'instant, mais non : tu n'as pas le choix ! la synérèse n'est possible qu'avec une catégorie de mot et la diérèse également et celles-ci sont obligatoires : ces mots les portent toujours. on l'a oublié aujourd'hui car on n'a plus l'habitude de lire de la poésie. si tu peux attendre jusqu'à ce soir, j'essaierai de retrouver la règle : c'est une histoire de type de voyelles, mais je ne sais plus très bien quoi...
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- egometDoyen
Petitfils a écrit:Je vous trouve un peu trop techniciens. Et si nous considérions le sens général du poème ? Il entraîne l'ironie. La diérèse sur Mon-si-eur provoque cette moquerie du bourgeois qui va bien à Verlaine lequel, par ailleurs, préférera l'impair, plus tard.
Il faut bien que les "plus tard" se préparent à un moment ou autre...
Je trouve que les deux prononciations se défendent, et même la troisième (13 pieds).
Mais bon, pour les élèves, sans doute vaut-il mieux éviter ce débat.
C'est comme celui qu'on pourrait engager sur le sens de "Green"...
Le choix de l'impair chez Verlaine se justifie par "la musique avant toute chose". Il ne sacrifierait pas le rythme de son poème pour mettre une diérèse ironique n'importe où.
Un vers de 13 syllabes, oui, il aurait pu être tenté. Je ne crois pas qu'il l'ait fait d'ailleurs. Mais certainement pas en association avec des alexandrins. Il faut au moins deux syllabes d'écart entre des vers voisins pour que le rythme de l'un ne contamine pas l'autre. Pas d'octosyllabes à côté d'heptasyllabes.
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- egometDoyen
nitescence a écrit:Rhaaa... c'est terrible ! je n'ai pas mes fiches sous la main pour l'instant, mais non : tu n'as pas le choix ! la synérèse n'est possible qu'avec une catégorie de mot et la diérèse également et celles-ci sont obligatoires : ces mots les portent toujours. on l'a oublié aujourd'hui car on n'a plus l'habitude de lire de la poésie. si tu peux attendre jusqu'à ce soir, j'essaierai de retrouver la règle : c'est une histoire de type de voyelles, mais je ne sais plus très bien quoi...
Retrouve bien ton argument d'autorité.
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- nitescenceÉrudit
ce n'est pas un argument d'autorité, c'était un raisonnement sur la construction des mots et vérifié sur tout le corpus en vers de molière, qui était au programme cette année-là (il y a au moins dix ans).
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- SacapusHabitué du forum
Bonjour,egomet a écrit:On ne parlera de diérèse ou de synérèse que là où la prononciation s'écarte de l'usage ordinaire. Cela n'aurait tout simplement pas de sens de signaler un phénomène qui ne produit pas d'effet.
Pas de diérèse sur "hier", alors qu'une synérèse est possible.
Pas de synérèse sur "lion", alors qu'une diérèse est possible.
Votre théorie s’appuie sur l’existence supposée d’un usage dit ordinaire, dont vous affirmez l’immuabilité à travers les âges et les régions. En particulier, l’assurance avec laquelle vous semblez affirmer que tout le monde prononce «hier» en deux syllabes comme vous, et que tout le monde prononce «lion» en une seule m’estomaque un peu...
- egometDoyen
Sur le corpus d'un seul auteur au XVIIe siècle, avec ses tics et ses habitudes. C'est un peu léger pour tirer une conclusion générale sur l'ensemble de la prosodie française.nitescence a écrit:ce n'est pas un argument d'autorité, c'était un raisonnement sur la construction des mots et vérifié sur tout le corpus en vers de molière, qui était au programme cette année-là (il y a au moins dix ans).
Bien sûr, il y a des diérèses plus ou moins naturelles. Il n'en demeure pas moins que les auteurs font leurs choix et que la diérèse est une licence commode, souvent employée pour gagner une syllabe ou pour des raisons expressives. Je vois mal comment on peut invoquer Molière et son vers très convenu, pour affirmer quelque chose sur la poésie autrement plus recherchée de Verlaine.
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- nitescenceÉrudit
Je me suis mal exprimé : c'est une règle qui a une valeur générale mais qui a été illustrée sur le corpus de Molière. L'année en question, Verlaine aussi était au programme et je me rappelle qu'on avait donc abordée la question et que ça marchait aussi !
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