La mode : avoir les plus mauvaises notes possible.

Une prof de bio en collège m'expliquait le week-end dernier que le jeu à la mode dans ses classes consistait à ne faire aucun devoir et à avoir les plus mauvaises notes possibles. Les meilleurs élèves venaient la voir à la fin du cours, la mine penaude, pour lui dire : "madame, je peux plus faire mes devoirs sinon je me fais traiter de sales intellos !"

Le phénomène n'est pas nouveau me direz-vous, mais c'est son ampleur (ce n'est plus seulement le fayotage mais le simple fait d'être actif qui engendre le rejet du groupe) et son aspect revendicatif (au-delà d'une compréhensible opposition à l'autorité, c'est une inversion complète des valeurs) qui sont inquiétants je trouve. Je suppose que vous êtes confrontés à ce phénomène, comment réagissez-vous ?

J'ai moi aussi constaté ce phénomène. Des élèves qui ne travaillent plus, en sont très fiers et brandissent leurs mauvaises notes commes des trophées... Ils font pression sur les autres. Dans une de mes classes de 3ème, un élève avait cette attitude et plusieurs l'ont suivi. J'ai pu en récupérer quelques uns avec du dialogue et en insistant sur l'orientation post-3ème, mais le mal était fait. Les élèves sérieux, pas forcément d'un bon niveau mais surtout ceux qui faisaient leurs devoirs et participaient en classe, ont subi les railleries des autres : "Tu as mangé ton cahier", "espèce d'intello", "t'as loué un cerveau aujourd'hui", "tu te fatigues pour rien, on n'est pas payé pour bosser"...
L'élève meneur a passé plusieurs semaines en stage , sans son influence la classe a retrouvé un meilleur rythme de travail heureusement.
Dans mon autre 3ème, j'ai eu l'attitude inverse : de bons élèves sérieux et très intéressés qui ont entraîné les autres sur la voie du succès, une émulation croissante dans le travail et de la curiosité pour tout ce que je leur proposais. Un bonheur !

Mais... Et leurs parents dans tout ça?

Parce que du tant de mamie Carabas, ça se serait réglé à coups de pied dans le c..., pis voilà, hein!

hum... en fait ces élèves savent très bien qu'ils sont en difficulté, et que c'est eux qui sont "hors-normes", mais au lieu d'agir contre ça, ils renversent la tendance et influencent les autres élèves... Mais je ne pense pas qu'à la base, les élèves qui influencent soient dupes de leur sort.

lilith888 a écrit:hum... en fait ces élèves savent très bien qu'ils sont en difficulté, et que c'est eux qui sont "hors-normes", mais au lieu d'agir contre ça, ils renversent la tendance et influencent les autres élèves... Mais je ne pense pas qu'à la base, les élèves qui influencent soient dupes de leur sort.

Même chose.
J'ai eu le même cas en latin: un gamin qui est parvenu glorieusement à 0,77 de moyenne sur le trimestre (oui, oui!). Il a réussi à en entraîner 2 autres mais le reste du groupe n'a pas suivi (après tout de même un élan de certains vers le fond, ils se sont relevés).
Ce sont des gamins en (grande) difficulté qui supportent mal l'échec. Ils sont lucides quant à leur sort et tentent de s'en tirer par une pirouette. Mais ils ne sauvent la face qu'avec leurs camarades.

Nell a écrit:Ce sont des gamins en (grande) difficulté qui supportent mal l'échec. Ils sont lucides quant à leur sort et tentent de s'en tirer par une pirouette.

Très bonne formulation. Dans la même veine, Christophe Dejours explique plus globalement les phénomènes de violences urbaines par ce type de renversement.

Mais alors, comment faites-vous pour freiner un tant soit peu ces tentatives d'autodestruction scolaire ?

en étant nous-mêmes lucides explicitement à leur place !
en faisant comprendre que, nous, nous ne sommes pas dupes (généralement, ça se passe entre quatre yeux)

après la question c'est : que faire concrètement face à ça?

leur faire comprendre qu'on n'est pas dupes de leur petit manège et que les gamins en échec et en souffrance, ce sont eux, pas les autres. Qu'on est là pour les aider, comme pour les sanctionner en cas de mauvaise influence sur la classe.