Pourquoi enseigner la littérature ?

Précision : je parle de l'étude d'oeuvres lttéraires. Quel est votre objectif pédagogique premier quand vous étudiez par exemple une pièce de Molière ?

J'ai une question bonus : expliquez-vous à vos élèves l'intérêt proprement littéraire (je mets de côté l'aspect culture générale commune) de tel auteur ? En gros, leur faire comprendre pourquoi vous étudiez Stendhal plutôt que Marc Lévy ? C'est quelque chose qui m'a fait cruellement défaut durant ma scolarité. Montrer en quoi un classique a su être innovant au niveau des sujets et de la façon de les traiter, son génie d'écriture propre...

Je leur parle de la différence de style d'écriture. L'écriture est beaucoup plus travaillée avant que maintenant. Je leur montre la différence qu'il ya entre les oeuvres d'aujourd'hui et celles d' hier.Je choisis une pièce que j'aime etj'essaye de leur transmettre ma passion.

n'est-ce pas l'essentiel d'un cours???


:shock: je suis très étonnée par cette question...

Clarianz, JF n'est pas enseignant de lettres.

J'ai travaillé une fois en comparaison entre les notes de travail de Zola et son utilisation dans un roman, afin de montrer aux élèves en quoi l'écrivain transforme un matériau en littérature... je ne sais pas à quel point ils ont compris (la classe était très faible). En tout cas moi ça m'a plu !

L'intérêt je crois est de toucher, effleurer une "vérité humaine", une idée qui nous donne à penser, une émotion qu'on n'a pas ressentie autrement ou qu'on se met à comprendre.

Désolée si c'est prétentieux ou ridicule mais "la vraie vie, c'est la littérature", j'en suis convaincue.

Parce qu'un livre peut changer une vie!!!!!!!!!
Pavot

D'accord avec Briséis. Lire, c'est d'abord éprouver des émotions, donner, par les mots, forme à cette émotion, et la faire entrer dans le champ des expériences partagées, fondatrices de notre humanité. C'est en quoi la littérature peut être cathartique, libératrice, euphorisante... C'est progressivement que l'on se rend compte que cette puissance de la littérature, à la fois profondément intime et profondément universelle, est d'abord l'apanage de certaines oeuvres qui font consensus parce que leur mise en forme leur a donné ce charme inégalable. La conscience d'une littérarité naîtra de ces expériences. Nous n'avons pas à le démontrer autrement. A nous, professeurs de collège, il appartient d'abord de donner à vivre ces expériences : faire rire, frémir au rythme de l'aventure, bouleverser, saisir d'effroi...

Pour leur dire que Marc Levy ce n'est pas de la littérature, je leur propose de comparer avec Guillaume Musso (souvent les minettes lisent les deux au lycée... enfin, celles qui lisent). Ils voient d'eux-mêmes (parfois) que c'est la même chose.

j'ai comparé en 4e un extrait de Twilight (portrait du bôôô Edward) et le portrait de Michel Strogoff, et ben au bout d'un quart d'heure d'extase sur Edward, ils ont percuté que quand même, Strogoff était bien mieux présenté, le texte était plus riche en adjectifs et autres expansions... Ils ont conclu que bon, c'était ça la différence entre LA Littérature et la lecture plaisir !

Hé bé, j'aurais bien aimé avoir des profs de français comme vous ! C'est exactement à ça que je pensais marininha.

La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature. Cette vie qui en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l'artiste. Mais ils ne la voient pas parce qu'ils ne cherchent pas à l'éclaircir. Et ainsi leur passé est encombré d'innombrables clichés qui restent inutiles parce que l'intelligence ne les a pas «développés». Notre vie ; et aussi la vie des autres car le pour l'écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique, mais de vision. Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients de la différence qualitative qu'il y a dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui, s'il n'y avait pas l'art, resterait le secret éternel de chacun. Par l'art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n'est pas le même que le nôtre et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu'il peut y avoir dans la lune. Grâce à l'art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier et autant qu'il y a d'artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l'infini, et bien des siècles après qu'est éteint le foyer dont il émanait, qu'il s'appelât Rembrandt ou Ver Meer, nous envoient encore leur rayon spécial.

Proust Le Temps Retrouvé