- papillonbleuEsprit éclairé
J'ai eu l'imprudence de donner à mes élèves de 1ères le sujet suivant :
"Un personnage médiocre peut-il être un héros de roman ?"
Toute la question de savoir est de savoir ce qu'on entend exactement par "médiocre". C'est moins simple qu'il n'y paraît.
J'ai commencé une intro, mais elle est nulle ; la définition que je donne du roman est caricaturale... mais l'idée était de partir des clichés sur le roman.
Jugé vain et frivole à l’époque classique, le roman, genre mineur, semble avoir pour finalité première de plaire et de divertir. Qui dit roman, dit en effet personnages hors du commun, destinées mouvementées, intrigues captivantes – le prestige de la fiction faisant oublier au lecteur l’invraisemblance des caractères et des situations. C’est ainsi que dans le langage courant, l’adjectif romanesque en est venu à s’employer pour caractériser une personne « digne de figurer dans un roman par son caractère pittoresque, singulier, peu banal » ou « par son destin exceptionnel » (Trésor de la Langue française). Est-ce à dire qu’un personnage médiocre ne mériterait pas le statut de héros de roman ? A priori, les mots médiocre et héros paraissent incompatibles. Médiocre (emprunté au latin mediocris « moyen; de grandeur, de qualité moyenne, ordinaire en parlant de personnes et de choses ») se dit d’une personne « qui a une intelligence, des capacités moyennes; qui se situe dans l'ordre du commun, de l'ordinaire », voire « qui manque de capacités intellectuelles, d'élévation de pensée ou de sentiments; qui est au-dessous de la moyenne », tandis que dans le langage courant on appelle héros « personne qui incarne dans un certain système de valeurs un idéal de force d'âme et d'élévation morale » (Trésor de la Langue française). Toutefois, lorsqu’il est question de littérature, le mot héros est susceptible de revêtir une acception non axiologique, celle de « personnage principal ». Le paradoxe sur lequel repose le sujet ne serait-on donc qu’apparent ? Les choses, en réalité, ne sont pas si simples : quel intérêt le lecteur pourrait-il bien prendre à des péripéties qui s'ordonneraient autour d’un héros banal, semblable aux personnes qu’il croise dans la rue ? Mais l’art du romancier ne consiste-t-il pas justement en sa capacité à rendre romanesque une destinée ordinaire ?
Je coince pour le plan...
"Un personnage médiocre peut-il être un héros de roman ?"
Toute la question de savoir est de savoir ce qu'on entend exactement par "médiocre". C'est moins simple qu'il n'y paraît.
J'ai commencé une intro, mais elle est nulle ; la définition que je donne du roman est caricaturale... mais l'idée était de partir des clichés sur le roman.
Jugé vain et frivole à l’époque classique, le roman, genre mineur, semble avoir pour finalité première de plaire et de divertir. Qui dit roman, dit en effet personnages hors du commun, destinées mouvementées, intrigues captivantes – le prestige de la fiction faisant oublier au lecteur l’invraisemblance des caractères et des situations. C’est ainsi que dans le langage courant, l’adjectif romanesque en est venu à s’employer pour caractériser une personne « digne de figurer dans un roman par son caractère pittoresque, singulier, peu banal » ou « par son destin exceptionnel » (Trésor de la Langue française). Est-ce à dire qu’un personnage médiocre ne mériterait pas le statut de héros de roman ? A priori, les mots médiocre et héros paraissent incompatibles. Médiocre (emprunté au latin mediocris « moyen; de grandeur, de qualité moyenne, ordinaire en parlant de personnes et de choses ») se dit d’une personne « qui a une intelligence, des capacités moyennes; qui se situe dans l'ordre du commun, de l'ordinaire », voire « qui manque de capacités intellectuelles, d'élévation de pensée ou de sentiments; qui est au-dessous de la moyenne », tandis que dans le langage courant on appelle héros « personne qui incarne dans un certain système de valeurs un idéal de force d'âme et d'élévation morale » (Trésor de la Langue française). Toutefois, lorsqu’il est question de littérature, le mot héros est susceptible de revêtir une acception non axiologique, celle de « personnage principal ». Le paradoxe sur lequel repose le sujet ne serait-on donc qu’apparent ? Les choses, en réalité, ne sont pas si simples : quel intérêt le lecteur pourrait-il bien prendre à des péripéties qui s'ordonneraient autour d’un héros banal, semblable aux personnes qu’il croise dans la rue ? Mais l’art du romancier ne consiste-t-il pas justement en sa capacité à rendre romanesque une destinée ordinaire ?
Je coince pour le plan...
- nuagesGrand sage
j'aime beaucoup ton introduction, elle est très riche et elle indique le plan:
1. "quel intérêt le lecteur pourrait-il bien prendre à des péripéties qui s'ordonneraient autour d’un héros banal"? (par opposition aux héros extraordinaires aussi)
2 . l'art de rendre romanesque une destinée a priori ordinaire ( beaucoup de "héros" sont au départ ou par certains de leurs aspects des individus banals que les circonstances ont rendu romanesques)
1. "quel intérêt le lecteur pourrait-il bien prendre à des péripéties qui s'ordonneraient autour d’un héros banal"? (par opposition aux héros extraordinaires aussi)
2 . l'art de rendre romanesque une destinée a priori ordinaire ( beaucoup de "héros" sont au départ ou par certains de leurs aspects des individus banals que les circonstances ont rendu romanesques)
- RaizelNiveau 10
J'aime aussi ton intro, même si je ne m'aventurerais pas à la proposer à mes premières (mais ça c'est une autre question, surtout quand on sort des problématiques du maquillage).
Finalement c'est bien la médiocrité des personnages qui permet le processus d'identification. S'il peut-être banal, son destin ne l'est pas pour autant, c'est à mon avis ce qui éloigne le héros de la médiocrité (et de nous). Ca me fait penser au TRES beau texte de Camus qui explique que le "roman fabrique du destin sur mesure"; ainsi le héros même médiocre prend une tout autre dimension (cf Gervaise que Gengembre décrit très bien dans une préface)
Finalement c'est bien la médiocrité des personnages qui permet le processus d'identification. S'il peut-être banal, son destin ne l'est pas pour autant, c'est à mon avis ce qui éloigne le héros de la médiocrité (et de nous). Ca me fait penser au TRES beau texte de Camus qui explique que le "roman fabrique du destin sur mesure"; ainsi le héros même médiocre prend une tout autre dimension (cf Gervaise que Gengembre décrit très bien dans une préface)
- papillonbleuEsprit éclairé
Merci pour ces pistes, je commençais à tourner en rond.
- nuagesGrand sage
j'avais travaillé l'année dernière Le colonel Chabert en 1ère S dans ces deux optiques: un héros exceptionnel mais un homme comme tant d'autres face aux épreuves de la vie . Cette année je fais lire l'autobiographie Le pianiste en seconde et je vois aussi les deux approches. Il est vrai que dans les deux livres ce sont les évènements historiques tragiques qui donnent à l'homme l'occasion de faire preuve d'un courage exceptionnel.
- PatateFidèle du forum
J'aime bien ton introduction, mais la présentes-tu telle quelle à tes élèves? Il me semble que les formulations sont trop dures pour des élèves de 1ère: "acception non axiologique" par exemple...
- JohnMédiateur
Succinctement, et pour ne pas provoquer un surmenage chez des élèves de première :
I - Il faut des héros qui créent de l'émotion
1.1. Il faut des héros grandioses (Montriveau, Monte-Cristo...)
1.2. Il faut des personnages impressionnants (Quasimodo, Vautrin...)
1.3. Il faut des personnages hors du commun, dans le crime et la vertu (Grenouille, Valmont, Merteuil, Tourvel...)
II - Le public aime les personnages médiocres
2.1. La figure de l'anti-héros s'oppose à celle du héros (Bardamu, Biberkopf)
2.2. On s'identifie aux personnages communs (romans picaresques, romans d'apprentissage)
2.3. Le romancier représente le réel (les Goncourt, Zola...)
2.4. L'évolution de personnages médiocres permet de représenter l'homme et le monde (fresques familiales de Rolland et Martin du Gard)
III - Les personnages médiocres ne le restent pas longtemps grâce au romancier
3.1. Le romancier décrit la métamorphose de personnages médiocres (Jean Valjean, Thérèse Desqueyroux...)
3.2. Le personnage médiocre est l'incarnation de philosophies de la vie (L'étranger).
3.3. Le personnage médiocre devient archétype (Bovary)
Je n'ai pas le temps de finir la 3e partie, je dois aller manger !
I - Il faut des héros qui créent de l'émotion
1.1. Il faut des héros grandioses (Montriveau, Monte-Cristo...)
1.2. Il faut des personnages impressionnants (Quasimodo, Vautrin...)
1.3. Il faut des personnages hors du commun, dans le crime et la vertu (Grenouille, Valmont, Merteuil, Tourvel...)
II - Le public aime les personnages médiocres
2.1. La figure de l'anti-héros s'oppose à celle du héros (Bardamu, Biberkopf)
2.2. On s'identifie aux personnages communs (romans picaresques, romans d'apprentissage)
2.3. Le romancier représente le réel (les Goncourt, Zola...)
2.4. L'évolution de personnages médiocres permet de représenter l'homme et le monde (fresques familiales de Rolland et Martin du Gard)
III - Les personnages médiocres ne le restent pas longtemps grâce au romancier
3.1. Le romancier décrit la métamorphose de personnages médiocres (Jean Valjean, Thérèse Desqueyroux...)
3.2. Le personnage médiocre est l'incarnation de philosophies de la vie (L'étranger).
3.3. Le personnage médiocre devient archétype (Bovary)
Je n'ai pas le temps de finir la 3e partie, je dois aller manger !
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"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- snowNiveau 9
j'ai un corrigé pour ce sujet que j'avais préparé pour des 2ndes (à adapter donc, éventuellement).
Je peux te l'envoyer par mail si tu veux.
Je peux te l'envoyer par mail si tu veux.
- henrietteMédiateur
J'ajouterais peut-être une petite chose : si "médiocrité" est péjoratif en français, ce n'est pas le cas en latin - voir la fameuse "mediocritas aureas" d'Horace. C'est la voie moyenne, le juste milieu né de la modération, à l'opposé des excès. Dans ce sens, un personnage de roman étant toujours "excessif" dans le sens où l'entend Mauriac : "Aussi vivante que nous apparaisse une créature romanesque, il y a toujours en elle un sentiment, une passion que l'art du romancier hypertrophie pour que nous soyons mieux à même de l'étudier; aussi vivants que ces héros nous apparaissent, ils ont toujours une signification, leur destinée comporte une leçon, une morale s'en dégage qui ne se trouve jamais dans une destinée réelle toujours contradictoire et confuse", il s'accommodera mal de ce "juste milieu".
- ysabelDevin
Je te propose :
I. A l'origine le héros de roman se doit d'être un personnage hors du commune
II. mais sa conception a évolué jusqu'à la naissance du "antihéros", du héros sans qualités.
III. En fait, à quoi tient l'intérêt qu'inspirent les personnages romanesques.
(il est certain que les élèves doivent déjà avoir des connaissances sur l'évolution du personnage de roman)
I. A l'origine le héros de roman se doit d'être un personnage hors du commune
II. mais sa conception a évolué jusqu'à la naissance du "antihéros", du héros sans qualités.
III. En fait, à quoi tient l'intérêt qu'inspirent les personnages romanesques.
(il est certain que les élèves doivent déjà avoir des connaissances sur l'évolution du personnage de roman)
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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante
« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
- doctor whoDoyen
I. Le roman s'est construit sur les ruines de l'aritotélisme (distinction héros de tragédie / personnage de comédie) : la médiocrité du personnage est définitoire, à tous les âges.
II. Mais une tension épique-tragique / comique persiste, générant l'héroïsation des médiocres, l'antihéroïsme, le romanesque...
III. Un effet original sur le lecteur. Ni catharsis, ni mise à distance : l'identification, qui suppose cette tension entre la reconnaissance et la mise à distance.
II. Mais une tension épique-tragique / comique persiste, générant l'héroïsation des médiocres, l'antihéroïsme, le romanesque...
III. Un effet original sur le lecteur. Ni catharsis, ni mise à distance : l'identification, qui suppose cette tension entre la reconnaissance et la mise à distance.
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Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
Blog pédagogique : http://pedagoj.eklablog.com
- papillonbleuEsprit éclairé
Ouais, je n'ai peur de rien...mais la présentes-tu telle quelle à tes élèves?
En fait, ce que je vous ai montré n'est qu'une ébauche.
Je vous remercie pour toutes vos propositions. Le plan que je pensais proposer à mes élèves est proche de celui qu'a élaboré John : un plan dialectique, bien carré. Mais effectivement, la "thèse" n'est qu'artifice rhétorique (cf. partie I du plan de Doctor Who).
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