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- aposiopèseNeoprof expérimenté
pour la première copie : l'histoire de l'ours ressemble un peu à un mix entre "la demeure d'Astérion" de Borges (avec l'épisode où les habitants s'enfuient devant le narrateur, avant que l'on comprenne que ce dernier n'est pas un homme, mais le Minotaure). et le début m'évoque la nouvelle "je suis d'ailleurs" de Lovecraft... Mais après, le reste ne me rappelle rien, et pourtant c'est bien (trop) écrit !
- doublecasquetteEnchanteur
Le premier texte pourrait être inspiré de Brun l'ours, de Samivel. Peut-être un résumé, une sorte de quatrième de couverture ? Ou une ressucée en langage moderne ?
En tout cas, c'est certainement un livre pour enfant jeune lecteur, d'où le fait qu'on ne le trouve pas sur Google.
En tout cas, c'est certainement un livre pour enfant jeune lecteur, d'où le fait qu'on ne le trouve pas sur Google.
- papillonbleuEsprit éclairé
Il y a des nouvelles que je pense "authentiques" qui ne sont pas mal faites du tout, comme celle-ci (écrite par une jeune fille d'origine arménienne, excellente élève) ; la fin est glaçante, je trouve :
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Le paquebot flottait mollement sur les eaux lisses comme une méduse à l’abandon. C’était le 6 septembre 1947. Plus de 3600 Arméniens avaient embarqué sur le Rossia le matin même.
Levon et Hourie Tchekedjian s’étaient établis en France depuis les années vingt, juste après le génocide. Ils avaient refait leur vie à Marseille où ils s’étaient installés en débarquant du bateau. On les remarquait à leurs yeux et leurs cheveux bruns. Hourie les nouait en nattes et laissait sa frange ondulé. Ils avaient la peau hâlée par le soleil se leur Pays. Ils étaient tous les deux grands et beaux, physiquement, mais aussi mentalement. Ils ouvraient leur cœur à quiconque qui en avait besoin. Ils étaient courageux ; ils avaient réussis à rebâtir leur vie en France malgré toutes les difficultés qui s’étaient mises à travers leur chemin.
Ils avaient fuis leur Pays, leur terre natale « L’Arménie », après le drame ; les massacres ! Seuls Hourie, Levon et l’un de ses frères avaient eu la vie sauve. Ils avaient emménagés dans l’un des quartiers de Marseille où logeaient des immigrés Italiens, Espagnols et Arméniens. L’ambiance chaleureuse du voisinage permettait d’oublier les odeurs, les saveurs et les sensations du Pays. Luciné, Gayané, Vasken et Mesrob vinrent égayer leur vie. Ces années de travail et de bonheur passèrent au rythme de l’histoire française. En 1940, Levon s’engagea dans l’armée. Il revint marqué par d’autres souvenirs douloureux.
Cette année 1947 était difficile pour tous les Français. Ils manquaient de tout. Staline profita de ce moment pour lancer un appel solennel aux expatriés et leur promis un avenir radieux sur leur terre d’origine. Beaucoup d’amis et voisins de Levon et Hourie se demandèrent s’il fallait retourner au pays : retrouver ses racines, la famille restée au village, les amis qui attendaient depuis si longtemps. Revoir tous ces survivants. Les montagnes arides, le Mont Ararat. Retrouver la chaleur Arménienne. Et, surtout pour Levon retrouver son frère.
Après réflexions, discussions, délibérations, certains refusèrent de quitter la France. Désormais, leur vie était ici. Il y avait ceux qui craignaient les censures, le manque de liberté. Car depuis des années, les filtraient, mais il y en avait très peu ; personne n’était reparti en Arménie et personne n’était venu d’Arménie.
Levon et Hourie hésitèrent longtemps. Quitter ce qu’ils avaient construit ? Emmener les enfants qui avaient grandi en France ? Les expatrier à leur tour ? Qu’allaient-ils devenir ? Pourtant l’appel de la terre fut le plus fort malgré les doutes et les peurs. Mais sans les enfants. Peu de temps avant leur départ, ils leur dirent :
« Si nous jugeons que tout peut recommencer là-bas, nous vous le ferons savoir et vous viendrez nous rejoindre. »
Levon et Hourie savaient qu’ils couraient certains risques. Avant le départ ils expliquèrent à leurs enfants un code qu’ils utiliseraient dans une lettre, afin de leur donner des nouvelles et leur faire savoir s’ils devaient venir les rejoindre.
« Si nous écrivons à l’encre bleu, tout ce qui sera écrit est vrai ; si nous écrivons à l’encre rouge, il faudra comprendre l’inverse. »
Après un long voyage, Levon et Hourie accostèrent à Batoum où il leur fallut prendre le train jusqu’à Erevan. Et, enfin arrivés au terminus, dans la gare, c’est la cohue; des larmes, des rires, des embrassades. Les autorités, les papiers. Des familles divisées. Mais l’immense joie d’être là. L’enfance sui revient. Ils avaient tous rêvé, espéré revenir un jour, sur cette terre qui les avaient vus naître. Ils finirent avec difficulté par retrouver le frère de Levon. Ils s’installèrent chez lui et écrivirent à leurs enfants une lettre écrite à l’encre bleu :
« Très chers enfants,
Nous sommes arrivés à Erevan après un très agréable voyage. Nous Y avons retrouvé votre oncle. C’est une ville claire, fleurie, aux monuments magnifiques. Ici nous ne manquons de rien. Notre appartement est splendide ; entouré d’un grand jardin et avec de grandes fenêtres. Nous avons l’électricité. Il y a même l’eau courante ! Et il y aura du chauffage pendant l’hiver. Le retour est une joie, tout le monde est gentil et agréable. Nous vivons vraiment très bien et nous ne regrettons absolument pas d’être revenus. C’est un rêve. Nous avons acheter des vêtements de belle qualité. Papa a été engagé dans une usine où son travail est très agréable et avec de bons chefs.
Nous allons pouvoir vous accueillir bientôt ; nous vous attendons avec impatience pour nous retrouver tous en famille. Ce sera un moment merveilleux.
Affectueusement
Papa et Maman qui vous aiment
Levon et Hourie
Post-scriptum : Nous trouvons vraiment de tous, ici, sauf de l’encre rouge. »
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Le paquebot flottait mollement sur les eaux lisses comme une méduse à l’abandon. C’était le 6 septembre 1947. Plus de 3600 Arméniens avaient embarqué sur le Rossia le matin même.
Levon et Hourie Tchekedjian s’étaient établis en France depuis les années vingt, juste après le génocide. Ils avaient refait leur vie à Marseille où ils s’étaient installés en débarquant du bateau. On les remarquait à leurs yeux et leurs cheveux bruns. Hourie les nouait en nattes et laissait sa frange ondulé. Ils avaient la peau hâlée par le soleil se leur Pays. Ils étaient tous les deux grands et beaux, physiquement, mais aussi mentalement. Ils ouvraient leur cœur à quiconque qui en avait besoin. Ils étaient courageux ; ils avaient réussis à rebâtir leur vie en France malgré toutes les difficultés qui s’étaient mises à travers leur chemin.
Ils avaient fuis leur Pays, leur terre natale « L’Arménie », après le drame ; les massacres ! Seuls Hourie, Levon et l’un de ses frères avaient eu la vie sauve. Ils avaient emménagés dans l’un des quartiers de Marseille où logeaient des immigrés Italiens, Espagnols et Arméniens. L’ambiance chaleureuse du voisinage permettait d’oublier les odeurs, les saveurs et les sensations du Pays. Luciné, Gayané, Vasken et Mesrob vinrent égayer leur vie. Ces années de travail et de bonheur passèrent au rythme de l’histoire française. En 1940, Levon s’engagea dans l’armée. Il revint marqué par d’autres souvenirs douloureux.
Cette année 1947 était difficile pour tous les Français. Ils manquaient de tout. Staline profita de ce moment pour lancer un appel solennel aux expatriés et leur promis un avenir radieux sur leur terre d’origine. Beaucoup d’amis et voisins de Levon et Hourie se demandèrent s’il fallait retourner au pays : retrouver ses racines, la famille restée au village, les amis qui attendaient depuis si longtemps. Revoir tous ces survivants. Les montagnes arides, le Mont Ararat. Retrouver la chaleur Arménienne. Et, surtout pour Levon retrouver son frère.
Après réflexions, discussions, délibérations, certains refusèrent de quitter la France. Désormais, leur vie était ici. Il y avait ceux qui craignaient les censures, le manque de liberté. Car depuis des années, les filtraient, mais il y en avait très peu ; personne n’était reparti en Arménie et personne n’était venu d’Arménie.
Levon et Hourie hésitèrent longtemps. Quitter ce qu’ils avaient construit ? Emmener les enfants qui avaient grandi en France ? Les expatrier à leur tour ? Qu’allaient-ils devenir ? Pourtant l’appel de la terre fut le plus fort malgré les doutes et les peurs. Mais sans les enfants. Peu de temps avant leur départ, ils leur dirent :
« Si nous jugeons que tout peut recommencer là-bas, nous vous le ferons savoir et vous viendrez nous rejoindre. »
Levon et Hourie savaient qu’ils couraient certains risques. Avant le départ ils expliquèrent à leurs enfants un code qu’ils utiliseraient dans une lettre, afin de leur donner des nouvelles et leur faire savoir s’ils devaient venir les rejoindre.
« Si nous écrivons à l’encre bleu, tout ce qui sera écrit est vrai ; si nous écrivons à l’encre rouge, il faudra comprendre l’inverse. »
Après un long voyage, Levon et Hourie accostèrent à Batoum où il leur fallut prendre le train jusqu’à Erevan. Et, enfin arrivés au terminus, dans la gare, c’est la cohue; des larmes, des rires, des embrassades. Les autorités, les papiers. Des familles divisées. Mais l’immense joie d’être là. L’enfance sui revient. Ils avaient tous rêvé, espéré revenir un jour, sur cette terre qui les avaient vus naître. Ils finirent avec difficulté par retrouver le frère de Levon. Ils s’installèrent chez lui et écrivirent à leurs enfants une lettre écrite à l’encre bleu :
« Très chers enfants,
Nous sommes arrivés à Erevan après un très agréable voyage. Nous Y avons retrouvé votre oncle. C’est une ville claire, fleurie, aux monuments magnifiques. Ici nous ne manquons de rien. Notre appartement est splendide ; entouré d’un grand jardin et avec de grandes fenêtres. Nous avons l’électricité. Il y a même l’eau courante ! Et il y aura du chauffage pendant l’hiver. Le retour est une joie, tout le monde est gentil et agréable. Nous vivons vraiment très bien et nous ne regrettons absolument pas d’être revenus. C’est un rêve. Nous avons acheter des vêtements de belle qualité. Papa a été engagé dans une usine où son travail est très agréable et avec de bons chefs.
Nous allons pouvoir vous accueillir bientôt ; nous vous attendons avec impatience pour nous retrouver tous en famille. Ce sera un moment merveilleux.
Affectueusement
Papa et Maman qui vous aiment
Levon et Hourie
Post-scriptum : Nous trouvons vraiment de tous, ici, sauf de l’encre rouge. »
- doublecasquetteEnchanteur
Le deuxième texte me semble crédible, peut-être avec un adulte ou un grand frère qui est passé par derrière pour ponctuer, corriger quelques fautes et rétablir deux ou trois phrases bancales. Sinon, pour l'imaginaire, ça fait bien ado de quinze à seize ans.
J'ai au fond de mon ordi un sujet d'invention de mon fils au même âge, si vous voulez vous faire une idée. Ecrit absolument seul, un jour " avec ", par un élève qui n'avait pas l'habitude d'être tête de classe.
J'ai au fond de mon ordi un sujet d'invention de mon fils au même âge, si vous voulez vous faire une idée. Ecrit absolument seul, un jour " avec ", par un élève qui n'avait pas l'habitude d'être tête de classe.
- papillonbleuEsprit éclairé
C'est sûr, vu le niveau catastrophique de l'élève en question.Le deuxième texte me semble crédible, peut-être avec un adulte ou un grand frère qui est passé par derrière pour ponctuer, corriger quelques fautes et rétablir deux ou trois phrases bancales.
- doublecasquetteEnchanteur
A ce compte là, c'est écrit par un copain, un grand frère ou une grande sœur mais ce n'est probablement pas un plagiat.myfarenier a écrit:C'est sûr, vu le niveau catastrophique de l'élève en question.Le deuxième texte me semble crédible, peut-être avec un adulte ou un grand frère qui est passé par derrière pour ponctuer, corriger quelques fautes et rétablir deux ou trois phrases bancales.
- doublecasquetteEnchanteur
Quant au texte sur l'Arménie, là, j'ai des gros gros doutes car le coup de l'encre rouge et de l'encre bleue, je suis certaine de l'avoir déjà lu quelque part.
Vous ne devriez pas donner des sujets d'invention à faire à la maison, c'est la porte ouverte à toutes les débauches.
Vous ne devriez pas donner des sujets d'invention à faire à la maison, c'est la porte ouverte à toutes les débauches.
- ysabelDevin
aposiopèse a écrit:pour la première copie : l'histoire de l'ours ressemble un peu à un mix entre "la demeure d'Astérion" de Borges (avec l'épisode où les habitants s'enfuient devant le narrateur, avant que l'on comprenne que ce dernier n'est pas un homme, mais le Minotaure). et le début m'évoque la nouvelle "je suis d'ailleurs" de Lovecraft... Mais après, le reste ne me rappelle rien, et pourtant c'est bien (trop) écrit !
Oui ! voila, le pire c'est que hier soir j'ai failli prendre ce texte, intuitivement !
même idée pour le deuxième texte, mais la deuxième partie aussi me dit qqch mais je n'arrive pas à me souvenir.
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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante
« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
- doublecasquetteEnchanteur
Tenez, finalement, je vous le mets, brut de décoffrage, avec les fautes et l'absence de ponctuation. C'est fait en classe, en DS, en Seconde, par un élève pas franchement scolaire et toujours en queue de classe. Inspiration d'un jour...
Sujet d'invention: Utopie
Quand on se sent bien, c'est signe de mort
Egon (c'est pas un nom, c'est une vengeance) humait l'air de la ville, comme c'était agréable! il y a 20 ans de cela,le simple fait de respirer était douloureux tant l'air était chargé de substances douteuses relachées en fortes quantités par les usines. Egon se rappelait encore le quartier insalubre dans lequel il avait vécu jusqu'ici entre les cafards et des dizaines d'autres comme lui qui tentaient de noyer leur existence sinistre dans l'alcool ou de la bruler dans une pipe de crack; il y avait aussi ceux qui trouvaient leur raison de vivre dans la violence ce qui entrainait les descentes des forces de l'ordre qui ne faisait que rajouter à la violence créant ainsi un cercle vicieux. Mais ce qui, en ce temps-là avait le plus meurtri Egon était la décision du gouvernement de censurer Tino Rossi, après avoir analysé le caractère hautement violent et subversif des textes du dangereux indépendantiste corse susnommé car Egon adorait Tino Rossi.Mais maintenant ce long cauchemard était fini. Heureux, Egon se remémora la prise de pouvoir par le nouveau gouvernement, la sensation qu'il eut alors de bonheur et de liberté fut incommensurable et le fut encore plus lorsque passant devant une fenêtre il entendit le discours du chef du nouveau gouvernement. Ce dernier expliquait son désir de reconstruire les quartiers délabrés afin que chacun ait une maison décente, de faire interdire et détruire toutes formes de drogues et d'augmenter l'argent consacré à la recherche médicale de plus il avait décicé de développer l'agriculture afin de pouvoir nourrir la population. Mais ce qui fit le plus plaisir à Egon ce fut la décision de faire de Marinella l'hymne national. En 20 ans ces directives avaient eu le temps d'agir dans toute leur ampleur et la société avait été lavée de la violence, l'agriculture réclamait tellement d'employés que tout le monde trouvait du travail, et les avancées médicales et scientifiques étaient considérables: elles avaient par exemple permis de créer des véhicules motorisés qui polluaient beaucoup moins et on annonçait pour bientôt le moteur électrique. Egon s'émerveillait chaque jour de cette civilisation merveilleuse, il n'avait jamais vu que des immeubles délabrés et mangé de la nourriture avariée et il pouvait à présent contempler de superbes maisons et manger des plats différents chaque jour. Voyant cette perfection, il s'immaginait avec bonheur les enfants de cette civilisation porter le savoir auprès des populations ignardes, marchant sous le soleil chantant tous en cœur "Marinellaaaaaa...". Empli de félicité, il décida d'aller se promener et admira des enfants s'amusant avec insouciance dans les parcs, alors qu'il y a 20 ans, il n'y avait tout bonnement pas de parc. Egon traversa la rue et y mourut fauché par une voiture car dans sa félicité absolue, cet étourdi n'avait pas vérifié si le feu était rouge. Si il était mort 5 ans plus tard il aurait pu bénéficier des nouvelles avancées de la médecine.
- papillonbleuEsprit éclairé
Le texte sur l'Arménie a été écrit en module... et maintes fois retravaillé en atelier d'écriture.Vous ne devriez pas donner des sujets d'invention à faire à la maison
Ce n'est pas le cas des deux autres textes, que les élèves ne m'ont pas montrés jusqu'à ce soir (trouvant toujours le moyen de sécher le module de 8 à 9H).
- doublecasquetteEnchanteur
myfarenier a écrit:Le texte sur l'Arménie a été écrit en module... et maintes fois retravaillé en atelier d'écriture.Vous ne devriez pas donner des sujets d'invention à faire à la maison
Ce n'est pas le cas des deux autres textes, que les élèves ne m'ont pas montrés jusqu'à ce soir (trouvant toujours le moyen de sécher le module de 8 à 9H).
Bon ! S'ils ont séché les modules, c'est zéro pointé !
Quant au texte sur l'Arménie, votre élève a parfaitement le droit de reprendre à son compte une bonne blague populaire pour travailler son texte. Ça prouve qu'elle est finaude et a le sens de l'humour.
- papillonbleuEsprit éclairé
Tu peux me tutoyer double casquette...votre élève
- papillonbleuEsprit éclairé
Je deviens parano... Ce texte vous dit-il quelque chose ?
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Le vent, tiède et endormi, poussait une brassée de feuilles devant la fenêtre. Tout était noir, elle devait être la seule encore éveillée, à regarder les feuilles voler dans la nuit. Il lui était impossible de dormir, l'étrange angoisse qui l'avait saisie dans la soirée le lui interdisait.
Soudain, le temps sembla s'arrêter. Les contours de la pièce disparurent et elle s'évanouit. Lorsqu'elle reprit ses esprits, Cathie se rendit compte que la pièce où elle se trouvait n'était certainement pas son salon. Elle crut d'abord qu'on l'avait endormie puis kidnappée, mais qui aurait pu avoir des raisons de l'enlever, elle qui s'arrangeait toujours pour passer inaperçue et qu'on ne remarquait jamais ?
Elle s'habillait toujours avec de larges vêtements, presque informes et toujours de couleurs ternes, pour se cacher aux yeux des autres. Ses cheveux étaient teints en blond, à la limite du blanc, et jamais elle ne se maquillait. Se faire remarquer était la dernière chose qu'elle recherchait. Etant d'un naturel posé et calme, elle aimait se sentir seule pour rêver. Elle s'inventait alors des existences dans des époques différentes et il lui arrivait parfois de confondre rêve et réalité. C'est l'une des raisons pour lesquelles elle était plutôt solitaire et renfermée.
Arrêtant là ses réflexions, elle observa son nouvel environnement et remarqua qu'elle se trouvait dans une chambre qui ressemblait fort à une reconstitution du château de Versailles, à cela près que les tissus et autres meubles étaient de facture artisanale (on voyait la signature des artisans). Cathie fit le tour de la pièce et s'arrêta devant la coiffeuse. Elle ne comprit pas tout de suite que le miroir lui renvoyait sa propre image et, lorsqu'elle s'en rendit compte, elle resta muette. De stupeur. Ses cheveux étaient devenus très longs et ils étaient noirs aile de corbeau. Jamais sa peau n'avait paru si blanche et ses yeux si bleus. En plus, on lui avait mis une longue robe bleu nuit qui était trop lourde et inconfortable. La situation était pour le moins étrange, mais elle ne paniquait pas et se sentait assez à l'aise.
Ayant fini de s'étonner devant le miroir, elle se dirigea vers les battants de la grande porte en bois mais, même en poussant de toutes ses forces, elle ne put l'ouvrir. Cathie résolut donc de fouiller dans les coffres placés au pied de son lit et dans lesquels elle trouva toute une collection de robes, de bijoux et de produits. Plusieurs heures passèrent ainsi, jusqu'au moment où il lui fallut se réveiller. Elle s'installa donc dans le grand lit central et s'endormit, pour finalement se redresser dans son propre lit, au XXIe siècle.
Toute la journée, elle repensa à ce rêve si particulier, jamais aucun ne lui avait paru aussi réel. Elle commençait à douter de sa santé mentale en allant dormir ce soir-là, mais en se sentant repasser dans le rêve, elle cessa de douter. C'était toujours pareil, le même décor, seule la robe avait changé (elle était maintenant bleu clair). Elle continua à visiter la chambre pendant le rêve des nuits qui suivirent, elle ne pouvait rien faire d'autre puisque la porte était fermée et que, comme souvent dans les rêves, elle était impuissante.
Sans jamais en parler à ses amis bien sur, ils ne l'auraient pas crue de toute façon. Et puis, c'était son rêve à elle, son petit secret et il était hors de question qu'elle le partage et qu'on la prenne pour une folle ! En plus, en ce moment, sa vie était vraiment terne et sans aucun piment alors que dans le rêve, les choses évoluaient. Une nuit, elle réussit à ouvrir la porte puis, elle osa s'aventurer dans les couloirs, de plus en plus loin. Seulement, elle ne croisait jamais personne...
Jusqu'au jour où elle croisa une petite bonne qui, manifestement apeurée, recula pour se coller contre le mur pour s'incliner aussi bas qu'elle put. Cathie voulut la rassurer mais cela eut pour seul effet de la rendre encore plus craintive alors elle abandonna et continua à se balader. Elle ne croisa personne d'autre cette fois-là mais plus tard, elle passa au milieu de groupes de serviteurs qui eurent tous la même réaction que la petite bonne. Si cela l'étonnait, elle n'osa jamais demander la raison de cela. Et il lui faudrait s'y habituer ou changer de rêve car le bâtiment était de plus en plus animé à mesure qu'elle avançait vers le centre du château. Une fois, alors qu'elle se baladait dans les couloirs, elle entendit deux hommes discuter entre eux. Ils ne l'avaient manifestement pas entendue car ils parlaient fort.
« Tu ne connais pas la rumeur qui circule en ce moment ?dit l'un.
Non, dis moi de quoi il s'agit, répondit l'autre.
Il paraitrait que la dame s'est réveillée et qu'elle parcourt le château. Des amis à moi l'ont vue et ils m'ont dit qu'elle avait toujours cet air étrange...
Non ! Si le seigneur l'apprend, il reviendra et nous risquons encore de faire les frais de sa cruauté, gémit le deuxième homme. »
Cathie n'en écouta pas plus, et c'est en courant qu'elle arriva à la bibliothèque. Elle n'eut pas le temps de commencer ses recherches que le réveil dans le monde réel se fit sentir et c'est donc avec résignation qu'elle retourna à la chambre.
La journée fut longue et difficile et elle avait hâte d'en voir la fin. Vraiment, ça n'allait plus dans sa vie. Son travail, autrefois si passionnant, ne l'intéressait même plus. Tout le monde l'agaçait et elle n'avait qu'une envie : rentrer chez elle pour dormir et peut-être refaire cet étrange mais si délicieux rêve.
Cette nuit-là, elle continua de parcourir la bibliothèque mais elle ne trouva rien et résolut donc d'espionner les personnes qu'elle croiserait pour en savoir plus. Dans une maison, les domestiques connaissent toutes les rumeurs, elle apprendrait mieux par leur intermédiaire. Cathie mit donc son plan à exécution, se faisant le plus discrète possible mais on aurait dit qu'ils la sentaient arriver et elle n'entendait jamais ce qui l'intéressait. Elle apprit donc à se faire plus discrète et, une nuit qu'elle se baladait dans un couloir sombre, elle entendit deux femmes de chambre discuter à voix basse.
« Sais-tu, Annie, que le seigneur Andreas d'Alleuze est sur le point d'arriver au château ? .dit la première.
Non, mais comment cela se peut-il ? Notre maître n'aurait surement pas averti ce cruel seigneur que sa fille est rétablie.
Surement pas, mais peut-être un espion à la solde de cet ignoble individu se trouve-t-il dans nos murs... Il va falloir ouvrir l'œil ma bonne Annie, et le bon !
Eh oui, ma pauvre Jeannette. Les temps sont durs... Je n'ose pas imaginer ce qui nous arrivera si la jeune dame refuse encore de se soumettre à la volonté du seigneur. J'en frissonne d'horreur !
Surtout après l'humiliation publique qu'elle lui a fait subir la dernière fois. Quand je la revois, je me dis qu'elle est infiniment plus courageuse que nous tous ici. Elle ne mérite pas son sort.
Oui, mais qu'y pouvons-nous !? Allons, viens, il nous reste à finir nos corvées et ce n'est pas en parlant qu'elles avanceront.
Tu as raison. De plus, les murs risquent d'avoir des oreilles. »
Après le départ des deux femmes, Cathie resta dans le couloir encore plusieurs heures afin d'assimiler toutes ces informations. Il y avait d'abord la chambre pleine de richesses qui indiquaient qu'elle appartenait à une couche aisée de la population, la réaction des serviteurs à son approche ( qui la regardaient comme si elle était un fantôme) et les discussions qu'elle avait surprises. Ces informations l'amenèrent à penser qu'il s'agissait d'elle, la jeune dame ( ce rêve se déroulait un peu comme une enquête, elle était l'inspectrice et en même temps, la suspecte ).
Une nouvelle fois, elle se réveilla dans son monde, son cher monde à elle. Ce devait être la première fois depuis qu'elle avait commencé à rêver d'une seconde vie qu'elle était heureuse de retourner chez elle, dans sa chambre. Aller dans sa cuisine pour préparer son café et ensuite, observer le monde moderne au dehors par sa fenêtre, dans son salon, lui semblait vraiment réconfortant. Elle pensa alors que cela devenait lassant de rêver toujours la même chose, en plus, ce rêve commençait dangereusement à prendre le pas sur sa réalité. Cathie alla donc travailler, ce jour-là, comme tous les autres, mais avec la décision de commencer une nouvelle histoire. Cela fut assez simple tout compte fait et elle retomba alors dans la routine quotidienne. Les mois passèrent durant lesquels elle se trouva un petit ami et changea de métier (l'ancien était devenu vraiment inintéressant). Elle était heureuse, comme jamais elle ne l'avait été auparavant et elle s'épanouissait comme une fleur au soleil dans son nouveau travail : elle était passée de secrétaire dans un bureau de comptable à journaliste spécialisée dans l'économie. C'est d'ailleurs à la bourse de New York, où son patron l'avait dépêchée, qu'elle y rencontrait Jim, un trader très très doué. Cette histoire qui partait pour n'être que passagère s'était finalement transformée en une relation très sérieuse et le couple avait fini par emménager ensemble. Tout allait bien donc, parfaitement même. Seulement, comme dans la plupart des jeunes couples, il arrive un temps où l'on se lasse et ce temps était arrivé. Jim devenait distant et travaillait de plus en plus tard le soir. Il rentrait fatigué et de mauvaise humeur, était blessant et ne cessait de la critiquer. Elle en avait parlé à une amie qui l'avait mise en garde. Elle avait donc commencé à l'épier et à se méfier mais il avait fallut qu'elle rentre de voyage une journée plus tôt que prévu pour le surprendre en pleine tromperie. Heureusement, elle avait gardé son propre appartement et elle fit donc sa valise sur le champ, rompant dans le même temps. Après cela, elle ne lui adressa plus jamais la parole, ne répondit pas à ses appels et effaça tous les messages qu'il lui envoyait sans même les lire. Elle décida alors que ce monde-là n'avait plus rien à lui offrir.
Un soir particulièrement triste, le décor se brouilla et s'effaça. Elle était de retour dans cette chambre qu'elle connaissait si bien. Seulement, cette fois, la pièce n'était pas vide lorsqu'elle ouvrit les yeux. Elle distingua d'abord de vagues silhouettes, puis, plus distinctement, des hommes vêtus de robes marron en tissu grossier ( on aurait dit des sacs à patates) et sur la tête desquels était posé un chapeau marron pointu. C'était si grotesque qu'elle en aurait ri s'ils n'avaient pas été en train de pratiquer des saignées sur ses bras. En voyant qu'elle était réveillée, les hommes étranges cessèrent toute activité et commencèrent à s'agiter et à crier que « Dame Catherine s'est réveillée ! » avant de se congratuler entre eux pour la réussite de l'opération. C'étaient vraiment un tableau comique que ses hommes ridicules faisant preuve de tant de vantardise. Tout à coup, ils se turent et s'écartèrent du lit, laissant le passage à un homme plutôt vieux. Il était petit et assez trapu avec une légère calvitie et un bouc pointu. Ses cheveux et sa barbe étaient gris foncé et on voyait encore ici et là des cheveux bruns. Cathie supposa qu'il se trouvait élégant et qu'il était très conscient de son importance car il s'avançait d'une démarche lente, la tête haute, et qu'il était revêtu de nombreux vêtements en tissus couteux, soie, velours et brocart sans doute, sans parler du nombre incroyable de bijoux dont il était couvert : il étincelait, tout simplement. Il congédia les médecins ( ces hommes ridicules et vantards ) et lorsqu'il fut seul, il s'assit sur le lit, à côté de Cathie. Il lui prit la main et lui demanda doucement comment elle se sentait.
« Bien, merci. J'ai juste un peu mal aux bras, répondit-elle, c'était un rêve alors autant jouer le jeu.
Ces médecins sont des incapables, fiers comme des jeunes coqs. Je les ferai renvoyer. As-tu faim ?
Non, pas vraiment. Je me sens plutôt nauséeuse mais je suis sure que ça va passer.
J'étais si inquiet, ma fille, mais me voilà rassuré à présent. Je vais te laisser te reposer maintenant.
Cathie se retint de sourire, ce rêve paraissait toujours aussi réel et ce personnage de père était vraiment réaliste.
Il partit donc et elle passa le reste de la journée seule à réfléchir. Le soir, elle laissa une femme de chambre lui passer une robe de nuit et la coucher. Les minutes, les heures passaient et elle ne retournait toujours pas dans son monde. Le lendemain matin la trouva dans la chambre. Elle n'était pas repartie et commençait à angoisser. Plusieurs jours passèrent et l'inquiétude augmentait. Au bout d'une semaine, il devint évident qu'elle ne repartirait plus. Elle était coincée dans cette époque lugubre ! Son père et, comme elle l'avait ensuite appris, le seigneur du château, ne revint la visiter qu'une dizaine de jours après sa première visite. C'est là qu'elle appris que son mariage était proche, cela la fit paniquer. Surtout lorsqu'elle appris qui était son futur mari par l'intermédiaire de la femme de chambre avec qui elle avait réussi à parler et qui la tenait au courant de tous les commérages du château. Il s'agissait d'Andréas d'Alleuze, un seigneur cruel qui tenait ses fiefs par la terreur. Quiconque lui désobéissait était passible de mort.
Les mois passèrent et le jour du mariage approchait, Cathie angoissait. Et enfin, il arriva. Toute la matinée fut consacrée à son habillage, au maquillage et à toutes les autres préparations nécessaires. On la revêtit d'une longue robe blanche bordée de fils d'or et d'argent pourvue d'une longue traîne de dentelle. Ses cheveux furent tressés de rubans et noués ensuite en un chignon compliqué, tenant grâce à des barrettes de perles. Elle eut droit à des gants et son père lui déposa un diadème incrusté de diamants sur la tête avant de l'embrasser sur le front. Il était évident qu'il était fier d'elle, et beaucoup de lui aussi, surtout lorsqu'il la mena jusqu'à l'autel où elle découvrit le visage de celui dont elle devrait partager la vie. Il était laid, très très laid, extrêmement laid : petit, avec un visage de fouine grêlé par une quelconque maladie, des yeux enfoncés dans leur orbite et un nez tordu. Il était gros et inspirait le dégout. Cathie ne put s'empêcher de frissonner lorsqu'il se mit à la dévorer de son regard avide. Elle reporta alors son regard sur ce qui l'entourait.
Il y avait plus d'une centaine d'invités ainsi que les gens des villages alentours massés dans cette immense chapelle de style gothique de dimensions extraordinaires. Elle était toute décorée de fresques et de dorures, partout où se portait le regard il y avait des angelots ou des figures de saints. Les vitraux étaient sublimes et très colorés, ils représentaient les différentes étapes de la passion du christ. Elle s'intéressa ensuite au fond de l'église, en commençant par l'autel recouvert d'une nappe blanche sur lequel trônait un calice en or. Le sol était dallé et le mur du fond était entièrement peint, on y avait placé une immense croix de bois sur laquelle était clouée une représentation de Jésus- Christ. Cathie se dit alors que le pauvre n'en aurait jamais finit de mourir sur cette croix et cette pensée la fit sourire. Elle allait s'enfoncer encore plus dans ses pensées lorsqu'elle vit son père approcher de l'autel pour prononcer un discours.
« Nous sommes aujourd'hui réunis tous ensembles, pauvres et riches, pour célébrer le mariage de ma très chère fille avec un ami tout aussi cher, le seigneur Andreas d'Alleuze. C'est un jour béni parmi tous les autres car il annonce aussi la fin de la maladie qui, durant de nombreux mois, a tenu ma fille éloignée du monde réel. Je vous souhaite une longue et heureuse vie mes enfants, soyez bénis. »
Les invités applaudirent bien fort tandis que le père approchait de la fille pour lui glisser quelques mots à l'oreille en chuchotant :
« Ne me trahis pas ma fille, ne laisse pas ta folie reprendre le dessus. Aux yeux de tous, tu avais attrapé la petite vérole, mentir était le seul moyen de te trouver un mari.
Quoi ? Je ne comprend pas. Que m'est-il arrivé ?
Pendant de longs mois, ma fille, j'ai craint pour ta vie. Tu parlais à des êtres qui n'étaient pas là et j'ai dû te faire enfermer pour cacher aux yeux du monde ce qui t'arrivait et nous éviter ainsi la honte. Heureusement, cette époque est finie et ta raison est revenue. Tu blasphémais ma fille, tu parlais seule de choses qui n'existent pas et qui sont un blasphème à elles seules. Tout ce qui s'est passé durant ces 11 derniers mois n'existe pas, sommes-nous d'accord ?
Ou... Oui, bredouilla-t-elle.
Bien, très bien. Je t'aime Catherine, tu es mon seul enfant et je te souhaite d'être heureuse le restant de tes jours. »
De nouveau seule, Cathie sentit un gouffre s'ouvrir dans sa poitrine tandis que tout son monde tombait en poussière, tout ce en quoi elle avait cru, tout ce qu'elle savait n'était qu'illusion. Alors, le mariage commença.
------------------
Le vent, tiède et endormi, poussait une brassée de feuilles devant la fenêtre. Tout était noir, elle devait être la seule encore éveillée, à regarder les feuilles voler dans la nuit. Il lui était impossible de dormir, l'étrange angoisse qui l'avait saisie dans la soirée le lui interdisait.
Soudain, le temps sembla s'arrêter. Les contours de la pièce disparurent et elle s'évanouit. Lorsqu'elle reprit ses esprits, Cathie se rendit compte que la pièce où elle se trouvait n'était certainement pas son salon. Elle crut d'abord qu'on l'avait endormie puis kidnappée, mais qui aurait pu avoir des raisons de l'enlever, elle qui s'arrangeait toujours pour passer inaperçue et qu'on ne remarquait jamais ?
Elle s'habillait toujours avec de larges vêtements, presque informes et toujours de couleurs ternes, pour se cacher aux yeux des autres. Ses cheveux étaient teints en blond, à la limite du blanc, et jamais elle ne se maquillait. Se faire remarquer était la dernière chose qu'elle recherchait. Etant d'un naturel posé et calme, elle aimait se sentir seule pour rêver. Elle s'inventait alors des existences dans des époques différentes et il lui arrivait parfois de confondre rêve et réalité. C'est l'une des raisons pour lesquelles elle était plutôt solitaire et renfermée.
Arrêtant là ses réflexions, elle observa son nouvel environnement et remarqua qu'elle se trouvait dans une chambre qui ressemblait fort à une reconstitution du château de Versailles, à cela près que les tissus et autres meubles étaient de facture artisanale (on voyait la signature des artisans). Cathie fit le tour de la pièce et s'arrêta devant la coiffeuse. Elle ne comprit pas tout de suite que le miroir lui renvoyait sa propre image et, lorsqu'elle s'en rendit compte, elle resta muette. De stupeur. Ses cheveux étaient devenus très longs et ils étaient noirs aile de corbeau. Jamais sa peau n'avait paru si blanche et ses yeux si bleus. En plus, on lui avait mis une longue robe bleu nuit qui était trop lourde et inconfortable. La situation était pour le moins étrange, mais elle ne paniquait pas et se sentait assez à l'aise.
Ayant fini de s'étonner devant le miroir, elle se dirigea vers les battants de la grande porte en bois mais, même en poussant de toutes ses forces, elle ne put l'ouvrir. Cathie résolut donc de fouiller dans les coffres placés au pied de son lit et dans lesquels elle trouva toute une collection de robes, de bijoux et de produits. Plusieurs heures passèrent ainsi, jusqu'au moment où il lui fallut se réveiller. Elle s'installa donc dans le grand lit central et s'endormit, pour finalement se redresser dans son propre lit, au XXIe siècle.
Toute la journée, elle repensa à ce rêve si particulier, jamais aucun ne lui avait paru aussi réel. Elle commençait à douter de sa santé mentale en allant dormir ce soir-là, mais en se sentant repasser dans le rêve, elle cessa de douter. C'était toujours pareil, le même décor, seule la robe avait changé (elle était maintenant bleu clair). Elle continua à visiter la chambre pendant le rêve des nuits qui suivirent, elle ne pouvait rien faire d'autre puisque la porte était fermée et que, comme souvent dans les rêves, elle était impuissante.
Sans jamais en parler à ses amis bien sur, ils ne l'auraient pas crue de toute façon. Et puis, c'était son rêve à elle, son petit secret et il était hors de question qu'elle le partage et qu'on la prenne pour une folle ! En plus, en ce moment, sa vie était vraiment terne et sans aucun piment alors que dans le rêve, les choses évoluaient. Une nuit, elle réussit à ouvrir la porte puis, elle osa s'aventurer dans les couloirs, de plus en plus loin. Seulement, elle ne croisait jamais personne...
Jusqu'au jour où elle croisa une petite bonne qui, manifestement apeurée, recula pour se coller contre le mur pour s'incliner aussi bas qu'elle put. Cathie voulut la rassurer mais cela eut pour seul effet de la rendre encore plus craintive alors elle abandonna et continua à se balader. Elle ne croisa personne d'autre cette fois-là mais plus tard, elle passa au milieu de groupes de serviteurs qui eurent tous la même réaction que la petite bonne. Si cela l'étonnait, elle n'osa jamais demander la raison de cela. Et il lui faudrait s'y habituer ou changer de rêve car le bâtiment était de plus en plus animé à mesure qu'elle avançait vers le centre du château. Une fois, alors qu'elle se baladait dans les couloirs, elle entendit deux hommes discuter entre eux. Ils ne l'avaient manifestement pas entendue car ils parlaient fort.
« Tu ne connais pas la rumeur qui circule en ce moment ?dit l'un.
Non, dis moi de quoi il s'agit, répondit l'autre.
Il paraitrait que la dame s'est réveillée et qu'elle parcourt le château. Des amis à moi l'ont vue et ils m'ont dit qu'elle avait toujours cet air étrange...
Non ! Si le seigneur l'apprend, il reviendra et nous risquons encore de faire les frais de sa cruauté, gémit le deuxième homme. »
Cathie n'en écouta pas plus, et c'est en courant qu'elle arriva à la bibliothèque. Elle n'eut pas le temps de commencer ses recherches que le réveil dans le monde réel se fit sentir et c'est donc avec résignation qu'elle retourna à la chambre.
La journée fut longue et difficile et elle avait hâte d'en voir la fin. Vraiment, ça n'allait plus dans sa vie. Son travail, autrefois si passionnant, ne l'intéressait même plus. Tout le monde l'agaçait et elle n'avait qu'une envie : rentrer chez elle pour dormir et peut-être refaire cet étrange mais si délicieux rêve.
Cette nuit-là, elle continua de parcourir la bibliothèque mais elle ne trouva rien et résolut donc d'espionner les personnes qu'elle croiserait pour en savoir plus. Dans une maison, les domestiques connaissent toutes les rumeurs, elle apprendrait mieux par leur intermédiaire. Cathie mit donc son plan à exécution, se faisant le plus discrète possible mais on aurait dit qu'ils la sentaient arriver et elle n'entendait jamais ce qui l'intéressait. Elle apprit donc à se faire plus discrète et, une nuit qu'elle se baladait dans un couloir sombre, elle entendit deux femmes de chambre discuter à voix basse.
« Sais-tu, Annie, que le seigneur Andreas d'Alleuze est sur le point d'arriver au château ? .dit la première.
Non, mais comment cela se peut-il ? Notre maître n'aurait surement pas averti ce cruel seigneur que sa fille est rétablie.
Surement pas, mais peut-être un espion à la solde de cet ignoble individu se trouve-t-il dans nos murs... Il va falloir ouvrir l'œil ma bonne Annie, et le bon !
Eh oui, ma pauvre Jeannette. Les temps sont durs... Je n'ose pas imaginer ce qui nous arrivera si la jeune dame refuse encore de se soumettre à la volonté du seigneur. J'en frissonne d'horreur !
Surtout après l'humiliation publique qu'elle lui a fait subir la dernière fois. Quand je la revois, je me dis qu'elle est infiniment plus courageuse que nous tous ici. Elle ne mérite pas son sort.
Oui, mais qu'y pouvons-nous !? Allons, viens, il nous reste à finir nos corvées et ce n'est pas en parlant qu'elles avanceront.
Tu as raison. De plus, les murs risquent d'avoir des oreilles. »
Après le départ des deux femmes, Cathie resta dans le couloir encore plusieurs heures afin d'assimiler toutes ces informations. Il y avait d'abord la chambre pleine de richesses qui indiquaient qu'elle appartenait à une couche aisée de la population, la réaction des serviteurs à son approche ( qui la regardaient comme si elle était un fantôme) et les discussions qu'elle avait surprises. Ces informations l'amenèrent à penser qu'il s'agissait d'elle, la jeune dame ( ce rêve se déroulait un peu comme une enquête, elle était l'inspectrice et en même temps, la suspecte ).
Une nouvelle fois, elle se réveilla dans son monde, son cher monde à elle. Ce devait être la première fois depuis qu'elle avait commencé à rêver d'une seconde vie qu'elle était heureuse de retourner chez elle, dans sa chambre. Aller dans sa cuisine pour préparer son café et ensuite, observer le monde moderne au dehors par sa fenêtre, dans son salon, lui semblait vraiment réconfortant. Elle pensa alors que cela devenait lassant de rêver toujours la même chose, en plus, ce rêve commençait dangereusement à prendre le pas sur sa réalité. Cathie alla donc travailler, ce jour-là, comme tous les autres, mais avec la décision de commencer une nouvelle histoire. Cela fut assez simple tout compte fait et elle retomba alors dans la routine quotidienne. Les mois passèrent durant lesquels elle se trouva un petit ami et changea de métier (l'ancien était devenu vraiment inintéressant). Elle était heureuse, comme jamais elle ne l'avait été auparavant et elle s'épanouissait comme une fleur au soleil dans son nouveau travail : elle était passée de secrétaire dans un bureau de comptable à journaliste spécialisée dans l'économie. C'est d'ailleurs à la bourse de New York, où son patron l'avait dépêchée, qu'elle y rencontrait Jim, un trader très très doué. Cette histoire qui partait pour n'être que passagère s'était finalement transformée en une relation très sérieuse et le couple avait fini par emménager ensemble. Tout allait bien donc, parfaitement même. Seulement, comme dans la plupart des jeunes couples, il arrive un temps où l'on se lasse et ce temps était arrivé. Jim devenait distant et travaillait de plus en plus tard le soir. Il rentrait fatigué et de mauvaise humeur, était blessant et ne cessait de la critiquer. Elle en avait parlé à une amie qui l'avait mise en garde. Elle avait donc commencé à l'épier et à se méfier mais il avait fallut qu'elle rentre de voyage une journée plus tôt que prévu pour le surprendre en pleine tromperie. Heureusement, elle avait gardé son propre appartement et elle fit donc sa valise sur le champ, rompant dans le même temps. Après cela, elle ne lui adressa plus jamais la parole, ne répondit pas à ses appels et effaça tous les messages qu'il lui envoyait sans même les lire. Elle décida alors que ce monde-là n'avait plus rien à lui offrir.
Un soir particulièrement triste, le décor se brouilla et s'effaça. Elle était de retour dans cette chambre qu'elle connaissait si bien. Seulement, cette fois, la pièce n'était pas vide lorsqu'elle ouvrit les yeux. Elle distingua d'abord de vagues silhouettes, puis, plus distinctement, des hommes vêtus de robes marron en tissu grossier ( on aurait dit des sacs à patates) et sur la tête desquels était posé un chapeau marron pointu. C'était si grotesque qu'elle en aurait ri s'ils n'avaient pas été en train de pratiquer des saignées sur ses bras. En voyant qu'elle était réveillée, les hommes étranges cessèrent toute activité et commencèrent à s'agiter et à crier que « Dame Catherine s'est réveillée ! » avant de se congratuler entre eux pour la réussite de l'opération. C'étaient vraiment un tableau comique que ses hommes ridicules faisant preuve de tant de vantardise. Tout à coup, ils se turent et s'écartèrent du lit, laissant le passage à un homme plutôt vieux. Il était petit et assez trapu avec une légère calvitie et un bouc pointu. Ses cheveux et sa barbe étaient gris foncé et on voyait encore ici et là des cheveux bruns. Cathie supposa qu'il se trouvait élégant et qu'il était très conscient de son importance car il s'avançait d'une démarche lente, la tête haute, et qu'il était revêtu de nombreux vêtements en tissus couteux, soie, velours et brocart sans doute, sans parler du nombre incroyable de bijoux dont il était couvert : il étincelait, tout simplement. Il congédia les médecins ( ces hommes ridicules et vantards ) et lorsqu'il fut seul, il s'assit sur le lit, à côté de Cathie. Il lui prit la main et lui demanda doucement comment elle se sentait.
« Bien, merci. J'ai juste un peu mal aux bras, répondit-elle, c'était un rêve alors autant jouer le jeu.
Ces médecins sont des incapables, fiers comme des jeunes coqs. Je les ferai renvoyer. As-tu faim ?
Non, pas vraiment. Je me sens plutôt nauséeuse mais je suis sure que ça va passer.
J'étais si inquiet, ma fille, mais me voilà rassuré à présent. Je vais te laisser te reposer maintenant.
Cathie se retint de sourire, ce rêve paraissait toujours aussi réel et ce personnage de père était vraiment réaliste.
Il partit donc et elle passa le reste de la journée seule à réfléchir. Le soir, elle laissa une femme de chambre lui passer une robe de nuit et la coucher. Les minutes, les heures passaient et elle ne retournait toujours pas dans son monde. Le lendemain matin la trouva dans la chambre. Elle n'était pas repartie et commençait à angoisser. Plusieurs jours passèrent et l'inquiétude augmentait. Au bout d'une semaine, il devint évident qu'elle ne repartirait plus. Elle était coincée dans cette époque lugubre ! Son père et, comme elle l'avait ensuite appris, le seigneur du château, ne revint la visiter qu'une dizaine de jours après sa première visite. C'est là qu'elle appris que son mariage était proche, cela la fit paniquer. Surtout lorsqu'elle appris qui était son futur mari par l'intermédiaire de la femme de chambre avec qui elle avait réussi à parler et qui la tenait au courant de tous les commérages du château. Il s'agissait d'Andréas d'Alleuze, un seigneur cruel qui tenait ses fiefs par la terreur. Quiconque lui désobéissait était passible de mort.
Les mois passèrent et le jour du mariage approchait, Cathie angoissait. Et enfin, il arriva. Toute la matinée fut consacrée à son habillage, au maquillage et à toutes les autres préparations nécessaires. On la revêtit d'une longue robe blanche bordée de fils d'or et d'argent pourvue d'une longue traîne de dentelle. Ses cheveux furent tressés de rubans et noués ensuite en un chignon compliqué, tenant grâce à des barrettes de perles. Elle eut droit à des gants et son père lui déposa un diadème incrusté de diamants sur la tête avant de l'embrasser sur le front. Il était évident qu'il était fier d'elle, et beaucoup de lui aussi, surtout lorsqu'il la mena jusqu'à l'autel où elle découvrit le visage de celui dont elle devrait partager la vie. Il était laid, très très laid, extrêmement laid : petit, avec un visage de fouine grêlé par une quelconque maladie, des yeux enfoncés dans leur orbite et un nez tordu. Il était gros et inspirait le dégout. Cathie ne put s'empêcher de frissonner lorsqu'il se mit à la dévorer de son regard avide. Elle reporta alors son regard sur ce qui l'entourait.
Il y avait plus d'une centaine d'invités ainsi que les gens des villages alentours massés dans cette immense chapelle de style gothique de dimensions extraordinaires. Elle était toute décorée de fresques et de dorures, partout où se portait le regard il y avait des angelots ou des figures de saints. Les vitraux étaient sublimes et très colorés, ils représentaient les différentes étapes de la passion du christ. Elle s'intéressa ensuite au fond de l'église, en commençant par l'autel recouvert d'une nappe blanche sur lequel trônait un calice en or. Le sol était dallé et le mur du fond était entièrement peint, on y avait placé une immense croix de bois sur laquelle était clouée une représentation de Jésus- Christ. Cathie se dit alors que le pauvre n'en aurait jamais finit de mourir sur cette croix et cette pensée la fit sourire. Elle allait s'enfoncer encore plus dans ses pensées lorsqu'elle vit son père approcher de l'autel pour prononcer un discours.
« Nous sommes aujourd'hui réunis tous ensembles, pauvres et riches, pour célébrer le mariage de ma très chère fille avec un ami tout aussi cher, le seigneur Andreas d'Alleuze. C'est un jour béni parmi tous les autres car il annonce aussi la fin de la maladie qui, durant de nombreux mois, a tenu ma fille éloignée du monde réel. Je vous souhaite une longue et heureuse vie mes enfants, soyez bénis. »
Les invités applaudirent bien fort tandis que le père approchait de la fille pour lui glisser quelques mots à l'oreille en chuchotant :
« Ne me trahis pas ma fille, ne laisse pas ta folie reprendre le dessus. Aux yeux de tous, tu avais attrapé la petite vérole, mentir était le seul moyen de te trouver un mari.
Quoi ? Je ne comprend pas. Que m'est-il arrivé ?
Pendant de longs mois, ma fille, j'ai craint pour ta vie. Tu parlais à des êtres qui n'étaient pas là et j'ai dû te faire enfermer pour cacher aux yeux du monde ce qui t'arrivait et nous éviter ainsi la honte. Heureusement, cette époque est finie et ta raison est revenue. Tu blasphémais ma fille, tu parlais seule de choses qui n'existent pas et qui sont un blasphème à elles seules. Tout ce qui s'est passé durant ces 11 derniers mois n'existe pas, sommes-nous d'accord ?
Ou... Oui, bredouilla-t-elle.
Bien, très bien. Je t'aime Catherine, tu es mon seul enfant et je te souhaite d'être heureuse le restant de tes jours. »
De nouveau seule, Cathie sentit un gouffre s'ouvrir dans sa poitrine tandis que tout son monde tombait en poussière, tout ce en quoi elle avait cru, tout ce qu'elle savait n'était qu'illusion. Alors, le mariage commença.
- doublecasquetteEnchanteur
Y'a de quoi sombrer dans la parano !!
Ou t'as une classe de purs génies ou ce sont tous des tricheurs !
Faut trouver une parade !
Ou t'as une classe de purs génies ou ce sont tous des tricheurs !
Faut trouver une parade !
- doublecasquetteEnchanteur
myfarenier a écrit:Je deviens parano... Ce texte vous dit-il quelque chose ?
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Le vent, tiède et endormi, .../.
Il y avait plus d'une centaine d'invités ainsi que les gens des villages alentours massés dans cette immense chapelle de style gothique de dimensions extraordinaires. Elle était toute décorée de fresques et de dorures, partout où se portait le regard il y avait des angelots ou des figures de saints. Les vitraux étaient sublimes et très colorés, ils représentaient les différentes étapes de la passion du christ.
...: Alors, le mariage commença.
Faut déjà demander à l'auteur:
1) qu'entends-tu par style gothique ?
2) Quelles sont les étapes de la Passion du Christ ?
- papillonbleuEsprit éclairé
La trame de l'histoire est d'elle (je me souviens de son premier jet), mais elle a dû piquer des éléments de description dans ses lectures et en farcir son texte.
Il y a aussi ce texte, écrit par ma meilleure élève : là, j'ai moins de doute, mais qui sait ?
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Personne ne saura jamais comment il aurait fallu raconter cette histoire. Clara avait beau essayer de se souvenir, encore et encore dans un petit coin de sa tête, elle-même était incapable de se rappeler des années précédentes dans leur intégralité. Elle seule savait toute la vérité. Et elle était persuadée qu’elle ne la raconterait jamais. Trop douloureux. Trop de souvenirs. Trop d’années. Elle poussa la porte de l’appartement et y entra en laissant négligemment choir les sacs de courses. Après s’être affalée sur le canapé du salon, elle alluma la télévision et la regarda sans la voir. Elle ne tenait pas en place aujourd’hui.
Clara laissa la télévision allumée et descendit à la cave. Elle faisait cela souvent ces derniers temps. La cave se situait dans le parking. Elle détestait l’odeur qui y régnait et qui lui rappelait l’immense cave à vins si bien ordonnée de son père. Son père... voilà, il fallait qu’elle se rende à l’évidence, il ne serait plus jamais là, derrière son bureau à la regarder par-dessus ses petites lunettes.
Elle appuya sur l’interrupteur et jeta un coup d’œil dans le vieux miroir. De longs cheveux blonds encadraient son visage et ses yeux bleus cernés de noir la regardaient d’un air morne. Enfin, peut-être moins morne que d’habitude. Son regard s’attarda sur la cicatrice qui entaillait sa joue. Oh, bien sûr, elle en avait d’autres, des cicatrices, et bien pires ! Mais les autres étaient dans son dos et se cachaient facilement. Elle se trouvait bien frêle, du haut de ses 18 ans. Frêle et sensible, avec ses ongles rongés, et son foie, lui aussi rongé, mais par l’alcool. Tout l’alcool qu’elle avait pu boire pour oublier. Mais son père avait bel et bien succombé. Elle était seule. Pour la première fois de sa vie.
Elle resta longtemps comme ça, à tourner et retourner ce mot dans ça tête, comme on examine un objet inconnu, jusqu’à ce qu’il nous devienne familier. Seule.
Voilà, elle était prête. Elle avança lentement la main et ouvrit la grande armoire en bois. Une odeur de moisissure humide envahit la pièce. Comme après une tempête de neige, un lourd silence était tombé dans la pièce, seulement interrompu par le grésillement de l’ampoule qui pendouillait tristement au plafond, retenue par quelques câbles décharnés. Était-elle vraiment prête à remuer tous ces souvenirs ? Peut-être pas mais il le fallait. Elle devait tourner cette page lourde et douloureuse.
Clara ouvrit une première boîte poussiéreuse : photos et lettres s’y entassaient pêle-mêle, et elle devait tout trier. Elle commença par une carte postale de Cannes... La dernière trace qu’elle avait de l’existence de sa mère... Et ce n’était pas l’objet le plus douloureux que contenait cette boîte.
Ma petite chérie,
Elle se souvint de la colère de son père le jour où elle avait découvert cette carte...
Où que je sois, je continuerais toujours à t’aimer
Elle n’avait d’ailleurs pas tout de suite compris pourquoi.
Ici, le soleil brille, mais sache que, même au-delà de tout ceci, lorsque le noir aura envahi ma vie, tu seras toujours la plus belle lumière à mes yeux pour avoir éclairé momentanément ma vie.
Elle n’avait que huit ans à l’époque... suivait une phrase qui à première vue n’avait aucun sens.
Fais bien attention à toi, obéis à ce que dira Papa, mais ce que je veux, c’est que tu saches, j’aurais dû te le dire moi-même, il y a dû chemin pour sortir de l’abîme.
Clara n’y avait absolument rien compris pendant des années.
Je m’endors et emporte ton visage comme dernier souvenir, pour rendre moins froides les eaux noires dans lesquelles je sombre.
Ici, des traces de larmes, celles de sa mère et les siennes avaient fait couler l’encre, de sorte qu’on distinguait à peine la signature :
Maman
Un jour, âgée de treize ans, Clara avait remarqué un accent circonflexe qui n’aurait pas dû se trouver là. Alors, l’idée lui était venue que cette phrase avait peut-être un sens caché. A quatorze ans, elle avait enfin compris. A temps. Il suffisait d’enlever des mots et ces mots prenaient un sens : Fais attention à Papa, c’est ce que j’aurais dû moi-même faire.
Les cicatrices dans son dos la picotèrent. Non, elle n’était pas seule, pas vraiment... Sa mère était toujours quelque part, dans le monde : elle avait tué son père, lacéré de cicatrices le dos d’une petite Clara d’à peine huit ans, et fait croire à sa propre mort pour ne pas être soupçonnée.
Il y a aussi ce texte, écrit par ma meilleure élève : là, j'ai moins de doute, mais qui sait ?
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Personne ne saura jamais comment il aurait fallu raconter cette histoire. Clara avait beau essayer de se souvenir, encore et encore dans un petit coin de sa tête, elle-même était incapable de se rappeler des années précédentes dans leur intégralité. Elle seule savait toute la vérité. Et elle était persuadée qu’elle ne la raconterait jamais. Trop douloureux. Trop de souvenirs. Trop d’années. Elle poussa la porte de l’appartement et y entra en laissant négligemment choir les sacs de courses. Après s’être affalée sur le canapé du salon, elle alluma la télévision et la regarda sans la voir. Elle ne tenait pas en place aujourd’hui.
Clara laissa la télévision allumée et descendit à la cave. Elle faisait cela souvent ces derniers temps. La cave se situait dans le parking. Elle détestait l’odeur qui y régnait et qui lui rappelait l’immense cave à vins si bien ordonnée de son père. Son père... voilà, il fallait qu’elle se rende à l’évidence, il ne serait plus jamais là, derrière son bureau à la regarder par-dessus ses petites lunettes.
Elle appuya sur l’interrupteur et jeta un coup d’œil dans le vieux miroir. De longs cheveux blonds encadraient son visage et ses yeux bleus cernés de noir la regardaient d’un air morne. Enfin, peut-être moins morne que d’habitude. Son regard s’attarda sur la cicatrice qui entaillait sa joue. Oh, bien sûr, elle en avait d’autres, des cicatrices, et bien pires ! Mais les autres étaient dans son dos et se cachaient facilement. Elle se trouvait bien frêle, du haut de ses 18 ans. Frêle et sensible, avec ses ongles rongés, et son foie, lui aussi rongé, mais par l’alcool. Tout l’alcool qu’elle avait pu boire pour oublier. Mais son père avait bel et bien succombé. Elle était seule. Pour la première fois de sa vie.
Elle resta longtemps comme ça, à tourner et retourner ce mot dans ça tête, comme on examine un objet inconnu, jusqu’à ce qu’il nous devienne familier. Seule.
Voilà, elle était prête. Elle avança lentement la main et ouvrit la grande armoire en bois. Une odeur de moisissure humide envahit la pièce. Comme après une tempête de neige, un lourd silence était tombé dans la pièce, seulement interrompu par le grésillement de l’ampoule qui pendouillait tristement au plafond, retenue par quelques câbles décharnés. Était-elle vraiment prête à remuer tous ces souvenirs ? Peut-être pas mais il le fallait. Elle devait tourner cette page lourde et douloureuse.
Clara ouvrit une première boîte poussiéreuse : photos et lettres s’y entassaient pêle-mêle, et elle devait tout trier. Elle commença par une carte postale de Cannes... La dernière trace qu’elle avait de l’existence de sa mère... Et ce n’était pas l’objet le plus douloureux que contenait cette boîte.
Ma petite chérie,
Elle se souvint de la colère de son père le jour où elle avait découvert cette carte...
Où que je sois, je continuerais toujours à t’aimer
Elle n’avait d’ailleurs pas tout de suite compris pourquoi.
Ici, le soleil brille, mais sache que, même au-delà de tout ceci, lorsque le noir aura envahi ma vie, tu seras toujours la plus belle lumière à mes yeux pour avoir éclairé momentanément ma vie.
Elle n’avait que huit ans à l’époque... suivait une phrase qui à première vue n’avait aucun sens.
Fais bien attention à toi, obéis à ce que dira Papa, mais ce que je veux, c’est que tu saches, j’aurais dû te le dire moi-même, il y a dû chemin pour sortir de l’abîme.
Clara n’y avait absolument rien compris pendant des années.
Je m’endors et emporte ton visage comme dernier souvenir, pour rendre moins froides les eaux noires dans lesquelles je sombre.
Ici, des traces de larmes, celles de sa mère et les siennes avaient fait couler l’encre, de sorte qu’on distinguait à peine la signature :
Maman
Un jour, âgée de treize ans, Clara avait remarqué un accent circonflexe qui n’aurait pas dû se trouver là. Alors, l’idée lui était venue que cette phrase avait peut-être un sens caché. A quatorze ans, elle avait enfin compris. A temps. Il suffisait d’enlever des mots et ces mots prenaient un sens : Fais attention à Papa, c’est ce que j’aurais dû moi-même faire.
Les cicatrices dans son dos la picotèrent. Non, elle n’était pas seule, pas vraiment... Sa mère était toujours quelque part, dans le monde : elle avait tué son père, lacéré de cicatrices le dos d’une petite Clara d’à peine huit ans, et fait croire à sa propre mort pour ne pas être soupçonnée.
- charlottofraiseNiveau 10
C'est la chute d'une blague soviétique. Il est tout à fait possible qu'elle ait une variante arménienne, de même qu'il existe cette variante française :myfarenier a écrit:Post-scriptum : Nous trouvons vraiment de tous, ici, sauf de l’encre rouge. »
À la gare de l'Est, deux ouvriers discutent. L'un part s'établir en Union Soviétique, l'autre est venu l'accompagner. En attendant le départ du train, celui qui s'en va tente de convaincre son copain de venir le rejoindre dans la patrie du socialisme, mais son ami, visiblement hésitant, lui dit :
— Écris-moi, dis-moi comment c'est. Si c'est bien, je viens te rejoindre. Mais, ajoute-t-il après un instant de réflexion, on va convenir d'un code. Suppose que tu ne puisses pas m'écrire librement, eh bien, tu m'écris à l'encre rouge, comme ça je me méfierai.
Six mois plus tard, il reçoit une lettre d'Union Soviétique. C'est une lettre de son ami, écrite à l'encre bleue. Il y décrit la Russie en termes paradisiaques : tout est superbe et surtout tout y est fait pour le travailleur. Enthousiasmé, prêt à faire ses valises, il retourne la lettre et son attention est alors attirée par un post-scriptum qu'il n'avait pas remarqué :
P.S. : II n'y a qu'une chose qui manque à mon bonheur : de l'encre rouge.
- ysabelDevin
Dis voir, tu as un classe de génies, veinarde !
S'il y a bien un chose à ne jamais faire en DM c'est bien ce type d'exercice...
S'il y a bien un chose à ne jamais faire en DM c'est bien ce type d'exercice...
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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante
« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
- AnguaGrand sage
L'histoire de la mariée me dit vraiment quelque chose, mais impossible de mettre le doigt dessus...
- VioletEmpereur
Et moi qui me disais justement que les devoirs d'invention étaient les seuls devoirs où on ne pouvait tricher... parce que les commentaires et les disserts sont sur le net...
On ne peut pas tout faire faire en classe : on ferait cours quand ?
On ne peut pas tout faire faire en classe : on ferait cours quand ?
- papillonbleuEsprit éclairé
Ca été commencé en module, comme je l'ai dit. Mais les élèves ont terminé le travail à la maison. Et c'est là que ça se corse.S'il y a bien un chose à ne jamais faire en DM c'est bien ce type d'exercice...
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