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ninon62
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La poésie et la perte d'un être aimé Empty La poésie et la perte d'un être aimé

par ninon62 Lun 2 Nov 2009 - 15:38
Bonjour à tous,

J'ai décidé de prendre la thématique de la perte de l'être aimé ( je ne compte pas restreindre le sujet à la mort de celui-ci ) pour l'objet d'étude "poésie". Or, je sèche un peu. J'ai bien quelques idées mais toutes ne me semblent pas réalisables avec ma classe de 1ère Adapt, très, très, très faible !
Ronsard, "Sur la mort de Marie" me semble exclu car sa syntaxe est plutôt complexe et risque de les rebuter d'emblée.
Je pensais à Hugo ( "Demain dès l'aube" ) évidemment, à Baudelaire ( " A une passante " ).
En lecture complémentaire, j'ai pensé au " Voyage en train " de Grand corps malade mais cela me paraît un peu hors-sujet car il évoque, selon moi, plutôt les relations amoureuses en général suite à une déception sentimentale.

Qu'en pensez-vous ?

Merci d'avance !
DH
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Monarque

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par DH Lun 2 Nov 2009 - 15:43
si je peux me permettre...' j'espère que tes élèves ont encore leurs deux parents en vie ou leur(s) frère(s) et soeur(s). J'avais fait Le livre de ma mère une année et, pas de bol, ça a bien enfoncé une élvèe dont la mère était morte l'année d'avant....
pas tapé en me disant que la littérature et bla bla bla

je tenais juste à dire que, voilà, ça peut être très dur....
Eole
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par Eole Lun 2 Nov 2009 - 15:44
J'aime bien le texte de GCM, je le fais avec mes 3è.

Je fais aussi le texte de ronsard :
Comme on voit sur la branche au mois de Mai la rose
En sa belle jeunesse, en sa première fleur
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose :

La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur :
Mais battue ou de pluie, ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt feuille à feuille déclose :

Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.

Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif, et mort, ton corps ne soit que roses.

Pierre de Ronsard

C'est vrai qu'il est un peu diffcile, mais je le vois surtout en comparaison avec celui d'Eluard :
Vingt-huit novembre mil neuf cent quarante-six
Nous ne vieillirons pas ensemble
Voici le jour
en trop : le temps déborde
Mon amour si léger prend le poids d'un supplice

Paul Eluard.
Pour montrer la différence dans l'expression lyrique, alors que le thème est identique.
cannelle21
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Grand Maître

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par cannelle21 Lun 2 Nov 2009 - 15:48
J'adore le texte de Marceline desbordes Valmore: Les séparés.
En plus s'ils sont faibles tu peux passer la version chantée:

Les séparés (N'écris pas...)



N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !

N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !

N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !

N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur.
N'écris pas !
ninon62
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par ninon62 Lun 2 Nov 2009 - 15:51
Oui j'y ai songé. C'est aussi pour cela que j'ai élargi à la "perte" et pas seulement à la mort. J'ai vérifié et tous ont encore leurs parents. Pour le reste, je n'en sais rien.
Mais j'avoue que ce sujet n'est pas des plus gais...
Artémis
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Habitué du forum

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par Artémis Lun 2 Nov 2009 - 16:00
C'est vrai que je serais moi-même déprimée si je devais traiter un tel sujet ! Mais je dois être une grande sensible... Je préfère parler de poésie amoureuse et de coups de foudre avec les 1ères techno faibles ; ça les touche toujours (ils croient ensuite être de grands poètes !).
cannelle21
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Grand Maître

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par cannelle21 Lun 2 Nov 2009 - 16:02
J'ai pensé à un autre poème cette fois de Queneau où le poème est assimilé à un être désiré (il sera sans doute hors sujet pour toi...). Je le fais généralement en fin de séquence poésie ou l'utilise lorsque je lance mes brigades d'intervention poétique.

Bon Dieu de bon Dieu que j'ai envie d'écrire un petit poème
Tiens en voilà justement un qui passe
Petit petit petit
viens ici que je t'enfile
sur le fil du collier de mes autres poèmes
viens ici que je t'entube
dans le comprimé de mes oeuvres complètes
viens ici que je t'enpapouète
et que je t'enrime
et que je t'enrythme
et que je t'enlyre
et que je t'enpégase
et que je t'enverse
et que je t'enprose
la vache
il a foutu le camp.
ninon62
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par ninon62 Lun 2 Nov 2009 - 16:02
Je prends bonne note de toutes vos idées. Le texte de Marceline Desbordes Valmore est plutôt intéressant.
Connaissez-vous par hasard un manuel qui traite de ce thème et dont je pourrais également m'inspirer ? Je débute et je n'en ai pas encore énormément en réserve.

Merci !
ninon62
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par ninon62 Lun 2 Nov 2009 - 16:05
Oui effectivement Cannelle21 ce poème ne rentre pas vraiment dans mon thème. Mais je le garde en réserve pour une autre séquence !
cannelle21
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par cannelle21 Lun 2 Nov 2009 - 16:10
Comme je suis en train de m'écouter l'intégrale de Brel, j'ai aussi pensé à Ne me quitte pas, de Brel, un petit bijou tout à fait accessible.
nuages
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par nuages Lun 2 Nov 2009 - 16:12
Pour Baudelaire je ne vois pas trop "à une passante" sur la perte de l'être aimé mais plutôt "la servante au grand coeur" .
Sur la mort de la femme aimée tu as les magnifiques poèmes d'Eluard du recueil Le Temps déborde: je te conseille surtout " Ma morte vivante" qui est très accessible (pas d'images surréalistes comme dans " Notre Vie")
J'ai fait un groupement de textes sur "la mort d'un être cher" en faisant ressortir l'amour éternel, le souvenir inaltérable plutôt que la mort réelle et les élèves ont beaucoup aimé. Ce n'était pas du tout morbide. Je n'ai pas fait que des poèmes , j'ai introduit des descriptions poétiques en prose : la mort de la grand-mère de Proust , texte magnifique dans la Recherche et un extrait de l'autobiographie superbe de Marc Bernard La mort de la bien-aimée.
couette
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par couette Lun 2 Nov 2009 - 16:17
Malherbe, Stances à Duperrier
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par Invité24 Lun 2 Nov 2009 - 18:45
Eluard, sur la mort de Nush. (dans derniers poèmes d'amour)

edit: j'ajoute le texte. putain c'est sublime:

Vingt-huit novembre mil neuf cent quarante-six

Nous ne vieillirons pas ensemble

Voici le jour

En trop: le temps déborde.

Mon amour si léger prend le poids d'un supplice.


MA MORTE VIVANTE

Dans mon chagrin rien n'est en mouvement
J'attends personne ne viendra
Ni de jour ni de nuit
Ni jamais plus de ce qui fut moi-même
Mes yeux se sont séparés de tes yeux
Ils perdent leur confiance ils perdent leur lumière
Ma bouche s'est séparée de ta bouche
Ma bouche s'est séparée de ton plaisir
Et du sens de l'amour et du sens de la vie
Mes mains se sont séparées de tes mains
Mes mains laissent tout échapper
Mes pieds se sont séparés de tes pieds
Ils n'avanceront plus il n'y a plus de routes
Ils ne connaîtront plus mon poids ni le repos

Il m'est donné de voir ma vie finir
Avec la tienne
Ma vie en ton pouvoir
Que j'ai crue infinie

Et l'avenir mon seul espoir c'est mon tombeau
Pareil au tien cerné d'un monde indifférent

J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres.
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Invité24
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par Invité24 Lun 2 Nov 2009 - 18:51
et pitié, pas Grand corps malade, au milieu de toutes ces beautés!!!!!
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carlotta
Habitué du forum

La poésie et la perte d'un être aimé Empty Re: La poésie et la perte d'un être aimé

par carlotta Lun 2 Nov 2009 - 19:40
Sur la disparition de l'être (peut-être) aimé, il y a le poème d'antoine pol "les passantes", repris par Brassens et qui peut faire une lecture complémentaire à "A une passante".
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retraitée
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La poésie et la perte d'un être aimé Empty Re: La poésie et la perte d'un être aimé

par retraitée Jeu 19 Nov 2009 - 15:08
FRONT

Paul Eluard

Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin
Ciel dont j'ai dépassé la nuit
Plaines toutes petites dans mes mains ouvertes
Dans leur double horizon inerte indifférent
Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin
Je te cherche par-delà l'attente
Par-delà moi-même
Et je ne sais plus tant je t'aime
Lequel de nous deux est absent.
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retraitée
Doyen

La poésie et la perte d'un être aimé Empty Re: La poésie et la perte d'un être aimé

par retraitée Jeu 19 Nov 2009 - 15:11
Je l'ai copié/collé, mais il y avait des erreurs. Le poème figure dans le recueil La Grande Gaieté
Louis Aragon: Poème à crier dans les ruines

Tous deux crachons tous deux
Sur ce que nous avons aimé
Sur ce que nous avons aimé tous deux
Si tu veux car ceci tous deux
Est bien un air de valse et j'imagine
Ce qui passe entre nous de sombre et d'inégalable
Comme un dialogue de miroirs abandonnés
A la consigne quelque part Foligno peut-être
Ou l'Auvergne la Bourboule
Certains noms sont chargés d'un tonnerre lointain
Veux-tu crachons tous deux sur ces pays immenses
Où se promènent de petites automobiles de louage
Veux-tu car il faut que quelque chose encore
Quelque chose
Nous réunisse veux-tu crachons
Tous deux c'est une valse
Une espèce de sanglot commode
Crachons crachons de petites automobiles
Crachons c'est la consigne
Une valse de miroirs
Un dialogue nulle part
Ecoute ces pays immenses où le vent
Pleure sur ce que nous avons aimé
L'un d'eux est un cheval qui s'accoude à la terre
L'autre un mort agitant un linge l'autre
La trace de tes pas Je me souviens d'un village désert
A l'épaule d'une montagne brûlée
Je me souviens de ton épaule
Je me souviens de ton coude
Je me souviens de ton linge
Je me souviens de tes pas
Je me souviens d'une ville où il n'y a pas de cheval
Je me souviens de ton regard qui a brûlé
Mon coeur désert un mort Mazeppa qu'un cheval
Emporte devant moi comme ce jour dans la montagne
L'ivresse précipitait ma course à travers les chênes martyrs
Qui saignaient prophétiquement tandis
Que le jour faiblissait sur des camions bleus
Je me souviens de tant de choses
De tant de soirs
De tant de chambres
De tant de marches
De tant de colères
De tant de haltes dans des lieux nuls
Où s'éveillait pourtant l'esprit du mystère pareil
Au cri d'un enfant aveugle dans une gare-frontière
Je me souviens

Je parle donc au passé Que l'on rie
Si le coeur vous en dit du son de mes paroles
Aima Fut Vint Caressa
Attendit Epia les escaliers qui craquèrent
0 violences violences je suis un homme hanté
Attendit attendit puits profonds
J'ai cru mourir d'attendre
Le silence taillait des crayons dans la rue
Ce taxi qui toussait s'en va crever ailleurs
Attendit attendit les voix étouffées
Devant la porte le langage des portes
Hoquet des maisons attendit
Les objets familiers prenaient à tour de rôle
Attendit l'aspect fantômatique Attendit
Des forçats évadés Attendit
Attendit Nom de Dieu
D'un bagne de lueurs et soudain
Non Stupide Non
Idiot
La chaussure a foulé la laine du tapis
Je rentre à peine
Aima aima aima mais tu ne peux pas savoir combien
Aima c'est au passé
Aima aima aima aima aima
0 violences

Ils en ont de bonnes ceux
Qui parlent de l'amour comme d'une histoire de cousine
Ah merde pour tout ce faux-semblant
Sais-tu quand cela devient vraiment une histoire
L'amour
Sais-tu
Quand toute respiration tourne à la tragédie
Quand les couleurs du jour sont ce que les fait un rire
Un air une ombre d'ombre un nom jeté
Que tout brûle et qu'on sait au fond
Que tout brûle
Et qu'on dit Que tout brûle
Et le ciel a le goût du sable dispersé
L'amour salauds l'amour pour vous
C'est d'arriver à coucher ensemble
D'arriver
Et après Ha ha tout l'amour est dans ce
Et après
Nous arrivons à parler de ce que c'est que de
Coucher ensemble pendant des années
Entendez-vous
Pendant des années
Pareilles à des voiles marines qui tombent
Sur le pont d'un navire chargé de pestiférés
Dans un film que j'ai vu récemment
Une à une
La rose blanche meurt comme la rose rouge
Qu'est-ce donc qui m'émeut à un pareil point
Dans ces derniers mots
Le mot dernier peut-être mot en qui
Tout est atroce atrocement irréparable
Et déchirant Mot panthère Mot électrique
Chaise
Le dernier mot d'amour imaginez-vous ça
Et le dernier baiser et la dernière
Nonchalance
Et le dernier sommeil Tiens c'est drôle
Je pensais simplement à la dernière nuit
Ah tout prend ce sens abominable
Je voulais dire les derniers instants
Les derniers adieux le dernier soupir
Le dernier regard
L'horreur l'horreur l'horreur
Pendant des années l'horreur
Crachons veux-tu bien
Sur ce que nous avons aimé ensemble
Crachons sur l'amour
Sur nos lits défaits
Sur notre silence et sur les mots balbutiés
Sur les étoiles fussent-elles
Tes yeux
Sur le soleil fût-il
Tes dents
Sur l'éternité fût-elle
Ta bouche
Et sur notre amour
Fût-il
TON amour
Crachons veux-tu bien



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