- SicretteNiveau 10
bonjour
dans le cadre de ma séquence sur la condition féminine comme objet de lutte, je viens de réaliser que je n' ai pas d'apologue. Or cette séquence est pour une classe de 1ere STG et je souhaite vraiment aborder l'argumentation indirecte. Je me creuse la tête depuis qqs jours mais rien ne vient.
Si vous avez une idée d'apologue sur les femmes...
Merci
dans le cadre de ma séquence sur la condition féminine comme objet de lutte, je viens de réaliser que je n' ai pas d'apologue. Or cette séquence est pour une classe de 1ere STG et je souhaite vraiment aborder l'argumentation indirecte. Je me creuse la tête depuis qqs jours mais rien ne vient.
Si vous avez une idée d'apologue sur les femmes...
Merci
- CelebornEsprit sacré
L'histoire de la sœur imaginaire de Shakespeare dans Une Chambre à soi de Woolf.
Texte : "Il était impossible à la jeune fille d'apprendre son art."
Laissez-moi imaginer, puisque les faits précis sont si difficiles à établir, ce qui serait arrivé si Shakespeare avait eu une sœur merveilleusement douée, appelée, mettons Judith. Shakespeare lui-même fréquentait vraisemblablement – sa mère était une héritière – une école où on lui enseignait le latin – Ovide, Virgile et Horace – et les éléments de la grammaire et de la logique. Nous savons tous que c'était un garçon déchaîné qui braconnait les lapins, tirait peut-être sur les cerfs et fut contraint d'épouser, plus tôt qu'il n'aurait fallu, une femme du voisinage qui lui donna un enfant plus vite qu'elle n'aurait dû. Cette aventure le contraignit à tenter sa chance à Londres. Il avait, semble-t-il, du goût pour le théâtre ; il commença sa carrière en tenant les chevaux devant l'entrée des artistes. Peu après il trouva du travail au théâtre, devint un acteur en vogue et vécut au centre de l'univers, rencontrant tout le monde, pratiquant son art sur les planches, exerçant son esprit dans les rues et trouvant même accès au palais de la reine. Pendant ce temps, sa sœur, si merveilleusement douée – nous sommes dans le domaine des suppositions –, restait à la maison. Elle avait, autant que son frère, le goût de l'aventure, était, comme lui, pleine d'imagination et brûlait du désir de voir le monde tel qu'il était. Mais on ne l'envoya pas étudier en classe. Elle n'eut pas l'occasion d'étudier la grammaire et la logique, moins encore celle de lire Horace ou Virgile. De temps à autre elle attrapait un livre, un des livres de son frère, peut-être, lisait quelques pages. Mais arrivaient alors ses parents qui lui disaient de raccommoder les chaussettes ou de surveiller le ragoût et de ne pas perdre son temps avec des livres et des papiers. Sans doute lui parlaient-ils sévèrement, mais avec beaucoup de bonté ; car c'étaient des gens pratiques, connaissant les conditions de vie d'une femme et aimant leur fille – qui était très vraisemblablement la prunelle des yeux de son père. Peut-être griffonnait-elle quelques pages en cachette dans le fruitier, mais elle avait bien soin, alors, de les cacher ou de les mettre au feu. Mais bientôt, cependant, avant même qu'elle eût atteint sa vingtième année, on la fiança au fils du négociant en laines du voisinage. Elle pleura, criant que le mariage lui faisait horreur, ce pourquoi son père la frappa durement. Puis il cessa de la gronder et la supplia de ne pas lui faire de tort et de ne pas le couvrir de honte dans cette histoire de mariage. Il allait, lui dit-il, lui offrir un collier de perles et un joli jupon : et, disant cela, il avait les larmes aux yeux. Comment pouvait-elle lui désobéir ? Comment pouvait-elle briser le cœur de son père ? Mais la puissance du génie de cette fille la poussait à la révolte. Elle fit un paquet de ce qu'elle possédait, se laissa glisser le long d'une corde, par une nuit d'été, et prit la route de Londres. Elle n'avait pas dix-sept ans. Les oiseaux qui chantaient dans la haie n'étaient pas plus harmonieux qu'elle. Elle avait l'imagination la plus vive, le même don que son frère pour la musique des mots. Comme lui, elle avait du goût pour le théâtre. Elle se tint devant l'entrée des artistes ; elle voulait, disait-elle, jouer. Les hommes se moquaient d'elle. Le directeur – un gros homme aux lèvres pendantes – éclata de rire. Il aboya quelque chose concernant les caniches qui dansent et les femmes qui jouent – aucune femme, lui déclara-t-il, ne saurait être actrice. Il fit allusion à ce que vous devinez. Il était impossible à la jeune fille d'apprendre son art. Pouvait-elle même se mettre en quête d'un dîner dans une taverne ou errer dans les rues à minuit ? Et pourtant elle était génialement douée pour la fiction et brûlait du désir de se repaître de la vie des hommes et des femmes, d'étudier leurs divers comportements. En fin de compte, car elle était très jeune et son visage ressemblait étrangement à celui de Shakespeare le poète – elle avait les mêmes yeux et les mêmes sourcils arqués –, en fin de compte, Nick Green, l'acteur-directeur, la prit en pitié ; elle se trouva enceinte de ce monsieur et – qui peut évaluer l'ardeur et la violence d'un cœur de poète quand ce cœur habite le corps d'une femme, est intimement lié à lui ? – se tua par une nuit d'hiver et repose à quelque croisement où les omnibus s'arrêtent à présent, devant l'Elephant and Castle.
Je crois que c'est, à peu de chose près, ainsi que l'histoire se serait déroulée si une femme au temps de Shakespeare avait eu le génie de Shakespeare.
Laissez-moi imaginer, puisque les faits précis sont si difficiles à établir, ce qui serait arrivé si Shakespeare avait eu une sœur merveilleusement douée, appelée, mettons Judith. Shakespeare lui-même fréquentait vraisemblablement – sa mère était une héritière – une école où on lui enseignait le latin – Ovide, Virgile et Horace – et les éléments de la grammaire et de la logique. Nous savons tous que c'était un garçon déchaîné qui braconnait les lapins, tirait peut-être sur les cerfs et fut contraint d'épouser, plus tôt qu'il n'aurait fallu, une femme du voisinage qui lui donna un enfant plus vite qu'elle n'aurait dû. Cette aventure le contraignit à tenter sa chance à Londres. Il avait, semble-t-il, du goût pour le théâtre ; il commença sa carrière en tenant les chevaux devant l'entrée des artistes. Peu après il trouva du travail au théâtre, devint un acteur en vogue et vécut au centre de l'univers, rencontrant tout le monde, pratiquant son art sur les planches, exerçant son esprit dans les rues et trouvant même accès au palais de la reine. Pendant ce temps, sa sœur, si merveilleusement douée – nous sommes dans le domaine des suppositions –, restait à la maison. Elle avait, autant que son frère, le goût de l'aventure, était, comme lui, pleine d'imagination et brûlait du désir de voir le monde tel qu'il était. Mais on ne l'envoya pas étudier en classe. Elle n'eut pas l'occasion d'étudier la grammaire et la logique, moins encore celle de lire Horace ou Virgile. De temps à autre elle attrapait un livre, un des livres de son frère, peut-être, lisait quelques pages. Mais arrivaient alors ses parents qui lui disaient de raccommoder les chaussettes ou de surveiller le ragoût et de ne pas perdre son temps avec des livres et des papiers. Sans doute lui parlaient-ils sévèrement, mais avec beaucoup de bonté ; car c'étaient des gens pratiques, connaissant les conditions de vie d'une femme et aimant leur fille – qui était très vraisemblablement la prunelle des yeux de son père. Peut-être griffonnait-elle quelques pages en cachette dans le fruitier, mais elle avait bien soin, alors, de les cacher ou de les mettre au feu. Mais bientôt, cependant, avant même qu'elle eût atteint sa vingtième année, on la fiança au fils du négociant en laines du voisinage. Elle pleura, criant que le mariage lui faisait horreur, ce pourquoi son père la frappa durement. Puis il cessa de la gronder et la supplia de ne pas lui faire de tort et de ne pas le couvrir de honte dans cette histoire de mariage. Il allait, lui dit-il, lui offrir un collier de perles et un joli jupon : et, disant cela, il avait les larmes aux yeux. Comment pouvait-elle lui désobéir ? Comment pouvait-elle briser le cœur de son père ? Mais la puissance du génie de cette fille la poussait à la révolte. Elle fit un paquet de ce qu'elle possédait, se laissa glisser le long d'une corde, par une nuit d'été, et prit la route de Londres. Elle n'avait pas dix-sept ans. Les oiseaux qui chantaient dans la haie n'étaient pas plus harmonieux qu'elle. Elle avait l'imagination la plus vive, le même don que son frère pour la musique des mots. Comme lui, elle avait du goût pour le théâtre. Elle se tint devant l'entrée des artistes ; elle voulait, disait-elle, jouer. Les hommes se moquaient d'elle. Le directeur – un gros homme aux lèvres pendantes – éclata de rire. Il aboya quelque chose concernant les caniches qui dansent et les femmes qui jouent – aucune femme, lui déclara-t-il, ne saurait être actrice. Il fit allusion à ce que vous devinez. Il était impossible à la jeune fille d'apprendre son art. Pouvait-elle même se mettre en quête d'un dîner dans une taverne ou errer dans les rues à minuit ? Et pourtant elle était génialement douée pour la fiction et brûlait du désir de se repaître de la vie des hommes et des femmes, d'étudier leurs divers comportements. En fin de compte, car elle était très jeune et son visage ressemblait étrangement à celui de Shakespeare le poète – elle avait les mêmes yeux et les mêmes sourcils arqués –, en fin de compte, Nick Green, l'acteur-directeur, la prit en pitié ; elle se trouva enceinte de ce monsieur et – qui peut évaluer l'ardeur et la violence d'un cœur de poète quand ce cœur habite le corps d'une femme, est intimement lié à lui ? – se tua par une nuit d'hiver et repose à quelque croisement où les omnibus s'arrêtent à présent, devant l'Elephant and Castle.
Je crois que c'est, à peu de chose près, ainsi que l'histoire se serait déroulée si une femme au temps de Shakespeare avait eu le génie de Shakespeare.
Virginia Woolf, Une Chambre à soi (1929)
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"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
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- AurelienNiveau 4
La fille de La Fontaine qui va de concert avec le Héron
Sinon le petit chaperon rouge
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- AbraxasDoyen
Ovide, Métamorphoses, 3, 316-338
Dumque ea per terras fatali lege geruntur
tutaque bis geniti sunt incunabula Bacchi,
forte Iouem memorant diffusum nectare curas
seposuisse graues uacuaque agitasse remissos
Tandis que sur terre se déroulent les arrêts du destin,
tandis que Bacchus, né deux fois, repose en sécurité dans son berceau,
Jupiter, rappelle la tradition, avait oublié sous l'effet du nectar
ses lourds soucis et avait repris avec Junon apaisée des propos enjoués.
3, 320
cum Iunone iocos et : « maior uestra profecto est,
quam quae contingit maribus » dixisse « uoluptas ».
Illa negat. Placuit quae sit sententia docti
quaerere Tiresiae : Venus huic erat utraque nota.
Nam duo magnorum uiridi coeuntia silua
Il lui avait dit : « Assurément, la volupté que vous éprouvez
est plus grande que celle qui échoit au sexe masculin ».
Elle n'est pas de cet avis. Ils décidèrent de demander l'avis
du sage Tirésias, qui avait connu les plaisirs des deux Vénus.
En effet dans une forêt verdoyante, il avait frappé
3, 325
corpora serpentum baculi uiolauerat ictu
deque uiro factus (mirabile) femina septem
egerat autumnos ; octauo rursus eosdem
uidit, et : « Est uestrae si tanta potentia plagae »
dixit, « ut auctoris sortem in contraria mutet,
d'un coup de bâton les corps accouplés de deux longs serpents,
et, d'homme qu'il était, (fait étonnant !) il était devenu femme
pour une durée de sept automnes ; la huitième année, il revit
les mêmes serpents et dit : « Si le coup que vous avez reçu
est si puissant qu'il peut changer totalement le destin de son auteur,
3, 330
nunc quoque uos feriam. » Percussis anguibus isdem
forma prior rediit, genetiuaque uenit imago.
Arbiter hic igitur sumptus de lite iocosa
dicta Iouis firmat : grauius Saturnia iusto
nec pro materia fertur doluisse suique
cette fois encore je vous frapperai ». Après avoir frappé ces mêmes serpents,
il réintégra son aspect primitif, et le sexe qu'il avait à sa naissance.
Dès lors, choisi comme arbitre de ce joyeux litige,
il confirme les dires de Jupiter : la Saturnienne, dit-on,
en fut plus peinée que de raison et, de façon disproportionnée,
3, 335
iudicis aeterna damnauit lumina nocte ;
at pater omnipotens (neque enim licet inrita cuiquam
facta dei fecisse deo) pro lumine adempto
scire futura dedit poenamque leuauit honore.
elle condamna à la nuit éternelle les yeux de son juge.
Mais le tout puissant père des dieux (car nul dieu n'a le droit
d'invalider les actes d'un autre dieu), en échange de sa vue perdue,
lui accorda de connaître l'avenir, et soulagea sa peine par cet honneur.
Dumque ea per terras fatali lege geruntur
tutaque bis geniti sunt incunabula Bacchi,
forte Iouem memorant diffusum nectare curas
seposuisse graues uacuaque agitasse remissos
Tandis que sur terre se déroulent les arrêts du destin,
tandis que Bacchus, né deux fois, repose en sécurité dans son berceau,
Jupiter, rappelle la tradition, avait oublié sous l'effet du nectar
ses lourds soucis et avait repris avec Junon apaisée des propos enjoués.
3, 320
cum Iunone iocos et : « maior uestra profecto est,
quam quae contingit maribus » dixisse « uoluptas ».
Illa negat. Placuit quae sit sententia docti
quaerere Tiresiae : Venus huic erat utraque nota.
Nam duo magnorum uiridi coeuntia silua
Il lui avait dit : « Assurément, la volupté que vous éprouvez
est plus grande que celle qui échoit au sexe masculin ».
Elle n'est pas de cet avis. Ils décidèrent de demander l'avis
du sage Tirésias, qui avait connu les plaisirs des deux Vénus.
En effet dans une forêt verdoyante, il avait frappé
3, 325
corpora serpentum baculi uiolauerat ictu
deque uiro factus (mirabile) femina septem
egerat autumnos ; octauo rursus eosdem
uidit, et : « Est uestrae si tanta potentia plagae »
dixit, « ut auctoris sortem in contraria mutet,
d'un coup de bâton les corps accouplés de deux longs serpents,
et, d'homme qu'il était, (fait étonnant !) il était devenu femme
pour une durée de sept automnes ; la huitième année, il revit
les mêmes serpents et dit : « Si le coup que vous avez reçu
est si puissant qu'il peut changer totalement le destin de son auteur,
3, 330
nunc quoque uos feriam. » Percussis anguibus isdem
forma prior rediit, genetiuaque uenit imago.
Arbiter hic igitur sumptus de lite iocosa
dicta Iouis firmat : grauius Saturnia iusto
nec pro materia fertur doluisse suique
cette fois encore je vous frapperai ». Après avoir frappé ces mêmes serpents,
il réintégra son aspect primitif, et le sexe qu'il avait à sa naissance.
Dès lors, choisi comme arbitre de ce joyeux litige,
il confirme les dires de Jupiter : la Saturnienne, dit-on,
en fut plus peinée que de raison et, de façon disproportionnée,
3, 335
iudicis aeterna damnauit lumina nocte ;
at pater omnipotens (neque enim licet inrita cuiquam
facta dei fecisse deo) pro lumine adempto
scire futura dedit poenamque leuauit honore.
elle condamna à la nuit éternelle les yeux de son juge.
Mais le tout puissant père des dieux (car nul dieu n'a le droit
d'invalider les actes d'un autre dieu), en échange de sa vue perdue,
lui accorda de connaître l'avenir, et soulagea sa peine par cet honneur.
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