Agrégation externe Histoire

Très chers aînés, bonjour,

Je suis actuellement en première année d'un master recherche en Histoire moderne et contemporaine. J'envisage de préparer, après le master 2, le concours de l'agrégation externe d'histoire. Je suis un élève avec un niveau correct (je tourne autour de 15 de moyenne générale), mais pas exceptionnel, même si j'aspire plus que tout à avoir ce master mention "très bien".
Je sais, de par mes contacts universitaires, ou mes lectures (cf Thomas Merles et son livre sur la préparation de l'agrégation et CAPES...) que l'agrégation externe d'Histoire est un concours difficile, même très difficile si on est honnête. Je viens alors vous demander des conseils. Tout d'abord, il y a-t-il des choses que je peux mettre en place (routine ou autres choses) dès maintenant qui seraient pertinentes dans ma "pré-préparation" au concours ? Mais aussi, j'aimerais en savoir un peu plus sur vos expériences en prépa agrégation et votre parcours avant d'avoir entamé ces classes préparatoires.

Étiez-vous des élèves particulièrement bons ? Quelle formation avez-vous suivie en gros ? Et enfin, comment avez-vous ressentis votre année de préparation au concours, j'entends par ici, quelles ont été les choses plus difficiles que vous ne l'imaginiez avant de rentrer dans ces classes préparatoires.

Je vous remercie d'avance et je vous souhaite une agréable journée !

Bonjour,

Je suis actuellement une année de préparation à l'agrégation externe après avoir fini mon master. Je ne suis qu'au début bien sûr mais certains points sont intéressants:

- Il faut avoir une culture historique générale, connaissance des grands historiens, de l'épistémologie.
- Tu peux t'entraîner à réaliser des dissertations, des commentaires, pour travailler ta problématisation, ta rédaction etc
- S'entraîner à la géographie, apprendre la méthodologie des croquis etc
- Peaufiner ta grammaire, syntaxe, travailler ton écriture
- Apprendre à ficher correctement des livres

Pour l'instant, je ne ressens pas de difficultés personnellement, le travail me passionne, arrivera sûrement un moment où je serai fatigué.

Bonjour,
Personnellement, j'ai suivi un parcours tout à fait classique de faqueuse dans une université de province gauchiste connue pour participer à tous les mouvements sociaux (qui compte cependant des historiens de grande qualité), et j'ai suivi la préparation agreg de cette même université. Donc déjà : nul besoin d'être issu de classes préparatoires ou d'universités prestigieuses pour réussir l'agrégation - même si évidemment les boîtes à concours et les grandes universités parisiennes trustent la majorité des places. Oui, quand même, j'étais une très bonne étudiante, sans toutefois je pense avoir des capacités hors du commun : mais douée, oui, et surtout avec une grande capacité de travail et une organisation au carré. Et aussi, j'ai préparé et obtenu le capes l'année précédant ma prépa agreg : en terme de méthode, ça m'a aidée.
La prépa agrégation, j'en ai un bon souvenir rétrospectivement, parce que j'ai appris énormément de choses (bon, et que ça a payé puisque je l'ai eu, ce qui joue certainement dans mon ressenti final), mais il y a des moments où j'en ai vraiment bavé, quand même.

Ce qui est difficile, ça va dépendre vraiment de ton caractère. Moi, ce qui m'a minée, c'est la pression et un gros manque de confiance en moi : j'avais l'impression que tout le monde était meilleur que moi, un gros sentiment d'imposture, un état d'esprit très pessimiste en début d'année (avant que j'arrête de me poser des questions et que je me mette simplement à bosser comme une brute). Bon et bien sûr, ce qui est difficile c'est de tenir dans la durée : les mois de janvier-février, c'est un tunnel noir. Economise-toi : il faut travailler beaucoup, mais pas trop. Si tu arrives sur les rotules le jour des écrits, tu as peu de chances d'être admissible.

Ce que tu peux faire dès maintenant : tu peux commencer à défricher une ou deux questions qui seront au programme l'an prochain, si tu as du temps (mais ton mémoire de recherche passe avant). Elargir ta culture historique est une bonne option (mais la recherche te conduit naturellement à ça, en principe). L'habitude de ficher des ouvrages peut s'acquérir "sur le tas" pendant l'année de concours (ça a été mon cas), mais si tu sais déjà le faire, tu gagneras du temps.

La géographie doit vraiment faire partie de ta priorité pendant la prépa agreg : plein de candidats la négligent, c'est donc là que tu peux avoir facilement des bonnes notes sans faire des trucs géniaux.
La rédaction est aussi un point très important : même si ça m'a toujours surpris, la première chose que notaient les profs sur mes copies d'agreg blanche, c'était toujours un truc du genre : "écriture fluide et claire, style élégant et rigoureux". Rédiger de manière fluide et claire est un atout majeur ; pour autant, inutile d'être trop pompeux et de tartiner des phrases pédantes bourrées de locutions latines. En bref : pour l'agrégation, vise plutôt simple et solide. Mais solide en béton armé, c'est-à-dire : solide dans la méthode (introduction, construction du plan), solide dans le fond (idées, exemples, historio), et solide dans la forme (français clair et irréprochable).

Je n'étais pas exceptionnelle comme étudiante même si je m'en tirais tout à fait honorablement.
J'ai préparé une fois en 2009 à Normale Sup comme auditrice libre (c'est là qu'on envoie les chartistes pour la préparer). Je l'ai ratée, même pas admissible.
J'ai préparé une seconde fois à Paris I : je l'ai réussie. Pourtant, comparativement parlant, j'ai moins travaillé (j'étais déjà en thèse avec des cours à la fac à assumer), mais sûrement mieux, avec plus de recul et d'intelligence des choses.

Les trucs qui ont bien marché chez moi (mais qui ont déjà marché pour les Chartes, en fait) (et que je donne encore en colle)
- lire un manuel une fois ou deux, faire une chronologie rapide pour fixer les choses.
- se débarrasser des manuels, lire des ouvrages de la biblio, ceux qui font envie en premier. Faire des fiches des bouquins, d'une copie double max (pas plus, sinon on ne la lit jamais).
- dans la marge, noter au crayon à quel sujet telle note peut être utile.
- faire des fiches sur les acteurs de la période (avec une grosse bio de chez Fayard ou avec wikipedia si on n'a pas le temps. Pareil, une copie double max, avec dans la marge la même chose : à quel type de sujet cet exemple peut convenir.
Lire attentivement des manuels du secondaire (sixième pour la préhistoire + tous les manuels de lycée) pour se faire une bonne culture générale.

Bonjour,

J'ai suivi une "petite" classe préparatoire, puis un parcours dans une "grosse" université de province avant d'arriver à Paris seulement pour préparer l'agrégation. Je dirais qu'avoir suivi une classe préparatoire m'a donné l'avantage d'avoir des méthodes et habitudes de travail solides, mais il est en effet possible d'en avoir sans être passé par là, si tu es d'un naturel exigeant et carré et capable de travailler beaucoup. De plus, je m'attendais à vivre la même chose en préparation à l'agrégation et je n'ai donc pas été surpris. Je ne dis pas toutefois que ça n'a pas été difficile parfois, bien sûr...
C'est aussi une formation qui m'a permis de développer un bon niveau en géographie, qui est en effet le point faible d'une majorité des candidats à l'agrégation d'histoire et te permet de te distinguer si tu produis des réflexions intéressantes.

Travailler la géographie dès maintenant peut donc être une bonne idée. Ce peut être en utilisant des podcasts, lisant quelques articles sur des sujets qui t'intéressent et te permettraient au passage de maîtriser certaines notions (exploite à fond Géoconfluences), révisant la méthodologie du croquis (si tu es en master, tu as dû connaître le lycée post-2019 et être familier des exercices de transposition du texte vers la carte), ou tout simplement t'entraîner à localiser les grandes villes, massifs, forêts, départements de notre pays si tu n'es pas incollable, car il y a toujours de la géographie de la France au programme de l'agrégation et les lacunes sont difficilement pardonnées.
Pour l'histoire, c'est plus large à ce stade. Si tu n'es qu'en première année de master et que tu prépares l'agrégation après le master, aucune question sur laquelle tu plancheras n'est encore déjà parue, normalement. La meilleure chose à faire, pour l'instant, c'est donc d'élargir ta culture historique générale : en écoutant des podcasts ou lisant des articles sur des sujets qui t'intéressent, et/ou en comblant d'éventuelles lacunes sur des sujets "classiques" par des moyens simples : feuilleter des ouvrages généraux ou des manuels de licence, voire certains chapitres de manuels scolaires pour les aspects purement factuels, regarder des vidéos, écouter des podcasts du genre "T'as qui en histoire ?". Quand on part de rien, c'est un bon début. Personnellement, j'étais terriblement mauvais en histoire romaine quand je suis arrivé à l'agrégation (pas abordée en classe préparatoire, ni en licence, ni en master) et j'en ai fait une cure entre les résultats d'admissibilité et mes oraux, de crainte d'être interrogé dessus lors de l'oral de hors programme (en programme, notre question d'ancienne était de l'histoire grecque donc j'ai comblé mes lacunes pendant la préparation des écrits).

J'abonderai tout à fait dans le sens d' @Hilde sur le conseil "vise plutôt simple et solide". Les meilleures copies sont celles qui présentent clairement des réflexions solides, approfondies et étayées. Je t'invite donc à travailler la rédaction si tu penses en avoir besoin ; par exemple en écrivant dans un cahier de brouillon une question ou une idée (qui pourrait être une sous-partie de dissertation) et en rédigeant une réponse. Ce conseil peut d'ailleurs t'être utile dès maintenant pour ton mémoire de recherche !

Je développerai enfin ce conseil fondamental pour ta future année de préparation : ne te tue pas à la tâche. L'année d'agrégation est une course contre la montre lors de laquelle il est impossible d'acquérir toutes les connaissances qui seraient utiles pour traiter tel ou tel sujet qui pourrait sortir de telle ou telle question au programme. Il y en a toujours plus à savoir, et j'ai continué à apprendre des choses sur les questions au programme après avoir eu l'agrégation ! L'idée, c'est d'engranger assez de connaissances pour avoir des ressources à faire valoir sur les différents aspects de chaque question, mais pas de tout savoir sur tout. Donc, il faut savoir s'arrêter, pour ton propre bien.
Au début de mon année de préparation, je travaillais très tard le soir après les cours, y compris le week-end. J'étais épuisé au bout de deux semaines. Sur le conseil d'une amie passée par l'agrégation (dans une autre discipline) avant moi, j'ai alors adopté un tout autre rythme : définir des plages de travail identiques chaque jour (ex. 9h-12h et 13h-20h), dans lesquelles s'intégraient les cours (quel que soit l'emploi du temps). Peu importe ce que j'avais réalisé dans la journée, j'arrêtais à l'heure prévue, je prenais ma soirée, et me couchais moins tard. J'essayais de prendre quelques heures le week-end aussi. L'avantage est d'habituer ton corps à un rythme sain et de te contraindre à t'arrêter et prendre du repos et du temps de loisir (faire du sport, voir tes amis, aller au cinéma...). Je sais que je n'aurais jamais tenu, autrement. L'agrégation, c'est un marathon !

J'ai trouvé vos réponses très intéressantes. Je prends vos conseils avec plaisir et les appliques dès aujourd'hui. De toutes vos réponses je trouve que les éléments qui ressortent le plus sont: travailler la géographie, viser simple mais solide (ce que j'approuve totalement), m'entraîner à la rédaction, élargir ma culture générale historique et géographique, développer des méthodes en béton.

Je vais profiter de ces deux années de master peu chargées en cours pour mettre ces conseils en application ce qui me sera nécessairement utile pour l'agrégation mais aussi pour mon master dans un premier temps.