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NLM76
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par NLM76 Dim 23 Juin - 11:58
DesolationRow a écrit:Je ne suis pas sûr que Voltaire ait raison, mais il est intéressant qu'il ait buté sur ce passage, lui aussi Smile honnêtement, plus je relis ces deux vers, moins je les comprends. J'ai un membre de ma famille qui va faire le cours d'agrégation sur Corneille l'an prochain, je vais lui demander si elle comprend quelque chose, et si oui quoi Smile
Je suis comme toi. Mais c'est vraiment embêtant, parce que Corneille a eu la fâcheuse idée de redoubler l'expression, de sorte qu'on voit bien qu'il y a une intention ici. Peut-être faudrait-il regarder le texte espagnol ?
D'autre part, je reviendrais bien sur la première expression qui m'avait perturbé ("Aussi que vous cherchiez... un peu mieux"). Reste le problème de la ponctuation : le point qui sépare les deux propositions est aussi dans ma Pléiade. Serait-il dans l'édition originale ? Dans ce cas, qu'en penser ?
Edit : il y a une virgule dans l'édition de 1644 que j'ai pu consulter (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1280302q/f17.item)
yranoh
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par yranoh Dim 23 Juin - 12:17
Tant mieux, il y a aussi un point dans l'édition pour l'agrégation mais si on m'interroge là-dessus, je ferais référence à cette première édition, sans quoi c'est incompréhensible. Si je peux le faire par MP, je t'enverrai l'enregistrement audio que j'ai fait du passage du secrétaire, au cas où ça t'eclairerait (mais je n'en suis pas sûr parce que pour une fois j'ai tout bien expliqué ce que je pensais).
jul'
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par jul' Ven 28 Juin - 16:01
cannelle21 a écrit:Peut-être le savez-vous déjà, mais on peut trouver sur Cyrano deux mises en scène de la pièce.
merci ! Smile
NLM76
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par NLM76 Sam 6 Juil - 6:41
yranoh a écrit:
DesolationRow a écrit:
Oudemia a écrit:Est-ce qu'il ne faudrait pas prendre plutôt l'autre sens de "parer" ? Cliton dit qu'il n'a pas à être fier des titres que lui reconnait Clitandre (je n'ai pas le texte sous la main, mais ce serait bien l'insolence haituelle chez un valet de comédie).

Je crois qu'Oudemia a raison sur le sens de parer Smile

Mais comment justifiez-vous cela grammaticalement ? Ce type d'incorrection est-il dans les habitudes de Corneille, ou y a-t-il un trait de la langue de l'époque ? Et quel serait alors précisément le sens.

Je me suis convaincu de mon interprétation, qui me semble satisfaisante tant du point de vue de la langue, que du sens, que du style. J'aimerais bien comprendre ce qui y résiste.
J'ai enregistré le passage pour avancer un dernier argument avant de baisser les armes, mais je ne sais pas comment l'envoyer. Alors je reformule en caricaturant et en biaisant un peu le sens, et après je n'ai plus rien à avancer : N'appréhende pas cela, mon cher ami. Toi, je te dirai tous mes secrets, rien qu'à toi, mon confident que j'aime. - Alors là oui, si c'est comme ça, j'ose même espérer que même si vous me trompiez je n'arriverais pas à m'en apercevoir.

Pour Médée, d'accord avec DesolationRow, "sans le voir / accepter..."
J'ai écouté ta proposition.  D'accord pour l'opposition "appréhender/espérer". Mais je ne comprends toujours pas le vers "qu'assez malaisément je pourrai m'en parer." Toutefois, à te lire ci-dessus, je crois comprendre que tu entends "Que je pourrai encore moins m'en parer". Mais comment peut-on espérer être trompé ?


Dernière édition par NLM76 le Sam 6 Juil - 10:35, édité 1 fois

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par yranoh Sam 6 Juil - 9:36
Very Happy On n'y arrivera pas, je crois ! "Que je pourrai encore moins m'en parer" : de préférence, mais "avec ces qualités" est avant tout la cause de l'espérance. Il n'est pas absolument nécessaire que ce soit la cause ironiquement alléguée de la difficulté à échapper à la duperie, même si c'est mieux.
Mais comment espérer être trompé ? Là-dessus, je ne peux que me répéter, parce que je n'arrive pas à comprendre ce qui vous gêne.

Les emplois dont vous m'honorez et me flattez ont deux conséquences :
- il me sera difficile de ne pas être votre dupe (celle-là, c'est presque de l'antiphrase, parce que Cliton marque ainsi qu'il ne tombe pas dans un panneau aussi grossier. L'ironie est ici tournée vers Dorante, même si elle est l'occasion pour Cliton de faire valoir son intelligence).
- J'espère bien être votre dupe (cette ironie-là est tournée vers Cliton lui-même, qui se plaît à exposer encore une fois et avec son ironie habituelle son principe de conduite: quand il s'agit de recevoir quelque chose, toutes les occasions sont bonnes à prendre. En l'occurrence, il se paie volontiers de fausses flatteries.
Iphigénie
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par Iphigénie Sam 6 Juil - 10:00
dans le contexte moi je comprends:
Vous me promettez entière confidence et patati et patata: mais au vu de votre aptitude invétérée au mensonge permanent, j’ose espérer arriver tout juste à ne plus me laisser berner( mais c’est pas gagné)
Manière de souligner, avec une certaine insolence l’extrême penchant au mensonge de son maître
En somme il espère un mieux par rapport à la situation actuelle:
Quoique bien averti j’étais dans le panneau.
(Désormais) ….J’ose espérer
Qu’assez malaisément je pourrai m’en parer.
Mais ça reste un espoir pas une certitude…( c’est le verbe espérer qui est ironique: il n’y croit pas vraiment…)
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par yranoh Sam 6 Juil - 10:57
Ca marche aussi, même si l'opposition "assez malaisément" ne serait alors pas marquée. Je trouve a priori que c'est moins dans le ton du personnage, mais ça colle à la lecture que Julia Vidit fait du personnage, avec cette fausse naïveté qui est intéressante pour jouer les apartés du premier acte.
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par NLM76 Sam 6 Juil - 11:05
Je ne comprends pas grand-chose à toutes ces propositions, très compliquées et surtout impossibles à rendre comiques par le jeu, me semble-t-il. En voici une que je comprends, et que je pourrais jouer si je jouais Cliton, que je pourrais faire jouer à des élèves si je leur faisais jouer la scène — même si je n'en suis pas du tout sûr :
  • "Avec toutes ces qualités, j'ose bien espérer..." : Début tout à fait normal logique après la réplique de Dorante. Il me semble que tout le monde est d'accord là-dessus.
  • "Qu'assez malaisément" : aparté à destination du public, avec clin d'œil, comme le gamin qui croise les mains derrière son dos quand il jure tout ses grands dieux.
  • "je pourrai m'en parer" : suite logique du vers précédent, à nouveau adressée à Dorante, avec un grand sourire aussi obséquieux que railleur et insolent.


Ce qui est, je crois, une autre façon de dire ce que disait @Hannibal.

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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par DesolationRow Sam 6 Juil - 11:06
Ça montre une chose, à savoir que ces vers sont complètement ratés Razz
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par NLM76 Sam 6 Juil - 11:08
DesolationRow a écrit:Ça montre une chose, à savoir que ces vers sont complètement ratés Razz
Ne crois-tu pas que ma proposition, justement, est un moyen de sauver ces vers ?

Surtout qu'on se demande comment les considérer comme ratés, alors que Corneille a tenu à les réitérer deux actes plus loin !

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par DesolationRow Sam 6 Juil - 11:11
Si, ta proposition est ce que j’ai lu de plus convaincant. Mais c’est quand même pas absolument évident Razz
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par Iphigénie Sam 6 Juil - 11:14
@DR: En effet Very Happy
Mais oui, je suis d’accord avec Hannibal en fait dont je n’avais pas vu l’intervention et donc ta dernière proposition! Et oui aussi, on peut se demander si ces vers ne sont pas dits en aparté, avec malice.
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par yranoh Sam 6 Juil - 11:16
On peut sans doute le jouer comme ça, mais il me semble fort improbable que ce soit le sens de la réplique (emploi des apartés que renierait Corneille, élision mal venue, et ne correspond pas au personnage).
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par NLM76 Sam 6 Juil - 11:22
Il reconnaît quand même qu'il a dû se résoudre aux apartés, pour cette pièce, non ?

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par yranoh Sam 6 Juil - 11:30
Certes, mais pas de cette façon. Les apartés ne doivent pas interrompre la seconde action. Les apartés adressés au public, comme on en a dans l'acte I et si l'on veut la dernière réplique, n'interrompent pas l'autre action puisque dans les apartés de ce type de l'acte I Cliton ne participe pas à la seconde action, et que lors de la dernière réplique l'autre action est terminée, puisque Cliton est seul en scène.
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par NLM76 Sam 6 Juil - 12:22
Voici ce que Corneille dit dans son examen :
Corneille a écrit: mais il m’a fallu forcer mon aversion pour les a parte, dont je n’aurois pu la purger sans lui faire perdre une bonne partie de ses beautés. Je les ai faits les plus courts que j’ai pu, et je me les suis permis rarement sans laisser deux acteurs ensemble qui s’entretiennent tout bas cependant que d’autres disent ce que ceux-là ne doivent pas écouter. Cette duplicité d’action particulière ne rompt point l’unité de la principale, mais elle gêne un peu l’attention de l’auditeur, qui ne sait à laquelle s’attacher, et qui se trouve obligé de séparer aux deux ce qu’il est accoutumé de donner à une.
D'une part, il y a "rarement", ce qui ne veut pas du tout dire "jamais". D'autre part et surtout, il n'y pas là deux acteurs qui s'entretiennent tout bas. Cet éventuel aparté ne rentre pas dans la catégorie de ceux qu'il veut écarter.

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par yranoh Sam 6 Juil - 13:08
C'est drôle comme on lit différemment Corneille.  Je lis exactement le contraire de ce que tu dis. En effet, cet aparté-là ne rentrerait pas dans la catégorie dont il parle,  mais c'est justement cette catégorie dont il parle qu'il s'est davantage permise, parce que malgré ses défauts, elle ne rompt pas l'unité de l'action principale. Il parle par exemple des apartés entre Cliton et Dorante dans L'acte I, ou du double aparté Dorante /Cliton et Clarice /Hyacinthe dans l'acte V, qui en effet sont très beaux. Je ne pense pas que l'aparte que tu proposes,  qui ferait partie des rares apartés solo qu'il s'est permis, relève la pièce,  au contraire des très intéressants apartés solo de Cliton dans l'acte I.
Je m'éloigne un.peu du sujet et je fais une interprétation personnelle, mais pour moi jes apartés solo de Cliton dans l'acte I permettent à Corneille de faire de Cliton un relais du public. Ses apartés solo prendront fin dans la très importante dernière scène de l'acte I, où Dorante expose les principes qu'il mettra à l'épreuve dans le reste de la pièce.
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par NLM76 Sam 6 Juil - 13:39
Ah oui, j'avais sans doute mal lu. Il faudrait lire " je me les suis permis rarement sans laisser deux acteurs ensemble qui" avec une double négation comme " je me les suis permis le plus souvent en laissant deux acteurs ensemble qui..." ? Je crois que j'avais compris "je me les suis permis rarement, sans laisser deux acteurs ensemble qui", avec une virgule.
Mais dans ce cas, il me semble qu'il y a une contradiction avec la suite : " mais elle gêne un peu l’attention de l’auditeur, qui ne sait à laquelle s’attacher, et qui se trouve obligé de séparer aux deux ce qu’il est accoutumé de donner à une." Cette critique me paraît l'emporter sur la concession "Cette duplicité d’action particulière ne rompt point l’unité de la principale". Il se permettrait de faire souvent ce qui "gêne un peu l'attention de l'auditeur" ?

P.S. En faveur de mon interprétation, p. CII de l'édition de 1682, il y a une virgule.

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par yranoh Sam 6 Juil - 17:13
La virgule, comme on l'emploie à l'époque, n'empêche pas ma lecture, que je maintiens, sinon je ne comprends rien, alors que le propos me semble clair. Les éditeurs modernes qui ont enlevé cette virgule ont bien fait. Corneille n'est jamais complaisant avec lui-même dans l'examen de ses pièces, du moins autant que je m'en souvienne. Il se permet ces apartés parce qu'il ne veut pas purger la pièce d'une grande partie de ses beautés.
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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par NLM76 Dim 7 Juil - 6:32
Bon. Problème pas encore résolu.
Un autre : v. 1439 "Mais sachez qu'il est homme à prendre sur le vert", en parlant de Dorante.
D'une part, le sens littéral de l'expression "prendre sur le vert" fait largement débat, entre Littré, Voltaire, Furetière ou encore Kérautret et Jouhaud (lesquels semblent rapprocher l'expression de "prendre sans vert", que nous avons rencontrée naguère dans Manon Lescaut).
D'autre part, comment prendre "homme à" ? "Homme capable de...", ou "homme qu'il faut..." ?
Enfin, que sous-entendent Sabine et Lucrèce (laquelle répond "Je te croirai") ?
S'agit-il de prendre Dorante au jeu, ou dans le domaine de l'amour ?
Cette verdure est vraiment pour moi une épaisse broussaille.

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par NLM76 Dim 7 Juil - 12:07
Bon ; j'ai relu la pièce à l'envers (en commençant par la dernière scène, et en remontant jusqu'à l'acte II). Je crois que je suis en train de me ranger à l'avis d'@yranoh :
  • "Avec toutes ces qualites, j'ose bien espérer" : "bien espérer" signifie ici par antiphrase "craindre fort". Cliton dit en paroles qu'il accepte d'être rassuré par les paroles de Dorante, mais par le ton, il dit qu'il est encore plus certain que Dorante va l'embrouiller à nouveau. Etre le "grand dépositaire des secrets" de Dorante, c'est être certain d'en être la dupe.
  • "Qu'assez malaisément je pourrai m'en parer" = "je vais avoir encore plus de mal à y échapper".


Ou alors, ce qui revient au même :
  • "Avec toutes ces qualités, j'ose bien espérer..." : Cliton commence par prétendre accéder à la demande de Dorante de bien vouloir le croire, et de se rassurer.
  • "Qu'assez malaisément, je pourrai m'en parer" : mais il est rassuré sur le contraire de ce que prétend Dorante : rien ne changera, et Dorante se donne un moyen supplémentaire d'être l'embrouilleur en chef. (En somme, quand un menteur vous annonce qu'il ne va pas mentir, c'est la garantie qu'il va en remettre une couche — cf. le "sans mentir" du Renard dans la fable de La Fontaine).


Est-ce que c'est ce que tu disais depuis le début, @yranoh ?

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par yranoh Dim 7 Juil - 12:29
Pour la 2e interprétation, ça se rapproche de ce que je dis. Pour la première, elle correspond mieux au sens dans la 2e occurrence, où espérer a un sens un peu différent, et là c'est ce que disait DesolationRaw, citant Voltaire. Mais quoi qu'il en soit, tout ça me semble mieux que l'aparté, et il y a la lecture d'Iphigenie à laquelle je résiste un peu à cause de la valeur concessive d'assez malaisement, mais à laquelle je pourrais me ranger si j'en venais à avoir une approche différente du personnage de Cliton.
Pour le verdissement, là je n'ai vraiment pas le temps mais je regarderai ça si personne n'a répondu.
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par NLM76 Dim 7 Juil - 12:51
yranoh a écrit:Pour la 2e interprétation,  ça se rapproche de ce que je dis. Pour la première,  elle correspond mieux au sens dans la 2e occurrence,  où espérer a un sens un peu différent,  et là c'est ce que disait DesolationRaw, citant Voltaire.  Mais quoi qu'il en soit, tout ça me semble mieux que l'aparté, et il y a la lecture d'Iphigenie à laquelle je résiste un peu à cause de la valeur concessive d'assez malaisement,  mais à laquelle je pourrais me ranger si j'en venais à avoir une approche différente du personnage de Cliton.
Pour le verdissement, là je n'ai vraiment pas le temps mais je regarderai ça si personne n'a répondu.

J'ai relu tes interventions. Pour l'instant, pas convaincu par l'alambicage qui consiste à entendre "espérer vraiment être la dupe, parce que ça pourrait rapporter". Et puis quand même, c'est plus simple que "espérer" ait le même sens dans les deux occurrences.

Quoi qu'il en soit, ce serait intéressant d'étudier les reprises-parodies internes qui foisonnent dans la pièce.

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par NLM76 Dim 7 Juil - 15:22
Autre question sur des vers joués en écho plusieurs fois dans la pièce : les vv. 349-350 : "Si jamais un fâcheux nous nuit par sa présence, / Nous pourrons sous ces mots être d'intelligence." Est-ce que je les comprends bien ? Dorante s'imagine que Clarice-Lucrèce découvre son mensonge sur ses exploits guerriers, comme l'a suggéré Cliton. Mais comme ils sauront tous deux que c'est un mensonge, ils pourront le jouer ensemble pour se moquer d'un tiers qui en serait la dupe. Pour Dorante, la belle aurait plaisir à être de connivence avec le menteur, après en avoir été la dupe.
En somme, être du côté des menteurs est, sinon un honneur, du moins le suprême plaisir : il n'est point de vérité solide dans ce monde, si ce n'est qu'il est plaisant de se jouer de ceux qui croient qu'il en est. Surtout dans le domaine de l'amour, qui est celui de l'inconstance et de la frivolité.

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1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie" - Page 3 Empty Re: 1re : Le menteur, de Corneille — parcours "mensonge et comédie"

par yranoh Dim 7 Juil - 16:34
Là-dessus je suis tout à fait d'accord avec toi. J'ai fait un commentaire partiel de cette scène, et j'en arrive à la même conclusion.  A vrai dire, je fais une hypothèse très personnelle qui reste à affermir.  Je crois qu'il y a deux actions imbriquées dans le Menteur,  pour ça  Le Menteur a à voir avec l'illusion comique. L'intrigue secondaire, la matrimoniale, commence seulement au début de l'acte II, elle est ébauchée mais pas exposée dans l'acte I. L'intrigue principale est entièrement exposée dans l'acte I, et surtout dans la scène I, 6 qui donne son unité d'action à l'acte (et donc à la pièce). Cette action principale,  c'est la mise à l'épreuve des principes de conduite de Dorante, personnage extraordinaire.  Et à mon sens cette intrigue-là doit quelque chose à Polyeucte (je sais bien que la pièce est en partie une traduction,  mais j'ai lu la pièce espagnole et l'hypothèse reste valide avec les changements opérés par Corneille).  Il faut que je trouve un meilleur terme,  mais pour moi cette comédie propose des conversions comiques,  celle de Cliton, relais du spectateur (je ne parle pas du traitement axiologique, très complexe), et celle des femmes,  qui est exposée dans le vers de Dorante que tu cites,  et qui sera traitée dans le reste de la pièce. Il faut que je lise le travail de Starobinski dans l'Oeil vivant sur l'éblouissement cornélien pour réfléchir plus avant là-dessus.

Je peux t'envoyer mon introduction sur cette scène si tu veux.
NLM76
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par NLM76 Mer 10 Juil - 12:42
Et hop, une explication rédigée dans la scène 5 de l'acte 2 (comment Dorante s'est marié à Poitiers).
  • https://www.lettresclassiques.fr/2024/07/10/le-meilleur-des-menteurs/

Bon, je n'ai pas pu m'empêcher de refourguer mes élucubrations sur l'alternance des temps qui sont l'objet de ma thèse...

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
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