- faustine62Érudit
Je m'interroge sur la notion de littérature queer appliquée à des textes du 17e. Est-ce que ce n'est pas anachronique ? Une collègue documentaliste souhaite le commander pour le CDI. J'ai l'impression que cette étiquette est de plus en plus utilisée pour des œuvres largement antérieures aux œuvres contemporaines. Qu'en pensez-vous ?
https://www.fabula.org/actualites/118504/mme-de-murat-contes-de-fees-queer.html
https://www.fabula.org/actualites/118504/mme-de-murat-contes-de-fees-queer.html
- OudemiaBon génie
Je pense que l'éditeur surfe sur le courant et espère faire une bonne affaire en collant cette étiquette et un résumé de la vie de Mme de Murat un peu différent de sa notice Wikipedia.
Je n'en sais pas plus sur ce cas, que je découvre, mais je pense qu'il y a certainement d'autres achats à faire que ce livre, surtout dans une édition aussi tendancieuse.
Edit : un CDI de lycée, c'est bien ça ?
Je n'en sais pas plus sur ce cas, que je découvre, mais je pense qu'il y a certainement d'autres achats à faire que ce livre, surtout dans une édition aussi tendancieuse.
Edit : un CDI de lycée, c'est bien ça ?
- Cléopatra2Guide spirituel
Je ne connais pas ces contes, mais soit ils sont explicites et c'est de la littérature érotique donc bof pour le CDI, soit ils ne le sont pas et l'éditeur fait un peu le buzz. Je doute également que l'adjectif "queer" puisse s'appliquer au XVIIe siècle même pour des personnes homosexuelles. Enfin je suppose que le débat est ouvert.
- faustine62Érudit
Ce qui me surprend, c'est que le livre est préfacé par une spécialiste du 17e qui enseigne à Nanterre.
- Cléopatra2Guide spirituel
Oui, il doit y avoir des personnes trouvant intéressant d'appliquer les grilles de lecture contemporaines aux époques antérieures. Moi perso j'ai du mal à le comprendre, mais bon... mon avis n'est en rien autorisé.
- TailleventFidèle du forum
D'abord, la question du titre. Je suis d'accord de dire que ça surfe clairement sur une volonté de créer du buzz.
Néanmoins, il me semble que l'application de grilles de lecture contemporaines à des textes anciens n'est pas exactement un cas isolé. Je me laisserais même dire que ça serait la définition d'un classique qu'un texte qui n'en finit pas de nous en parler, dans son contexte d'origine mais aussi dans celui de réception. C'est une des grandes tendances de la critique littéraire et j'ai l'impression que l'on ne s'en émeut que lorsque l’interprétation qui est proposée déplaît (pour des raisons souvent largement extra-littéraires)…
On propose souvent des précurseurs à des mouvements artistiques ou intellectuels en cherchant qui a pu, avant la formalisation d'une idée, en proposer des développements. Les liens sont parfois étonnants (et pourraient l'être par ceux-là même à qui ils sont appliqués) mais force est de constater que les idées n'ont pas besoin d'avoir des noms pour émerger, l'anachronisme ne se situant alors que dans un regard faisant passer la classification avant son objet.
Dans le cas qui nous occupe, la préfacière donne quelques éléments dans une interview à Vogue (oui, je sais…) : https://www.vogue.fr/article/madame-de-murat-livres-contes-queer C'est évidemment succinct mais les pistes qu'elle donne me semblent à tout le moins intéressantes.
Pour la question de l'achat par un CDI, je ne vois pas vraiment de problème : il s'agit d'un texte du patrimoine littéraire, dont aucune description ne me laisse penser qu'il serait inadapté à un public adolescent. Et je pense que proposer des représentations un peu différentes ne peut pas faire de mal.
Néanmoins, il me semble que l'application de grilles de lecture contemporaines à des textes anciens n'est pas exactement un cas isolé. Je me laisserais même dire que ça serait la définition d'un classique qu'un texte qui n'en finit pas de nous en parler, dans son contexte d'origine mais aussi dans celui de réception. C'est une des grandes tendances de la critique littéraire et j'ai l'impression que l'on ne s'en émeut que lorsque l’interprétation qui est proposée déplaît (pour des raisons souvent largement extra-littéraires)…
On propose souvent des précurseurs à des mouvements artistiques ou intellectuels en cherchant qui a pu, avant la formalisation d'une idée, en proposer des développements. Les liens sont parfois étonnants (et pourraient l'être par ceux-là même à qui ils sont appliqués) mais force est de constater que les idées n'ont pas besoin d'avoir des noms pour émerger, l'anachronisme ne se situant alors que dans un regard faisant passer la classification avant son objet.
Dans le cas qui nous occupe, la préfacière donne quelques éléments dans une interview à Vogue (oui, je sais…) : https://www.vogue.fr/article/madame-de-murat-livres-contes-queer C'est évidemment succinct mais les pistes qu'elle donne me semblent à tout le moins intéressantes.
Pour la question de l'achat par un CDI, je ne vois pas vraiment de problème : il s'agit d'un texte du patrimoine littéraire, dont aucune description ne me laisse penser qu'il serait inadapté à un public adolescent. Et je pense que proposer des représentations un peu différentes ne peut pas faire de mal.
- PrezboGrand Maître
La volonté de coller sur un texte du XVIIème une grille de lecture militante et contemporaine est si lourdingue qu'elle me fait plus sourire qu'autre chose (ce qui, en soit, ne me semble pas être une contre-indication à l'achat du livre par un CDI de lycée), mais un autre élément me pose problème : peut-on vraiment dire d'une autrice du XVIIème qu'elle a inventé la forme littéraire du conte de fées ? J'imaginais cette forme bien antérieure, non ?
- faustine62Érudit
Il me semble que c'est au XVIIe que ce genre mondain est né avec, entre autres, Madame d'Aulnoy, Perrault et cette auteure rééditée. Mais je suis incapable d'établir la chronologie exacte des parutions de ces trois conteurs.
Ce qui me gêne pour l'achat de ce livre au CDI, ce n'est pas du tout le contenu, mais l'application du terme queer à cette littérature. Les élèves peuvent s'imaginer qu'on peut parler de queer à propos de tout et n'importe quoi : Baudelaire qui évoque des scènes saphiques dans certains poèmes, "Mademoiselle de Maupin" parce que l'héroïne se travestit en homme, etc...
Ce qui me gêne pour l'achat de ce livre au CDI, ce n'est pas du tout le contenu, mais l'application du terme queer à cette littérature. Les élèves peuvent s'imaginer qu'on peut parler de queer à propos de tout et n'importe quoi : Baudelaire qui évoque des scènes saphiques dans certains poèmes, "Mademoiselle de Maupin" parce que l'héroïne se travestit en homme, etc...
- IridianeFidèle du forum
Cléopatra2 a écrit:Oui, il doit y avoir des personnes trouvant intéressant d'appliquer les grilles de lecture contemporaines aux époques antérieures. Moi perso j'ai du mal à le comprendre, mais bon... mon avis n'est en rien autorisé.
Il faut savoir que c’est la grande mode aussi chez les universitaires, qui ne se privent pas de surfer sur la vague.
Certains jeunes docteurs se targuent même d’avoir révolutionné la lecture des liaisons dangereuses en démontrant que dedans, il y a des viols (bravo captain obvious, c’est le pitch du bouquin en fait).
- OudemiaBon génie
Elle est citée, mais après Mme d'Aulnoy, sur le site de l'exposition de la BNF :
Au regard de la chose imprimée, c’est à Mme d’Aulnoy que revient l’honneur d’avoir initié la mode du conte de fées littéraire avec l’insertion en 1690 de "L’Ile de la Félicité" dans Histoire d’Hypolite, comte de Duglas. Viennent ensuite les contes de Melle L’Héritier, Catherine Bernard, Madame de Murat, le chevalier de Mailly…
http://expositions.bnf.fr/contes/arret/ecrit/genre.htm
Au regard de la chose imprimée, c’est à Mme d’Aulnoy que revient l’honneur d’avoir initié la mode du conte de fées littéraire avec l’insertion en 1690 de "L’Ile de la Félicité" dans Histoire d’Hypolite, comte de Duglas. Viennent ensuite les contes de Melle L’Héritier, Catherine Bernard, Madame de Murat, le chevalier de Mailly…
http://expositions.bnf.fr/contes/arret/ecrit/genre.htm
- Cléopatra2Guide spirituel
Ce qui me dérange, c'est l'emploi du terme queer qui me semble tout à fait inadapté au XVIIe siècle, et employé pour faire le buzz. Il est probable que les grilles d'analyse soient intéressantes, néanmoins le "geste queer d'une fée moderne" ne me donne pas envie de lire la préface. Tout ce qui est dit ensuite, remettre en cause les relations convenues, les institutions est très intéressant, et peut effectivement nous toucher et éveiller des liens avec nos préoccupations contemporaines, mais personnellement (et je le rappelle mon avis n'est pas autorisé n'étant ni historienne ni chercheuse en littérature), je ne peux aller jusqu'à employer le terme queer pour le XVIIe siècle, bien que ces conteuses puissent tout à fait constituer les prémices de ce mouvement, je n'en sais rien. Et l'expression "énergie fondamentalement queer" me laisse sur le derrière, je ne comprends pas ce que ça veut dire. Je trouve aussi que l'illustration choisie laisse penser (même si ce n'est peut-être pas vrai) que le contenu est hautement érotique.Taillevent a écrit:D'abord, la question du titre. Je suis d'accord de dire que ça surfe clairement sur une volonté de créer du buzz.
Néanmoins, il me semble que l'application de grilles de lecture contemporaines à des textes anciens n'est pas exactement un cas isolé. Je me laisserais même dire que ça serait la définition d'un classique qu'un texte qui n'en finit pas de nous en parler, dans son contexte d'origine mais aussi dans celui de réception. C'est une des grandes tendances de la critique littéraire et j'ai l'impression que l'on ne s'en émeut que lorsque l’interprétation qui est proposée déplaît (pour des raisons souvent largement extra-littéraires)…
On propose souvent des précurseurs à des mouvements artistiques ou intellectuels en cherchant qui a pu, avant la formalisation d'une idée, en proposer des développements. Les liens sont parfois étonnants (et pourraient l'être par ceux-là même à qui ils sont appliqués) mais force est de constater que les idées n'ont pas besoin d'avoir des noms pour émerger, l'anachronisme ne se situant alors que dans un regard faisant passer la classification avant son objet.
Dans le cas qui nous occupe, la préfacière donne quelques éléments dans une interview à Vogue (oui, je sais…) : https://www.vogue.fr/article/madame-de-murat-livres-contes-queer C'est évidemment succinct mais les pistes qu'elle donne me semblent à tout le moins intéressantes.
Pour la question de l'achat par un CDI, je ne vois pas vraiment de problème : il s'agit d'un texte du patrimoine littéraire, dont aucune description ne me laisse penser qu'il serait inadapté à un public adolescent. Et je pense que proposer des représentations un peu différentes ne peut pas faire de mal.
Si les contes ne sont pas ouvertement érotiques, ils ont toute leur place dans un CDI, et le titre va accrocher certains élèves, donc pourquoi pas.
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