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NLM76
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L'imparfait de discours indirect Empty L'imparfait de discours indirect

par NLM76 Mer 3 Avr 2024 - 7:07
Je retombe sur un texte («Naki le kourouma», de Kessel), donné à commenter où la notion d'imparfait de discours indirect est fondamentale : c'est l'indicatif imparfait qui indique qu'on entre dans les pensées des personnages, dans telle ou telle forme de discours indirect libre. Je n'enseignais pas cette valeur de l'indicatif imparfait quand j'enseignais au collège, et j'ai le sentiment que fort peu le font au lycée. Et vous, enseignez-vous cette valeur essentielle de l'imparfait, pour laquelle «Les animaux malades de la peste» donne un bon exemple-type, puisque c'est là le seul indice qu'il s'agit non des pensées du fabuliste, mais de celles des animaux ?

  • Rien que la mort n'était capable d'expier son forfait.

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
Oudemia
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par Oudemia Mer 3 Avr 2024 - 8:59
Il me semble que je le faisais, mais pas avant la 4e, ou peut-être même la 3e où on commençait le discours indirect libre.
Alcyone
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par Alcyone Mer 3 Avr 2024 - 9:40
Je le fais dès la 4e également quand on travaille sur les formes du discours dans Les Misérables. Pas avant la 4e pour moi, sauf si on le rencontre au détour d'un texte ou d'une phrase où je le nomme simplement. Je me rappelle avoir déjà retravailler dessus en 3e à la lecture de L'Ecume des jours.
yranoh
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par yranoh Mer 3 Avr 2024 - 11:51
Moi aussi, plutôt en 3e.

Travailler les verbes (et leur absence) dans cette fable serait un exercice très intéressant, et produirait déjà une bonne analyse du texte.
NLM76
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par NLM76 Jeu 4 Avr 2024 - 7:29
D'accord. Donc, dans la liste des emplois (ou des "valeurs") de l'imparfait, vous leur faites apprendre "imparfait de discours indirect" ?
Deuxième question : j'ai idée que cet imparfait n'est pas réservé au discours indirect libre. Il permet d'expliquer des tournures, même si elles sont parfois considérées comme incorrectes, telles que celle-ci : "Elle m'a dit que sur le forum Neoprofs, on rencontrait des collègues très intéressants." Il me semble qu'il ne s'agit pas seulement de concordance des temps.

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Iridiane
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par Iridiane Jeu 4 Avr 2024 - 9:34
Alors moi je ne parle pas d’imparfait de discours indirect pour le DIL : j’explique qu’il s’agit de l’imparfait comme temps du récit qui est maintenu puisque dans le DIL on reste sur le plan du récit, qui se trouve mélangé au plan du discours par d’autres indices. Mais je n’ai enseigné qu’au lycée et à la fac.
Pour le 2e exemple cité « on m’a dit que sur Neoprofs on rencontrait… », pourquoi ne s’agirait-il pas d’un simple imparfait de concordance ?
NLM76
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L'imparfait de discours indirect Empty Re: L'imparfait de discours indirect

par NLM76 Jeu 4 Avr 2024 - 10:14
Iridiane a écrit:Alors moi je ne parle pas d’imparfait de discours indirect pour le DIL : j’explique qu’il s’agit de l’imparfait comme temps du récit qui est maintenu puisque dans le DIL on reste sur le plan du récit, qui se trouve mélangé au plan du discours par d’autres indices. Mais je n’ai enseigné qu’au lycée et à la fac.
Pour le 2e exemple cité « on m’a dit que sur Neoprofs on rencontrait… », pourquoi ne s’agirait-il pas d’un simple imparfait de concordance ?


Tu as raison : il s'agit bien, comme tu le dis, d'un simple imparfait de concordance, à mettre en parallèle avec "On me dit que sur Néoprofs, on rencontre...". Mais ce qui me paraît remarquable dans la question de la concordance, c'est qu'elle concerne (me semble-t-il) uniquement le discours indirect. Or si, c'est le cas, cette concordance des temps signifie quelque chose quant au caractère indirect du discours : l'imparfait "on rencontrait" ici, n'implique qu'on ne rencontre plus, bien au contraire. Autrement dit, dans "Elle m'a dit qu'on rencontrait...", l'imparfait marque ainsi le passé : "de son point de vue à elle, qui m'a été donné dans le passé".
Je donne l'exemple de mon texte:
Kessel a écrit:Miss Evelyn fit un geste de contrariété. La manière d'estime qu'elle avait conçue pour le kourouma s'évanouit. Puisqu'il était même incapable de gravir rapidement la côte, vraiment cet homme-cheval était dénué de tout intérêt.
Le soleil à chaque instant frappait plus pesamment la terre.
J'ai le sentiment de mieux comprendre si je dis que les deux premiers imparfaits permettent de se déplacer dans l'esprit de Miss Evelyn, d'adopter son point de vue. Le troisième permet de se placer à l'époque où l'histoire est censée se dérouler, mais pas, en l'espèce dans l'esprit de ce personnage. Autrement dit, l'imparfait est apte à nous transporter en esprit ailleurs dans le passé, dans un autre point de vue que le point de vue actuel du locuteur. Il y a une spécificité de l'imparfait de discours indirect, dans la mesure où il faut repérer le déplacement du point de vue : on adopte celui d'un autre. De façon générale, l'imparfait déplace le point de vue, plutôt vers le passé ; mais l'imparfait de discours indirect, en plus, déplace le point de vue dans l'esprit d'un autre personnage.

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Sei
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par Sei Jeu 4 Avr 2024 - 11:05
Dans le cas précis du texte de Naki, je ne vois pas en quoi "l'imparfait de discours indirect, en plus, déplace le point de vue dans l'esprit d'un autre personnage" dans la mesure où - il me semble - que si l'on transpose le récit au présent, l'effet reste le même. Pour ma part, je pressens bien plus que nous sommes passés au point de vue d'Evelyn dès le "puisque" (et non "parce que"), grâce à l'expression péjorative "homme-cheval" (qui ne correspond pas au ton général du narrateur et qui est introduite par "cet"), l'ensemble des modalisateurs (même idée) et bien sûr, l'oralité de "vraiment". Enfin, tu sais bien tout cela, bien sûr, mais je veux dire que l'imparfait me paraît assez peu révélateur, finalement (le présent dans un récit au passé aurait plus de poids).
NLM76
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L'imparfait de discours indirect Empty Re: L'imparfait de discours indirect

par NLM76 Jeu 4 Avr 2024 - 13:14
Sei a écrit:Dans le cas précis du texte de Naki, je ne vois pas en quoi "l'imparfait de discours indirect, en plus, déplace le point de vue dans l'esprit d'un autre personnage" dans la mesure où - il me semble - que si l'on transpose le récit au présent, l'effet reste le même. Pour ma part, je pressens bien plus que nous sommes passés au point de vue d'Evelyn dès le "puisque" (et non "parce que"), grâce à l'expression péjorative "homme-cheval" (qui ne correspond pas au ton général du narrateur et qui est introduite par "cet"), l'ensemble des modalisateurs (même idée) et bien sûr, l'oralité de "vraiment". Enfin, tu sais bien tout cela, bien sûr, mais je veux dire que l'imparfait me paraît assez peu révélateur, finalement (le présent dans un récit au passé aurait plus de poids).
Je pense que l'imparfait déplace le point de vue. En soi, isolément, il ne saurait déplacer le point de vue dans l'esprit d'un autre personnage. Bon, maintenant, il reste la question de la comparaison avec un usage du présent. La comparaison que tu proposes est en soi légitime. Mais en l'espèce, elle ne me semble pas vraiment probante ; transposons le texte au présent de narration :
  • "Miss Evelyn fait un geste de contrariété. La manière d'estime qu'elle a conçue pour le kourouma s'évanouit. Puisqu'il est même incapable de gravir rapidement la côte, vraiment cet homme-cheval est dénué de tout intérêt."

J'ai le sentiment que ça ne marche pas aussi bien, et qu'il faut alors placer des guillemets autour de la dernière phrase. Et ce n'est pas seulement une question de typographie : cela se reflète à l'oral. Il faut en effet, à mon avis, prononcer la dernière phrase sur un ton qui indique que ce sont des paroles rapportées. Dans le discours indirect libre à l'imparfait, en revanche, on entend les deux voix en même temps : celle du narrateur, et celle du personnage. Par l'imparfait, le discours est mis à distance de l'ici et maintenant du locuteur ; mais cette distance est tenue : le narrateur est à la fois présent et absent dans le discours quasi rapporté. Quand c'est au présent, il n'y a pas cette distance : le narrateur disparaît. L'imparfait contient le déplacement, c'est-à-dire le point d'arrivée et le point de départ ; il contient la distance, il contient une double voix.

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par Sei Jeu 4 Avr 2024 - 13:40
Je comprends maintenant bien ce que tu veux dire, je trouve ça très intéressant.

Pour autant, ma lecture du texte est un peu différente. Pour moi, il est manifeste que  le point de vue porté sur Naki est entièrement celui d'Evelyn, tandis que j'entends la distance ironique que le narrateur introduit entre lui-même et le personnage dans le texte au passé comme dans celui au présent (il y a donc bien double voix). C'est pourquoi je ne mettrais pas non plus les guillemets dans la tournure au présent, car Evelyn ne peut pas, à mon sens, formuler une analyse de ses émotions d'une manière aussi précise : "Puisqu'il est même incapable de gravir rapidement la côte, vraiment cet homme-cheval est dénué de tout intérêt". La structure logique davantage que l'imparfait - pour moi - induit cette double voix dans la mesure où elle est en elle-même un jugement implacable sur miss Evelyn. De la même manière, j'entends la double voix dans l'"homme-cheval", qui réintroduit quelque chose de l'ordre du mythe dont le reste de la narration n'est pas exempt tout en permettant de révéler ce que miss Evelyn ressent de manière plus ou moins confuse, mais bien plus terre à terre.

Edit : cela dit, tu as raison, en y remettant mon nez, j'entends aussi cette double voix dans l'imparfait. Pas moins que dans le présent, mais avec ceci de différent qu'il fait résonner le discours indirect comme un constat du narrateur, il prendrait une valeur résultative (ça ne se dit pas). J'entends la valeur si tranchante de vérité générale ("cet homme-cheval était dénué de tout intérêt") davantage dans le texte à l'imparfait que dans celui au présent.

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par NLM76 Dim 5 Mai 2024 - 21:02
Je réfléchis à cette affaire, et je préciserais ceci. En fait, j'ai idée que l'imparfait de discours indirect ne s'oppose pas au présent, mais au passé simple.
Je prends "La génisse, la chèvre..." Je transpose la fin en style indirect libre.
  1. "Elle devait être à lui, (disait-il), et la raison
  2. C'était qu'il s'appelait Lion.
  3. A cela l'on n'avait rien à dire.
  4. La seconde par droit lui devait échoir encor :
  5. Ce droit — elles le savaient — c'était le droit du plus fort.
  6. Comme le plus vaillant, il prétendait la troisième [...]"


On pourrait avoir, au 3e vers : "À cela l'on n'eut rien à dire.", au 6e vers : "Comme le plus vaillant, il prétendit la troisième." Dans ce cas, on entend nettement qu'on est revenu à la narration. En fait, l'imparfait est le temps de la simultanéité dans la concordance des temps au passé... dans la concordance des temps qui par nature, relève du discours indirect. Autrement dit, c'est un imparfait de concordance ; mais il n'est pas inutile de noter que la concordance des temps relève du discours indirect.
Au fond, le principe, c'est que l'imparfait déplace le point de vue ailleurs, pour imaginer d'un autre point de vue que du moi d'ici et maintenant, un point de vue plutôt dans le passé (passé-présent) — alors que le conditionnel fait la même chose du côté du futur (présent-futur).

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L'imparfait de discours indirect Empty Re: L'imparfait de discours indirect

par NLM76 Mar 7 Mai 2024 - 6:12
Je continue ma réflexion. "Rien que la mort n'était capable d'expier son forfait", dans une "concordance" au présent, ça donne "Rien que la mort ne serait capable d'expier son forfait".
A comparer avec l'alternative :
  • Elle me dit que sur Néoprofs on rencontre des collègues très intéressants.
  • Elle me dit que sur Néoprofs on rencontrerait des collègues très intéressants.

La deuxième version ne me paraît pas impossible, avec une pause après "que", qui permet de prendre distance avec les propos rapportés. Le conditionnel insiste sur le fait que le locuteur ne s'engage pas sur le propos, dit le caractère indirect du propos. On entend plus naturellement l'alternative ici :
  • D'après elle, sur Néoprofs on rencontre des collègues très intéressants. (= "et je veux bien la croire")
  • D'après elle, sur Néoprofs on rencontrerait des collègues très intéressants. (="et j'attends de voir pour le croire")

L'opposition entre ces deux tournures disparaît au passé : dans les deux cas il faut de l'imparfait. On est obligé de marquer qu'on déplace le point de vue : difficile de signifier "et je veux bien la croire". On ne peut signifier que "et je voulais bien la croire" : il faut que je me déplace dans le point de vue du moi d'avant.
En revanche si je compare :
  1. D'après Hérodote, les guerres médiques furent le produit de l'opposition entre la Perse tyrannique et la Grèce démocratique.
  2. D'après Hérodote, les guerres médiques étaient le produit de l'opposition entre la Perse tyrannique et la Grèce démocratique.

cela me semble répondre à :
  1. D'après Hérodote, les guerres médiques sont le produit de l'opposition entre la Perse tyrannique et la Grèce démocratique.
  2. D'après Hérodote, les guerres médiques seraient le produit de l'opposition entre la Perse tyrannique et la Grèce démocratique.

Dans les phrases ①, j'assume le point de vue d'Hérodote, et je vais le développer. Dans les phrases ②, je laisse entendre que je pourrais bien être d'un avis différent, ou bien que je vais aussi donner le point de vue d'un autre historien.

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