Femmes seules qui mutent pour la Guyane ou Mayotte

Elaïna a écrit:
Si on est malheureux en tant que prof dans un collège, il y a peu de chance qu'on soit plus heureux  en tant que prof dans un autre collège juste parce que c'est un autre collège, soit-il au bout du monde.

Faut voir. Il est vrai que l'on risque d'emmener ses problèmes avec soi. Mais il y a des tas d'explications possibles au malheur. Quand tout le monde se plaint d'un système éducatif en crise, ce n'est pas complètement déraisonnable de croire qu'on n'est pas fou ou incapable. Le métier d'enseignant est très dépendant du contexte. Je le sais d'expérience.
Le seul moyen d'être sûr est d'aller voir ailleurs. Sérieusement. En essayant de changer vraiment ce qu'on pense être la cause du marasme. Si l'on pense que c'est le métier, il faut se reconvertir. Si le problème tient à des politiques gouvernementales, il faut changer de pays, et sans chercher à garder les avantages de la vie française. C'est sûr que cela implique des sacrifices. Changer d'air peut être une solution, à condition d'être prêt à en payer le prix. Mais surtout, ne pas croire qu'il n'existe pas de porte de sortie. Il y a toujours une porte de sortie. Encore faut-il la chercher.

Ma petite expérience ici:

https://egomet.sanqualis.com/cest-la-faute-de-la-societe/

Rime a écrit:Je suis partie seule à Mayotte à la rentrée 2017. J'y ai vécu donc plus de six ans, seule puis en couple, puis avec des enfants, en colocation, puis propriétaire d'une maison. Et aujourd'hui avec un soulagement immense j'ai obtenu ma mutation. Marre de ne pas pouvoir faire d'activités culturelles, sportives. Marre de me prendre des cailloux, des parpaings, des barres de fer, des planches cloutées, de risquer ma vie en allant au travail ou aux courses. Marre de dire à mes enfants qu'aujourd'hui on ne sort pas, aujourd'hui on ne mange pas ça parce que y a une pénurie. Marre de devoir faire des réserves d'eau, d'acheter des packs à 8 ou 10 euros les 6 bouteilles, de ne pas me doucher quand j'en ai besoin, de faire des lessives un jour sur trois ou quatre, de patienter dans un dispensaire insalubre pour voir un médecin. Assez de faire des allers-retours à la Réunion ou en métropole dès que l'un de nous doit voir un spécialiste. En somme, je n'en peux plus, ce n'est pas une vie. Non, on ne sauve pas le monde dans des établissements de pratiquement 2000 élèves en collège, non on ne fait pas de l'humanitaire. Et non, Estelle Youssoufa n'a pas une bonne analyse de la situation. D'ailleurs elle vient de nous insulter, nous les enseignants, ici, dans le plus grand des calmes. Une plainte a été (ou va être?) déposée à son encontre.

Voilà, pour mon témoignage.

Renoncer à sauver le monde est la première chose à faire quand on s'engage dans l'humanitaire ou le développement (deux choses assez différentes). Vivre dans les pays pauvres, c'est accepter de voir des choses déplaisantes, de ne rien pouvoir y faire et de se concentrer sur la mission, sur le bien que l'on peut faire à son échelle, sans se torturer pour ce qui ne dépend pas de nous. En formation au départ, un classique, c'est la métaphore de l'omelette au lard: il vaut mieux être la poule que le cochon.
Les caillassages, j'ai connu ça à Djibouti. C'est un bon signe qu'il ne faut pas trop s'attarder. J'ai fini le contrat et je suis rentré.

egomet a écrit:

Elaïna a écrit:
Si on est malheureux en tant que prof dans un collège, il y a peu de chance qu'on soit plus heureux  en tant que prof dans un autre collège juste parce que c'est un autre collège, soit-il au bout du monde.

Faut voir. Il est vrai que l'on risque d'emmener ses problèmes avec soi. Mais il y a des tas d'explications possibles au malheur. Quand tout le monde se plaint d'un système éducatif en crise, ce n'est pas complètement déraisonnable de croire qu'on n'est pas fou ou incapable. Le métier d'enseignant est très dépendant du contexte. Je le sais d'expérience.
Le seul moyen d'être sûr est d'aller voir ailleurs. Sérieusement. En essayant de changer vraiment ce qu'on pense être la cause du marasme. Si l'on pense que c'est le métier, il faut se reconvertir. Si le problème tient à des politiques gouvernementales, il faut changer de pays, et sans chercher à garder les avantages de la vie française. C'est sûr que cela implique des sacrifices. Changer d'air peut être une solution, à condition d'être prêt à en payer le prix. Mais surtout, ne pas croire qu'il n'existe pas de porte de sortie. Il y a toujours une porte de sortie. Encore faut-il la chercher.

Ma petite expérience ici:

https://egomet.sanqualis.com/cest-la-faute-de-la-societe/

Merci à la fois pour ton message et cet article que j’ai lus avec attention et intérêt

Salut.
Je veux simplement dire que j'apprécie les principes et repères moraux qui fondent le propos de @egomet, et dans lesquels je me reconnais.

Merci.

Bonjour,

Ma compagne est prof à Mayotte depuis 2 ans. Il y a des hauts et des bas sur l'île, mais il est possible de bien y vivre et que cela se passe bien au travail. Je peux parler de ce que j'y ai vu moi-même en y allant (6 semaines sur deux fois, j'y retourne en avril).

Voici ce qu'il en ressort. Je précise qu'elle n'est pas à la "capitale" Mamoudzou, mais elle est à Tsararano-Dembeni (plus au centre).

- Travailler à Mayotte rapporte plus qu'en métropole car la vie y est plus chère et plus dure.
- À Mayotte, sur l'île principale, plus on va au nord plus ça craint, plus on va au sud plus c'est vide et ça craint moins.
- Presque tout le monde parle le français sur l'île, mais il y a des illettrés, et une langue locale (le Shimahorais).
- La religion est presque à 100% musulmane sur place. C'est une île française mais on est en Afrique avec une culture Africaine.
- La population Mahoraise est globalement sympathique et avenante avec les "Mzungu", les "blancs venant de métropole" (pour parler de la métropole, ils disent "métro" ou "hexagone"). Les Mahorais sont globalement fiers d'être français.
- Les Mahorais aiment l'argent. Il y a une culture de l'argent particulière. Souvent, l'homme travail, la femme possède des habitations et loue (pour les Mahorais riches). Je vous laisse regarder sur Youtube par exemple des vidéos de mariages, vous y verrez des choses étranges sur l'argent et la coutume locale^^
- Les problèmes de sécurité sont plutôt dus au Comoriens qui vivent illégalement sur place (cette assertion n'est pas un jugement anti-migratoire ou je ne sais quoi, c'est une simple constatation), et à des Mahorais (guerres de gangs, protestation violente pour faire pression sur l'état, etc).
- Il y a un racisme général qui est installé: Les Réunionnais n'aiment pas les Mahorais, les Mahorais n'aiment pas les Comoriens. Les "blancs" ne sont pas plus racistes là-bas qu'en métropole, j'ai l'impression.
- L'île vote globalement extrême droite. Beaucoup de travail au black des Comoriens qui se font embaucher par les Mahorais pour "survivre".
- Beaucoup de pollution sur l'île, dans les eaux, etc.
- Les enfants, ados, jeunes majeurs scolarisés sont en général très gentils et ont tendance à respecter les profs.
- À moins d'habiter à côté du boulot, il est conseillé d'être véhiculé. Pas de bus, pas de taxis comme en métropole (mais il y a des taxis quand-même). Faire du stop est courant là-bas, pas toujours facile d'être pris mais bon.
- Climat tropical, il fait jour de 7h à 18h toute l'année et pas plus. Il est courant de commencer le boulot à 7h du matin, même en tant que prof. Les gens terminent tôt, se couchent tôt par rapport au rythme que l'on a en métropole.
- Les habitations sont très chères, peu nombreuses, il est recommandé financièrement et pour des raisons de sécurité de vivre en coloc'. Avec la chaleur, il faut avoir une clim' dans sa chambre au minimum, et des barreaux aux fenêtres de RDC pour la sécurité (peu de violence au niveau des habitations, mais des vols de télé, téléphones, nourriture peuvent arriver par exemple).
- Pour le tourisme (beaucoup de choses belles à voir ! Dauphins, baleines, balades magnifiques, vie Mahoraise, etc), c'est à plusieurs, sécurité avant tout ! Beaucoup de groupes WA et Facebook (d'ailleurs Facebook est très utilisé sur place, même pour des annonces officielles de coupure d'eau par exemple^^).
- Il est recommandé de ne pas avoir d'objet de valeur sur soi, de retirer la carte sim du téléphone et de la mettre dans une chaussette au cas où on se ferait voler le tél, et avoir du liquide au cas où si on se fait voler tout court. En gros, si vous vous faite appréhender par des gens si vous leur donnez quelque chose, "ça se passera bien". Mais si vous dites "je n'ai rien", ça sent pas bon. Ne pas résister est important, les violences physiques en cas de tentative de vol n'arrivent pas si vous coopérez (pas génial je sais, mais bon).

Globalement, l'île vaut le coup si on est prudent, que l'on vit à plusieurs et que l'on fait partie de groupes pour faire des activités. Les Mahorais sont accueillants, il ne faut pas hésiter à discuter, partager des repas avec des voisins de confiance, etc. Mais le climat de l'île peut être anxieux pour certains. De ce que j'ai pu voir et comprendre, pour les gens qui "s'essaient" à Mayotte pour des raisons de mut', d'argent ou que sais-je, c'est un peu du tout ou rien. On ne supporte pas l'île et on veut la quitter, ou en l'embrasse dans son ensemble et on y trouve son compte (et plus). Mon ressenti est que tout est décuplé là-bas, le bon et le moins bon. Et si vous envisagez d'aller là-bas, prenez contact avec beaucoup de personnes pour en parler: c'est quand-même pas une mince affaire.

J'espère que cette lecture en aidera certain(e)s. À plus !