- NLM76Grand Maître
Après avoir étudié le texte qui est tombé l'an dernier pour les épreuves du bac, je me suis décidé à lire quelques pages du livre de Germain. Très intéressant. Première chose : c'est un livre impossible à lire rapidement, "en diagonale", pour évaluer à vue de nez ce que ça vaut. Ça arrête. Plutôt un bon point.
Un ancrage dans le réel très étrange. Le monde dans lequel on pénètre ne semble pas être le monde extérieur réel, mais plutôt le macrocosme tel que le microcosme-SylvieGermain l'a absorbé... comme le corps de Reinette-la-Grasse est un monde à lui seul.
Des bizarreries au niveau du vocabulaire, peut-être un peu comme ce qu'avait relevé @Delia à propos des "venelles" qui sont normalement des ruelles, et qu'elle utilise pour désigner des sentes dans la forêt. Ici, c'est "[Ses sanglots] roulaient dans les boues dorées de son corps palatal en lents remous huileux et gazouillants qui faisaient tanguer tout doucement ses chairs." J'aurais envie de lire "palatial". Pensez-vous comme moi, ou pouvez-vous comprendre "palatal" ici dans le sens "comme un palais qui goûte, son corps qui est tout entier une bouche" ?
Un ancrage dans le réel très étrange. Le monde dans lequel on pénètre ne semble pas être le monde extérieur réel, mais plutôt le macrocosme tel que le microcosme-SylvieGermain l'a absorbé... comme le corps de Reinette-la-Grasse est un monde à lui seul.
Des bizarreries au niveau du vocabulaire, peut-être un peu comme ce qu'avait relevé @Delia à propos des "venelles" qui sont normalement des ruelles, et qu'elle utilise pour désigner des sentes dans la forêt. Ici, c'est "[Ses sanglots] roulaient dans les boues dorées de son corps palatal en lents remous huileux et gazouillants qui faisaient tanguer tout doucement ses chairs." J'aurais envie de lire "palatial". Pensez-vous comme moi, ou pouvez-vous comprendre "palatal" ici dans le sens "comme un palais qui goûte, son corps qui est tout entier une bouche" ?
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- DorineHabitué du forum
Je l'ai acheté mais il a rejoint la pile en attente.
- NLM76Grand Maître
Enfin terminé. Vraiment très intéressant. Ambiance très mystique, pas grenouille de bénitier du tout. Dans le genre romancier catho, me fait penser à Mauriac et Bernanos. En particulier, si la mort est présente, elle n'y est mort que parce que la vie est débordante, vigoureuse, vibratoire.
Je ne serais pas mécontent si un tel livre était proposé au programme du bac.
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- e-WandererGrand sage
J'admire énormément Sylvie Germain. Jours de Colère, Tobie des Marais et Le livre des nuits sont probablement mes préférés.
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« Profitons du temps qui nous reste avant la définitive invasion de la grande muflerie du Nouveau Monde » (Huysmans)
- nonoHabitué du forum
Pareil ici. J'aime beaucoup son style. Le livre des nuits est un livre que j'offre régulièrement. Magnifique !e-Wanderer a écrit:J'admire énormément Sylvie Germain. Jours de Colère, Tobie des Marais et Le livre des nuits sont probablement mes préférés.
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Prof en LP
- NLM76Grand Maître
Bon après, je dois reconnaître que j'ai lu un peu en diagonale certains passages mystico-descriptifs...
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- NLM76Grand Maître
J'ai donné le texte qui était tombé au bac en DS. Quelques-uns s'en sont très bien sortis. Mais ce qui me frappe, c'est que beaucoup peinent à percevoir le caractère légendaire, ou symbolique du texte. Ils veulent souvent faire des neuf frères des personnages réalistes, et rabattent le tout sur la moraline : les pauvres, ils n'ont pas de chance ; ils ont été abandonnés par leurs parents, etc.
Alors évidemment, les contresens sont favorisés par le format de l'épreuve, qui fait découvrir un texte sorti de nulle part. Mais il faut bien que je leur donne des conseils. Le premier, c'est qu'il faut lire davantage de livres, pour construire un autre rapport à la fiction. Je me dis aussi que les propos attribués à Einstein ("Si vous voulez rendre vos enfants intelligents, lisez-leur des contes; si vous voulez les rendre plus intelligents, lisez-leur plus de contes.") sont assez justes. En fait, j'ai le sentiment que leur difficulté ici est à relier à leur difficulté à entendre ce que sont les rapports complexes entre la vérité et la fiction.
Que pensez-vous de cette analyse ? Voyez-vous d'autres éléments d'explication ?
Alors évidemment, les contresens sont favorisés par le format de l'épreuve, qui fait découvrir un texte sorti de nulle part. Mais il faut bien que je leur donne des conseils. Le premier, c'est qu'il faut lire davantage de livres, pour construire un autre rapport à la fiction. Je me dis aussi que les propos attribués à Einstein ("Si vous voulez rendre vos enfants intelligents, lisez-leur des contes; si vous voulez les rendre plus intelligents, lisez-leur plus de contes.") sont assez justes. En fait, j'ai le sentiment que leur difficulté ici est à relier à leur difficulté à entendre ce que sont les rapports complexes entre la vérité et la fiction.
Que pensez-vous de cette analyse ? Voyez-vous d'autres éléments d'explication ?
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- sinanNiveau 9
Je souscris tout à fait à ton propos, NLM. Pour moi, c'est le problème numéro 1. C'est un rapport au symbolique atrophié. As-tu déjà lu Ces enfants empêchés de penser de Serge Boimare : https://www.cairn.info/ces-enfants-empeches-de-penser--9782100521654.htm ? L'auteur est un psychologue qui explique comment les contes, et les textes fondateurs au sens large, permettent à l'élève de réparer ses failles existentielles qui l'empêchent de prendre le risque de réfléchir. Nous, professeurs de lettres, sommes en partie responsables (poussés par quoi ? l'institution, notre formation, la société ? je ne sais : on réduit souvent les textes à des "messages", des "prêts à penser"...
- NLM76Grand Maître
Oui, j'ai lu le bouquin de Serge Boimare. Il faudrait que je raconte à ce propos les expériences que j'ai fait du conte avec des petits enfants.
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- solaleNiveau 3
NLM76 a écrit:Oui, j'ai lu le bouquin de Serge Boimare. Il faudrait que je raconte à ce propos les expériences que j'ai fait du conte avec des petits enfants.
J'aimerai beaucoup entendre ces expériences....prof au collège, je me fais un devoir, chaque année, d'étudier les contes de Perrault (excepté Grisélidis et les Trois souhaits) avec mes 6eme parce que pour moi, c'est essentiel.
Les contes, je suis d'accord, sont le fondement de toute lecture, à chaque fois que j'explique un texte avec mes 4eme ou 3eme, on en revient à ça. Et quand Sylvie Germain était tombée au bac, j'ai eu un peu de peine en lisant tous ces contresens sur les personnages des frères notamment...
Je n'ai pas lu Jours de colère mais il serait certainement bon que les collègues de lycée le fassent plus souvent lire, cela montrerait justement à des ex-collégiens l'importance de la lecture des contes..
Pour ma part, j'ai lu le Livre des nuits de Sylvie Germain et effectivement j'y ai retrouvé des accents catho mais très syncrétiques...Je l'ai lu au collège pendant "silence on lit" et j'avais l'impression que c'était une tentative de "Cent ans de solitude" perdu dans des paysages enneigés ou montagneux..Cela m'a aussi fait penser, ne me demandez pas pourquoi, au Roi des aulnes de M. Tournier, lecture de mon année de 5eme il y a fort longtemps et qui est restée pourtant, très vivace...
- NLM76Grand Maître
Il y a quelques semaines, j'accompagnais, comme parent d'élève, une classe de CP en sortie en musée. J'étais avec un petit groupe d'une dizaine d'élèves ; nous avons suivi une guide, puis le groupe fut libéré un peu en avance par l'atelier qui suivait. Le groupe était très dissipé avec la guide, et, là en attendant la maîtresse qui devait arriver avec l'autre groupe, il fallait que j'occupasse ma dizaine de zozos, devant le casier à sacs dont nous n'avions pas la clé.
J'ai réussi à les rassembler face à moi, après avoir accepté qu'ils allassent faire un tour aux toilettes, encore assez agités, de sorte que nous nous sommes fait réprimander par une employée du musée. J'ai commencé à leur conter "Le bûcheron et l'esprit de la rivière", qui m'avait été transmis par un autre conteur. Au bout d'une ou deux phrases, entamées dans un demi-brouhaha, j'avais une dizaine de paires d'yeux ronds fascinés qui écoutaient mon conte... alors que toute la bonne volonté interactive de la guide, accompagnée de tentatives de recadrage moralisantes, n'avaient rien pu faire.
J'ai réussi à les rassembler face à moi, après avoir accepté qu'ils allassent faire un tour aux toilettes, encore assez agités, de sorte que nous nous sommes fait réprimander par une employée du musée. J'ai commencé à leur conter "Le bûcheron et l'esprit de la rivière", qui m'avait été transmis par un autre conteur. Au bout d'une ou deux phrases, entamées dans un demi-brouhaha, j'avais une dizaine de paires d'yeux ronds fascinés qui écoutaient mon conte... alors que toute la bonne volonté interactive de la guide, accompagnée de tentatives de recadrage moralisantes, n'avaient rien pu faire.
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- Torrent d'insultes contre Sylvie Germain sur internet
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