- Kras MazovNiveau 1
Bonjour,
Je suis stagiaire en lycée en histoire-géographie, et, parmi les sujets qui me préoccupent le plus, se trouve celui du travail des élèves sur documents (j'entends par là le fait de répondre à des questions portant sur des documents). Manifestement, celui-ci occupe une place centrale dans le dispositif du cours d’histoire-géographie, du moins tel qu’il est pensé par nos enseignants de l’INSPE. Plus largement, j’ai l’impression qu’il est admis qu’en histoire et en géographie, les élèves travaillent sur des documents.
Or, j’ai beaucoup de mal à m’approprier ce dispositif, car j’ai beaucoup de mal à en comprendre le sens, le but. « À quoi ça sert ? » et « À quoi c’est censé servir ? » sont des questions que je me pose sans cesse. Je ne remets pas en cause le fait de montrer des documents aux élèves : ça me paraît crucial. Mais les faire travailler eux-mêmes sur ces documents est une toute autre chose.
Pour mettre les choses au clair, j’ai tenté de lister les différentes raisons qui poussent à faire travailler les élèves sur documents. J’en ai trouvé cinq, que voici dans le désordre.
1. Le travail sur documents permet aux élèves de construire leur savoir.
2. Le travail sur documents permet de rythmer le cours et de stimuler les élèves.
3. Le travail sur documents permet de faire comprendre aux élèves comment se construit un savoir en histoire (dans une moindre mesure, en géographie).
4. Le travail sur documents permet aux élèves d’acquérir des savoir-faire.
5. Le travail sur documents permet aux élèves d’aiguiser leur esprit critique.
La première raison ne me convainc pas. Je n’épilogue pas, car je crois que, sur ce forum, ce serait prêcher à des convertis.
La deuxième raison ne me convainc qu’à moitié. J’ai du mal à mettre les élèves au travail quand je leur donne des documents à étudier. Certains n’en voient pas plus le sens que moi, surtout que l’exercice n’est pas noté. Je pourrais ramasser quelques travaux en fin d’heure, mais tant que je ne suis pas au clair sur le but de ces activités, ça me semblerait malhonnête vis-à-vis de mes élèves, que je forcerais à travailler sans véritable raison.
La troisième raison ne me convainc pas non plus totalement. D’une part, un corpus de quelques documents choisis par l’enseignant n’a presque rien à voir avec un corpus de milliers de sources constitué par un chercheur. La différence quantitative est telle qu’elle introduit une différence qualitative. D’autre part, limiter le travail du chercheur à l’étude de documents laisse de côté de nombreux aspects : par exemple, la publication dans des revues spécialisées à comité de lecture. Bref, il me semble que pour faire comprendre aux élèves comment se construit un savoir en histoire, le plus efficace est encore de le leur expliquer de façon assez magistrale. Ceci étant, je ne veux pas apparaître de mauvaise foi : cette troisième raison ne me convainc certes pas totalement, mais tout de même un peu.
J’en viens aux quatrième et cinquième raisons. Je les ai distinguées, alors que j’aurais pu les mettre ensemble, si je me référais aux compétences mentionnées dans le BO. En réalité, elles me semblent bien différentes : préparer les élèves à l’exercice du commentaire de documents, c’est avant tout leur faire comprendre les règles de cet exercice particulier, dans l’optique de leur faire obtenir une bonne note. Ça fait partie du jeu, bien sûr, et du métier ; mais je serais d’avis de consacrer quelques séances entières à la méthode du commentaire, plutôt que de construire, pour chaque cours, des activités en lien avec le thème de la séance, qui ne seraient somme toute qu’un prétexte à un travail méthodologique.
Reste donc la cinquième raison. Je reste, là encore, mitigé. L’histoire-géographie nous a été présentée à l’INSPE comme la discipline de l’esprit critique ; j’en conviens, mais je ne me résous pas à faire des savoirs historiques et géographiques de simples prétextes au travail sur documents, comme semblent le faire certains enseignants – sans quoi les programmes n’auraient plus lieu d’être, et l’on n’aurait guère qu’à sélectionner des articles de journaux de gauche et de droite pour les donner aux élèves, et leur faire comprendre que le point de vue des auteurs est orienté. Si je me suis engagé dans cette voie, c’est que je crois fermement que les savoirs historiques et géographiques sont émancipateurs. De toute façon, on ne peut exercer son esprit critique qu’en possédant des connaissances solides, sans quoi la raison tourne à vide. En somme, pour faire de mes élèves des citoyens éclairés, il me semble pertinent avant tout de leur transmettre des connaissances solides : face aux manipulations de l’histoire, et face aux « recompositions » (comme les appelle le programme) du monde présent, elles me paraissent essentielles. À l’inverse, j’ai peur de ne pas aller bien loin avec le commentaire de documents : une fois que les élèves ont compris qu’un document exprime toujours un point de vue, est-ce qu’on n’a pas fait le tour ?
Tout ça pour arriver à la question suivante : pourquoi et comment faites-vous travailler vos élèves sur des documents ? (Ce message s’est surtout concentré sur le « pourquoi » ; je n’aborde pas le « comment » pour ne pas surcharger, mais c’est aussi une question que je me pose.)
Merci de m’avoir lu, et, peut-être, de vos réponses !
Je suis stagiaire en lycée en histoire-géographie, et, parmi les sujets qui me préoccupent le plus, se trouve celui du travail des élèves sur documents (j'entends par là le fait de répondre à des questions portant sur des documents). Manifestement, celui-ci occupe une place centrale dans le dispositif du cours d’histoire-géographie, du moins tel qu’il est pensé par nos enseignants de l’INSPE. Plus largement, j’ai l’impression qu’il est admis qu’en histoire et en géographie, les élèves travaillent sur des documents.
Or, j’ai beaucoup de mal à m’approprier ce dispositif, car j’ai beaucoup de mal à en comprendre le sens, le but. « À quoi ça sert ? » et « À quoi c’est censé servir ? » sont des questions que je me pose sans cesse. Je ne remets pas en cause le fait de montrer des documents aux élèves : ça me paraît crucial. Mais les faire travailler eux-mêmes sur ces documents est une toute autre chose.
Pour mettre les choses au clair, j’ai tenté de lister les différentes raisons qui poussent à faire travailler les élèves sur documents. J’en ai trouvé cinq, que voici dans le désordre.
1. Le travail sur documents permet aux élèves de construire leur savoir.
2. Le travail sur documents permet de rythmer le cours et de stimuler les élèves.
3. Le travail sur documents permet de faire comprendre aux élèves comment se construit un savoir en histoire (dans une moindre mesure, en géographie).
4. Le travail sur documents permet aux élèves d’acquérir des savoir-faire.
5. Le travail sur documents permet aux élèves d’aiguiser leur esprit critique.
La première raison ne me convainc pas. Je n’épilogue pas, car je crois que, sur ce forum, ce serait prêcher à des convertis.
La deuxième raison ne me convainc qu’à moitié. J’ai du mal à mettre les élèves au travail quand je leur donne des documents à étudier. Certains n’en voient pas plus le sens que moi, surtout que l’exercice n’est pas noté. Je pourrais ramasser quelques travaux en fin d’heure, mais tant que je ne suis pas au clair sur le but de ces activités, ça me semblerait malhonnête vis-à-vis de mes élèves, que je forcerais à travailler sans véritable raison.
La troisième raison ne me convainc pas non plus totalement. D’une part, un corpus de quelques documents choisis par l’enseignant n’a presque rien à voir avec un corpus de milliers de sources constitué par un chercheur. La différence quantitative est telle qu’elle introduit une différence qualitative. D’autre part, limiter le travail du chercheur à l’étude de documents laisse de côté de nombreux aspects : par exemple, la publication dans des revues spécialisées à comité de lecture. Bref, il me semble que pour faire comprendre aux élèves comment se construit un savoir en histoire, le plus efficace est encore de le leur expliquer de façon assez magistrale. Ceci étant, je ne veux pas apparaître de mauvaise foi : cette troisième raison ne me convainc certes pas totalement, mais tout de même un peu.
J’en viens aux quatrième et cinquième raisons. Je les ai distinguées, alors que j’aurais pu les mettre ensemble, si je me référais aux compétences mentionnées dans le BO. En réalité, elles me semblent bien différentes : préparer les élèves à l’exercice du commentaire de documents, c’est avant tout leur faire comprendre les règles de cet exercice particulier, dans l’optique de leur faire obtenir une bonne note. Ça fait partie du jeu, bien sûr, et du métier ; mais je serais d’avis de consacrer quelques séances entières à la méthode du commentaire, plutôt que de construire, pour chaque cours, des activités en lien avec le thème de la séance, qui ne seraient somme toute qu’un prétexte à un travail méthodologique.
Reste donc la cinquième raison. Je reste, là encore, mitigé. L’histoire-géographie nous a été présentée à l’INSPE comme la discipline de l’esprit critique ; j’en conviens, mais je ne me résous pas à faire des savoirs historiques et géographiques de simples prétextes au travail sur documents, comme semblent le faire certains enseignants – sans quoi les programmes n’auraient plus lieu d’être, et l’on n’aurait guère qu’à sélectionner des articles de journaux de gauche et de droite pour les donner aux élèves, et leur faire comprendre que le point de vue des auteurs est orienté. Si je me suis engagé dans cette voie, c’est que je crois fermement que les savoirs historiques et géographiques sont émancipateurs. De toute façon, on ne peut exercer son esprit critique qu’en possédant des connaissances solides, sans quoi la raison tourne à vide. En somme, pour faire de mes élèves des citoyens éclairés, il me semble pertinent avant tout de leur transmettre des connaissances solides : face aux manipulations de l’histoire, et face aux « recompositions » (comme les appelle le programme) du monde présent, elles me paraissent essentielles. À l’inverse, j’ai peur de ne pas aller bien loin avec le commentaire de documents : une fois que les élèves ont compris qu’un document exprime toujours un point de vue, est-ce qu’on n’a pas fait le tour ?
Tout ça pour arriver à la question suivante : pourquoi et comment faites-vous travailler vos élèves sur des documents ? (Ce message s’est surtout concentré sur le « pourquoi » ; je n’aborde pas le « comment » pour ne pas surcharger, mais c’est aussi une question que je me pose.)
Merci de m’avoir lu, et, peut-être, de vos réponses !
- CroustibaptNiveau 7
Bonjour !
Réflexion très interessante ! Voici mon humble avis rapide au milieu d'un paquet de copies, pendant les vacances!
Pour le "Pourquoi ?"
Personnellement, j'ai toujours vu l'étude de documents en histoire comme un avant-goût du travail de l'historien. Il serait très étrange de balancer un cours magistral aux élèves en disant "C'est comme ça que tout s'est passé" tout en leur expliquant que l'historien travaille sur des sources et ne peut construire son récit historique sans celles-ci. Evidemment, le travail avec les élèves est un succédané du véritable travail de l'historien ; nous sommes bien contraints de définir un corpus documentaire en amont avec les élèves. Tout comme les enseignants de SVT choisissent les lames de microscope qu'ils vont présenter aux élèves, tout comme les professeurs de physique-chimie définissent les conditions de l'expérience à l'avance ...
Pour le "comment ?"
je ne voudrais pas contredire l'INSPE ou ton tuteur, mais il existe, selon moi, des documents de différents statuts pour lesquels l'approche sera différente :
Le document déclencheur (en début de chapitre, pour créer une situation de problématisation), le document d'illustration (on y passe rapidement, juste pour illustrer le cours), le document pivot (celui sur lequel tu vas passer du temps en cours en le "dépiotant", un ou deux par heure), le document que l'on qualifiait avant de "patrimonial" (une oeuvre d'art en lien avec le cours qui semble essentiel dans la culture des élèves) ...
Le document sur lequel on va vraiment passer du temps est le document pivot. Tout est possible pour le travailler. Personnellement, je ne le fais pas travailler individuellement par les élèves durant l'heure de cours : cela m'ennuie. Je le fais lire à l'avance (avec un questionnaire d'accompagnement, ou pas, ou alors il faut transformer le texte en schéma simple, compléter un tableau ...), je demande aux élèves de comparer leurs points de vue avec leur voisin, ou par groupe ... ou on le travaille en cours dialogué puis je demande un compte-rendu écrit rapide ...
Désolé pour le côté décousu de la réflexion. Le travail sur documents peut sembler fastidieux car chronophage, mais il est véritablement au coeur de nos disciplines à mon avis.
Réflexion très interessante ! Voici mon humble avis rapide au milieu d'un paquet de copies, pendant les vacances!
Pour le "Pourquoi ?"
Personnellement, j'ai toujours vu l'étude de documents en histoire comme un avant-goût du travail de l'historien. Il serait très étrange de balancer un cours magistral aux élèves en disant "C'est comme ça que tout s'est passé" tout en leur expliquant que l'historien travaille sur des sources et ne peut construire son récit historique sans celles-ci. Evidemment, le travail avec les élèves est un succédané du véritable travail de l'historien ; nous sommes bien contraints de définir un corpus documentaire en amont avec les élèves. Tout comme les enseignants de SVT choisissent les lames de microscope qu'ils vont présenter aux élèves, tout comme les professeurs de physique-chimie définissent les conditions de l'expérience à l'avance ...
Pour le "comment ?"
je ne voudrais pas contredire l'INSPE ou ton tuteur, mais il existe, selon moi, des documents de différents statuts pour lesquels l'approche sera différente :
Le document déclencheur (en début de chapitre, pour créer une situation de problématisation), le document d'illustration (on y passe rapidement, juste pour illustrer le cours), le document pivot (celui sur lequel tu vas passer du temps en cours en le "dépiotant", un ou deux par heure), le document que l'on qualifiait avant de "patrimonial" (une oeuvre d'art en lien avec le cours qui semble essentiel dans la culture des élèves) ...
Le document sur lequel on va vraiment passer du temps est le document pivot. Tout est possible pour le travailler. Personnellement, je ne le fais pas travailler individuellement par les élèves durant l'heure de cours : cela m'ennuie. Je le fais lire à l'avance (avec un questionnaire d'accompagnement, ou pas, ou alors il faut transformer le texte en schéma simple, compléter un tableau ...), je demande aux élèves de comparer leurs points de vue avec leur voisin, ou par groupe ... ou on le travaille en cours dialogué puis je demande un compte-rendu écrit rapide ...
Désolé pour le côté décousu de la réflexion. Le travail sur documents peut sembler fastidieux car chronophage, mais il est véritablement au coeur de nos disciplines à mon avis.
_________________
Discipline & Bonté
- ElyasEsprit sacré
Il y a peut-être aussi l'idée que les documents ont deux autres intérêts :
- chaque document est une connaissance en elle-même, une trace qui se raconte et raconte aussi le passé. Tu peux totalement faire un cours sur un seul document. Le traité de Verdun, par exemple, se suffit à lui-même pour faire découvrir son histoire et ce qu'il raconte du passé, tant dans son explicite que dans son implicite.
- les documents permettent de donner aux élèves les moyens de construire des pratiques langagières qui leur seront utiles plus tard. En histoire, on leur présente les pratiques langagières de l'histoire et elle leur servira plus tard.
Après, ce genre de réflexion sur l'utilisation du document est très fréquente chez une partie des jeunes enseignants. Ce n'est pas plus mal de s'y frotter de temps en temps pour éviter les dérives de l'usage du document en cours, qui ne doit pas être un moyen uniquement de passer le temps et de trouver une activité pour les élèves parce qu'il faut bien les faire s'agiter.
- chaque document est une connaissance en elle-même, une trace qui se raconte et raconte aussi le passé. Tu peux totalement faire un cours sur un seul document. Le traité de Verdun, par exemple, se suffit à lui-même pour faire découvrir son histoire et ce qu'il raconte du passé, tant dans son explicite que dans son implicite.
- les documents permettent de donner aux élèves les moyens de construire des pratiques langagières qui leur seront utiles plus tard. En histoire, on leur présente les pratiques langagières de l'histoire et elle leur servira plus tard.
Après, ce genre de réflexion sur l'utilisation du document est très fréquente chez une partie des jeunes enseignants. Ce n'est pas plus mal de s'y frotter de temps en temps pour éviter les dérives de l'usage du document en cours, qui ne doit pas être un moyen uniquement de passer le temps et de trouver une activité pour les élèves parce qu'il faut bien les faire s'agiter.
- Vieux_MongolFidèle du forum
Kras Mazov a écrit:Bonjour,
Je suis stagiaire en lycée en histoire-géographie, et, parmi les sujets qui me préoccupent le plus, se trouve celui du travail des élèves sur documents (j'entends par là le fait de répondre à des questions portant sur des documents). Manifestement, celui-ci occupe une place centrale dans le dispositif du cours d’histoire-géographie, du moins tel qu’il est pensé par nos enseignants de l’INSPE. Plus largement, j’ai l’impression qu’il est admis qu’en histoire et en géographie, les élèves travaillent sur des documents.
Or, j’ai beaucoup de mal à m’approprier ce dispositif, car j’ai beaucoup de mal à en comprendre le sens, le but. « À quoi ça sert ? » et « À quoi c’est censé servir ? » sont des questions que je me pose sans cesse. Je ne remets pas en cause le fait de montrer des documents aux élèves : ça me paraît crucial. Mais les faire travailler eux-mêmes sur ces documents est une toute autre chose.
Pour mettre les choses au clair, j’ai tenté de lister les différentes raisons qui poussent à faire travailler les élèves sur documents. J’en ai trouvé cinq, que voici dans le désordre.
1. Le travail sur documents permet aux élèves de construire leur savoir.
2. Le travail sur documents permet de rythmer le cours et de stimuler les élèves.
3. Le travail sur documents permet de faire comprendre aux élèves comment se construit un savoir en histoire (dans une moindre mesure, en géographie).
4. Le travail sur documents permet aux élèves d’acquérir des savoir-faire.
5. Le travail sur documents permet aux élèves d’aiguiser leur esprit critique.
La première raison ne me convainc pas. Je n’épilogue pas, car je crois que, sur ce forum, ce serait prêcher à des convertis.
La deuxième raison ne me convainc qu’à moitié. J’ai du mal à mettre les élèves au travail quand je leur donne des documents à étudier. Certains n’en voient pas plus le sens que moi, surtout que l’exercice n’est pas noté. Je pourrais ramasser quelques travaux en fin d’heure, mais tant que je ne suis pas au clair sur le but de ces activités, ça me semblerait malhonnête vis-à-vis de mes élèves, que je forcerais à travailler sans véritable raison.
La troisième raison ne me convainc pas non plus totalement. D’une part, un corpus de quelques documents choisis par l’enseignant n’a presque rien à voir avec un corpus de milliers de sources constitué par un chercheur. La différence quantitative est telle qu’elle introduit une différence qualitative. D’autre part, limiter le travail du chercheur à l’étude de documents laisse de côté de nombreux aspects : par exemple, la publication dans des revues spécialisées à comité de lecture. Bref, il me semble que pour faire comprendre aux élèves comment se construit un savoir en histoire, le plus efficace est encore de le leur expliquer de façon assez magistrale. Ceci étant, je ne veux pas apparaître de mauvaise foi : cette troisième raison ne me convainc certes pas totalement, mais tout de même un peu.
J’en viens aux quatrième et cinquième raisons. Je les ai distinguées, alors que j’aurais pu les mettre ensemble, si je me référais aux compétences mentionnées dans le BO. En réalité, elles me semblent bien différentes : préparer les élèves à l’exercice du commentaire de documents, c’est avant tout leur faire comprendre les règles de cet exercice particulier, dans l’optique de leur faire obtenir une bonne note. Ça fait partie du jeu, bien sûr, et du métier ; mais je serais d’avis de consacrer quelques séances entières à la méthode du commentaire, plutôt que de construire, pour chaque cours, des activités en lien avec le thème de la séance, qui ne seraient somme toute qu’un prétexte à un travail méthodologique.
Reste donc la cinquième raison. Je reste, là encore, mitigé. L’histoire-géographie nous a été présentée à l’INSPE comme la discipline de l’esprit critique ; j’en conviens, mais je ne me résous pas à faire des savoirs historiques et géographiques de simples prétextes au travail sur documents, comme semblent le faire certains enseignants – sans quoi les programmes n’auraient plus lieu d’être, et l’on n’aurait guère qu’à sélectionner des articles de journaux de gauche et de droite pour les donner aux élèves, et leur faire comprendre que le point de vue des auteurs est orienté. Si je me suis engagé dans cette voie, c’est que je crois fermement que les savoirs historiques et géographiques sont émancipateurs. De toute façon, on ne peut exercer son esprit critique qu’en possédant des connaissances solides, sans quoi la raison tourne à vide. En somme, pour faire de mes élèves des citoyens éclairés, il me semble pertinent avant tout de leur transmettre des connaissances solides : face aux manipulations de l’histoire, et face aux « recompositions » (comme les appelle le programme) du monde présent, elles me paraissent essentielles. À l’inverse, j’ai peur de ne pas aller bien loin avec le commentaire de documents : une fois que les élèves ont compris qu’un document exprime toujours un point de vue, est-ce qu’on n’a pas fait le tour ?
Tout ça pour arriver à la question suivante : pourquoi et comment faites-vous travailler vos élèves sur des documents ? (Ce message s’est surtout concentré sur le « pourquoi » ; je n’aborde pas le « comment » pour ne pas surcharger, mais c’est aussi une question que je me pose.)
Merci de m’avoir lu, et, peut-être, de vos réponses !
Voici déjà quelques éléments de réponse.
Point 1 : il faut justement se concentrer sur cette question. Je pense que vous ne prenez pas l'expression construire son savoir dans le sens où elle doit être prise. Il ne s'agit pas comme on pu le prétendre certains polémistes de faire recréer le savoir scientifique par les élèves. On serait effectivement je pense quasiment tous d'accord pour dire que c'est n'importe quoi. Le savoir dont on parle est celui qui arrive in fine dans le cerveau de nos élèves et là il s'agit bien d'une construction propre à chacun. En effet le cours, qu'il soit magistral ou sur documents a proposé un contenu transposé du savoir scientifique mais l'élève pour le graver dans sa tête se l'est forcément approprié avec ce qu'il a retenu tel quel, ce qu'il a compris ou mal compris après une interprétation hasardeuse, par exemple. C'est ça la construction par l'élève de SON savoir (et pas DU savoir). Pour le dire autrement si deux personnes de deux bords politiques entendent le même discours ils n'auront sans doute pas construit dans leur tête la même chose.
À partir de là un des arguments pour défendre l'intérêt du travail sur document est qu'il correspond à un moment où l'élève est dans une démarche de réflexion personnelle (ou sociale si travail de groupe) particulièrement propice à l'acquisition d'une notion importante parce que l'activité aura permis de la formuler lui-même. Et qu'on peut donc penser que l'ancrage sera important.
Point 2. Il peut y avoir plein de raisons pour laquelle les élèves ne rentrent pas dans les activités que vous leur proposez. La première peut bien sûr tenir à votre absence de conviction. Les élèves sentent très bien ce genre de choses là. De plus se mettre en démarche de travail individuel souvent ça les gonfle un tantinet. Ils préfèrent se faire livrer par Uber des trucs tout faits. Il est aussi très possible qu'à ce moment-là de l'année votre questionnement sur les documents et la construction de vos activités soient tout simplement mal faits ce qui n'incite pas les élèves à se mettre au travail.
Beaucoup de vos collègues chevronnés considèrent qu'effectivement des temps différents d'apprentissage permettent de rythmer et de stimuler le cours. Vous devriez vous dire que ce n'est pas basé sur rien.
Point 3. D'accord avec le fait qu'en classe on ne recrée jamais véritablement les conditions et la démarche complète de l'historien et du géographe. Par contre et même avec un corpus réduit on peut initier les élèves aux démarches rationnelles qui sont mises en œuvre. Et il est bon de montrer que le savoir repose sur des données qu'on traite et qu'on questionne. Ne serait-ce qu'avec deux documents qui se complètent, se confirment ou s'opposent. On peut effectivement leur montrer la même chose en magistral ou dialogué mais ça nous renvoie au point 1.
Point 4. C'est un point de vue personnel mais je préfère travailler la méthodologie sur le temps de l'année pour une imprégnation qui me semble plus profonde. Les heures passées en début d'année pour un cours ex cathedra de méthodologie me semblent moins efficaces, ou alors il faut y revenir tout le temps et donc... Par contre j'essaie dans chaque commentaire de documents qu'ils font au fil de l'eau de mettre un point méthodologique qui a du sens par rapport à la question étudiée.
Point 5. Attention à ne pas prendre la grosse tête des profs d'histoire-géo, toutes les disciplines sont émancipatrices. Tout savoir et toute pensée rationnelle émancipe. Bien sûr nous devons transmettre des connaissances scientifiques solides, mais avez-vous fait un peu d'épistémologie et êtes-vous absolument sûr de ne jamais dire de bêtises dans vos cours ? Notre savoir scientifique est le fruit d'évolutions, de controverses, vous en conviendrez aisément je pense. Effectivement un document illustre un point de vue. Mais dans l'analyse il n'est jamais seul. L'élève doit le confronter au cours ou bien à d'autres documents. Au moins autant que de leur donner un savoir gravé dans le marbre il devient indispensable d'apprendre à nos élèves à questionner le point de vue des acteurs. Cela vaut pour l'éducation civique , la géographie mais aussi l'histoire. Or la confrontation avec l'acteur et son point de vue elle passe bien de manière privilégiée par le document.
- MatteoNiveau 10
Une autre approche a été dans le BO à un moment, années 90 je crois. C'est de montrer des "documents patrimoniaux" dans une optique de culture général. Je ne suis pas du tout convaincu par les vertus intellectuelles du travail sur document et personnellement il m'ennuyait beaucoup quand j'étais élève. J'aime beaucoup les vrais commentaires format agreg mais c'est tout autre chose. Par contre je me dis qu'il y a des documents qu'on ne peut pas ne pas connaître et en général ça suffit pour meubler mon cours.
Ce que l'INSPE demande c'est de mettre l'activité ou le document au coeur de la conception de cours et ça je n'y arrive pas, j'ai besoin de faire un plan de cours "historique" et pas par compétence.
Ce que l'INSPE demande c'est de mettre l'activité ou le document au coeur de la conception de cours et ça je n'y arrive pas, j'ai besoin de faire un plan de cours "historique" et pas par compétence.
- Marie LaetitiaBon génie
J'aime bien la typologie proposée par Croustibat...
Bon, il est vrai que ce que je dis provient en fait de ma pratique principale des élèves en collège, je n'enseigne pas en lycée. Tous les ans, j'en ai capable d'une réflexion subtile et chez eux, la construction de leur savoir à partir des documents est réelle, mais c'est une telle minorité...
Pour ton 2., il est certain que le doc iconographique est bien pratique pour rendre vivants les cours. Une p'tite remarque critique en passant est toujours possible pour que les élèves n'oublient pas que tout document se critique...
Pour le 3. c'est une vaste ambition que de vouloir faire appréhender le travail des historiens par le biais du doc reproduit dans un manuel ou sur une photocp. C'est déjà plus réaliste en les emmenant visiter des archives et travailler sur de vrais vrais docs d'archives, qu'ils peuvent toucher...
Pour le 4 et le 5, ça va forcément ensemble.
Bref. Si, déjà, à la majorité des élèves, j'arrive à faire intégrer
a. qu'un document historique est toujours le produit d'une construction, qui dépend de l'auteur, du destinataire, de la nature et du contexte de réalisation
b. que, subséquemment, comme aurait dit Brel, subséquemment, tout document doit être regardé de manière critique, de la stèle d'Hammurabi au dernier discours de Macron ou de Biden en passant par leurs chères vidéos Youtube ou TikTok ou par n'importe quel objet ordinaire du quotidien (puisque tout est document pour l'historien).
Ma foi, ce n'est déjà pas si mal si j'arrive à leur faire comprendre ça.
Pour répondre à ta question initiale, Kras Mazov,
C'est aussi et surtout, pour un public du secondaire le moyen d'exercer leur esprit critique, de les habituer à se poser des questions. Pourquoi? Est-ce normal, pas normal? D'où vient ce document? Qui l'a produit? Dans quelle intention? Quand le document arrive après l'acquisition de connaissances, c'est le moyen d'utiliser ses connaissances, de les confronter au document.
La pire chose qui soit, c'est de se borner (et de borner le travail des élèves) à une utilisation au premier degré d'un document, seulement pour trouver des informations. C'est un peu le comble de l'horreur. C'est pour ça que l'identification d'un document "authentique" (tout ce qui ne vient pas d'un manuel, d'un ouvrage d'historien ou de géographe) est la première étape fondamentale pour appréhender un document, que ce soit fait par le professeur (pour aller plus vite) ou par l'élève. Et c'est pour cela que l'on peut aisément faire une heure de cours sur un seul document, bien travaillé. Il permet de traiter le fond (les connaissances) et d'habituer les élèves par des exercices pratiques à analyser des documents, ce qu'ils feront en tant que simples citoyens en lisant leur journal ou en recevant n'importe quel "message" de n'importe quelle origine.
Bon. Je dois aussi reconnaître, que quand j'étais stagiaire, les documents me fichaient la trouille, comme les commentaires de docs que je ratais une fois sur deux jusqu'aux concours, compris. C'est après, avec ma thèse, en souffrant sur mes archives, que le travail sur doc est devenu un jeu...
Pour finir en rebondissant sur la remarque de Croustibat,
Je fais le coup régulièrement, avec à peu près n'importe quel document. Au bout d'un moment, ils prennent quelques réflexes
Kras Mazov a écrit:j’ai tenté de lister les différentes raisons qui poussent à faire travailler les élèves sur documents. J’en ai trouvé cinq, que voici dans le désordre.
1. Le travail sur documents permet aux élèves de construire leur savoir.
2. Le travail sur documents permet de rythmer le cours et de stimuler les élèves.
3. Le travail sur documents permet de faire comprendre aux élèves comment se construit un savoir en histoire (dans une moindre mesure, en géographie).
4. Le travail sur documents permet aux élèves d’acquérir des savoir-faire.
5. Le travail sur documents permet aux élèves d’aiguiser leur esprit critique.
Pour le 1, ça, avec ou sans les nuances de Vieux_Mongol, ça reste de la bullshit, pour 90 voire 99% des élèves (je parle du secondaire), hein... Bullshit au sens où la marge d'appropriation personnelle d'un élève à l'autre est très limitée, étant donné qu'on attend d'eux des savoirs très simples, la plupart du temps. Ils ne brassent pas des savoirs en masse au point que l'appropriation personnelle joue un rôle majeur. Et je ne vois pas comment on peut comparer des connaissances historiques vérifiées avec un discours politique. On gagnera du temps à parler d'assimilation par les élèves. L'appropriation qui compte, c'est celle qui existe quand un cours a été parfaitement compris, appris, assimilé. Le reste, l'appropriation de l'histoire à partir de documents, c'est de la jolie théorie intéressante presque uniquement sur le papier. Parce que ça exige en fait une réflexion personnelle sur l'élève, seul face au document, et la plupart du temps, c'est attendre de la majorité des élèves du secondaire plus que ce qu'ils peuvent (déjà, je ne suis pas sûre d'y arriver en fac avec les étudiants de Licence, au moins ceux de première année, fraîchement débarqués du lycée... J'ai un peu l'impression de leur faire découvrir la lune quand j'arrive à les faire entrer au-delà du texte...)Vieux_Mongol a écrit:En effet le cours, qu'il soit magistral ou sur documents a proposé un contenu transposé du savoir scientifique mais l'élève pour le graver dans sa tête se l'est forcément approprié avec ce qu'il a retenu tel quel, ce qu'il a compris ou mal compris après une interprétation hasardeuse, par exemple. C'est ça la construction par l'élève de SON savoir (et pas DU savoir). Pour le dire autrement si deux personnes de deux bords politiques entendent le même discours ils n'auront sans doute pas construit dans leur tête la même chose.
À partir de là un des arguments pour défendre l'intérêt du travail sur document est qu'il correspond à un moment où l'élève est dans une démarche de réflexion personnelle (ou sociale si travail de groupe) particulièrement propice à l'acquisition d'une notion importante parce que l'activité aura permis de la formuler lui-même. Et qu'on peut donc penser que l'ancrage sera important.
Bon, il est vrai que ce que je dis provient en fait de ma pratique principale des élèves en collège, je n'enseigne pas en lycée. Tous les ans, j'en ai capable d'une réflexion subtile et chez eux, la construction de leur savoir à partir des documents est réelle, mais c'est une telle minorité...
Pour ton 2., il est certain que le doc iconographique est bien pratique pour rendre vivants les cours. Une p'tite remarque critique en passant est toujours possible pour que les élèves n'oublient pas que tout document se critique...
Pour le 3. c'est une vaste ambition que de vouloir faire appréhender le travail des historiens par le biais du doc reproduit dans un manuel ou sur une photocp. C'est déjà plus réaliste en les emmenant visiter des archives et travailler sur de vrais vrais docs d'archives, qu'ils peuvent toucher...
Pour le 4 et le 5, ça va forcément ensemble.
Bref. Si, déjà, à la majorité des élèves, j'arrive à faire intégrer
a. qu'un document historique est toujours le produit d'une construction, qui dépend de l'auteur, du destinataire, de la nature et du contexte de réalisation
b. que, subséquemment, comme aurait dit Brel, subséquemment, tout document doit être regardé de manière critique, de la stèle d'Hammurabi au dernier discours de Macron ou de Biden en passant par leurs chères vidéos Youtube ou TikTok ou par n'importe quel objet ordinaire du quotidien (puisque tout est document pour l'historien).
- Spoiler:
- L'histoire [...] peut se faire [...] avec tout ce que l’ingéniosité de l’historien peut lui permettre d’utiliser pour fabriquer son miel, à défaut des fleurs usuelles. Donc avec des mots, des signes. Des paysages et des tuiles. Des formes de champs et de mauvaises herbes. Des éclipses de lune et des colliers d’attelage. Des expertises de pierres par des géologues et des analyses d’épées en métal par des chimistes. D’un mot, avec tout ce qui, étant à l’homme, dépend de l’homme, sert à l’homme, exprime l’homme, signifie la présence, l’activité, les goûts et les façons d’être de l’homme. Toute une part, et la plus passionnante sans doute de notre travail d’historien, ne consiste-t-elle pas dans un effort constant pour faire parler les choses muettes, leur faire dire ce qu’elles ne disent pas d’elles-mêmes sur les hommes, sur les sociétés qui les ont produites – et constituer finalement entre elles ce vaste réseau de solidarités et d’entraide qui supplée à l’absence du document écrit. comme le disait ce vieux cher Fèbvre...
Ma foi, ce n'est déjà pas si mal si j'arrive à leur faire comprendre ça.
Pour répondre à ta question initiale, Kras Mazov,
Sans document, il n'y a pas d'histoire. C'est le canal d'accès à l'histoire. Sans document, en classe, je serais malheureuse comme les pierres.« À quoi ça sert ? » et « À quoi c’est censé servir ? » sont des questions que je me pose sans cesse.
C'est aussi et surtout, pour un public du secondaire le moyen d'exercer leur esprit critique, de les habituer à se poser des questions. Pourquoi? Est-ce normal, pas normal? D'où vient ce document? Qui l'a produit? Dans quelle intention? Quand le document arrive après l'acquisition de connaissances, c'est le moyen d'utiliser ses connaissances, de les confronter au document.
La pire chose qui soit, c'est de se borner (et de borner le travail des élèves) à une utilisation au premier degré d'un document, seulement pour trouver des informations. C'est un peu le comble de l'horreur. C'est pour ça que l'identification d'un document "authentique" (tout ce qui ne vient pas d'un manuel, d'un ouvrage d'historien ou de géographe) est la première étape fondamentale pour appréhender un document, que ce soit fait par le professeur (pour aller plus vite) ou par l'élève. Et c'est pour cela que l'on peut aisément faire une heure de cours sur un seul document, bien travaillé. Il permet de traiter le fond (les connaissances) et d'habituer les élèves par des exercices pratiques à analyser des documents, ce qu'ils feront en tant que simples citoyens en lisant leur journal ou en recevant n'importe quel "message" de n'importe quelle origine.
Bon. Je dois aussi reconnaître, que quand j'étais stagiaire, les documents me fichaient la trouille, comme les commentaires de docs que je ratais une fois sur deux jusqu'aux concours, compris. C'est après, avec ma thèse, en souffrant sur mes archives, que le travail sur doc est devenu un jeu...
Pour finir en rebondissant sur la remarque de Croustibat,
ce que j'adore, c'est tendre des pièges aux élèves. Sur une photographie d'un soldat de 14-18 auprès d'une tranchée, je me souviens avoir amené des Premières, il y a longtemps, à conclure "donc, on est d'accord, c'est bien une photographie authentique de 14-18? Tout le monde est d'accord? Ah bah tant mieux pour vous. Parce que, moi, je ne suis pas d'accord." Gros silence, les élèves me regardent, un peu inquiets. Évidemment, le piège résidait dans ce qu'on peut appeler une "image authentique", reconstituée ou pas, par qui, pourquoi... et de leur prouver, détails à l'appui, que ce n'était évidemment pas une photo d'un vrai poilu, posant au bord de sa vraie tranchée. Après, je te garantis qu'ils réfléchissaient à deux fois et regardaient bien les documents avant de leur faire confiance...Le document sur lequel on va vraiment passer du temps est le document pivot. Tout est possible pour le travailler. Personnellement, je ne le fais pas travailler individuellement par les élèves durant l'heure de cours : cela m'ennuie. Je le fais lire à l'avance (avec un questionnaire d'accompagnement, ou pas, ou alors il faut transformer le texte en schéma simple, compléter un tableau ...), je demande aux élèves de comparer leurs points de vue avec leur voisin, ou par groupe ... ou on le travaille en cours dialogué puis je demande un compte-rendu écrit rapide ...
Je fais le coup régulièrement, avec à peu près n'importe quel document. Au bout d'un moment, ils prennent quelques réflexes
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- Marie LaetitiaBon génie
Matteo a écrit:Une autre approche a été dans le BO à un moment, années 90 je crois. C'est de montrer des "documents patrimoniaux" dans une optique de culture général. Je ne suis pas du tout convaincu par les vertus intellectuelles du travail sur document et personnellement il m'ennuyait beaucoup quand j'étais élève. J'aime beaucoup les vrais commentaires format agreg mais c'est tout autre chose. Par contre je me dis qu'il y a des documents qu'on ne peut pas ne pas connaître et en général ça suffit pour meubler mon cours.
Ce que l'INSPE demande c'est de mettre l'activité ou le document au coeur de la conception de cours et ça je n'y arrive pas, j'ai besoin de faire un plan de cours "historique" et pas par compétence.
Qu'est-ce que tu entends par ça?
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
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- MatteoNiveau 10
L'INSPE encourage à faire des séquences articulées autour d'une seule compétence qu'on va construire progressivement au fil des séances. C'est cette construction qui forme le "plan" qui est une succession de séances numérotées. Il faut passer plus de temps à réfléchir à ça qu'au contenu qui est considéré comme allant de soi.
Moi ça ne me va pas alors je fais grosso modo un plan de dissertation. Parfois il y a un angle qui donne une compétence, souvent non.
Moi ça ne me va pas alors je fais grosso modo un plan de dissertation. Parfois il y a un angle qui donne une compétence, souvent non.
- Marie LaetitiaBon génie
Matteo a écrit:L'INSPE encourage à faire des séquences articulées autour d'une seule compétence qu'on va construire progressivement au fil des séances. C'est cette construction qui forme le "plan" qui est une succession de séances numérotées. Il faut passer plus de temps à réfléchir à ça qu'au contenu qui est considéré comme allant de soi.
Moi ça ne me va pas alors je fais grosso modo un plan de dissertation. Parfois il y a un angle qui donne une compétence, souvent non.
Dit comme ça, ça ne vend pas du rêve, en effet...
On peut choisir une compétence selon le sujet du chapitre. Il est certain qu'un chapitre sur l'entre-deux-guerres va se prêter à un travail d'analyse du doc iconographique. Un chapitre de géo sur la démographie ou la pauvreté se prêtera bien à la lecture de tableaux ou de courbes. Savoirs et compétences s'accompagnent, se complètent. L'un sans l'autre... face à des collégiens ou des lycéens, j'ai du mal à concevoir ce que ça peut être. Donc finalement, c'est le document chez moi qui dicte tout, il est mon principal instrument pour emmener les élèves là où je veux qu'ils aillent. Pour le comprendre, on a besoin de connaissances en amont. Et ensuite, on peut l'analyser, le critiquer avec comme résultat d'enrichir, d'affiner les connaissances acquises au démarrage.
Cela ne m'empêche pas, quand je prépare un nouveau chapitre d'avoir comme point de départ la liste des notions, dates, événements que je veux que mes élèves aient en fin de chapitre.
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- Isis39Enchanteur
Matteo a écrit:L'INSPE encourage à faire des séquences articulées autour d'une seule compétence qu'on va construire progressivement au fil des séances. C'est cette construction qui forme le "plan" qui est une succession de séances numérotées. Il faut passer plus de temps à réfléchir à ça qu'au contenu qui est considéré comme allant de soi.
Moi ça ne me va pas alors je fais grosso modo un plan de dissertation. Parfois il y a un angle qui donne une compétence, souvent non.
Qu’est-ce que l’INSPE appelle « séquences » ?
Personnellement je fais des chapitres. Pour chaque chapitre je vais faire travailler plus particulièrement une compétence (étude de document, rédaction, etc) mais étudier un ou des documents c’est quasiment tout le temps.
- Vieux_MongolFidèle du forum
Marie Laetitia a écrit:
Pour le 1, ça, avec ou sans les nuances de Vieux_Mongol, ça reste de la bullshit, pour 90 voire 99% des élèves (je parle du secondaire), hein... Bullshit au sens où la marge d'appropriation personnelle d'un élève à l'autre est très limitée, étant donné qu'on attend d'eux des savoirs très simples, la plupart du temps. Ils ne brassent pas des savoirs en masse au point que l'appropriation personnelle joue un rôle majeur. Et je ne vois pas comment on peut comparer des connaissances historiques vérifiées avec un discours politique. On gagnera du temps à parler d'assimilation par les élèves. L'appropriation qui compte, c'est celle qui existe quand un cours a été parfaitement compris, appris, assimilé.
La dernière phrase me laisse particulièrement perplexe. Un cours "parfaitement assimilé" c'est à dire 100 % des notions, des connaissances factuelles, et ses savoir-faire engrangés dans la mémoire et reproductibles (assimilés effectivement) cela ne concerne qu'une très faible minorité d'élèves. Pour les autres c'est toute appropriation partielle qui ne compte pas ?
- Marie LaetitiaBon génie
Vieux_Mongol a écrit:Marie Laetitia a écrit:
Pour le 1, ça, avec ou sans les nuances de Vieux_Mongol, ça reste de la bullshit, pour 90 voire 99% des élèves (je parle du secondaire), hein... Bullshit au sens où la marge d'appropriation personnelle d'un élève à l'autre est très limitée, étant donné qu'on attend d'eux des savoirs très simples, la plupart du temps. Ils ne brassent pas des savoirs en masse au point que l'appropriation personnelle joue un rôle majeur. Et je ne vois pas comment on peut comparer des connaissances historiques vérifiées avec un discours politique. On gagnera du temps à parler d'assimilation par les élèves. L'appropriation qui compte, c'est celle qui existe quand un cours a été parfaitement compris, appris, assimilé.
La dernière phrase me laisse particulièrement perplexe. Un cours "parfaitement assimilé" c'est à dire 100 % des notions, des connaissances factuelles, et ses savoir-faire engrangés dans la mémoire et reproductibles (assimilés effectivement) cela ne concerne qu'une très faible minorité d'élèves. Pour les autres c'est toute appropriation partielle qui ne compte pas ?
et au nom de quoi???
Par ailleurs, je n'ai jamais dit que ça ne comptait pas!
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- Vieux_MongolFidèle du forum
Marie Laetitia a écrit:Vieux_Mongol a écrit:Marie Laetitia a écrit:
Pour le 1, ça, avec ou sans les nuances de Vieux_Mongol, ça reste de la bullshit, pour 90 voire 99% des élèves (je parle du secondaire), hein... Bullshit au sens où la marge d'appropriation personnelle d'un élève à l'autre est très limitée, étant donné qu'on attend d'eux des savoirs très simples, la plupart du temps. Ils ne brassent pas des savoirs en masse au point que l'appropriation personnelle joue un rôle majeur. Et je ne vois pas comment on peut comparer des connaissances historiques vérifiées avec un discours politique. On gagnera du temps à parler d'assimilation par les élèves. L'appropriation qui compte, c'est celle qui existe quand un cours a été parfaitement compris, appris, assimilé.
La dernière phrase me laisse particulièrement perplexe. Un cours "parfaitement assimilé" c'est à dire 100 % des notions, des connaissances factuelles, et ses savoir-faire engrangés dans la mémoire et reproductibles (assimilés effectivement) cela ne concerne qu'une très faible minorité d'élèves. Pour les autres c'est toute appropriation partielle qui ne compte pas ?
et au nom de quoi???
Par ailleurs, je n'ai jamais dit que ça ne comptait pas!
Ma foi, je dois avoir des difficultés de lecture : " L'appropriation qui compte, c'est celle qui existe quand un cours a été parfaitement compris, appris, assimilé".
- Kras MazovNiveau 1
Bonjour,
Merci à tous pour vos réponses détaillées. Elles m’aident beaucoup à y voir plus clair. Je retiens en particulier la typologie proposée par Croustibapt (que j’ai déjà rencontrée, à quelques nuances près), et l’idée d’organiser le cours autour d’un document-pivot.
Merci à Elyas pour les idées complémentaires.
Merci à Vieux_Mongol pour votre réponse détaillée, et votre remarque judicieuse sur le premier point. Cependant, je ne suis pas sûr que mes élèves soient toujours sensibles à cette idée d’appropriation du savoir (je précise que j’ai des classes techno, pour lesquelles l’HG n’est pas déterminante, même si je constate que beaucoup d’élèves sont plutôt intéressés). Je reconnais cependant la justesse de vos remarques sur le point 2. Mes activités sont en effet mal calibrées. Je ne remets pas non plus en cause l’expérience des collègues chevronnés, mais pars seulement de ma propre expérience pour savoir ce que je suis capable de mettre en place en cours.
Par ailleurs, je souscris totalement à l’idée que « Tout savoir et toute pensée rationnelle émancipe ». Je me suis mal exprimé si j’ai laissé entendre que je réservais cette opinion à l’HG.
Marie Laeticia, j’ai lu également ton message avec attention. Je précise seulement, encore une fois, que je ne remets pas du tout en cause la place du document en cours d’HG. Il me semble seulement que pour la plupart des élèves, passer un quart d’heure à répondre, seuls, à des questions sur document les place dans un rapport utilitariste au document (il s’agit de trouver l’information permettant de répondre à la question posée). Mais là, bien sûr, la façon dont je construis mon activité a une grosse influence, et j’ai beaucoup à apprendre.
Ça me mène à la question de la mise en œuvre concrète. J’imagine qu’à partir de cette liste, tu réfléchis au meilleur document pour parvenir à ces notions, dates, événements. En cours ensuite, arrives-tu à faire en sorte que la reprise du travail des élèves constitue le contenu du cours ? Ou bien alors, tu leur fais aussi écrire un paragraphe de cours en complément ? Avant ou après l’activité ?
Merci à tous pour vos réponses détaillées. Elles m’aident beaucoup à y voir plus clair. Je retiens en particulier la typologie proposée par Croustibapt (que j’ai déjà rencontrée, à quelques nuances près), et l’idée d’organiser le cours autour d’un document-pivot.
Merci à Elyas pour les idées complémentaires.
Merci à Vieux_Mongol pour votre réponse détaillée, et votre remarque judicieuse sur le premier point. Cependant, je ne suis pas sûr que mes élèves soient toujours sensibles à cette idée d’appropriation du savoir (je précise que j’ai des classes techno, pour lesquelles l’HG n’est pas déterminante, même si je constate que beaucoup d’élèves sont plutôt intéressés). Je reconnais cependant la justesse de vos remarques sur le point 2. Mes activités sont en effet mal calibrées. Je ne remets pas non plus en cause l’expérience des collègues chevronnés, mais pars seulement de ma propre expérience pour savoir ce que je suis capable de mettre en place en cours.
Par ailleurs, je souscris totalement à l’idée que « Tout savoir et toute pensée rationnelle émancipe ». Je me suis mal exprimé si j’ai laissé entendre que je réservais cette opinion à l’HG.
Marie Laeticia, j’ai lu également ton message avec attention. Je précise seulement, encore une fois, que je ne remets pas du tout en cause la place du document en cours d’HG. Il me semble seulement que pour la plupart des élèves, passer un quart d’heure à répondre, seuls, à des questions sur document les place dans un rapport utilitariste au document (il s’agit de trouver l’information permettant de répondre à la question posée). Mais là, bien sûr, la façon dont je construis mon activité a une grosse influence, et j’ai beaucoup à apprendre.
Précisément, c’est ce que je trouve difficile : l’articulation entre les savoirs à faire passer aux élèves, et la constitution des cours autour d’une étude de documents.Marie Laetitia a écrit:On peut choisir une compétence selon le sujet du chapitre. Il est certain qu'un chapitre sur l'entre-deux-guerres va se prêter à un travail d'analyse du doc iconographique. Un chapitre de géo sur la démographie ou la pauvreté se prêtera bien à la lecture de tableaux ou de courbes. Savoirs et compétences s'accompagnent, se complètent. L'un sans l'autre... face à des collégiens ou des lycéens, j'ai du mal à concevoir ce que ça peut être. Donc finalement, c'est le document chez moi qui dicte tout, il est mon principal instrument pour emmener les élèves là où je veux qu'ils aillent. Pour le comprendre, on a besoin de connaissances en amont. Et ensuite, on peut l'analyser, le critiquer avec comme résultat d'enrichir, d'affiner les connaissances acquises au démarrage.
Cela ne m'empêche pas, quand je prépare un nouveau chapitre d'avoir comme point de départ la liste des notions, dates, événements que je veux que mes élèves aient en fin de chapitre.
Ça me mène à la question de la mise en œuvre concrète. J’imagine qu’à partir de cette liste, tu réfléchis au meilleur document pour parvenir à ces notions, dates, événements. En cours ensuite, arrives-tu à faire en sorte que la reprise du travail des élèves constitue le contenu du cours ? Ou bien alors, tu leur fais aussi écrire un paragraphe de cours en complément ? Avant ou après l’activité ?
- ElyasEsprit sacré
Si cela peut t'aider, je vais t'expliquer le débat sur le travail sur document qu'il y a eu lors du passage des programmes de 1996 à ceux de 2008 (les meilleurs qu'on ait eus ces 50 dernières années selon moi mais c'est personnel).
Les programmes de 1996 avaient consacré les documents patrimoniaux (en lien avec le livre de Pierre Nora) mais les pratiques en classe valorisées par l'institution avaient créé un système de cours où le document n'était qu'une banque de données pour construire le cours. Cela donnait à peu près ça au tournant des années 2000 :
"Document d'accroche.
Ecriture du titre du cours et de sa problématique.
Document 1 : questionnaire en cours dialogué.
A partir des réponses du cours dialogué sur le document, on note le 1- de la leçon.
Document 2 : questionnaire écrit / correction du questionnaire / trace écrite du 2- (qui est une resucée du questionnaire).
Document 3 : là on avait des pratiques diverses mais en gros ça restait du pillage de données sur le document / trace écrite du 3-.
Co-construction de la conclusion/réponse de la problématique".
Tu mets là-dedans des fois un temps magistral sur un des documents, un travail de groupe etc. Tu avais la façon de faire des IUFM des années 1990-2000. La question rituelle de chaque document était "présenter le document". Les élèves avaient développé des stratégies d'esquive du travail assez démentielles. Les plus malins et les moins travailleurs ne faisaient que la question 1 et laissaient le reste en disant "je comprends pas, j'y arrive pas, c'est trop dur mais regardez, j'ai essayé". De plus, on avait des documents tronçonnés dans les manuels et dont les traductions/découpage pouvaient donner un contre-sens sur ce que disait le document originel.
En bref, on avait dévoyé l'usage du document.
C'est une vision très noire de la situation en 2005 mais les rapports CEDRE de l'époque et la seule enquête qu'on ait sur le sujet (A la recherche de l'histoire, 1997) nous donnent ce modèle.
Pire, sur les QSV (questions socialement vives), on abordait absolument pas le fond.
Les programmes de 2008 ont un peu bousculé tout ça. La catastrophe avait été analysée. On a donc décidé de promouvoir deux types de travail sur document :
- les dossiers documentaires pour construire des récits, des synthèses, des analyses afin de donner aux élèves les pratiques langagières de l'histoire (et de la géographie) et de travailler la compréhension des documents composites, principalement la mise en relation des documents.
- le travail sur document unique dont le but était de rappeler que le document n'est pas qu'une banque de donnée mais aussi une trace qui fait histoire et qui a une histoire. L'idée était de pouvoir faire travailler dès la classe de 6e les élèves sur des documents d'une trentaine de lignes et de les analyser, avec une initiation à la méthode historique d'analyse du document. Cela a été très mal reçu. Pourtant, cela a donné des résultats très impressionnants chez ceux qui ont essayé. Cela a donné naissance à des tas de pratiques comme le débat de compréhension, l'initiation au commentaire de document, la recherche de documents similaires ou en lien avec le document étudié, le travail des hypothèses historiques etc. En réalité, cela a redonné de la chair à l'histoire.
En effet, les cours d'histoire devenaient très désincarnés et il fallait redonner de la connaissance, de la chair aux cours. On pouvait avoir des élèves qui connaissaient les grandes généralités du Moyen Âge et avoir 18 de moyenne mais incapables de connaître un seul événement, une seule période, un seul personnage historique dans sa complexité autre qu'un "comme x à la date de y" dans un développement construit.
En retravaillant avec les documents pour eux-mêmes ou pour le phénomène historique qu'ils traitent, on a redonné des connaissances aux élèves au-delà de la généralité. En outre, quand on étudie un document, les élèves comprennent qu'il est la source de plus de connaissances que ce qu'il contient parce qu'il s'inscrit dans un invisible qu'il faut décrypter, rendre visible.
Si on me dit que des élèves ne sont pas capables de faire un commentaire de document dès la fin de la 6e (un commentaire adapté aux attendus de leur âge mais même là, on a des surprises très positives), je dirai juste : essayez de le leur apprendre, vous seriez surpris.
Les programmes de 1996 avaient consacré les documents patrimoniaux (en lien avec le livre de Pierre Nora) mais les pratiques en classe valorisées par l'institution avaient créé un système de cours où le document n'était qu'une banque de données pour construire le cours. Cela donnait à peu près ça au tournant des années 2000 :
"Document d'accroche.
Ecriture du titre du cours et de sa problématique.
Document 1 : questionnaire en cours dialogué.
A partir des réponses du cours dialogué sur le document, on note le 1- de la leçon.
Document 2 : questionnaire écrit / correction du questionnaire / trace écrite du 2- (qui est une resucée du questionnaire).
Document 3 : là on avait des pratiques diverses mais en gros ça restait du pillage de données sur le document / trace écrite du 3-.
Co-construction de la conclusion/réponse de la problématique".
Tu mets là-dedans des fois un temps magistral sur un des documents, un travail de groupe etc. Tu avais la façon de faire des IUFM des années 1990-2000. La question rituelle de chaque document était "présenter le document". Les élèves avaient développé des stratégies d'esquive du travail assez démentielles. Les plus malins et les moins travailleurs ne faisaient que la question 1 et laissaient le reste en disant "je comprends pas, j'y arrive pas, c'est trop dur mais regardez, j'ai essayé". De plus, on avait des documents tronçonnés dans les manuels et dont les traductions/découpage pouvaient donner un contre-sens sur ce que disait le document originel.
En bref, on avait dévoyé l'usage du document.
C'est une vision très noire de la situation en 2005 mais les rapports CEDRE de l'époque et la seule enquête qu'on ait sur le sujet (A la recherche de l'histoire, 1997) nous donnent ce modèle.
Pire, sur les QSV (questions socialement vives), on abordait absolument pas le fond.
Les programmes de 2008 ont un peu bousculé tout ça. La catastrophe avait été analysée. On a donc décidé de promouvoir deux types de travail sur document :
- les dossiers documentaires pour construire des récits, des synthèses, des analyses afin de donner aux élèves les pratiques langagières de l'histoire (et de la géographie) et de travailler la compréhension des documents composites, principalement la mise en relation des documents.
- le travail sur document unique dont le but était de rappeler que le document n'est pas qu'une banque de donnée mais aussi une trace qui fait histoire et qui a une histoire. L'idée était de pouvoir faire travailler dès la classe de 6e les élèves sur des documents d'une trentaine de lignes et de les analyser, avec une initiation à la méthode historique d'analyse du document. Cela a été très mal reçu. Pourtant, cela a donné des résultats très impressionnants chez ceux qui ont essayé. Cela a donné naissance à des tas de pratiques comme le débat de compréhension, l'initiation au commentaire de document, la recherche de documents similaires ou en lien avec le document étudié, le travail des hypothèses historiques etc. En réalité, cela a redonné de la chair à l'histoire.
En effet, les cours d'histoire devenaient très désincarnés et il fallait redonner de la connaissance, de la chair aux cours. On pouvait avoir des élèves qui connaissaient les grandes généralités du Moyen Âge et avoir 18 de moyenne mais incapables de connaître un seul événement, une seule période, un seul personnage historique dans sa complexité autre qu'un "comme x à la date de y" dans un développement construit.
En retravaillant avec les documents pour eux-mêmes ou pour le phénomène historique qu'ils traitent, on a redonné des connaissances aux élèves au-delà de la généralité. En outre, quand on étudie un document, les élèves comprennent qu'il est la source de plus de connaissances que ce qu'il contient parce qu'il s'inscrit dans un invisible qu'il faut décrypter, rendre visible.
Si on me dit que des élèves ne sont pas capables de faire un commentaire de document dès la fin de la 6e (un commentaire adapté aux attendus de leur âge mais même là, on a des surprises très positives), je dirai juste : essayez de le leur apprendre, vous seriez surpris.
- Isis39Enchanteur
Je suis arrivé au collège peu après la mise en place des programmes de 1996. Je me souviens d’une formation qui mettait en cause les collègues qui « parlaient trop ». Les collègues un peu anciens m’ont alors dit : tu verras, à la prochaine réforme on te dira l’inverse.
Et ils avaient en partie raison. Ce qui est désolant c’est que lors des formations sur les nouveaux programmes, jamais il n’est question des ces bilans sur les méthodes, jamais on n’explique l’intérêt ou les écueils de telle ou telle méthode pédagogique. Alors comment faire changer les collègues ? Ils ont juste l’impression de « modes » qui passent.
Et ils avaient en partie raison. Ce qui est désolant c’est que lors des formations sur les nouveaux programmes, jamais il n’est question des ces bilans sur les méthodes, jamais on n’explique l’intérêt ou les écueils de telle ou telle méthode pédagogique. Alors comment faire changer les collègues ? Ils ont juste l’impression de « modes » qui passent.
- ElyasEsprit sacré
Isis39 a écrit:Je suis arrivé au collège peu après la mise en place des programmes de 1996. Je me souviens d’une formation qui mettait en cause les collègues qui « parlaient trop ». Les collègues un peu anciens m’ont alors dit : tu verras, à la prochaine réforme on te dira l’inverse.
Et ils avaient en partie raison. Ce qui est désolant c’est que lors des formations sur les nouveaux programmes, jamais il n’est question des ces bilans sur les méthodes, jamais on n’explique l’intérêt ou les écueils de telle ou telle méthode pédagogique. Alors comment faire changer les collègues ? Ils ont juste l’impression de « modes » qui passent.
J'ai peut-être eu la chance d'avoir une IA-IPR qui nous avait présenté les débats et les bilans quand elle a fait les animations pour présenter les programmes de 2008 (répartis sur 4 ans, on l'oublie mais c'était le bonheur d'un programme par an).
Pour les programmes de 2016, là, rien pour présenter les bilans et débats.
- Marie LaetitiaBon génie
Oui. Mais je ne compte pas sur le travail des élèves pour former la leçon. Ça, c'est le premier point. Puisque, précisément, je sais où le travail sur doc va les amener. En fait, le travail sur document peut viser au moins deux buts différents:Kras Mazov a écrit:
Précisément, c’est ce que je trouve difficile : l’articulation entre les savoirs à faire passer aux élèves, et la constitution des cours autour d’une étude de documents.
Ça me mène à la question de la mise en œuvre concrète. J’imagine qu’à partir de cette liste, tu réfléchis au meilleur document pour parvenir à ces notions, dates, événements. En cours ensuite, arrives-tu à faire en sorte que la reprise du travail des élèves constitue le contenu du cours ? Ou bien alors, tu leur fais aussi écrire un paragraphe de cours en complément ? Avant ou après l’activité ?
- en début de chapitre, à appréhender les données du problème à étudier. (Je vais prendre des exemples de 3e, comme je le disais, je n'ai pas de lycéens). Par exemple, là, je choisirais un dossier, mettons sur la Russie en 1917 permet de faire le point sur le lieu, la situation de départ, les événements, les acteurs, la chronologie. J'insiste au passage sur l'exigence de réponses (pour la phase de travail individuel ou en duo sur un dossier de docs) aussi développées que possible, avec intégration correcte de citations en appui de l'idée générale.
- en cours de chapitre, un document peut aussi servir à affiner les connaissances acquises sur un événement : introduire un peu de critique sur un personnage, un type de doc unique (par ex photo, archives). Et ça, ça passe par un travail sur la critique externe du document : les élèves doivent rédiger un paragraphe très complet d'identification du doc. Et puis il y a deux trois questions, une ou deux de prélèvement d'information ou de description (qui vise à vérifier que le doc a été compris) et une, au moins, plus subtile, sur la signification ou valeur du document. À l'issue de cette étude, après correction, enrichie de leurs réponses à mes questions, mes commentaires et explications (parce que les élèves voient rarement tout), les élèves doivent avoir changé de regard sur le document, un peu comme quand on fait un commentaire de doc à la fac, dans les règles de l'art, sauf que je me suis contentée avec eux des grandes lignes et qu'avec la correction, j'ai fait l'explication à leur place. La question fondamentale dans cette partie de reprise (qui se fait sur la base d'un cours dialogué) c'est comme en commentaire de doc, "pourquoi", "est-ce normal/pas normal". Je les bombarde de questions de ce type, parfois en m'amusant à les laisser se perdre sur de fausses pistes dans lesquelles ils se sont embarqués, pour les amener à finalement vraiment porter un regard critique sur le document. Après, je ne sais pas si c'est transposable avec tes lycéens. C'est aux collègues de lycée de le dire et de te guider.
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- Marie LaetitiaBon génie
Tout à fait juste...Elyas a écrit:
Les programmes de 2008 ont un peu bousculé tout ça. La catastrophe avait été analysée. On a donc décidé de promouvoir deux types de travail sur document :
- les dossiers documentaires pour construire des récits, des synthèses, des analyses afin de donner aux élèves les pratiques langagières de l'histoire (et de la géographie) et de travailler la compréhension des documents composites, principalement la mise en relation des documents.
- le travail sur document unique dont le but était de rappeler que le document n'est pas qu'une banque de donnée mais aussi une trace qui fait histoire et qui a une histoire. L'idée était de pouvoir faire travailler dès la classe de 6e les élèves sur des documents d'une trentaine de lignes et de les analyser, avec une initiation à la méthode historique d'analyse du document. Cela a été très mal reçu. Pourtant, cela a donné des résultats très impressionnants chez ceux qui ont essayé. Cela a donné naissance à des tas de pratiques comme le débat de compréhension, l'initiation au commentaire de document, la recherche de documents similaires ou en lien avec le document étudié, le travail des hypothèses historiques etc. En réalité, cela a redonné de la chair à l'histoire.
En effet, les cours d'histoire devenaient très désincarnés et il fallait redonner de la connaissance, de la chair aux cours. On pouvait avoir des élèves qui connaissaient les grandes généralités du Moyen Âge et avoir 18 de moyenne mais incapables de connaître un seul événement, une seule période, un seul personnage historique dans sa complexité autre qu'un "comme x à la date de y" dans un développement construit.
En retravaillant avec les documents pour eux-mêmes ou pour le phénomène historique qu'ils traitent, on a redonné des connaissances aux élèves au-delà de la généralité. En outre, quand on étudie un document, les élèves comprennent qu'il est la source de plus de connaissances que ce qu'il contient parce qu'il s'inscrit dans un invisible qu'il faut décrypter, rendre visible.
Si on me dit que des élèves ne sont pas capables de faire un commentaire de document dès la fin de la 6e (un commentaire adapté aux attendus de leur âge mais même là, on a des surprises très positives), je dirai juste : essayez de le leur apprendre, vous seriez surpris.
Je me retrouve donc comme Monsieur Jourdain, faisant des dossiers et des études de doc unique comme le veulent les directives... alors que c'est une démarche adoptée "à l'usage" parce que les simples prélèvements d'informations dans des documents (par le biais de fiches d'activité ou non) me sortaient par les yeux...
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- MatteoNiveau 10
Moi aussi, j'ai passé trois semaines à faire faire des "notes de synthèse" à mes 4e sur la base de corpus documentaires, je suis content de m'apprendre à la pointe des réformes. Moi qui pensait avoir jeté à la poubelle l'infâme consigne du manuel (réalisez une affiche) pour la remplacer par un vieil exercice universitaire.
- Vieux_MongolFidèle du forum
Ça peut être très bien intellectuellement de les faire construire une affiche. Simplement c'est un tout autre exercice qui ne poursuit pas les mêmes buts.
- Kras MazovNiveau 1
Merci encore, vos messages ont fait considérablement avancer mes réflexions !
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