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- PrezboGrand Maître
Mélisande a écrit:
Pour l'apprentissage sur le fonctionnement du cerveau, des mémoires et de l'attention, j'utilise les ressources pédagogiques disponibles sur le site "sicences-cognitives" dirigé par Jean-Luc Berthier.
Pour le développement de l'attention, j'utilise les ressources pédagogiques disponibles sur le site ATOLE, dirigé par Jean-Philippe Lachaux.
Pour les tests, je les fais moi-même, d'où leur imperfection. Je mesure l'empan mnésique en affichant au tableau 10 mots. les élèves ont une minute pile pour les retenir. Ensuite, ils doivent les écrire. je choisis les mots en mettant : cinq noms, deux verbes à l'infinitif, deux adjectifs, un adverbe, le tout mélangé. En général, il y a cinq mots de vocabulaire très courant, deux plus rares mais que nous avons vus récemment en classe, deux d'un niveau de vocabulaire plus élevé et un mot plus difficile, sans doute inconnu des élèves.
Cette partie du test est la plus fiable, je dirais.
Ensuite, je leur pose des questions sur des cours qui viennent d'être faits, si possible la semaine précédente, et je demande de l'aide à mes collègues pour cela. J'ai ainsi mis des formules de maths et de physiques, des questions d'histoire-géo, du vocabulaire d'anglais, et des questions de français. Mais cela varie selon les classes et les professeurs qui me donnent ces questions. La ligne directive est que la leçon ou le cours à retenir doit être écrit dans leur cahier/classeur, et que le professeur doit avoir explicitement demandé aux élèves de l'apprendre.
Cette partie-là étant plus aléatoire et soumise à plus de paramètres, je la trouve moins fiable que la précédente. Mais les résultats donnent quand même une indication générale.
Merci. C'est intéressant mais je n'aurais pas le temps de plus creuser dans l'immédiat, et ça me semble s'adresser à des élèves plus jeunes que les miens.
Sur le fond, je suis intuitivement plutôt d’accord avec Manu : avant d'apprendre à apprendre aux élèves, il faudrait déjà les faire...apprendre, beaucoup. Il faut peut être se garder de la tentation de passer trop de temps à descendre du vélo pour se regarder pédaler, du moins pas avant d'avoir suffisamment pédalé, longtemps et régulièrement. Comme le disait un collègue sur un autre fil, on n'a jamais tant donné aux élèves de cours de méthodologie, et ils n'ont jamais eu si peu de méthode.
Maintenant, je vois un nombre croissant d'entre eux arriver au lycée en semblant n'avoir aucune conscience des attendus scolaires, qui tombent des nues quand on leur annonce (Il faut vraiment savoir refaire en DS les exercices faits en classes ? Mais vous nous l'avez pas dit !), donc je me demande comment travailler sur l'explicitation. L'articulation avec le cours disciplinaire n'est pas simple, et de toute façon je ne me lancerai pas dans ce que je me sens incapable de maîtriser.
- Manu7Expert spécialisé
Prezbo a écrit:Sur le fond, je suis intuitivement plutôt d’accord avec Manu : avant d'apprendre à apprendre aux élèves, il faudrait déjà les faire...apprendre, beaucoup. Il faut peut être se garder de la tentation de passer trop de temps à descendre du vélo pour se regarder pédaler, du moins pas avant d'avoir suffisamment pédalé, longtemps et régulièrement. Comme le disait un collègue sur un autre fil, on n'a jamais tant donné aux élèves de cours de méthodologie, et ils n'ont jamais eu si peu de méthode.
Maintenant, je vois un nombre croissant d'entre eux arriver au lycée en semblant n'avoir aucune conscience des attendus scolaires, qui tombent des nues quand on leur annonce (Il faut vraiment savoir refaire en DS les exercices faits en classes ? Mais vous nous l'avez pas dit !), donc je me demande comment travailler sur l'explicitation. L'articulation avec le cours disciplinaire n'est pas simple, et de toute façon je ne me lancerai pas dans ce que je me sens incapable de maîtriser.
Oui je suis vraiment de ton avis en particulier sur la méthodologie et sur la métaphore avec le vélo. Parfois j'ai l'impression qu'on veut former des élèves qui connaissent toutes les méthodes de mémorisation et d'apprentissage mais sans leur demander de les appliquer ou les inciter par la force des choses. Je pense même qu'une grosse partie de la méta-cognition qui devrait par définition se dérouler dans l'intérieur de chaque élève est pris en charge par les enseignants donc cela ne peut pas marcher, l'enseignant ne peut pas connecter les neurones dans chaque cerveau. Ou pour reprendre la métaphore du vélo, si le prof fait un tour avec le vélo de chaque élève, cela n'aura aucun effet sur la musculature et la dextérité des élèves. Ce n'est pas tout de connaître chaque pièce d'un métier, il faut aussi remettre vingt fois ou cent fois son ouvrage dessus pour atteindre un bon niveau de maîtrise. Mais les mots ouvrage, métier, maîtrise d'oeuvre, nous renvois vers quelque chose qui n'est plus à la mode... Le grand oral du bac et aussi l'oral de DNB prônent exactement l'inverse : la forme avant le fond. Cet élève avait tout de même un vocabulaire très soutenu pour sa soutenance où il ne soutenait rien du tout...
D'ailleurs ce qui est paradoaxal dans cet exercice de l'oral DNB, c'est de constater la vitesse à laquelle nos troisièmes sont capables de mémoriser. Parfois quand les planètes s'alignent bien, nous arrivons à aider quelques élèves très en retard pour l'oral DNB, en clair ils ont le sujet et une page de diaporama avec un titre. Et je me dis que l'élève va se rammaser et bien je me trompe à chaque fois. Ils sont vraiment capables de réciter pendant 5 minutes sans trop d'erreur leur soutenance alors qu'on l'a modifiée de nombreuses fois. Et au moins on aura ici un bon exercice de mémorisation. Sauf qu'en vrai, nous n'avons pas vraiment d'heures pour cet exercice, et ce constat je le fais autant sur mes enfants, neveux, nièces, enfant d'amis, élèves coincés en retenue, etc... que pendant quelques heures gratées à droite et à gauche. Mais je pense que c'est impossible de faire un bon travail pour préparer cet oral en classe entière. Si bien que pour de nombreux élèves, ce travail consiste à préparer ou bacler un sujet glaner sur internet qui ne pourra que les confirmer dans cette fausse méthode et ils sous estimeront leurs capacités.
- ZybulkaHabitué du forum
Je ne comprends pas ce que tu veux dire (ni de quel prix Nobel il s'agit). Quand on lit (après avoir "appris" à lire), on a une approche d'ensemble des mots, on les "reconnaît" grâce à leur aspect général, mais on n'a plus besoin de déchiffrer chaque mot en regardant les lettres les unes après les autres (ou alors sur les mots inconnus ou faux-mots, comme on le fait quand on tente de lire une composition de médicament).LouisBarthas a écrit:Juste une incise : la lecture globale n'existe pas, et c'est scientifiquement prouvé, un prix Nobel a même été attribué pour avoir montré que les mots ne sont jamais lus comme des images.
Cela ne veut bien sûr pas dire pour autant que l'approche globale lors de l'apprentissage est souhaitable (même si par ailleurs, les personnes qui lisent le mieux sont celles qui n'ont jamais "appris" à lire et qui l'ont fait par imprégnation et pas par apprentissage progressif et méthodique, donc à mon avis c'est cette imprégnation qu'on devrait favoriser, mais c'est un autre sujet), car comme cela a déjà été dit, le chemin que l'on utilise pour apprendre est différent du chemin quand on sait. Néanmoins, je ne comprends pas bien cette idée selon laquelle il n'y aurait pas de lecture globale, qui me semble tout à fait erronnée au regard des connaissances que l'on a sur le fonctionnement de la lecture.
D'accord avec ça mais c'est la raison pour laquelle selon moi, la méthodologie ne doit jamais être dissociée des disciplines : c'est toujours improductif de "faire de la méthodologie" dans l'absolu, ce qui compte, c'est que les élèves puissent avoir les outils nécessaires au moment où ils et elles en ont besoin, c'est-à-dire lors de l'apprentissage.Manu7 a écrit:Parfois j'ai l'impression qu'on veut former des élèves qui connaissent toutes les méthodes de mémorisation et d'apprentissage mais sans leur demander de les appliquer ou les inciter par la force des choses. Je pense même qu'une grosse partie de la méta-cognition qui devrait par définition se dérouler dans l'intérieur de chaque élève est pris en charge par les enseignants donc cela ne peut pas marcher, l'enseignant ne peut pas connecter les neurones dans chaque cerveau.
Perso, lorsque j'explique tel ou tel point à mes élèves, j'attends que ça soit mis en application immédiatement (cela n'est pas toujours le cas, mais c'est un autre problème auquel je pense ne pas être la seule à être confrontée, l'évaporation entre les consignes données par l'enseignant·e et leur mise en application par les élèves...). Je ne parle jamais de méthode de façon théorique et décorrélée de mes cours.
- beaverforeverNeoprof expérimenté
Je ne comprends pas ce que vous appelez les méthodes de mémorisation. Est-ce que vous voulez dire par là des choses comme "faire des fiches de cours", "relire son cours", "expliquer son cours à un ami", "relire sa fiche dans le couloir", "dire à haute voix la leçon", "relire une carte mentale"... ? À quelle liste de méthodes pensez-vous ?
Pour moi la mémorisation est plus une question de principes que de méthodes. Certes nos cerveaux sont plastiques, et, certes aussi, la plasticité neuronale et la plasticité synaptique sont au cœur de la mémorisation. Certes encore, il existe plusieurs mécanismes neurologiques de la mémorisation et sans doute que nous sommes très ignorants du fonctionnement exact de la mémoire humaine.
Ceci dit, il est probable que la mémoire soit une série de modules évolutionnaires comportementaux communs à l'espèce homo sapiens (et à plein d'autres animaux, parce que la mémoire c'est cool pour survivre et se reproduire). Dire que "chacun apprend à sa façon" me semble une hypothèse particulièrement audacieuse, pour ne pas extrêmement improbable. J'y crois à 1/109, il me faudrait des publications scientifiques convaincantes pour me faire changer d'avis. Il me semble beaucoup plus logique de penser que l'espèce à plusieurs mécanismes d'apprentissage qui sont communs à l'ensemble des individus modulo une inévitable variation individuelle. En gros, je pense que dans ma salle de classe, au moins 97% des élèves ont fondamentalement les mêmes mécanismes d'apprentissage et que ma fonction d'enseignant est d'activer ces mécanismes, et si je tombe sur un élève sur lequel ces méthodes sont inopérantes, et bien, je ferai du cas par cas.
Je ne suis pas neurologue de la mémoire/mémorisation (J'ai essayé de lire les publications : c'est compliqué et c'est très éloigné de nos perspectives pédagogiques), je ne suis pas non plus psychologique cogniticien spécialiste de la mémorisation (Les publications sont plus accessibles et surtout leur contenu est assez facilement applicable à notre pratique en cours). Ceci dit je pense qu'on peut partir de trois principes de mémorisation qui permettent de faire un gain significatif et important dans l'apprentissage des élèves. (Je précise que je me base dans une logique d'apprentissage durable, c'est-à-dire d'apprendre des connaissances aux élèves pour une durée de deux à trois ans, il ne s'agit pas que l'élève sache répondre aux questions sur la leçon de la semaine dernière, mais sur la leçon de l'année dernière.)
L'apprentissage par questionnement pour les connaissances sémantiques
L'élève se pose une question sur le cours. Prend le temps de chercher une réponse, éventuellement d'élaborer une réponse qu'il sait fausse. Puis, après trente à soixante secondes, vérifie sa réponse. (Cela peut prendre de multiple forme : fiche de mémorisation, anki, flash card, QCM papier ou en ligne ou Plickers.) À noter que cette méthode est contre-intuitive et refusée par les élèves, les parents et les professeurs, car elle force à prendre conscience de l'étendue de sa propre ignorance et de ses limites cognitives. C'est donc un principe qu'il faut enseigner car il ne sera pas adopté spontanément par les élèves et leurs parents (quand ils leur font réciter leur leçon).
La réactivation des connaissances par questionnement de façon expansée.
L'élève se teste sur ses connaissances à intervalles croissants en fonction de la durée totale de mémorisation souhaitée.
L'automatisation pour les connaissances procédurales.
Refaire à intervalle régulier (et non expansé) les mêmes gestes pour les automatiser.
Alors, je ne doute pas qu'il existe plein de critiques valides à cette présentation et que je suis sans doute ignorant, mais je trouve que partir de l'idée que tous les cerveaux humains ont les mêmes mécanismes d'apprentissage est beaucoup plus crédible, plus simple et au final, sans doute plus efficace que de dire "il n'y a pas de méthode ou à chacun sa méthode ou c'est en forgeant qu'on devient forgeron".
Pour moi la mémorisation est plus une question de principes que de méthodes. Certes nos cerveaux sont plastiques, et, certes aussi, la plasticité neuronale et la plasticité synaptique sont au cœur de la mémorisation. Certes encore, il existe plusieurs mécanismes neurologiques de la mémorisation et sans doute que nous sommes très ignorants du fonctionnement exact de la mémoire humaine.
Ceci dit, il est probable que la mémoire soit une série de modules évolutionnaires comportementaux communs à l'espèce homo sapiens (et à plein d'autres animaux, parce que la mémoire c'est cool pour survivre et se reproduire). Dire que "chacun apprend à sa façon" me semble une hypothèse particulièrement audacieuse, pour ne pas extrêmement improbable. J'y crois à 1/109, il me faudrait des publications scientifiques convaincantes pour me faire changer d'avis. Il me semble beaucoup plus logique de penser que l'espèce à plusieurs mécanismes d'apprentissage qui sont communs à l'ensemble des individus modulo une inévitable variation individuelle. En gros, je pense que dans ma salle de classe, au moins 97% des élèves ont fondamentalement les mêmes mécanismes d'apprentissage et que ma fonction d'enseignant est d'activer ces mécanismes, et si je tombe sur un élève sur lequel ces méthodes sont inopérantes, et bien, je ferai du cas par cas.
Je ne suis pas neurologue de la mémoire/mémorisation (J'ai essayé de lire les publications : c'est compliqué et c'est très éloigné de nos perspectives pédagogiques), je ne suis pas non plus psychologique cogniticien spécialiste de la mémorisation (Les publications sont plus accessibles et surtout leur contenu est assez facilement applicable à notre pratique en cours). Ceci dit je pense qu'on peut partir de trois principes de mémorisation qui permettent de faire un gain significatif et important dans l'apprentissage des élèves. (Je précise que je me base dans une logique d'apprentissage durable, c'est-à-dire d'apprendre des connaissances aux élèves pour une durée de deux à trois ans, il ne s'agit pas que l'élève sache répondre aux questions sur la leçon de la semaine dernière, mais sur la leçon de l'année dernière.)
L'apprentissage par questionnement pour les connaissances sémantiques
L'élève se pose une question sur le cours. Prend le temps de chercher une réponse, éventuellement d'élaborer une réponse qu'il sait fausse. Puis, après trente à soixante secondes, vérifie sa réponse. (Cela peut prendre de multiple forme : fiche de mémorisation, anki, flash card, QCM papier ou en ligne ou Plickers.) À noter que cette méthode est contre-intuitive et refusée par les élèves, les parents et les professeurs, car elle force à prendre conscience de l'étendue de sa propre ignorance et de ses limites cognitives. C'est donc un principe qu'il faut enseigner car il ne sera pas adopté spontanément par les élèves et leurs parents (quand ils leur font réciter leur leçon).
La réactivation des connaissances par questionnement de façon expansée.
L'élève se teste sur ses connaissances à intervalles croissants en fonction de la durée totale de mémorisation souhaitée.
L'automatisation pour les connaissances procédurales.
Refaire à intervalle régulier (et non expansé) les mêmes gestes pour les automatiser.
Alors, je ne doute pas qu'il existe plein de critiques valides à cette présentation et que je suis sans doute ignorant, mais je trouve que partir de l'idée que tous les cerveaux humains ont les mêmes mécanismes d'apprentissage est beaucoup plus crédible, plus simple et au final, sans doute plus efficace que de dire "il n'y a pas de méthode ou à chacun sa méthode ou c'est en forgeant qu'on devient forgeron".
- LouisBarthasExpert
Les travaux du prix Nobel R. Sperry (1981) démontrent que le cerveau différencie les signes graphiques qui composent le langage écrit des autres types de graphisme (dessins, images) et qu'il ne leur applique pas le même mode de traitement.Zybulka a écrit:Je ne comprends pas ce que tu veux dire (ni de quel prix Nobel il s'agit). Quand on lit (après avoir "appris" à lire), on a une approche d'ensemble des mots, on les "reconnaît" grâce à leur aspect général, mais on n'a plus besoin de déchiffrer chaque mot en regardant les lettres les unes après les autres (ou alors sur les mots inconnus ou faux-mots, comme on le fait quand on tente de lire une composition de médicament).LouisBarthas a écrit:Juste une incise : la lecture globale n'existe pas, et c'est scientifiquement prouvé, un prix Nobel a même été attribué pour avoir montré que les mots ne sont jamais lus comme des images.
Cela ne veut bien sûr pas dire pour autant que l'approche globale lors de l'apprentissage est souhaitable (même si par ailleurs, les personnes qui lisent le mieux sont celles qui n'ont jamais "appris" à lire et qui l'ont fait par imprégnation et pas par apprentissage progressif et méthodique, donc à mon avis c'est cette imprégnation qu'on devrait favoriser, mais c'est un autre sujet), car comme cela a déjà été dit, le chemin que l'on utilise pour apprendre est différent du chemin quand on sait. Néanmoins, je ne comprends pas bien cette idée selon laquelle il n'y aurait pas de lecture globale, qui me semble tout à fait erronnée au regard des connaissances que l'on a sur le fonctionnement de la lecture.
Dans toutes les langues, le cerveau traite de manière différente le dessin et les mots. Le dessin (ou l'image) représente des réalités de l'environnement que l'on comprend par comparaison avec ce que l'on a déjà rencontré. Quant aux signes graphiques qui représentent des sons (lettres, idéogrammes ou notations musicales), ils n'ont aucune réalité concrète : ils sont le trace écrite d'un son et ne peuvent être compris qu'après apprentissages du lien qui relie ces sons aux signes qui les représentent.
Les dessins sont traités par l'hémisphère droit de manière analogique, c'est-à-dire par comparaison des ensembles perçus avec des ensembles de même type qu'il a stockés dans sa mémoire.
Les signes graphiques sont traités par l'hémisphère gauche de manière analytique. Cela signifie que le travail s'opère en partant des éléments les plus simples qui composent la langue orale pour les relier à ceux de la langue écrite. Ce type de traitement de l'information est parfaitement adapté à la nature même du langage : la parole et l'écriture ont une structure linéaire. Les sons dans un mot sont prononcés les uns après les autres et, dans l'écriture, les lettres sont également tracées les unes après les autres.
Les travaux de Sperry, de Kandell, appuyés sur l'IRMF (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle), toutes les publications scientifiques des biologistes spécialistes du cerveau, le démontrent : la lecture globale n'existe pas. Croire que les mots sont lus comme des images, c'est comme croire que la Terre est plate.
_________________
Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. - Albert Camus
Aller apprendre l'ignorance à l'école, c'est une histoire qui ne s'invente pas ! - Alexandre Vialatte
À quels enfants allons-nous laisser le monde ? - Jaime Semprun
Comme si, tous ceux qui n'approuvent pas les nouveaux abus étaient évidemment partisans des anciens. - Edmund Burke
Versaillais de droite et Versaillais de gauche doivent être égaux devant la haine du peuple. - Manifeste des proscrits de la Commune
- ZybulkaHabitué du forum
Que le cerveau ne traite pas les mots de la même façon qu'il traite les images, ok. En revanche, je crois que c'est désormais aussi une certitude scientifique qu'une fois qu'on "sait" lire, on lit plus les mots de façon "globale", dans le sens où on reconnaît visuellement leur profil d'ensemble (d'ailleurs c'est le cas même si on n'arrive pas à lire chaque lettre individuellement, par exemple sur un mot mal calligraphié, ou si on a une mauvaise vue et qu'on voit le mot flou sans parvenir à distinguer chaque lettre). C'est la fameuse voie d'adressage. S'il fallait, pour chacun des mots qu'on lit, le déchiffrer lettre à lettre en faisant des combinaisons phonologiques (la voie d'assemblage), ce serait extrêmement couteux (d'ailleurs on a beaucoup d'élèves qui continuent à en être à ce stade et ce sont des élèves qui n'aiment pas lire, parce que justement l'effort de déchiffrage est tel qu'il n'y a plus de plaisir de lecture).LouisBarthas a écrit:Croire que les mots sont lus comme des images, c'est comme croire que la Terre est plate.
- LouisBarthasExpert
Non, on lit toujours en déchiffrant, enfant comme adulte.Zybulka a écrit:Que le cerveau ne traite pas les mots de la même façon qu'il traite les images, ok. En revanche, je crois que c'est désormais aussi une certitude scientifique qu'une fois qu'on "sait" lire, on lit plus les mots de façon "globale", dans le sens où on reconnaît visuellement leur profil d'ensemble (d'ailleurs c'est le cas même si on n'arrive pas à lire chaque lettre individuellement, par exemple sur un mot mal calligraphié, ou si on a une mauvaise vue et qu'on voit le mot flou sans parvenir à distinguer chaque lettre). C'est la fameuse voie d'adressage. S'il fallait, pour chacun des mots qu'on lit, le déchiffrer lettre à lettre en faisant des combinaisons phonologiques (la voie d'assemblage), ce serait extrêmement couteux (d'ailleurs on a beaucoup d'élèves qui continuent à en être à ce stade et ce sont des élèves qui n'aiment pas lire, parce que justement l'effort de déchiffrage est tel qu'il n'y a plus de plaisir de lecture).LouisBarthas a écrit:Croire que les mots sont lus comme des images, c'est comme croire que la Terre est plate.
On lit un mot en 1/5 de seconde pour un lecteur normal, et, chose étonnante, on met le même temps pour lire un mot de cinq lettres comme un de huit lettres.
En réalité, la lecture globale est physiologiquement impossible. La reconnaissance des lettres nécessite une analyse visuelle fine dont seule est capable la macula, située au centre de de la rétine. La macula ne peut analyser que 2 à 4 lettres maximum à la fois. C'est pourquoi la vision fine exigée par la lecture nécessite un déplacement de l'oeil appelé saccade oculaire. La fluidité et la vitesse de la lecture sont directement liées à la rapidité de compréhension par le cerveau du contenu visuel de chaque pause oculaire.
En clair, on lit de lettre à lettre, enfant comme adulte. Et ce n'est par aucun miracle physiologique que la lecture, au bout d'un temps ou d'un âge indéterminés, passerait d'un hémisphère du cerveau à l'autre.
Aucun, absolument aucun scientifique spécialiste du cerveau, ayant travaillé sur la lecture, avec tous les outils techniques d'exploration montrant ce qui se passe lorsqu'on lit, ne soutiendra la théorie du globalisme en lecture, quel que soit l'âge. Les seuls à le faire sont des idéologues, ceux qui contrôlent, par cooptation, depuis une cinquantaine d'années, la formation des professeurs d'école. Durant trente-cinq années de carrière, je n'ai jamais vu d'orthophonistes travaillant comme eux. Jamais.
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Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. - Albert Camus
Aller apprendre l'ignorance à l'école, c'est une histoire qui ne s'invente pas ! - Alexandre Vialatte
À quels enfants allons-nous laisser le monde ? - Jaime Semprun
Comme si, tous ceux qui n'approuvent pas les nouveaux abus étaient évidemment partisans des anciens. - Edmund Burke
Versaillais de droite et Versaillais de gauche doivent être égaux devant la haine du peuple. - Manifeste des proscrits de la Commune
- beaverforeverNeoprof expérimenté
Est-ce que tu penses que Charmeux et Foucambert ont encore une influence dans les INSPE ? (Ma question n'est pas rhétorique.)LouisBarthas a écrit:Les seuls à le faire sont des idéologues, ceux qui contrôlent, par cooptation, depuis une cinquantaine d'années, la formation des professeurs d'école.
- ZybulkaHabitué du forum
Je crois que pourtant, les scientifiques spécialistes des mécanismes cérébraux de la lecture s'entendent pour dire que les mécanismes de la lecture sont très différents lors de son apprentissage scolaire et lors de son utilisation experte. Deux exemples (mais il y en a des milliers) :LouisBarthas a écrit:En clair, on lit de lettre à lettre, enfant comme adulte. Et ce n'est par aucun miracle physiologique que la lecture, au bout d'un temps ou d'un âge indéterminés, passerait d'un hémisphère du cerveau à l'autre.
Aucun, absolument aucun scientifique spécialiste du cerveau, ayant travaillé sur la lecture, avec tous les outils techniques d'exploration montrant ce qui se passe lorsqu'on lit, ne soutiendra la théorie du globalisme en lecture, quel que soit l'âge. Les seuls à le faire sont des idéologues, ceux qui contrôlent, par cooptation, depuis une cinquantaine d'années, la formation des professeurs d'école. Durant trente-cinq années de carrière, je n'ai jamais vu d'orthophonistes travaillant comme eux. Jamais.
https://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/course-2015-02-24-09h30.htmS. Dehaene a écrit:Dans le cas de la lecture, c’est un circuit impliquant le cortex visuel de l’hémisphère gauche, au sein du sillon occipito-temporal latéral, qui se modifie au cours de l’apprentissage. Il s’y développe une représentation des lettres et de leurs enchaînements pour former des mots écrits. Cette région visuelle joue un rôle de pivot : ses projections, en direction de différents secteurs du lobe temporal, se modifient afin de représenter d’une part les correspondances entre graphèmes et phonèmes (déchiffrage ou voie phonologique de lecture) et, dans un second temps, le passage direct de la chaîne de lettres au sens des mots (voie lexico-sémantique). La comparaison de personnes alphabétisées et non-alphabétisées démontre que les circuits occipito-temporaux de l’hémisphère gauche sont profondément altérés par l’apprentissage de la lecture : le cortex visuel est modifié, y compris dans ses étapes les plus précoces ; la représentation des visages est déplacée ; l’invariance en miroir est légèrement réduite ; et les aires auditives du planum temporale voient également leur activité augmenter. De surcroît, au cours des premières étapes de l’apprentissage, les réseaux attentionnels des lobes pariétaux et frontaux sont fortement activés, mais cette contribution s’amenuise au fil de l’automatisation de la lecture, alors que l’activation temporale augmente.
http://www.ddl.cnrs.fr/fulltext/Jacquier/Jacquier_2008_these.pdf (p.136-137)Caroline Jacquier a écrit: La voie lexicale (voie directe ou voie par adressage) serait dédiée aux mots connus et permettrait l’accès à leur connaissance globale à partir d’un lexique mental élaboré durant l’apprentissage de la lecture. Le code orthographique intervient dans ces processus d’identification des mots mais pas le code phonologique.Cette voie phonologique est lente et peu utilisée chez le lecteur expert qui utilise principalement la voie orthographique, même si l’hypothèse la plus largement partagée est que les deux voies sont activées simultanément et qu’il existe une « course » entre les deux (traitement en parallèle).
(Désolée pour le HS)
- BaldredSage
LouisBarthas a écrit:Les travaux du prix Nobel R. Sperry (1981) démontrent que le cerveau différencie les signes graphiques qui composent le langage écrit des autres types de graphisme (dessins, images) et qu'il ne leur applique pas le même mode de traitement.Zybulka a écrit:Je ne comprends pas ce que tu veux dire (ni de quel prix Nobel il s'agit). Quand on lit (après avoir "appris" à lire), on a une approche d'ensemble des mots, on les "reconnaît" grâce à leur aspect général, mais on n'a plus besoin de déchiffrer chaque mot en regardant les lettres les unes après les autres (ou alors sur les mots inconnus ou faux-mots, comme on le fait quand on tente de lire une composition de médicament).LouisBarthas a écrit:Juste une incise : la lecture globale n'existe pas, et c'est scientifiquement prouvé, un prix Nobel a même été attribué pour avoir montré que les mots ne sont jamais lus comme des images.
Cela ne veut bien sûr pas dire pour autant que l'approche globale lors de l'apprentissage est souhaitable (même si par ailleurs, les personnes qui lisent le mieux sont celles qui n'ont jamais "appris" à lire et qui l'ont fait par imprégnation et pas par apprentissage progressif et méthodique, donc à mon avis c'est cette imprégnation qu'on devrait favoriser, mais c'est un autre sujet), car comme cela a déjà été dit, le chemin que l'on utilise pour apprendre est différent du chemin quand on sait. Néanmoins, je ne comprends pas bien cette idée selon laquelle il n'y aurait pas de lecture globale, qui me semble tout à fait erronnée au regard des connaissances que l'on a sur le fonctionnement de la lecture.
Dans toutes les langues, le cerveau traite de manière différente le dessin et les mots. Le dessin (ou l'image) représente des réalités de l'environnement que l'on comprend par comparaison avec ce que l'on a déjà rencontré. Quant aux signes graphiques qui représentent des sons (lettres, idéogrammes ou notations musicales), ils n'ont aucune réalité concrète : ils sont le trace écrite d'un son et ne peuvent être compris qu'après apprentissages du lien qui relie ces sons aux signes qui les représentent.
Les dessins sont traités par l'hémisphère droit de manière analogique, c'est-à-dire par comparaison des ensembles perçus avec des ensembles de même type qu'il a stockés dans sa mémoire.
Les signes graphiques sont traités par l'hémisphère gauche de manière analytique. Cela signifie que le travail s'opère en partant des éléments les plus simples qui composent la langue orale pour les relier à ceux de la langue écrite. Ce type de traitement de l'information est parfaitement adapté à la nature même du langage : la parole et l'écriture ont une structure linéaire. Les sons dans un mot sont prononcés les uns après les autres et, dans l'écriture, les lettres sont également tracées les unes après les autres.
Les travaux de Sperry, de Kandell, appuyés sur l'IRMF (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle), toutes les publications scientifiques des biologistes spécialistes du cerveau, le démontrent : la lecture globale n'existe pas. Croire que les mots sont lus comme des images, c'est comme croire que la Terre est plate.
Question naïve : un Kanji japonais est-il lu comme une image ou comme un déchiffrement des éléments qui le composent?
- Manu7Expert spécialisé
Zybulka a écrit:Je crois que pourtant, les scientifiques spécialistes des mécanismes cérébraux de la lecture s'entendent pour dire que les mécanismes de la lecture sont très différents lors de son apprentissage scolaire et lors de son utilisation experte. Deux exemples (mais il y en a des milliers) :LouisBarthas a écrit:En clair, on lit de lettre à lettre, enfant comme adulte. Et ce n'est par aucun miracle physiologique que la lecture, au bout d'un temps ou d'un âge indéterminés, passerait d'un hémisphère du cerveau à l'autre.
Aucun, absolument aucun scientifique spécialiste du cerveau, ayant travaillé sur la lecture, avec tous les outils techniques d'exploration montrant ce qui se passe lorsqu'on lit, ne soutiendra la théorie du globalisme en lecture, quel que soit l'âge. Les seuls à le faire sont des idéologues, ceux qui contrôlent, par cooptation, depuis une cinquantaine d'années, la formation des professeurs d'école. Durant trente-cinq années de carrière, je n'ai jamais vu d'orthophonistes travaillant comme eux. Jamais.https://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/course-2015-02-24-09h30.htmS. Dehaene a écrit:Dans le cas de la lecture, c’est un circuit impliquant le cortex visuel de l’hémisphère gauche, au sein du sillon occipito-temporal latéral, qui se modifie au cours de l’apprentissage. Il s’y développe une représentation des lettres et de leurs enchaînements pour former des mots écrits. Cette région visuelle joue un rôle de pivot : ses projections, en direction de différents secteurs du lobe temporal, se modifient afin de représenter d’une part les correspondances entre graphèmes et phonèmes (déchiffrage ou voie phonologique de lecture) et, dans un second temps, le passage direct de la chaîne de lettres au sens des mots (voie lexico-sémantique). La comparaison de personnes alphabétisées et non-alphabétisées démontre que les circuits occipito-temporaux de l’hémisphère gauche sont profondément altérés par l’apprentissage de la lecture : le cortex visuel est modifié, y compris dans ses étapes les plus précoces ; la représentation des visages est déplacée ; l’invariance en miroir est légèrement réduite ; et les aires auditives du planum temporale voient également leur activité augmenter. De surcroît, au cours des premières étapes de l’apprentissage, les réseaux attentionnels des lobes pariétaux et frontaux sont fortement activés, mais cette contribution s’amenuise au fil de l’automatisation de la lecture, alors que l’activation temporale augmente.http://www.ddl.cnrs.fr/fulltext/Jacquier/Jacquier_2008_these.pdf (p.136-137)Caroline Jacquier a écrit: La voie lexicale (voie directe ou voie par adressage) serait dédiée aux mots connus et permettrait l’accès à leur connaissance globale à partir d’un lexique mental élaboré durant l’apprentissage de la lecture. Le code orthographique intervient dans ces processus d’identification des mots mais pas le code phonologique.Cette voie phonologique est lente et peu utilisée chez le lecteur expert qui utilise principalement la voie orthographique, même si l’hypothèse la plus largement partagée est que les deux voies sont activées simultanément et qu’il existe une « course » entre les deux (traitement en parallèle).
(Désolée pour le HS)
Je suis vos échanges avec intérêt, je ne pense pas que nous soyons hors sujet au contraire nous sommes bien dedans. Les travaux de S. Dehaene sont intéressants, ce qui me dérange c'est quand on utilise les neuro-sciences pour inventer des nouvelles méthodes. Par exemple, va-t-on un jour expliquer à des enfants de 8 mois comment fonctionne notre cerveau pendant l'apprentissage de la parole pour qu'il apprenne à parler d'une manière plus efficace ? Et pour défendre cette méthode va-t-on dire que c'est scientifique ?
Je ne suis pas un grand spécialiste de la question mais j'aime me tenir au courant et je lis souvent et écoute aussi S. Dehaene et sauf erreur j'ai toujours cru comprendre qu'il était de l'avis présenté par LouisBarthas, d'ailleurs dans l'extrait que tu apportes il confirme que tout se passe bien dans l'hémisphère gauche donc je n'y vois aucune contradiction. Il précise bien que l'apprentissage de la lecture altère pronfondement cet hémisphère. En clair, on ne devient pas lecteur expert du jour au lendemain.
- beaverforeverNeoprof expérimenté
J'ai du mal à suivre ton argumentation.Manu7 a écrit:Les travaux de S. Dehaene sont intéressants, ce qui me dérange c'est quand on utilise les neuro-sciences pour inventer des nouvelles méthodes. Par exemple, va-t-on un jour expliquer à des enfants de 8 mois comment fonctionne notre cerveau pendant l'apprentissage de la parole pour qu'il apprenne à parler d'une manière plus efficace ? Et pour défendre cette méthode va-t-on dire que c'est scientifique ?
Si tu veux dire "On ne peut pas appliquer directement un résultat de neuroscience dans la classe car les échelles d'analyse sont trop différentes", je suis d'accord et je pense que Stanislas Dehaene aussi.
Si tu veux dire "Une découverte en neuroscience ne pourra jamais aboutir à une nouvelle pratique pédagogique", cela me semble excessif et bizarre. Découvrir que les connaissances sémantiques se mémorisent mieux par le questionnement est une information très utile et doit faire l'objet d'application en classe pour être testée rigoureusement.
Ou pour le dire autrement, le fait que les neurosciences invalident la méthode globale, nous permet d'écarter a priori cette méthode, mais ne nous explique pas comment mettre en œuvre une méthode d'apprentissage efficace de l'apprentissage de la lecture. C'est aux pédagogues et, éventuellement, aux psychologues cogniticiens d'essayer, de mesurer puis de comparer.
- LouisBarthasExpert
Je ne pense pas, mais je suis maintenant à la retraite, et ne connais pas l'état des lieux. Un grand tournant fut opéré sous Blanquer, qui prit comme conseiller Stanislas Dehaene, opposant à la conception globale de la lecture. Il y a maintenant de bonnes méthodes sur le marché, et le niveau en lecture des élèves entrant en collège devrait s'améliorer. Et l'épidémie de dyslexie régresser par là même !beaverforever a écrit:Est-ce que tu penses que Charmeux et Foucambert ont encore une influence dans les INSPE ? (Ma question n'est pas rhétorique.)LouisBarthas a écrit:Les seuls à le faire sont des idéologues, ceux qui contrôlent, par cooptation, depuis une cinquantaine d'années, la formation des professeurs d'école.
Après, il y a, comme dans tout fonctionnement humain, une grande inertie des comportements. Et ça joue dans les deux sens. Quand j'ai débuté dans les années 80, les méthodes alphabétiques d'enseignement de la lecture étaient honnies, avec grande violence. Charmeux et Foucambert étaient au faîte. Pourtant, nombre d'anciens continuaient à assurer un enseignement alphabétique de la lecture. Ce n'était pas parfait - surtout en maternelle où de gros dégâts furent faits avec l'emploi des "étiquettes-mots", et ce dès la petite section -, mais ça a permis, bon an mal an, d'amortir le choc et d'assurer un niveau assez correct. Mais avec le départ à la retraite des anciens, il s'est produit un effondrement qu'on paye aujourd'hui, avec cette invraisemblable prolifération de dyslexiques, qui ne le sont que parce qu'on leur a mal enseigné la lecture, et dont les conséquences se font sentir aujourd'hui jusqu'à l'université.
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Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. - Albert Camus
Aller apprendre l'ignorance à l'école, c'est une histoire qui ne s'invente pas ! - Alexandre Vialatte
À quels enfants allons-nous laisser le monde ? - Jaime Semprun
Comme si, tous ceux qui n'approuvent pas les nouveaux abus étaient évidemment partisans des anciens. - Edmund Burke
Versaillais de droite et Versaillais de gauche doivent être égaux devant la haine du peuple. - Manifeste des proscrits de la Commune
- LouisBarthasExpert
Elle n'est pas du tout naïve, et très pertinente !Baldred a écrit:Question naïve : un Kanji japonais est-il lu comme une image ou comme un déchiffrement des éléments qui le composent?
Des travaux très révélateurs ont été réalisés sur des patients japonais victimes de lésions cérébrales. Les Japonais utilisent deux systèmes d'écriture : le kana, code alphabétique, et le kanji, code idéogrammique.
Lorsque ces sujets accidentés sont victimes de lésions de l'hémisphère droit, ils sont capables de lire aussi facilement le kana que le kanji. Cela prouve que cet hémisphère n'intervient ni dans la lecture des mots ni dans celle des idéogrammes.
Par contre, si les lésions se situent dans l'hémisphère gauche, on assiste à une dissociation des capacités de lecture, qui confirme entièrement les travaux de Sperry, prix Nobel de médecine 1981, et de Kandel, prix Nobel en 2000. Ces sujets sont incapables de lire le kana.
Et en ce qui concerne le kanji, chose saisissante, ils ne parviennent à lire qu'une variété particulière d'idéogrammes : les pictogrammes, des dessins qui reproduisent l'objet qu'ils désignent. Par exemple, ils reconnaissent le pictogramme "arbre", qui est représenté par le dessin d'un sapin, mais lorsqu'on leur montre trois arbres réunis qui signifient "forêt", ils lisent "arbre, arbre, arbre". Ils reconnaissent donc l'image de l'arbre avec leur hémisphère droit mais ne sont pas capables de passer au concept "forêt", qui n'est pas une reconnaissance d'images mais un acte de lecture que leur hémisphère gauche n'est plus apte à réaliser.
Ces travaux prouvent clairement que les idéogrammes, comme les lettres des systèmes alphabétiques, sont lus de manière analytique, uniquement par l'hémisphère gauche. Lorsqu'on lit des mots ou des idéogrammes, on ne lit pas des images.
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Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. - Albert Camus
Aller apprendre l'ignorance à l'école, c'est une histoire qui ne s'invente pas ! - Alexandre Vialatte
À quels enfants allons-nous laisser le monde ? - Jaime Semprun
Comme si, tous ceux qui n'approuvent pas les nouveaux abus étaient évidemment partisans des anciens. - Edmund Burke
Versaillais de droite et Versaillais de gauche doivent être égaux devant la haine du peuple. - Manifeste des proscrits de la Commune
- BaldredSage
C'est très intéressant, merci de ta réponse.LouisBarthas a écrit:Elle n'est pas du tout naïve, et très pertinente !Baldred a écrit:Question naïve : un Kanji japonais est-il lu comme une image ou comme un déchiffrement des éléments qui le composent?
Des travaux très révélateurs ont été réalisés sur des patients japonais victimes de lésions cérébrales. Les Japonais utilisent deux systèmes d'écriture : le kana, code alphabétique, et le kanji, code idéogrammique.
Lorsque ces sujets accidentés sont victimes de lésions de l'hémisphère droit, ils sont capables de lire aussi facilement le kana que le kanji. Cela prouve que cet hémisphère n'intervient ni dans la lecture des mots ni dans celle des idéogrammes.
Par contre, si les lésions se situent dans l'hémisphère gauche, on assiste à une dissociation des capacités de lecture, qui confirme entièrement les travaux de Sperry, prix Nobel de médecine 1981, et de Kandel, prix Nobel en 2000. Ces sujets sont incapables de lire le kana.
Et en ce qui concerne le kanji, chose saisissante, ils ne parviennent à lire qu'une variété particulière d'idéogrammes : les pictogrammes, des dessins qui reproduisent l'objet qu'ils désignent. Par exemple, ils reconnaissent le pictogramme "arbre", qui est représenté par le dessin d'un sapin, mais lorsqu'on leur montre trois arbres réunis qui signifient "forêt", ils lisent "arbre, arbre, arbre". Ils reconnaissent donc l'image de l'arbre avec leur hémisphère droit mais ne sont pas capables de passer au concept "forêt", qui n'est pas une reconnaissance d'images mais un acte de lecture que leur hémisphère gauche n'est plus apte à réaliser.
Ces travaux prouvent clairement que les idéogrammes, comme les lettres des systèmes alphabétiques, sont lus de manière analytique, uniquement par l'hémisphère gauche. Lorsqu'on lit des mots ou des idéogrammes, on ne lit pas des images.
- Manu7Expert spécialisé
beaverforever a écrit:J'ai du mal à suivre ton argumentation.Manu7 a écrit:Les travaux de S. Dehaene sont intéressants, ce qui me dérange c'est quand on utilise les neuro-sciences pour inventer des nouvelles méthodes. Par exemple, va-t-on un jour expliquer à des enfants de 8 mois comment fonctionne notre cerveau pendant l'apprentissage de la parole pour qu'il apprenne à parler d'une manière plus efficace ? Et pour défendre cette méthode va-t-on dire que c'est scientifique ?
Si tu veux dire "On ne peut pas appliquer directement un résultat de neuroscience dans la classe car les échelles d'analyse sont trop différentes", je suis d'accord et je pense que Stanislas Dehaene aussi.
Si tu veux dire "Une découverte en neuroscience ne pourra jamais aboutir à une nouvelle pratique pédagogique", cela me semble excessif et bizarre. Découvrir que les connaissances sémantiques se mémorisent mieux par le questionnement est une information très utile et doit faire l'objet d'application en classe pour être testée rigoureusement.
Ou pour le dire autrement, le fait que les neurosciences invalident la méthode globale, nous permet d'écarter a priori cette méthode, mais ne nous explique pas comment mettre en œuvre une méthode d'apprentissage efficace de l'apprentissage de la lecture. C'est aux pédagogues et, éventuellement, aux psychologues cogniticiens d'essayer, de mesurer puis de comparer.
C'est vrai que je ne suis pas clair, ce que je veux dire finalement c'est quand par exemple Dehaene publie le résultat de ses recherches, il ne demande pas qu'on les explique aux élèves. Et j'ai aussi l'impression que parfois, comme le dit mieux que moi LouisBarthas, on confond sciences et idéologie et pour étayer une idéologie on essaie de détourner des résultats scientifiques.
Et quand les sciences nous présentent leurs connaissances sur l'apprentissage et la mémorisation, cela ne signifie pas qu'il faut expliquer aux élèves les connaissances actuelles pour mieux mémoriser.
Et je pense vraiment que la meilleure manière de mémoriser c'est d'être obliger de mémoriser des connaissances de toutes sortes. Et l'obligation n'est pas un détail du procéssus, on le voit bien avec l'arrivée des smartphones. Nous sommes passés d'une période où en moyenne chaque personne connaissait une série de numéros (sans doute entre 10 et 20 numéros en moyenne) à presque rien. Moi-même, je me souviens encore des numéros de mes amis d'enfance alors que je ne connaissais pas le numéro du portable de ma femme (je me suis forcé à l'apprendre par coeur à cause du covid et des test PCR...).
En clair, je sais très bien mémoriser un numéro de téléphone mais si je sais que c'est inutile et bien je ne le fais pas. Je n'ai aucune idée précise sur ma méthode de mémorisation, je fais comme quand j'avais 7 ou 8 ans, je n'ai pas envie de me tromper et de déranger un inconnu. Je suppose que mon cerveau fait le reste pendant la nuit.
Je pense vraiment que les messages sociaux qui dévalorisent la mémorisation et le "par coeur" font beaucoup de mal. Tout comme admettre que notre capacité de mémoire est inférieure à celle d'un ordinateur. Pour moi ce n'est pas comparable.
Je me souviens de la PE de mon fils quand il était en CE2, elle nous a dit à la réunion de rentrée que nous ne devions surtout pas nous inquiéter sur le nombre de poésies à apprendre dans l'année, car elle ne suivrait pas le rythme recommandé. Je n'ai rien dit, mais je bouillais intérieurement, pour moi apprendre quatre poésies en un an, c'est peut-être plus difficile que d'en apprendre quinze.
Et je ne dis pas que la famille ne doit pas aider pour apprendre une poésie ou une table, mais je pense aussi que c'est d'abord à l'élève de retenir. Tout comme je n'avais pas envie de me tromper de numéro de téléphone, la famille et le PE doit obliger sans traumatisme l'élève à retenir. Mais l'élève doit pouvoir apprendre tout seul. Si la famille passe des heures et des heures à aider l'enfant et bien arrivé au collège on laisse tomber... Surtout que finalement avec cette fausse bonne méthode c'est la maman ou le papa qui retiennent le mieux la poésie et c'est encore plus frustrant quand l'enfant constate que le parent n'a plus besoin du cahier de poésie pour contrôler alors que lui, il est toujours bloqué...
Cet échange avec la famille n'est pourtant pas si inutile que cela, je pense qu'il faut surtout mettre l'enfant en confiance. Ne surtout pas dire que c'est impossible ni que c'est facile, mais dire que c'est possible avec des efforts dont on sera très fier.
Je ne sais plus si c'est Stanislas Dehaene ou un autre neuroscientifique qui disait que les enfants avaient tous une bonne mémoire (en dehors des pathologies très rares dans ce domaine). Finalement, j'avoue que j'étais content d'entendre ce message, même si je le pensais déjà, je ne sais pas si j'étais certain. L'important c'est d'y croire, sinon on n'apprendrait pas à parler, à faire du vélo, à compter, etc... et pourtant cela prend des années et des écorchures douloureuses pour le vélo... D'ailleurs j'aime bien comparer les apprentissages de calcul avec le vélo : Chers élèves n'ayez pas peur de faire une erreur de calcul c'est moins douloureux qu'une chute de vélo et si vraiment l'erreur est importante j'ai des pansements dans ma trousse de secours !
- eolyenNiveau 8
Manu7 a écrit: Chers élèves n'ayez pas peur de faire une erreur de calcul c'est moins douloureux qu'une chute de vélo et si vraiment l'erreur est importante j'ai des pansements dans ma trousse de secours !
Ou plutôt des doliprane ?
- Manu7Expert spécialisé
eolyen a écrit:Manu7 a écrit: Chers élèves n'ayez pas peur de faire une erreur de calcul c'est moins douloureux qu'une chute de vélo et si vraiment l'erreur est importante j'ai des pansements dans ma trousse de secours !
Ou plutôt des doliprane ?
Un calcul c'est aussi un caillou, donc parfois cela fait un peu mal quand on tombe dessus... Et ça les élèves s'en souviennent très bien !
J'ai aussi une autre blague que j'ai inventé quand j'étais petit, car on nous disait souvent que le poisson c'est bon pour la mémoire c'est plein de phosphore. J'avais transformé en :
Mangez des vers de terre c'est très bon pour la mémoire !!!
...
Et oui, si vous en mangez rien qu'un seul et bien vous vous en souviendrez longtemps !!!
- ElietteNiveau 9
Zybulka a écrit:Que le cerveau ne traite pas les mots de la même façon qu'il traite les images, ok. En revanche, je crois que c'est désormais aussi une certitude scientifique qu'une fois qu'on "sait" lire, on lit plus les mots de façon "globale", dans le sens où on reconnaît visuellement leur profil d'ensemble (d'ailleurs c'est le cas même si on n'arrive pas à lire chaque lettre individuellement, par exemple sur un mot mal calligraphié, ou si on a une mauvaise vue et qu'on voit le mot flou sans parvenir à distinguer chaque lettre). C'est la fameuse voie d'adressage. S'il fallait, pour chacun des mots qu'on lit, le déchiffrer lettre à lettre en faisant des combinaisons phonologiques (la voie d'assemblage), ce serait extrêmement couteux (d'ailleurs on a beaucoup d'élèves qui continuent à en être à ce stade et ce sont des élèves qui n'aiment pas lire, parce que justement l'effort de déchiffrage est tel qu'il n'y a plus de plaisir de lecture).LouisBarthas a écrit:Croire que les mots sont lus comme des images, c'est comme croire que la Terre est plate.
Il faut rajouter la notion de sens aussi. Ma fille, du genre lectrice rapide, au moment des lectures à voix haute au primaire, faisait régulièrement des erreurs surprenantes où le sens était correct mais le mot complètement différent (genre "vraiment petit" devenait "très petit"). Pour le coup elle ne lisait ni lettre par lettre, ni par reconnaissance visuelle de la forme, mais par inférence du sens !?
- ElietteNiveau 9
Zybulka a écrit:Je ne vois pas bien comment tu passes de "C'est important d'apprendre" (ok) à "Il ne faut pas expliquer aux élèves comment apprendre" (pourquoi ?).
Sachant que les méthodes pour apprendre, globalement, elles se résument à peu près à une seule :
1. Comprendre
2. Réciter (et faire l'effort d'essayer de se souvenir jusqu'à ce que ce que l'on récite corresponde à ce que l'on a appris)
3. Continuer à réciter périodiquement pour éviter l'oubli
Les points 2 et 3 sont la base des cartes Anki. Depuis que j'utilise la méthode pour apprendre les noms de mes élèves, je les connais tous au bout d'une semaine, quand il me fallait un trimestre avant...
- Manu7Expert spécialisé
Eliette a écrit:Zybulka a écrit:Je ne vois pas bien comment tu passes de "C'est important d'apprendre" (ok) à "Il ne faut pas expliquer aux élèves comment apprendre" (pourquoi ?).
Sachant que les méthodes pour apprendre, globalement, elles se résument à peu près à une seule :
1. Comprendre
2. Réciter (et faire l'effort d'essayer de se souvenir jusqu'à ce que ce que l'on récite corresponde à ce que l'on a appris)
3. Continuer à réciter périodiquement pour éviter l'oubli
Les points 2 et 3 sont la base des cartes Anki. Depuis que j'utilise la méthode pour apprendre les noms de mes élèves, je les connais tous au bout d'une semaine, quand il me fallait un trimestre avant...
Tout est possible du moment qu'on utilise une méthode qui nous convient. A la fac de Poitiers j'ai eu un prof de maths qui apprenaient les noms et prénoms des élèves de son groupe de TD (entre 40 et 50) avant le premier cours avec les photos. Mais ces méthodes s'appuient sur un cerveau qui a été transformé par nos apprentissages de l'enfance.
- ZybulkaHabitué du forum
Justement, non, les recherches sur le fonctionnement de la mémoire montrent que globalement, il y a une méthode qui marche bien mieux que les autres pour mémoriser, et que les variations entre les individus sont dans l'ensemble très faibles. Donc je ne comprends pas bien pourquoi on ne donnerait pas cette méthode aux élèves (sachant que la mémorisation de choses complexes n'est pas quelque chose pour laquelle nous sommes spontanément "programmés" : si chaque être humain acquiert la marche dans son développement, en revanche, chaque être humain n'a pas vocation au cours de sa vie à connaître 9x8 par coeur, d'où la nécessité de former à la mémorisation).Manu7 a écrit:Tout est possible du moment qu'on utilise une méthode qui nous convient.
Par exemple, quand tes élèves doivent faire une multiplication, tu leur enseignes la méthode (ou on leur a enseigné la méthode à un moment de leur scolarité) : pour faire 64x47, une fois qu'on a été formé au principe de la multiplication, on ne s'ennuie plus à faire 64+64+64....+64. Ce n'est pas quelque chose qu'on sait faire naturellement, et donc notre rôle en tant que prof, c'est de leur apprendre la méthode efficace pour faire une multiplication.
A mon sens, il en va de même pour la mémoire : plutôt que de laisser les élèves lire des dizaines de fois "4 août 1789 : abolition des privilèges" sans jamais le retenir, on peut leur dire que pour mémoriser, il vaut mieux essayer de se souvenir, et donc "demander à son cerveau" la date de l'abolition des privilèges. Cela permet une mémorisation bien plus rapide et efficace.
Pourquoi admettre qu'on leur donne la méthode pour la multiplication, mais pas pour la mémorisation ?
- beaverforeverNeoprof expérimenté
Je ne sais pas si je comprends bien ton idée.Manu7 a écrit:Je me souviens de la PE de mon fils quand il était en CE2, elle nous a dit à la réunion de rentrée que nous ne devions surtout pas nous inquiéter sur le nombre de poésies à apprendre dans l'année, car elle ne suivrait pas le rythme recommandé. Je n'ai rien dit, mais je bouillais intérieurement, pour moi apprendre quatre poésies en un an, c'est peut-être plus difficile que d'en apprendre quinze.
Et je ne dis pas que la famille ne doit pas aider pour apprendre une poésie ou une table, mais je pense aussi que c'est d'abord à l'élève de retenir. Tout comme je n'avais pas envie de me tromper de numéro de téléphone, la famille et le PE doit obliger sans traumatisme l'élève à retenir. Mais l'élève doit pouvoir apprendre tout seul. Si la famille passe des heures et des heures à aider l'enfant et bien arrivé au collège on laisse tomber... Surtout que finalement avec cette fausse bonne méthode c'est la maman ou le papa qui retiennent le mieux la poésie et c'est encore plus frustrant quand l'enfant constate que le parent n'a plus besoin du cahier de poésie pour contrôler alors que lui, il est toujours bloqué...
Tu sembles dire qu'il faut faire des exercices de mémorisation tôt dans la vie pour développer une mémorisation efficace plus tard. Poussée à l'extrême, cette idée pourrait signifier qu'un enfant qui n'a pas appris de poème ou de table de multiplication serait en difficulté pour apprendre d'autres connaissances plus grand.
Alors autant je trouve fondamental d'apprendre des connaissances (sémantiques ou procédurales) valides tôt dans la vie de l'enfant et je pense qu'un tel apprentissage est un fondement de ses apprentissages futurs, autant je suis sceptique à l'idée qu'un apprentissage de poème en CE2 puisse faire l'objet d'un transfert spontané de stratégie d'apprentissage par l'élève dans un autre contexte.
Un autre point qui me choque (mais qui n'est pas lié à tes propos), c'est le manque de connaissances sur la mémorisation des PE. L'apprentissage des poèmes est souvent mal structuré : les élèves ont un cahier de poésie, écrivent l'un après l'autre chaque poème (disons un par mois), font une production en art plastique pour l'illustrer, (Jusque là tout va bien), puis apprennent chaque poème pour une date précise en vue d'une récitation, et à la fin de l'année, ainsi que l'année d'après, les élèves ont oublié tous les poèmes. C'est une structure d'apprentissage qui maximise l'oubli des élèves. C'est une structure d'apprentissage qui transmet une méthode inefficace de mémorisation. Alors qu'il serait simple de construire un calendrier de réactivation expansée pour que tous les élèves, à la fin de l'année, connaissent tous les poèmes. Même problème pour les tables, les conjugaisons, les règles de grammaire...
(Alors il doit exister 250 000 classes de primaire, et bien sûr qu'il y a des milliers de PE qui utilisent la réactivation expansées des connaissances et qui maximisent l'apprentissage des élèves. Mon paragraphe précédent doit s'entendre avec la restriction suivante : "D'après les données très incomplètes et mes inférences très discutables sur les pratiques concrètes moyennes des PE". Je suis bien sûr prêt à réviser mon jugement si on me fournit de meilleures données.)
Tout ça pour dire que forcer les élèves à apprendre des connaissances sans leur transmettre de méthodes de mémorisation et sans développer une stratégie pédagogique d'apprentissage à long terme me semble insuffisant. C'est mieux qu'aucune mémorisation obligatoire, mais au final le résultat sera le même : un oubli massif et rapide.
Comme les méthodes efficaces d'apprentissage durable (apprentissage par questionnement et reprise expansée) sont désagréables pour les élèves et mal aimées ou méconnues des enseignants, je pense qu'elles doivent fait l'objet d'un enseignement explicite pour les professionnels et les élèves.
Il ne s'agit pas de faire lire des publications scientifiques de neurosciences aux élèves ou aux collègues, qui sont d'ailleurs globalement hors de portée des non-spécialistes, mais d'adapter dans un cadre pédagogique des résultats de sciences cognitives, ce qui est accessible à tous.
Et bien sûr, il faut mesurer et comparer.
- LouisBarthasExpert
Dehaene ne dit pas que le module phonologique de l'hémisphère gauche n'est plus activé, il dit que celui-ci se modifie chez le lecteur expert, qu'il y a un passage direct de la chaîne des lettres au sens des mots. Mais l'étape phonologique d'analyse de cette chaîne n'est pas sautée. Il y a un passage direct à partir de la chaîne, mais il n'y a pas occultation de la chaîne.Zybulka a écrit:Je crois que pourtant, les scientifiques spécialistes des mécanismes cérébraux de la lecture s'entendent pour dire que les mécanismes de la lecture sont très différents lors de son apprentissage scolaire et lors de son utilisation experte. Deux exemples :LouisBarthas a écrit:En clair, on lit de lettre à lettre, enfant comme adulte. Et ce n'est par aucun miracle physiologique que la lecture, au bout d'un temps ou d'un âge indéterminés, passerait d'un hémisphère du cerveau à l'autre.S. Dehaene a écrit:Dans le cas de la lecture, c’est un circuit impliquant le cortex visuel de l’hémisphère gauche, (...) qui se modifie au cours de l’apprentissage.(...) Cette région visuelle joue un rôle de pivot : ses projections, en direction de différents secteurs du lobe temporal, se modifient afin de représenter d’une part les correspondances entre graphèmes et phonèmes (déchiffrage ou voie phonologique de lecture) et, dans un second temps, le passage direct de la chaîne de lettres au sens des mots (voie lexico-sémantique). La comparaison de personnes alphabétisées et non-alphabétisées démontre que les circuits occipito-temporaux de l’hémisphère gauche sont profondément altérés par l’apprentissage de la lecture : le cortex visuel est modifié, y compris dans ses étapes les plus précoces ; la représentation des visages est déplacée ; l’invariance en miroir est légèrement réduite ; et les aires auditives du planum temporale voient également leur activité augmenter. De surcroît, au cours des premières étapes de l’apprentissage, les réseaux attentionnels des lobes pariétaux et frontaux sont fortement activés, mais cette contribution s’amenuise au fil de l’automatisation de la lecture, alors que l’activation temporale augmenteCaroline Jacquier a écrit: La voie lexicale (voie directe ou voie par adressage) serait dédiée aux mots connus et permettrait l’accès à leur connaissance globale à partir d’un lexique mental élaboré durant l’apprentissage de la lecture. Le code orthographique intervient dans ces processus d’identification des mots mais pas le code phonologique. Cette voie phonologique est lente et peu utilisée chez le lecteur expert qui utilise principalement la voie orthographique, même si l’hypothèse la plus largement partagée est que les deux voies sont activées simultanément et qu’il existe une « course » entre les deux (traitement en parallèle).
Chez le lecteur débutant, l'activité cérébrale recrute un réseau de régions cérébrales très étendu, qui déborde du réseau normal de la lecture chez l'adulte. Certaines de ces régions sont associées aux mouvements des yeux, d'autres à la mémoire, à l'attention et beaucoup au langage oral (surtout l'articulation) - c'est pourquoi les enfants oralisent leur lecture, et qu'il ne faut surtout pas le réprimer !
Au fur et à mesure de l'automatisation, la mobilisation de ces régions décroît, mais l'analyse des lettres, dans l'hémisphère gauche, se fait toujours. L'IRMF ne montre pas un transfert de l'activité cérébrale dans l'hémisphère droit, dédié aux images.
Ce qui se passe, c'est qu'au fil des années, le temps de lecture s'accélère et dépend de moins en moins du nombre de lettres.
« Cet aspect étonnant de la lecture a longtemps fait croire que le cerveau se servait de la "forme globale" du mot, mais c'est une illusion. En réalité, chacun des trait, chacune des lettres sont analysées, mais chez le lecteur expert, des millions de neurones y sont consacrés, et cette analyse se produit simultanément en chaque endroit du mot. ».
Stanislas Dehaene, Apprendre à lire - Des sciences cognitive à la salle de classe, p. 49-50 (Odile Jacob, 2011).
En ce qui concerne Caroline Jacquier, totalement inconnue de moi - je ne sais pas comment tu as fait pour aller la trouver -, tu cites un extrait de sa thèse portant sur la dyslexie, présentée en 2008. Elle émettait l'hypothèse, au conditionnel, (j'ai graissé dans son texte), qu'une voie orthographique et non-phonologique donnerait accès à une connaissance globale de mots déjà connus (si je comprends bien, on serait capables de lire un mot en reconnaissant ses lettres mais pas le son qu'elles produisent). Tout ça pour dire, à la phrase suivante, que « même si l’hypothèse la plus largement partagée est que les deux voies sont activées simultanément et qu’il existe une « course » entre les deux. » !
Bref, ce n'était, en 2008, qu'une hypothèse. Signalons aussi que ce point n'était pas l'objet de sa thèse qui s'intitule "Étude d’indices acoustiques dans le traitement temporel de la parole chez des adultes normo-lecteurs et des adultes dyslexiques".
De ce que je sais, pour le moment, l'hypothèse, chez le lecteur entraîné, de l'existence d'une voie directe de la lecture, par comparaison entre les éléments analysés et des mots stockés sous leur forme écrite dans un lexique qui supprimerait la nécessité de leur lien avec leur équivalence phonologique, n'a pas pas été étayée par la recherche. Pour les chercheurs, cette possibilité, si elle existe, ne peut se réduire qu'à des mots très courts, simples, invariables et très souvent rencontrés.
Actuellement, la voie dite "directe" évoquée par Dehaene ne modifie pas la nature du traitement de l'information. Celle-ci reste analytique, comme le démontre l'absence d'augmentation d'activation de l'hémisphère droit en IRMF dans la lecture automatisée. Les études réalisées avec cette technique d'exploration du fonctionnement cérébral montrent que lorsque des listes de mots sont proposées à des lecteurs, la répétition de la tâche réduit la surface des aires utilisées pour lire ces mots. Elle facilite le travail et permet au cerveau d'arriver au même résultat en mobilisant un moins grand nombre de neurones, mais les mécanismes mis en œuvre pour lire n'activent pas d'autres aires cérébrales que celles qui sont habituellement concernées par ce travail. Aucune stimulation supplémentaire n'apparaît dans l'hémisphère droit. On reste donc, chez le lecteur entraîné comme chez le débutant, dans une procédure analytique assumée par l'hémisphère gauche. Le mot n'est pas devenu une image.
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Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. - Albert Camus
Aller apprendre l'ignorance à l'école, c'est une histoire qui ne s'invente pas ! - Alexandre Vialatte
À quels enfants allons-nous laisser le monde ? - Jaime Semprun
Comme si, tous ceux qui n'approuvent pas les nouveaux abus étaient évidemment partisans des anciens. - Edmund Burke
Versaillais de droite et Versaillais de gauche doivent être égaux devant la haine du peuple. - Manifeste des proscrits de la Commune
- Manu7Expert spécialisé
beaverforever a écrit:Je ne sais pas si je comprends bien ton idée.Manu7 a écrit:Je me souviens de la PE de mon fils quand il était en CE2, elle nous a dit à la réunion de rentrée que nous ne devions surtout pas nous inquiéter sur le nombre de poésies à apprendre dans l'année, car elle ne suivrait pas le rythme recommandé. Je n'ai rien dit, mais je bouillais intérieurement, pour moi apprendre quatre poésies en un an, c'est peut-être plus difficile que d'en apprendre quinze.
Et je ne dis pas que la famille ne doit pas aider pour apprendre une poésie ou une table, mais je pense aussi que c'est d'abord à l'élève de retenir. Tout comme je n'avais pas envie de me tromper de numéro de téléphone, la famille et le PE doit obliger sans traumatisme l'élève à retenir. Mais l'élève doit pouvoir apprendre tout seul. Si la famille passe des heures et des heures à aider l'enfant et bien arrivé au collège on laisse tomber... Surtout que finalement avec cette fausse bonne méthode c'est la maman ou le papa qui retiennent le mieux la poésie et c'est encore plus frustrant quand l'enfant constate que le parent n'a plus besoin du cahier de poésie pour contrôler alors que lui, il est toujours bloqué...
Tu sembles dire qu'il faut faire des exercices de mémorisation tôt dans la vie pour développer une mémorisation efficace plus tard. Poussée à l'extrême, cette idée pourrait signifier qu'un enfant qui n'a pas appris de poème ou de table de multiplication serait en difficulté pour apprendre d'autres connaissances plus grand.
Alors autant je trouve fondamental d'apprendre des connaissances (sémantiques ou procédurales) valides tôt dans la vie de l'enfant et je pense qu'un tel apprentissage est un fondement de ses apprentissages futurs, autant je suis sceptique à l'idée qu'un apprentissage de poème en CE2 puisse faire l'objet d'un transfert spontané de stratégie d'apprentissage par l'élève dans un autre contexte.
Un autre point qui me choque (mais qui n'est pas lié à tes propos), c'est le manque de connaissances sur la mémorisation des PE. L'apprentissage des poèmes est souvent mal structuré : les élèves ont un cahier de poésie, écrivent l'un après l'autre chaque poème (disons un par mois), font une production en art plastique pour l'illustrer, (Jusque là tout va bien), puis apprennent chaque poème pour une date précise en vue d'une récitation, et à la fin de l'année, ainsi que l'année d'après, les élèves ont oublié tous les poèmes. C'est une structure d'apprentissage qui maximise l'oubli des élèves. C'est une structure d'apprentissage qui transmet une méthode inefficace de mémorisation. Alors qu'il serait simple de construire un calendrier de réactivation expansée pour que tous les élèves, à la fin de l'année, connaissent tous les poèmes. Même problème pour les tables, les conjugaisons, les règles de grammaire...
(Alors il doit exister 250 000 classes de primaire, et bien sûr qu'il y a des milliers de PE qui utilisent la réactivation expansées des connaissances et qui maximisent l'apprentissage des élèves. Mon paragraphe précédent doit s'entendre avec la restriction suivante : "D'après les données très incomplètes et mes inférences très discutables sur les pratiques concrètes moyennes des PE". Je suis bien sûr prêt à réviser mon jugement si on me fournit de meilleures données.)
Tout ça pour dire que forcer les élèves à apprendre des connaissances sans leur transmettre de méthodes de mémorisation et sans développer une stratégie pédagogique d'apprentissage à long terme me semble insuffisant. C'est mieux qu'aucune mémorisation obligatoire, mais au final le résultat sera le même : un oubli massif et rapide.
Comme les méthodes efficaces d'apprentissage durable (apprentissage par questionnement et reprise expansée) sont désagréables pour les élèves et mal aimées ou méconnues des enseignants, je pense qu'elles doivent fait l'objet d'un enseignement explicite pour les professionnels et les élèves.
Il ne s'agit pas de faire lire des publications scientifiques de neurosciences aux élèves ou aux collègues, qui sont d'ailleurs globalement hors de portée des non-spécialistes, mais d'adapter dans un cadre pédagogique des résultats de sciences cognitives, ce qui est accessible à tous.
Et bien sûr, il faut mesurer et comparer.
Pour répondre à ta phrase en gras, je pense en effet qu'il faut muscler notre cerveau pour l'habituer à mémoriser, et aussi cela donne la confiance à l'élève dans ses capacités. Par contre, je suis d'accord avec toi, il y a le danger de la mémorisation à court terme qu'on peut rencontrer dans les poésies, donc j'aurai pu prendre un autre exemple avec les conjugaisons. Mais d'un autre côté, apprendre par coeur une poésie c'est aussi un exercice enrichissant justement par sa longeur et son "inutilité" dans le temps. Je suis d'accord avec toi, sur le risque d'habituer les élèves à apprendre uniquement pour le lendemain. Donc je te rejoins sur la formation de tous les enseignants qui me semble en effet bien plus essentielle et d'ailleurs le paradoxe en France c'est que des élèves sont formés sur les méthodologies d'apprentissages alors que des enseignants ne le sont pas... Et cela avec une bonne dose de neuro-mythes.
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