- marinieeereJe viens de m'inscrire !
Bonjour,
Je suis actuellement en train de travailler un sujet blanc d'agrégation portant sur la ballade 33 d'Eustache Deschamps (p. 64 de l'Anthologie au programme) et plus précisément la question de synthèse phonétique, qui porte sur l'étude, du point de vue phonétique et graphique, de l’origine et l’évolution jusqu’en français moderne de la graphie o dans dormant (v. 2) lyon (v. 3), loup (v. 5), foison (v. 9) et povre (v. 13).
Je rencontre des difficultés sur le terme dormant. En effet [o], peu importe sa position et sa quantité, est censé se fermer au IVe siecle pour ensuite se fermer davantage, en [u], au XIIe... Or, la graphie n'est pas "durmant", ni "dourmant". Cela m'étonnerait que o soit un monogramme notant le son [u], et je pense qu'il note le son [o] ouvert, comme en FM. Toutefois, la seule explication que j'ai trouvée allant dans ce dernier sens est la réforme érasmienne, qui rétablit le [o] fermé voire ouvert face au [u]. Or c'est postérieur à Deschamps...
Est-ce que quelqu'un pourrait m'éclairer, et peut-être m'indiquer la partie d'un ouvrage de phonétique historique traitant de ce cas ? J'ai beau avoir cherché, je n'ai rien trouvé...
Merci !
Je suis actuellement en train de travailler un sujet blanc d'agrégation portant sur la ballade 33 d'Eustache Deschamps (p. 64 de l'Anthologie au programme) et plus précisément la question de synthèse phonétique, qui porte sur l'étude, du point de vue phonétique et graphique, de l’origine et l’évolution jusqu’en français moderne de la graphie o dans dormant (v. 2) lyon (v. 3), loup (v. 5), foison (v. 9) et povre (v. 13).
Je rencontre des difficultés sur le terme dormant. En effet [o], peu importe sa position et sa quantité, est censé se fermer au IVe siecle pour ensuite se fermer davantage, en [u], au XIIe... Or, la graphie n'est pas "durmant", ni "dourmant". Cela m'étonnerait que o soit un monogramme notant le son [u], et je pense qu'il note le son [o] ouvert, comme en FM. Toutefois, la seule explication que j'ai trouvée allant dans ce dernier sens est la réforme érasmienne, qui rétablit le [o] fermé voire ouvert face au [u]. Or c'est postérieur à Deschamps...
Est-ce que quelqu'un pourrait m'éclairer, et peut-être m'indiquer la partie d'un ouvrage de phonétique historique traitant de ce cas ? J'ai beau avoir cherché, je n'ai rien trouvé...
Merci !
- trompettemarineMonarque
La présence du "r" ne joue-t-elle pas un rôle dans l' ouverture du "r" ?
- barègesÉrudit
La graphie ne rend pas toujours compte de la prononciation ; entre un [o] très fermé et un [u] , les copistes n'ont pas dû réagir au quart de tour... En plus, avant les tentatives de fixation postérieures, les deux prononciations ont pu coexister, avec des variantes régionales. Dans ces cas-là on peut donner la théorie en signalant que la graphie ne rend pas compte d'une prononciation [u] au cas où elle aurait existé (il faudrait disposer du texte entier avec apparat critique pour savoir si la graphie est constante, vu que là les rimes ne peuvent pas aider).
[J'édite, j'ai raisonné bille en tête sur l'infinitif "dormir (o non accentué) avant de relire le message d'origine... J'effacerai mais un peu plus tard pour éviter de rendre le fil incompréhensible]
[J'édite, j'ai raisonné bille en tête sur l'infinitif "dormir (o non accentué) avant de relire le message d'origine... J'effacerai mais un peu plus tard pour éviter de rendre le fil incompréhensible]
- liliepingouinÉrudit
Mes souvenirs de phonétique historique sont un peu lointains maintenant même si j'adorais ça, aussi j'ai remis le nez dans le Précis de phonétique historique de Geneviève Joly.
p. 34: o bref accentué entravé évolue en o ouvert bref. (elle donne précisément l'exemple de dormit)
p. 43: o bref entravé qui s'est ouvert se conservé inchangé (o ouvert) jusqu'en français moderne. (A nouveau l'exemple de dormit).
La prononciation est donc bien o ouvert.
Seul le o fermé évolue en [u].
On trouve aussi l'explication dans le Précis de phonétique historique de Noëlle Laborderie:
p.17: au IIe siècle o bref évolue en o ouvert.
p. 23: les voyelles entravées se maintiennent (sauf o ouvert devant s implosif, ce qui n'est pas le cas ici)
p. 34: o bref accentué entravé évolue en o ouvert bref. (elle donne précisément l'exemple de dormit)
p. 43: o bref entravé qui s'est ouvert se conservé inchangé (o ouvert) jusqu'en français moderne. (A nouveau l'exemple de dormit).
La prononciation est donc bien o ouvert.
Seul le o fermé évolue en [u].
On trouve aussi l'explication dans le Précis de phonétique historique de Noëlle Laborderie:
p.17: au IIe siècle o bref évolue en o ouvert.
p. 23: les voyelles entravées se maintiennent (sauf o ouvert devant s implosif, ce qui n'est pas le cas ici)
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Spheniscida qui se prend pour une Alcida.
"Laissons glouglouter les égouts." (J.Ferrat)
"Est-ce qu'on convainc jamais personne?" (R.Badinter)
Même si c'est un combat perdu d'avance, crier est important.
- NLM76Grand Maître
En fait c'est le bazar. Il s'agit des voyelles atones en syllabe initiale, où le ŏ se ferme sous l'empire, comme dans "tourner" ou "couronne". Mais par analogie, comme on a "dŏrmit" >"dort", eh bien "dŏrméntem" ne donne pas "dourmant". Reste à comprendre pourquoi on a quand même "tourne", autrement dit pourquoi l'analogie marche dans l'autre sens. Pas trouvé dans Zink, ni dans Bonnard ou La Chaussée.
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Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- barègesÉrudit
Dans Fouché il est fait mention des analogies dans un sens ou dans l'autre, à date plutôt tardive, pour aller vers [u] ou [o] selon les cas (alignement ou non sur les formes avec "o" sous l'accent) mais pour les infinitifs; je n'ai pas regardé pour les formes en "-ant". Apparemment le [o] aurait bien été très fermé avant cette étape, il y aurait parfois des graphies "durmir".
- NLM76Grand Maître
Est-ce que Fouché arrive à trouver des critères de répartition ?barèges a écrit:Dans Fouché il est fait mention des analogies dans un sens ou dans l'autre, à date plutôt tardive, pour aller vers [u] ou [o] selon les cas (alignement ou non sur les formes avec "o" sous l'accent) mais pour les infinitifs; je n'ai pas regardé pour les formes en "-ant". Apparemment le [o] aurait bien été très fermé avant cette étape, il y aurait parfois des graphies "durmir".
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Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- barègesÉrudit
Ce sont des mentions, "dormir" apparaît en exemple parmi d'autres verbes dans des listes, il n'y a rien de très développé.
Il suppose une alternance o/u au présent ([u] pour les formes accentuées sur la désinence, [o] pour radical accentué). Il ne trouve pas de graphie attestant l'alternance et le dit en note de bas de page mais argumente en trouvant des traces du "u" dans la graphie de formes nominales (comme tourment), et en constatant que des noms de la famille de "porter" sont en [u] et qu'il a donc dû y avoir alternance au présent pour ce verbe et les autres qui lui ressemblent. Ce paragraphe traite de l'évolution, après fermeture en [u] au 12e siècle, des anciennes alternances [o] ouvert sous l'accent / [o] atone fermé vers de nouvelles alternances [o] / [u].
Pour l'analogie, dans le cas de "dormir" (infinitif), il pense à l'influence de l'impératif "dors" qui aurait fixé la prononciation "o" ouvert après la période médiévale, mais avec un "peut-être" - dans un paragraphe avec des appels de notes qui expliquent que les deux prononciations ont perduré jusqu'au 16e ou 17e siècle, avec des attestations pour d'autres alternances qui avaient anciennement "o" atone ("pleuvoir", formes "qu'il plouve", "plouvoir" tardives et critiquées par les grammairiens). Il n'y a pas de critères de répartition, mais plus des raisons qui ont pu faire que le vocalisme des formes fortes a gagné : fréquence d'emploi de formes fortes (impératif pour "dors"), influence d'un nom très employé de la même famille, etc. (C'est au détour des p. 61-62 d'une édition de 1967).
Bien malin qui saurait dire quel degré de fermeture avait ce "o" vers la fin du 14e siècle :-D, en tout cas en pure théorie phonétique il aurait dû finir en [u] ou pas bien loin, mais la graphie ne l'a pas beaucoup attesté...
J'ai fini par jeter un oeil sur le FEW, qui donne des formes avec des graphies "u" dans des dialectes (vers le Queyras par exemple, durmir), et des noms (le dourment, en provençal).
Il suppose une alternance o/u au présent ([u] pour les formes accentuées sur la désinence, [o] pour radical accentué). Il ne trouve pas de graphie attestant l'alternance et le dit en note de bas de page mais argumente en trouvant des traces du "u" dans la graphie de formes nominales (comme tourment), et en constatant que des noms de la famille de "porter" sont en [u] et qu'il a donc dû y avoir alternance au présent pour ce verbe et les autres qui lui ressemblent. Ce paragraphe traite de l'évolution, après fermeture en [u] au 12e siècle, des anciennes alternances [o] ouvert sous l'accent / [o] atone fermé vers de nouvelles alternances [o] / [u].
Pour l'analogie, dans le cas de "dormir" (infinitif), il pense à l'influence de l'impératif "dors" qui aurait fixé la prononciation "o" ouvert après la période médiévale, mais avec un "peut-être" - dans un paragraphe avec des appels de notes qui expliquent que les deux prononciations ont perduré jusqu'au 16e ou 17e siècle, avec des attestations pour d'autres alternances qui avaient anciennement "o" atone ("pleuvoir", formes "qu'il plouve", "plouvoir" tardives et critiquées par les grammairiens). Il n'y a pas de critères de répartition, mais plus des raisons qui ont pu faire que le vocalisme des formes fortes a gagné : fréquence d'emploi de formes fortes (impératif pour "dors"), influence d'un nom très employé de la même famille, etc. (C'est au détour des p. 61-62 d'une édition de 1967).
Bien malin qui saurait dire quel degré de fermeture avait ce "o" vers la fin du 14e siècle :-D, en tout cas en pure théorie phonétique il aurait dû finir en [u] ou pas bien loin, mais la graphie ne l'a pas beaucoup attesté...
J'ai fini par jeter un oeil sur le FEW, qui donne des formes avec des graphies "u" dans des dialectes (vers le Queyras par exemple, durmir), et des noms (le dourment, en provençal).
- trompettemarineMonarque
Ce fil est passionnant ! Cela fait du bien de vous lire !
- ipomeeGuide spirituel
trompettemarine a écrit:Ce fil est passionnant ! Cela fait du bien de vous lire !
En effet. Passionnant, merci !
- barègesÉrudit
C'est vieux pour moi aussi, mais si je me souviens bien des années fac / concours, on avait fini par voir l'alignement morphologique comme un merveilleux couteau suisse explicatif quand une forme ne faisait pas ce qu'elle aurait dû faire :-D. C'est pour cela que je suis retournée voir des manuels, au moins on peut vaguement attester des précédents dans l'explication analogique, qui en plus, doit bien être la bonne dans plein de cas - même si ici l'hypothèse n'est donnée que pour dormir et que pour dormant, on ne sait pas trop, à part que les attestations de fermeture en [u] sont tout aussi rares. J'étais devenue assez coutumière des formulations (prudentes, disons) de mon tout premier message de ce fil écrit avant vérification de ce que les experts ont trouvé dans les textes (on est tout démuni au concours, sans l'édition complète sous la main), et "on" ne m'en a pas trop voulu à l'époque.
En tout cas, on s'amusait bien et me voilà toute nostalgique, jeunesse perdue, tout ça.
En tout cas, on s'amusait bien et me voilà toute nostalgique, jeunesse perdue, tout ça.
- LfifNiveau 3
Une bouffée d'oxygène!trompettemarine a écrit:Ce fil est passionnant ! Cela fait du bien de vous lire !
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