Affectation néo-profs agrégés, mobilités, conditions d'enseignement...

Bonjour,
Même si certaines évolutions récentes font douter et même si cela dépend de l'école doctorale et de l'équipe de recherche en question, le rôle de doctorant est tout de même différent de celui d'étudiant. Bien entendu, il faut vouloir faire une thèse (même pour la "gloire"...), aimer la recherche et se sentir bien dans le monde universitaire (là encore, ça dépend de facteurs divers). En revanche, si tu sens déjà de la saturation, c'est peut-être en effet une mauvaise idée. Mais je me dis aussi que c'est plus compliqué de se lancer en thèse plus tard si l'envie vient tardivement.

Être parisienne représente un avantage certain si tu es nommée dans les académies franciliennes* : pas de déracinement complet, mais il y a bel et bien des établissements plus éloignés de Paris dans ces académies.

Concernant le métier d'enseignant du secondaire, je vais parler de ce que je connais pour le lycée : c'est strictement ma propre expérience (j'en suis au milieu de ma troisième année en lycée) :
- c'est un métier qui demande des compétences relationnelles particulières (on est face à des jeunes, on doit contacter des parents) et je trouve mon tempérament (introverti tête dans la lune) vraiment très peu adapté à l'affaire (alors qu'à l'université, ça va). Cette année, comme je suis professeur principal, c'est encore pire, pour ainsi dire.
- on peut tomber sur de grandes variations selon les établissements et les classes. Je ne suis passé que par deux lycées et je n'ai vu que quelques classes, mais j'en tire l'idée qu'il y a quand même un problème général du côté de la maturité (enfin, de l'immaturité) de pas mal d'élèves et du comportement. On peut tomber sur le pire, aussi, ce n'est pas impossible et c'est très déstabilisant, surtout quand on a un profil très axé sur l'amour des Lettres**.
- il faut aimer la pédagogie... qui n'est pas juste de la vulgarisation appliquée aux jeunes.
- bon, "le français", ce n'est pas la même chose que les Lettres ou que les disciplines universitaires, évidemment - et puis le français au lycée, surtout en première, c'est plutôt l'usine.
- on peut tirer du métier la satisfaction de faire quelque chose de concret et d'utile, socialement parlant (c'est plus sensible qu'à la fac ou que quand on fait de la recherche "non appliquée', haha), mais c'est compensé par le manque de reconnaissance et par les contrariétés de ce même travail de terrain.
- c'est aussi parfois déprimant pour pas mal de raisons : les contradictions de l'institution/des programmes (8 œuvres/an pour des élèves qui font 45 fautes de grammaire/syntaxe en moins d'une copie double ?), certains rapports avec des élèves et leurs parents, le sentiment d'être dans la roue d'Ixion et de se retrouver sans cesse face aux mêmes problèmes...

À titre encore plus personnel, j'ai fait une très grosse dépression lors de ma première affectation - c'était mission impossible, en fait, même si j'ai "survécu". Cela va mieux dans mon nouvel établissement... Mais au fond, si je n'avais pas d'aspirations universitaires, j'aurais déjà bifurqué.
Je trouve que le métier peut être particulièrement difficile selon le tempérament/le profil. Il est possible de le vivre très mal, là où ailleurs il y a des échappatoires.

* J'ai d'ailleurs remarqué que les collègues parisiens/franciliens avaient un peu de mal, parfois, à comprendre cet aspect (j'écris cela en tant que célibataire sans enfant, avec comme terres d'attache Bordeaux et le 17).

** Je ne suis peut-être pas le seul à entrer dans des colères noires quand des élèves font les *** pendant qu'on fait la lecture des joyaux de la littérature.

Merci de ces nouvelles réponses! J'essaie de répondre point par point:

-les carrières administratives ou politiques auxquelles l'ENS pourrait me permettre d'accéder ne m'attirent pas non plus. Ce que je veux vraiment c'est pouvoir concilier au mieux ma passion pour les lettres avec mon métier. Je sais que ce n'est pas si évident...

-concernant le métier de prof: oui justement ce sont ces variations d'une situation à l'autre qui me font peur.. En réalité j'ai beaucoup de mal à m'adapter aux situations et a fortiori difficiles; je le vis en général très mal, j'ai du mal à relativiser et cela peut vite prendre des proportions démesurées. Je travaille bien sûr à grandir sur ce point mais ai tout de même peur de m'exposer potentiellement à toutes ces difficultés dans l'exercice de mon métier (un métier qu'encore une fois j'ai longtemps idéalisé en le concevant comme une sorte de miracle, celui de la transmission d'un ensemble de savoirs et de connaissances auprès de jeunes gens, le miracle aussi, parfois, d'éclairer des esprits, de leur faire découvrir des aspirations, des vocations...)

-je comprends également ce que vous dites à propos des tempéraments/profils plus enclins à faire face à ce genre de difficultés.

Tu n’auras pas forcément une affectation difficile. Ça peut arriver mais pas toujours et tu sauras peut-être gérer. Ça s’apprend aussi.

D'ailleurs au sujet des affectations, comment se passe le système des points? Je sais qu'en sortant de l'ENS j'ai 7 points en plus des 14 normalement attribués à l'entrée dans l'EN mais comment est-ce que cela évolue, annuellement? (en prenant l'exemple d'un célibataire sans enfants)

Aussi, si je suis par exemple affectée dès la première année en Rep+ dans l'académie de Créteil, est-ce que j'ai des chances d'obtenir une mutation intra-académique dès ma deuxième année d'enseignement?

Désolée de poser des questions très précises et qui trahissent sans doute un peu trop mes craintes, mais je trouve ça plutôt fécond de se poser toutes ces questions avant, afin de savoir où on met les pieds.

Pour muter sur Paris ça peut prendre du temps selon ta matière même avec les points rep. Tu devrais regarder les barres des années précédentes. Dans ma matière ma collègue n'y est pas arrivée au bout de treize ans (établissement non rep ceci dit et en lettres classiques). Elle a fini par muter au sein de l'académie de Versailles pour se rapprocher de Paris.

ah oui en effet ça devient compliqué...

Il faudrait regarder les barres intra des années précédentes, mais avec 111 points (21 + 90 d'agrégé) quels établissements peut-on obtenir à Créteil ou Versailles ?
En particulier quels lycées.

le fait d'être agrégé rapporte 90 points supplémentaires? je l'ignorais et mes ex camarades agrégés qui sont en année de stage m'ont dit qu'ils avaient 21 pts!

Je m'avance précautionneusement sur ce terrain vu le sujet, mais quand on a des contrats universitaires et qu'on a été admis au concours du secondaire, on progresse en échelon. Là, j'ai obtenu un poste fixe dans un lycée pour ma troisième année d'exercice dans le secondaire (mais j'ai passé le concours il y a plus longtemps que cela, évidemment), ce qui doit être, hum, très rare dans ma section. Mais si je n'étais pas retourné à l'université après les deux premières années, j'aurais sans doute bifurqué...

LolVstein8 a écrit:le fait d'être agrégé rapporte 90 points supplémentaires? je l'ignorais et mes ex camarades agrégés qui sont en année de stage m'ont dit qu'ils avaient 21 pts!

Sur les voeux lycées, oui. Le nombre 90 dépend des académies, je crois.

Une bonne solution serait peut-être, dans le cadre de ta scolarité à l'ENS, de donner des cours quelque part pour savoir si ça te convient réellement : quand j'étais dans ta situation, j'avais pris une classe de 1ère en responsabilité à la Maison d'Education de la Légion d'Honneur à Saint-Denis, qui dépend du ministère de la Justice (un matheux et un physicien faisaient déjà la même chose et m'avaient dit qu'il y avait quelques heures à faire en français en 1ère, et l'année suivante j'avais recommandé une amie littéraire). Même si ce n'était pas un établissement "lambda", ni un temps complet, ça m'a déjà permis – dans des conditions idéales – de me faire une idée concrète de la charge de travail à assumer. Je venais de passer l'agrégation et hésitais à m'engager dans une thèse ou à bifurquer totalement, donc cette expérience m'a permis de vérifier qu'enseigner ne me déplaisait pas (je n'avais pour ma part aucune "vocation" particulière en ce sens). Ce n'est pas non plus forcément un mauvais plan de se faire connaître dans ce genre d'établissement si tu souhaites enseigner dans le secondaire en région parisienne : s'ils veulent vraiment te garder, ils peuvent sans doute s'arranger et ça permet d'éviter les affectations pourries ou les temps de transport délirants. Ministère de l'Agriculture, Ministère de la Défense, Ministère de la Justice ont ainsi des établissements qui recrutent des professeurs détachés du MEN et qui sont infiniment mieux traités (pas pour les sous, mais au moins en termes de conditions de travail et de respect). Tu peux voir avec le COF s'ils ont reçu des demandes de vacations dans ce type d'établissements.

Mes perspectives étaient tout de même différentes des tiennes : rédiger une thèse ne me rebutait pas, quitter Paris non plus, et j'avais quelques idées de reconversion envisageables (notamment passer le concours de l'ENSSIB pour devenir conservateur : c'est un bon moyen de rester au contact des livres. Sinon, passer le concours de réacteur des débats de l'Assemblée nationale (boulot pas forcément palpitant, mais très correctement payé, forcément localisé à Paris, et avec des plages d'oisiveté importantes qui laissent beaucoup de temps pour un violon d'Ingres comme la littérature). Une autre possibilité consiste aussi à regarder du côté des propositions de postes d'attaché cultuel temporaire dans les ambassades (à mon époque, on recevait chaque semaine une feuille de chou de la part de l'administration de l'ENS, avec assez souvent des propositions de ce type). Une fois qu'on grenouille dans ce milieu, il doit être assez facile de trouver quelque chose d'intéressant avec le titre de normalien, et c'est encore mieux si tu as une agrégation car le titre d'agrégé garde un vrai prestige (mais ce sont des carrières à l'étranger). Il y a aussi des postes dans les grandes institutions culturelles parisiennes, ça peut être intéressant : j'ai par exemple une amie de prépa (non normalienne, mais agrégée de LM et docteur) qui s'est fait embaucher au Service du Dictionnaire à l'Académie.

Oui, les règles diffèrent selon les académies.

Ramanujan974 a écrit:

LolVstein8 a écrit:le fait d'être agrégé rapporte 90 points supplémentaires? je l'ignorais et mes ex camarades agrégés qui sont en année de stage m'ont dit qu'ils avaient 21 pts!

Sur les voeux lycées, oui. Le nombre 90 dépend des académies, je crois.

Attention c'est seulement pour l'intra. Il faut d'abord rentrer dans l'académie. Ma collègue avait eu son poste dans mon chouette lycée de l'académie de Versailles en sortant de son stage grâce  à ces points . Mais c'était aussi un coup de chance.

Bonjour E-Wanderer,

Merci de votre réponse! Oui, je conserve dans un coin de ma tête l'idée d'un stage dans l'enseignement secondaire!

Pour le reste, j'ai également pensé à chercher un emploi dans des lieux culturels, tels que les instituts, les lieux de rencontres littéraires comme la Maison de la poésie, les postes éditoriaux dans les musées etc... Mais je me demandais justement si c'était possible sans passer de concours, avec un simple master de lettres de l'ENS...? J'ai également envisagé de suivre le master Politiques publiques spécialité CUlture de Sces Po Paris qui ne m'intéresse pas dans l'absolu mais me permettra peut-être d'ajouter cette corde à mon arc.

Clecle78 a écrit:

Ramanujan974 a écrit:

LolVstein8 a écrit:le fait d'être agrégé rapporte 90 points supplémentaires? je l'ignorais et mes ex camarades agrégés qui sont en année de stage m'ont dit qu'ils avaient 21 pts!

Sur les voeux lycées, oui. Le nombre 90 dépend des académies, je crois.

Attention c'est seulement pour l'intra. Il faut d'abord rentrer dans l'académie. Ma collègue avait eu son poste dans mon chouette lycée de l'académie de Versailles en sortant de son stage grâce  à ces points . Mais c'était aussi un coup de chance.

Oui, il ya toujours un côté loterie dans les mutations: avoir pile le bon nombre de points pour un établissement où un poste se crée ou se libère.

...ou tout simplement, avoir la chance qu'un poste se crée ou se libère.
En effet, plutôt que raisonner par l'anecdote (je connais telle personne qui a fait X) ou par le cas individuel (je compte mes points avec deux chiffres décimaux puis vérifie la barre d'entrée de tous les établissements de la commune souhaitée), je dirais que, avant d'entrer dans l'EN, il faut raisonner en termes de possibilités globales:
[Le premier et le dernier exemple sont caricaturaaux, les autres sérieux:]
- Je suis agrégée et mon souhait est d'exercer au plus vite dans mon cher lycée, à 5 min de chez mes parents et où j'ai fait mes études, dès la 2e année -> non.
- Agrégé, je veux vraiment fuir le collège, mais je n'ai pas vraiment d'autres contraintes -> tout à fait possible.
- Agrégé et normalien, je souhaiterais enseigner en CPGE, c'est mon objectif de carrière -> possible, pas sûr, après toute une carrière.
- Agrégé et normalien, je rentre dans l'EN pour enseigner en CPGE; je considérerai tout autre poste comme provisoire -> non. Fort risque de s'aigrir, les concours de l'ens. secondaire servent à recruter des profs du secondaire.
- Parisien, je veux rester intra-muros, c'est naturel, non ? -> Fuire.
- Parisien, il est vraiment important pour moi de ne pas m'éloigner d'IDF -> pas de souci
- Agrégé et normalien, je suis fils d'un IG ; je connais le président du jury de l'agrégation qui m'a assuré avoir été accablé par ma maitrise disciplinaire, et je veux enseigner en CPGE -> possible, pas sûr.

J'insiste sur le fait que, sauf cas très particulier (c'était le cas je pense en maths, où des agrégés étaient "fléchés" par l'inspection ?), passer un concours de l'enseignement donne lieu à une affectation dans le secondaire.

En anglais, il était possible d’être affecté en prépa en étant repéré au jury d’agrégation (mais en enseignement à des non-spécialistes pour le cas que je connais) ou en PRAG en demandant une année de report de stage. Le problème c’est que ce sont essentiellement des postes de non-spécialistes, du coup l’enseignement en lycée était plus intéressant pour ma part (en tout cas il y a une vingtaine d’années, et oui j’aimais enseigner la version).
Je te suggère de regarder dans la direction des postes culturels rattachés aux ambassades. Comme je vis aux Etats-Unis, je suis le consulat de ma circonscription et les rencontres culturelles organisées sont vraiment intéressantes. Il y a une initiative appelée Villa Albertine, des rencontres avec des auteurs, toutes choses qui doivent bien être organisées par quelqu’un. Après, il faudrait sans doute quitter Paris. En étant normalienne, tu dois avoir l’opportunité d’aller dans d’excellentes universités étrangères, et c’est une expérience qui pourrait t’ouvrir des horizons peut-être? Je ne sais pas s’il y a une association des anciens élèves de Normale Supérieure mais si c’est le cas, jeter un œil aux postes occupés par les anciens élèves peut aussi donner des idées. Tu peux même contacter des anciens élèves pour demander des conseils. Mon mari a parfois été contacté par des élèves de la grande école dont il est issu car ses coordonnées sont dans l’annuaire des anciens. Cela se fait.

Bonjour LolVstein8,

Si tu satures un peu avant de faire une thèse, as-tu envisagé une année de césure avant de te lancer dans l'agreg ? Peut-être as-tu simplement besoin de souffler ? :-)
Pendant cette année de césure, tu pourrais notamment tenter d'être contractuelle dans le secondaire pour voir si cela te plaît, ou tout simplement voyager ou autre...

Tu peux aussi si tu le souhaites postuler pour des postes d'assistante de langue ou de lectrice à l'étranger (pour enseigner le français aux ados ou étudiants étrangers), afin de voir si cette initiation à l'enseignement te donne envie d'aller plus loin.

Ou peut-être pourrais-tu chercher un sujet plus adapté à tes aspiration pour retrouver la motivation ? (plus appliqué, au croisement avec d'autres disciplines, ou en rapport avec une passion ou un secteur qui te tenterait pour une éventuelle carrière hors enseignement suite à ta thèse ?)

Si jamais tu te lançais dans une thèse, il y a certains avantages :
- Tu peux demander à donner des heures de cours dans le supérieur dans le cadre de ton contrat doctoral, ce qui te permettra de sortir un peu le nez de tes bouquins et de faire quelque chose de "concret". Cela te donnera également une idée de si tu aimes ou non l'enseignement dans le supérieur.
- Si tu as passé l'agreg avant de débuter ta thèse, tu pourras valider ton stage dans le supérieur, ce qui est, d'après ce que j'ai compris, beaucoup plus confortable et moins infantilisant que dans le secondaire (cf. système des INSPES/MEEF). Franchement, si tu peux t'éviter l'épuisement physique et la souffrance psychique que représente le stage dans le secondaire pour de nombreux stagiaires (qu'ils soient normaliens ou non), je ne peux que te le recommander.
- Si, après ta thèse, tu débarques dans le secondaire, il est *possible* que tes années de thèse te permettent de grapiller quelques (minables) points d'ancienneté via les échelons (mais sans garantie aucune de ma part).

Par ailleurs, si tu crains la monotonie de la thèse, rien ne t'empêche de suivre en parallèle une autre formation pour ajouter des cordes à ton arc, en effet (par exemple un master de français langue étrangère à distance proposé par Grenoble ou Paris III ? ;-)), donner quelques cours dans le secondaire ou dans des associations, faire des colles en CPGE, t'investir à côté de la thèse dans un nouveau hobby...

Bonne réflexion en tout cas ;-)

LolVstein8 a écrit:le fait d'être agrégé rapporte 90 points supplémentaires? je l'ignorais et mes ex camarades agrégés qui sont en année de stage m'ont dit qu'ils avaient 21 pts!

Ces points ne sont valables qu'à l'intra sur des voeux lycées.
Ils ne concernent pas l'inter.

Toutes les académies accordent une bonification agrégé sur les lycées, mais ce n'est pas forcément 90 points, ici c'est  plus et c'est modulé selon la formulation de la demande.
On peut demander un lycée précis, tout lycée d'une commune ou tout lycée d'un département : plus la formulation est large, plus la bonification est importante.

Après il faut aussi qu'il y ait des postes.

Bonjour à tous,

Merci à tous pour vous réponses que j'ai bien lues attentivement, bien que pas répondu à toutes.

Concernant l'attribution de poste, je comprends bien en lisant tous vos messages que c'est un peu la loterie. Beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte: les postes vacants l'année de titularisation, sans doute aussi le nb de pts des autres mutants, une part de chance indéniable... Cela m'inquiète encore plus : c'est effrayant, surtout lorsqu'on a fait des études si longues en espérant avoir un travail qui nous plait, de soumettre sa vie (puisque la zone géographique a forcément des conséquences sur la vie privée) à un système pas complètement réglé. Merci de votre honnêteté en tout cas: je vais bien prendre en considération tous ces éléments dans mon choix.

Faire une année de césure: j'y ai pensé mais je ne sais pas si cela changerait quelque chose. Je travaille très peu depuis le début de l'année, ai des vacances interminables... et pourtant cela ne m'aide pas à y voir plus clair. Je sens que j'ai besoin d'autre chose mais ne sais pas quoi. Que je ne peux plus me mobiliser dans mon travail et dans les conditions actuelles... J'ai peur qu'une année de césure soit une forme de parenthèse enchantée avant le retour en enfer, si je puis dire. Mais cela peut aussi ouvrir à d'autres choses, vous avez raison...

Enfin, au sujet de la thèse : cela ne me correspond vraiment pas. J'ai échangé avec pas mal d'anciens normaliens, certains en thèse, d'autres ayant pris leur poste... et vraiment, malgré les conditions à certains égards confortables du doctorat avec les CDSN, je ne veux à aucun prix revivre des années d'enfermement et de travail solitaire.

Bonjour,
Se "lancer" dans une carrière dans l'EN est en effet, bon, ça, un vrai choix de carrière, qui n'est pas forcément le meilleur.
Je me permets juste de réagir (je risque le HS, mais c'est un sujet auquel je tiens) à ce point de vue :

LolVstein8 a écrit:
c'est effrayant, surtout lorsqu'on a fait des études si longues en espérant avoir un travail qui nous plait, de soumettre sa vie (puisque la zone géographique a forcément des conséquences sur la vie privée) à un système pas complètement réglé.

Sauf si l'on considère qu'un système "complètement reglé" est celui ou j'ai toujours le poste que je souhaite ( ), ce qui est effrayant dans le secondaire n'est pas le système des mutations.
En effet, la nature même du métier veut que les postes ne soient pas distribués de la même façon que les candidats. On peut discuter du barème et de plein de choses, mais la situation générale est telle qu'elle est. Le problème se situe plutôt du côté du salaire (qui peut ne pas permettre un déménagement et une installation corrects dans un lieu qu'on n'a pas forcément choisi) ou les conditions de travail.
La "solution" passerait par décentraliser les concours (comme pour le primaire), mais c'est un autre débat et, à mon avis, ce serait pas moins que catastrophique.
En fait, ce n'est pas parce qu'on a fait de longues études et qu'on a des compétences (même dans le cas où celles-ci seraient reconnues par notre employeur ) qu'on peut forcément choisir son lieu de travail. Ce n'est souvent pas le cas pour les postes de MC, par exemple, ou même au CNRS (tous les postes n'étant pas à Paris et tous les candidats n'étant pas forcément franciliens...).
Je dirais au contraire que, plus on gravit dans dune boîte, plus on doit être mobile d'une façon générale (je n'en sais rien, un cadre de Coca-Cola qui se verra offrir un poste en Inde).
En tout cas, le service public d'éducation exige que les postes soient distribués dans tout le territoire, et c'est honnêtement très bien que ce soit comme ça et qu'ils soient tous occupés par des fonctionnaires recrutés par un concours national.

Bartlebooth a écrit:Bon, en tant que normalienne tu coches une case intéressante pour une future candidature en classe préparatoire ou dans le supérieur comme prag... Je trouve que  ce n’est  pas négligeable comme possibilité.

A cela je réponds en trois mots : ah. ah. ah.

Bon plus sérieusement.
- non, on ne va pas t'envoyer à Trifouillis les Canards, sauf si en effet tu mets sur tes voeux "je veux Paris ou rien" (bah du coup t'auras Orléans, Béthune, ou je ne sais quoi). Si tu demandes Versailles ou Créteil, yolo, les postes te tendent les bras. Bon, il ne faut pas non plus que passer le périph soit vécu comme une infâmie et que le RER te semble une difficulté incommensurable.
- les établissements sont extrêmement variés. En stage il y a beaucoup de postes très sympathiques. Personnellement j'aurais dû faire mon stage, si je n'avais pas été allocataire monitrice, dans un lycée très favorisé de la banlieue ouest.
- par la suite, agrégée, si tu demandes des lycées, tu devrais avoir un poste fixe assez facilement (les académies de Créteil et de Versailles étant déficitaires), ce qui est plutôt une bonne chose, sauf si tu préfères être TZR et cumuler des points.

- pour le reste, personnellement je ne considère pas qu'il faille absolument voir une faille entre l'amour de la matière et l'enseignement dans le secondaire. En ce qui me concerne, si je n'aimais pas l'histoire (et un peu la géo, maintenant, à force ^^) je pense que l'enseignement me serait difficilement supportable, et pourtant je ne leur enseigne pas ce que j'ai appris pour intégrer les chartes et encore moins ce que j'ai bossé pour ma thèse. Mes élèves peuvent être relous voire rétifs (bah oui ils n'ont pas choisi d'être là, et objectivement on n'est pas tous obligés d'être passionnés par telle ou telle matière) mais cela ne m'atteint pas. Je ne suis pas là pour les aimer ni leur faire aimer ma matière, je suis là pour les faire bosser. Tant qu'on est "dans l'affectif", on est voué à se ramasser violemment. Mais là encore il faut être capable de ne pas voir comme une  dérogeance le fait d'enseigner autrement qu'à la fac ou en séminaire de recherche.

- je ne crois pas non plus que le fait d'être normalien change quoi que ce soit vis à vis des autres. Oui certains seront peut-être jaloux, mais en général soit les collègues s'en fichent, soit ils sont très bienveillants. A titre personnel j'éprouverais même un certain mépris vis à vis de ceux qui m'ont dit "han, chartiste en lycée ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?". D'une, je préfère gagner ma vie (curieusement, j'aime bien l'idée de bouffer et d'avoir un toit au-dessus de ma tête), de deux, je préfère avoir un boulot plutôt que de revivre la précarité à la fac (j'ai donné cinq ans, merci...), de trois, si c'est pour sous-entendre que je dois vraiment être une chartiste en carton pour ne pas avoir été foutue de trouver un poste, eh bien, comment dire...

- après c'est toujours la même chose : si vraiment enseigner à des adolescents te rebute foncièrement, n'y va pas. Au pire, hein, si tu quittes la fonction publique, le remboursement de tes années (si tu es normalienne et as signé un engagement décennal) te guette et ce n'est pas la mort non plus (pour les normaliens je ne sais pas si on fait la chasse à ceux qui filent dans le privé. Chez les chartistes, c'est le cas, on ne déconne pas avec l'engagement décennal). Maintenant, il y a des avantages à enseigner, et tous les témoignages que tu trouveras ici ne pourront pas non plus te prédire ton avenir. Si ça peut te rassurer, je connais des tas de normaliens qui enseignent en lycée ou en collège, et ne sont pas désespérés.

Académie de Paris déficitaire ? Tu voulais dire Créteil, non ?
Les postes en lycée à Paris sont très chers en points. Ce n’est pas impossible de rentrer dans l’académie mais il faut se préparer à être TZR des années.

oh la la oui bien sûr ! je corrige !

Un autre point essentiel. Enseigner, en lettres, cela veut dire passer une heure par jour, presque tous les jours de sa vie (en réalité 30% des jours de sa vie : il y a les vacances et la retraite), à corriger des copies. Prête à cela ?

Avec un poste en lycée, et quelques colles en prépa (facile à trouver pour une normalienne), tu peux arriver à un salaire décent et avoir encore l'impression d'exercer ta discipline.