Réflexions sur le stage de 3e

L'avantage d'un établissement qui interdit les joggings et jean troué en classe c'est que venir en jean est tout de suite considéré comme étant normal par les élèves.

Concernant les tuteurs qui n'osent rien dire aux élèves, tout dépend du contexte: le jeune employé à qui on a "imposé" un élève de 3e peut se retrouver pour la première fois de sa carrière avec une personne sous sa responsabilité et peut faire preuve de maladresse dans la manière de le gérer.

Même dans des établissements favorisés on constate une grande diversité entre l'élève qui doit se débrouiller pour trouver un stage (parfois car il n'a pas le choix, parfois par choix éducatif des parents qui veulent que leur enfant apprennent à se débrouiller seul ). Quand aux élèves aidés par papa/maman...:
"J'ai effectué mon stage dans le milieu de la mode à New York"
"Voici la capture d'écran du logiciel interne de l'Assemblée Nationale montrant l'amendement que j'ai rédigé puis la vidéo du député qui défend mon amendement dans l'hémicycle" (la rédaction un peu bancale de l’amendement en question rendant tout à fait crédible qu'il ait été rédigé par l'élève).

Les stages ne sont pas discriminants par contre souvent ils mettent en lumière les discriminations de notre société. 
C'est valable en troisième comme en lycée (pro ou non) ou dans le supérieur. 
L'utilité du stage ? Tout dépendra de l'investissement qui est mis dedans, par l'élève, par les parents, par les enseignants, par les tuteurs...

C'est difficile de trouver un stage, c'est difficile d'accepter de prendre un stagiaire, surtout qu'en 3e c'est supposé n'être que de l'observation et que faire faire quelque chose peut amener le tuteur ou l'entreprise à être pris en défaut en cas d'accident (certaines s'en fichent totalement d'ailleurs, si problème ils le sentiront passer par contre). Certaines entreprises ne font d'ailleurs aucun cas de l'âge du stagiaire, certaines ne savent même pas si l'élève est en troisième ou en formation professionnelle, n'en tiennent aucun compte.

Les "casés par leurs parents", plus favorisés socialement (dont les enfants d'enseignants ), il y en aura toujours... Ce ne sont pas obligatoirement ceux qui feront les meilleurs stages. Par contre j'ai plein de gamins, le plus souvent de classes populaires (d'élèves, mais ce sont un peu "mes gamins") pour qui les stages ont été très positifs dans le choix de leur orientation en filière professionnelle.  Ceux qui veulent le nier peuvent toujours le nier mais la réalité est là. Cela ne concerne pas forcément la majorité des élèves mais il se trouve que c'est cette partie de la population, socialement défavorisée, à laquelle j'enseigne et souhaite enseigner en LP.

Aspect "amusant"... depuis que j'enseigne en LP j'ai vu un changement après que ces stages de 3e ont été mis en place, pour le meilleur comme pour le pire. C'est dingue le nombre de lieux de "formation en milieu professionnel" où des parents me disent : "j'ai pris un stagiaire parce que mon enfant a tellement galéré pour trouver un stage en troisième que maintenant je prends des stagiaires". Ce sont d'ailleurs souvent des parents ayant une position sociale favorisée qui se rendent compte de la galère, pour leurs gamins, et donc plus encore pour les autres. 

Quant au discours sur le MEDEF... On pourra repasser.
Dans la réalité ce ne sont pas les entreprises du CAC 40 qui prennent nos élèves en stage. Par contre, oui, les foire-fouilles (à l'origine c'est une enseigne mais par destination maintenant c'est un type de magasin qu'on connait bien dans les milieux populaires, pour ceux qui les fréquentent), là on exploite bien les gamins. Il y en a une dans mon secteur qui ne sait même pas combien elle a de stagiaires et encore moins s'ils sont en formation professionnelle ou simplement en stage de découverte.  Nous tentons d'écarter les gamins de ce type de lieu de stage mais ceux qui y vont n'y vont pas forcément en raison de leur origine sociale mais en raison de leur motivation à trouver un lieu de stage qui ne soit pas "le bazar local que je connais parce qu'il est à côté de chez moi et que maman va y acheter mes chaussettes". Il y a un moment où il faut se sortir les doigts du nez (ou d'ailleurs).

Pour la scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans, le syndicat où je milite est pour, et je suis totalement contre.

Non. Ils sont discriminants. Pour les stages de 3e c'est tout à fait flagrant, même si des initiatives locales peuvent atténuer cela.

Quand je fais étudier une œuvre à mes classes, je ne choisis pas l'œuvre pour chaque élève en fonction de son origine sociale, et je ne demande pas à chaque élève de laisser ses parents choisir pour ellui : toustes étudient la même œuvre et j'essaye de la rendre accessible à toustes. J'y arrive plus ou moins, sans doute, mais c'est encore un autre niveau de discrimination (car oui, l'école est aussi discriminante même si ça nous dérange)

Là les élèves se retrouvent avec des stages directement corrélés au réseau de leurs parents.

C'est donc discriminant, bien plus que la discrimination liée au seul capital culturel des parents et aux savoirs et savoir-faire (ou savoir-être) sociaux.

Je suis d'accord avec Jacq, ce n'est pas le stage en lui-même qui est discriminant, c'est la société qui l'est. Il y a beaucoup d'élèves pour qui ce stage est utile, même lorsqu'il ne s'est pas déroulé dans le type d'entreprise que l'élève aurait souhaité au départ. Des élèves qui réalisent qu'il n'y a pas qu'à l'école qu'il y a des règles et que certaines attitudes peuvent les pénaliser, des élèves qui vont se sentir valorisés par des compliments reçus, même à propos de tâches qui ne les passionnent pas, des élèves qui vont réaliser que faire pendant des heures quelque chose de répétitif n'a rien de satisfaisant, et que ça vaudrait peut être le coup de se mettre à bosser à l'école, d'autres qui découvrent des types de métiers qu'ils ne connaissaient pas.
Beaucoup d'élèves trouvent leur stage eux mêmes, sans intervention de leurs parents, surtout ceux issus des milieux les plus populaires, et c'est une très bonne chose. On les aide à réfléchir à ce qu'ils vont dire au téléphone, ou mettre dans un courrier, on relit un brouillon de mail, mais  ce sont eux qui font la démarche, et ils sont fiers lorsque cela marche. Apres le stage, dans les rapports ou lors des oraux, on sent très bien la différence d'investissement par rapport à ceux qui ont juste profité du réseau des parents.

Lorsque j'aide les élèves à trouver un stage je ne choisi pasz le lieu de stage en fonction de son origine sociale, bien au contraire et je ne demande pas aux parents de choisir pour lui. J'y arrive plus ou moins, je n'ai pas de doute, c'est plus ou moins... Et quand j'ai des élèves dont les origines sociales, et pas seulement sociales, ne sont pas  là, on fait le boulot pour tenter de les sortir justement de ce déterminisme.

Discrimination, oui. Elle existe. Elle n'est pas liée au stage.

Après c'est sans doute mieux de dire que certains élèves, notamment ceux issus de milieux défavorisés, ont plus de peine à trouver ces stages. C'est facile. Je préfère constater que ces stages  (si perfectibles) permettent à pas mal de ces élèves de trouver un chemin professionnel. Si les autres n'ont rien à faire de cela, notamment les classes privilégiées,  c'est leur problème... Nous, avec les collègues, nous constatons l'effet positif pour les classes populaires à qui nous enseignons.

Les autres...

La question c'est le canal d'obtention du stage de 3e à 99% par le réseau familial. Tant que ce problème ne sera pas pris en compte, le stage de 3e sera l'un des dispositifs institutionnels de l'EN les plus discriminants à mon sens, et ouvertement discriminants.

Quant au MEDEF, merci je sais que les 3e ne font pas tous leur stage dans une société du CAC40 (qui n'est pas le MEDEF). Par contre ce stage fait quand même partie de l'idéologie : rapprocher l'école des entreprises, qui a beaucoup à voir avec le MEDEF.

@jacq : je parle du stage de 3e, pas du LP. En LP la discrimination sociale est en amont au vu des statistiques. L'école en est largement responsable d'ailleurs, mais je dis bien l'école, pas les professeurs ou les Psy EN.

Lorsque le collège est en milieu rural, les problèmes de transport sont vite discriminants aussi.