Mini-problème: valeur du conditionnel dans un passage de Marivaux

Bonjour à tous!
Dans Les fausses confidences (I, 10), Argante fait cette déclaration:

"Ma fille et lui allaient avoir un procès ensemble au sujet d’une terre considérable. Il ne s’agissait pas moins que de savoir à qui elle resterait ; et on a songé à les marier pour empêcher qu’ils ne plaident. Ma fille est veuve d’un homme qui était fort considéré dans le monde, et qui l’a laissée fort riche. Madame la comtesse Dorimont aurait un rang si élevé, irait de pair avec des personnes d’une si grande distinction, qu’il me tarde de voir ce mariage conclu."

Ma question est: quelle est la valeur du conditionnel?
J'ai dit aux élèves qu'il exprimait ici le souhait; mais je me demande si je ne me suis pas trompée, et si ce n'est pas l'expression d'un éventuel (la subordonnée de condition étant implicite).
Qu'en dites-vous? Merci d'avance!

Je vais encore profiter de la question pour vendre ma théorie (esquissée dans ma thèse, dans ma Grammaire de la négation).

Il me semble évident qu'on a ici l'équivalent d'un potentiel hypothétique, ou plutôt imaginé, dépendant de l'hypothèse, de la supposition impliquée par "Mme Dorimont" (="si elle devenait Mme Dorimont"). Le déplacement dans un autre monde, imaginé ou imaginaire, a été enclenché par les imparfaits "allaient", "s'agissait", qui ont permis de se déplacer ailleurs que dans l'ici et maintenant du locuteur, dans un autre moment de la pensée du locuteur (Argante). Cette pensée est une pensée en mouvement, une pensée subjective, portée par quelque chose comme le désir ou le regret, par la puissance imaginative de l'humain. Ces imparfaits et ces conditionnels peuvent se gloser d'une certaine façon par "dans mon esprit, dans mon idée d'alors", "ils allaient avoir un procès", "il s'agissait de savoir", "elle aura un rang élevé, elle ira de pair avec..."
Et cette chose imaginée est imaginée par le désir d'Argante : le conditionnel a aussi une valeur de souhait.
Autrement dit tes deux interprétations me paraissent parfaitement justes l'une et l'autre.
Et considérer que l'imparfait et le conditionnel sont en réalité deux temps du mode "imaginatif"  (l'imaginatif présent et l'imaginatif imparfait) permet de beaucoup mieux comprendre le système français des temps verbaux. Me semble-t-il.

Cela me paraît très juste! (et fort intéressant aussi!) Je te remercie, NLM76.
Je pense que j'accepterai la réponse que me donneront les élèves, que ce soit l'une ou l'autre, pourvu qu'il puisse la justifier.