Monde Diplo de mai : les enseignants entre combativité, apathie et sirènes managériales

Article intéressant quoique peu optimiste, réservé aux abonnés, co-écrit par une enseignante du secondaire

Monde Diplomatique a écrit:Si certains enseignants protestent (et parviennent à l’occasion à mobiliser une partie de leurs collègues), d’autres restent loyaux à leur ministère de tutelle ; d’autres encore, en nombre croissant, font défection et quittent le métier. Et ces conduites, toutes trois minoritaires, rendent très imparfaitement compte de l’état d’une profession où l’apathie domine.

Du reste certains points très intéressants sont abordés, comme la répression inouïe menée par J.M. Blanquer, refusant absolument toute contestation de son programme. Pour autant, l'article n'épargne pas les précédents, qu'il estime avoir amené cette situation, et cite un  ancien recteur : " ce raidissement ne date pas de M. Blanquer, mais de Mme Najat Vallaud-Beljacem. C'est avec la réforme du collège en 2015qu'on a commencé à piétiner la sensiblité des enseignants. Le gouvernement de M. Manuel Valls a serré la vis au dernier cran et a dit à la profession : "à la niche" .

L'article aborde aussi  la question de la culpabilisation des enseignants, du refus de s'attaquer aux causes de l'échec dont cette culpabilisation organisée est la conséquence, et celle de la novlangue managériale ("audit", ""performance", "bienveillance"etc.) Il n' oublie pas de rappeler l'idéologie dont est victime la profession depuis Allègre: "Les ministres modernisateurs n'ont cessé de vouloir arrimer l'école au marché", et l'opportunisme actuel qui utilise la crise sanitaire  pour balayer le magistère des enseignants et passer à  la standardisation des "pratiques", via le numérique partout.

Les enseignants ne sont pas épargnés non plus. Leur apathie est vue  sous divers angles, comme leur atomisation, l'intégration du discours culpabilisant et de l'idée de sacerdoce, leur individualisme,  et  à la fois la  cause et la conséquence de leur déqualification autant que de leur dépolitisation et du transfert de leurs centres d'intérêts.

Cela s'est traduit par une adhésion de 38% du corps au vote Macron, dès le premier tour (et 50 % chez les agrégés   ).  Les auteurs en concluent que si "après quatre ans de vexations et de démolitions" les enseignants ne voteront plus pour lui , la voie cependant "reste ouverte pour un avatar de M. Macron".

Le tableau est sombre mais très juste, notamment sur l'apathie enseignante.
Nous serons nombreux à y reconnaître nos salles de professeurs.

Je pense que beaucoup de collègues ex macroniste du 1er tour et du 2nd tour certes ne voteront plus Macron au 1er tour, mais au 2nd... Et ils sont tout à fait disposés à voter Xavier Bertrand au 1er tour...

@Ha@_x
Pour ma part, quand je vois le dévouement ou le calcul carrièriste de beaucoup de mes collègues, je m'en étonne de plus en plus.
Ils sont vilipendés, traités comme des moins que rien par le ministère, payés à hauteur d'une aide soignante depuis le Ségur de la santé, verront leur retraite plus que rabotée par les futures réformes des retraites.
Et ils continuent à porter à bout de bras cette institution toxique.
La seule conduite à tenir me semble plutôt de saboter tout ce qui peut l'être en limitant autant que possible 'impact de cette démarche sur la "scolarité" de nos élèves (mais on ne fera pas d'omelette sans casser des oeufs).

Moi plus rien ne me surprend, le modèle de collègue moi ma gueule, devient de plus en plus courant. Y compris en REP+ où on a plus l'habitude de se serrer les coudes (vu la merdre que l'on peut se prendre parfois, ça forge), c'est devenu le modèle majo'.

Oui, c'est extrêmement bien analysé,  on s'y reconnaît, avec ajout d'éléments factuels.
J'ai oublié de résumer un encadré également très intéressant  intitulé "Jeunes cadres en mission" , qui montre comment le monde du CAC 40 s'immisce à l'école par le biais d'associations qu'il finance. Ainsi la Fondation Bettencourt Scheller et les  groupe Bouygues et St Gobain financent Energie Jeunes , tandis que l'Oréal, Axa et Total financent  "Le choix de l'école" , parrainé par l'institut Montaigne entre autre ( et le club Le Siècle), qui recrute des enseignants
Or, ces officines pénètrent tranquillement (une des deux chez nous) , sans que des collègues trouvent à redire, sans même chercher à s'informer sur l'origine et le pourquoi de leur existence.

La partie sur les listes "locales" au CA correspond tellement à cette réalité que nous connaissons tous, à ce désengagement militant avancé qui fracture les salles des profs.

Energie jeunes, avec leurs interventions à lac' ont quand même braqués beaucoup de collègues. Chez moi ils ne sont plus les bienvenus depuis quelques années.
Mais le choix de l'école (aka teach for france), c'est beaucoup plus insidieux. En même temps, le/la jeune contractuel(e) discret qui débarque pour enseigner chez les pauvres, ça suscite rarement interrogation, on a généralement d'autres chats à fouetter qu'inspecter le pedigree de certains.

Spoiler:

Edit : par contre @VdV, qu'entends tu par listes locales ? Parce que des listes uniques, sans coloration politique, difficiles à remplir, c'est le lot de beaucoup de collèges, et pas que des petits.

Ah ok merci, ça m'a évité de ressortir ma version papier du diplo'...

Mais dans ce cas là n'écrit pas liste locale ! Tu devrais écrire liste carpette ou liste pro-direction/ministère :sourit:

Spoiler:

La liste construire, apolitique et pragmatique, ça m'avait fait tellement rire, après, il vaut mieux rire que vomir.

Que ça ressemble tellement à ce que j'ai vu dans mes deux derniers bahuts oO

Oh la vache, cet encadré sur les listes "sans étiquette", ça ressemble au collège où je porte ma croix de militant syndical. Avec assez souvent envie de me tirer ailleurs.

Tangleding a écrit:Oh la vache, ça ressemble au collège où je porte ma croix de militant syndical. Avec assez souvent envie de me tirer ailleurs.

Bienvenue au club !

Par contre pas de liste carpette chez moi, une seule liste, j'imagine que c'est le cas aussi dans beaucoup d'endroits. Et la remplir, c'est le tour de force du mois de septembre.

Comme je dis souvent, chez nous heureusement qu'une réunion syndicale commence à 2, ça permet de faire des heures d'info syndicale de temps à autre.

Et des fois je me demande si pour torpiller des décisions de direction, je ne devrais pas systématiquement défendre l'indefendable, et compter sur l'esprit de contradiction et l'anti syndicalisme pavlovien de deux ou trois collègues.

Je passerais juste pour un taré auprès des camarades... Genre : "la section syndicale approuve l'installation de 39 caméras de vidéosurveillance proposée par le conseil départemental, et nous en réclamons une quarantième en salle des professeurs".

Et une quarante et unième dans les toilettes du personnel !

Pas certain que dans le cas d' un duel au second tour Macron ou son sosie contre Lepen , les profs se déplacent pour aller voter...
En tout cas c'est  ce qu'il se dit dans les salles de profs.
Les grandes oreilles  de la toile devraient  faire remonter cette tendance à l'étage du haut, ca pourrait  les faire  réfléchir....

Le pire c'est le nombre de trucs que j'ai obtenus sans le moindre rapport de force, avec heureusement le soutien discret mais constant de collègues sympa, et des trucs qui profitent à tous. Mais y a pas, impossible de dépasser 2 élus sur 6 au CA jusqu'ici.

Je ne parle pas du nombre de fois où on pose une hmis pour aborder un sujet demandé par des collègues, qui ne se pointent pas le jour J, mais qui sont toujours au garde à vous à la moindre réunion proposée par la direction, y compris à des créneaux improbables (un pot de fin d'année un mercredi soir en collège, mais c'est super)

Lefteris a écrit:Oui, c'est extrêmement bien analysé,  on s'y reconnaît, avec ajout d'éléments factuels.
J'ai oublié de résumer un encadré également très intéressant  intitulé "Jeunes cadres en mission" , qui montre comment le monde du CAC 40 s'immisce à l'école par le biais d'associations qu'il finance. Ainsi la Fondation Bettencourt Scheller et les  groupe Bouygues et St Gobain financent Energie Jeunes , tandis que l'Oréal, Axa et Total financent  "Le choix de l'école" , parrainé par l'institut Montaigne entre autre ( et le club Le Siècle), qui recrute des enseignants
Or, ces officines pénètrent tranquillement (une des deux chez nous) , sans que des collègues trouvent à redire, sans même chercher à s'informer sur l'origine et le pourquoi de leur existence.

Le diplo fait du journalisme.

Pas comme France Inter :
https://www.neoprofs.org/t132722-quand-france-inter-fait-de-la-pub-pour-le-choix-de-lecole

Oui, cette officine est très inquiétante...

Ce fil me rassure : je croyais qu'il n'y avait que dans mon établissement qu'il y avait ce genre de collègues "constructifs", prêts à faire de l'excès de zèle face à toute les demandes institutionnelles en cassant du sucre sur le dos des syndicats.

(Derniers points de friction en date chez nous, le grantoral ou l'intervention d'associations plus ou moins bidons, subventionnées et d'une transparence douteuse pour l'orientation.)

CarmenLR a écrit:

Lefteris a écrit:Oui, c'est extrêmement bien analysé,  on s'y reconnaît, avec ajout d'éléments factuels.
J'ai oublié de résumer un encadré également très intéressant  intitulé "Jeunes cadres en mission" , qui montre comment le monde du CAC 40 s'immisce à l'école par le biais d'associations qu'il finance. Ainsi la Fondation Bettencourt Scheller et les  groupe Bouygues et St Gobain financent Energie Jeunes , tandis que l'Oréal, Axa et Total financent  "Le choix de l'école" , parrainé par l'institut Montaigne entre autre ( et le club Le Siècle), qui recrute des enseignants
Or, ces officines pénètrent tranquillement (une des deux chez nous) , sans que des collègues trouvent à redire, sans même chercher à s'informer sur l'origine et le pourquoi de leur existence.

Le diplo fait du journalisme.

Pas comme France Inter :
https://www.neoprofs.org/t132722-quand-france-inter-fait-de-la-pub-pour-le-choix-de-lecole

Oui, cette officine est très inquiétante...

Ah oui, j'ai jeté un oeil (le fil a dérivé apparemment) . Mais je l'avais raté, je ne suis pas intervenu pendant pratiquement trois semaines..

Prezbo a écrit:Ce fil me rassure : je croyais qu'il n'y avait que dans mon établissement qu'il y avait ce genre de collègues "constructifs", prêts à faire de l'excès de zèle face à toute les demandes institutionnelles en cassant du sucre sur le dos des syndicats.

(Derniers points de friction en date chez nous, le grantoral ou l'intervention d'association plus ou moins bidons, subventionnées et d'une transparence douteuse pour l'orientation.)

Tu trouves ça rassurant, que cette culture de la soumission et de la standardisation des "pratiques" comme ils disent, soit majoritaire ? Je préfèrerais apprendre qu'il n'y a que chez toi que ça se passe...

Non @Prezbo ils sont partout ! Partout !

Le top c'est quand même le ou la collègue qui vient te dire, dans la pire situation (cette année quoi): crise sanitaire, protocoles ineptes, directives ineptes, ministère inepte, direction dépassés, que non, non, ta grève, ton droit de retrait, ne sont pas justifiés.

Ha@_x a écrit:Energie jeunes, avec leurs interventions à lac' ont quand même braqués beaucoup de collègues. Chez moi ils ne sont plus les bienvenus depuis quelques années.

J’ai subi une fois, certains élèves ont d’ailleurs refusé de jouer le jeu, d’autres ont été odieux.
Je ne suis vraiment pas partante pour subir à nouveau ce gros n’importe quoi.

C'est quoi ce machin, "énergie jeunes" ? Pas encore vu ce bidule dans mon secteur... Pourvu que ça dure.

Ha@_x a écrit:Et une quarante et unième dans les toilettes du personnel !

Pour s'assurer qu'il n'y ait pas de vol de PQ tant les fins de mois sont difficiles dans l'educnat.

Tangleding a écrit:C'est quoi ce machin, "énergie jeunes" ? Pas encore vu ce bidule dans mon secteur... Pourvu que ça dure.

https://energiejeunes.fr