Reconversion en histoire

Bonjour à tous,

Je viens de m'inscrire, afin de poser une question de carrière.

J'ai actuellement 28 ans, je travaille dans l'informatique en Suède (expatrié) et je suis titulaire d'un master de gestion obtenu en 2017. Ne trouvant que peu de satisfaction personnelle dans mon métier, j'ai décidé l'année dernière de m'inscrire en première année de licence d'histoire, en enseignement à distance dans une université française. Si je me suis surtout inscris par curiosité intellectuelle, cette année a pour moi été une vraie révélation: mes études me passionne, et pour l'instant tout se passe très bien, malgré la grande quantité de travail demandée, évidemment dû à la cumulation 40h travail + études.

Si je fais aujourd'hui ce post, c'est parce que j'envisage dans quelques années une potentielle reconversion, mais que je ne me vois pas enseigner dans le secondaire. Je suis en effet surtout intéressé par l'aspect recherche, et aussi un peu archives.

1) Que pensez-vous de mes chances concernant des études en doctorat / un poste dans le supérieur ? Bien sûr je ne vise pas un poste de MCF, mais peut-être ATER ? Je ne vois pas comment je peux aujourd'hui combler le vide, qui recrutera quelqu'un qui sors de ses études peu avant 40 ans.

2) Savez-vous s'il est possible de tenter la même chose dans d'autres pays ? Je suis très mobile, je parle italien, anglais et suédois sans problèmes.

Désolé si tout cela semble confus, je suis seulement en L1 et je cherche à comprendre mes perspectives. En écrivant ce post, je me rends compte qu'elles sont peu ou prou inexistantes. Je m'en veux beaucoup de ne pas avoir eu la maturité de faire un choix d'orientation qui correspondait à mes intérêts.

Bonne journée,
Quentin

1. Dans ATER, le mot le plus important c'est bien TEMPORAIRE: tu seras ATER un an, deux, trois éventuellement mais pas plus. Ce n'est pas une carrière pour le long terme.
Un poste dans le sup' en histoire aujourd'hui est quasiment inaccessible. Il n'y a plus de poste, surtout hors histoire contemporaine, un poste fait l'objet de centaines de candidatures avec des gens qui bossent comme des tarés depuis leur bac avec agreg (quasi indispensable), doctorat, souvent grande école (chartes ou ENS), des listes de publications longues comme le bras, leur thèse publiée évidemment. Et sur ces centaines, il y a des dizaines de gens qui sont des pointures remarquables. Celui qui est l'heureux élu a donc un dossier que tu es malheureusement peu susceptible d'avoir avant une bonne dizaine-douzaine d'années dans le meilleur des cas... Age auquel on te fera malheureusement entendre que tu es trop vieux pour être recruté parce qu'on recrute aussi des collègues sur le long terme blabla.
Tu trouverais cependant des vacations parce que des besoins, il y en a, et pas qu'un peu. Mais tu resteras à l'état de larbin sur siège éjectable, ce qui n'est pas grave en soi, mais peut être problématique quand on arrive à l'âge où on peut légitimement aspirer à une certaine stabilité. Dans ce contexte, difficile de faire l'économie d'un filet de sécurité ailleurs (mi-temps dans ton domaine actuel, ou agrégation d'histoire).

2. Dans d'autres pays, c'est jouable, mais la situation n'est guère plus reluisante. En Italie, le mouvement est aussi souvent complètement bloqué. Des chercheurs français tentent leur chance là-bas car il n'y a pas la barrière de l'agrégation, mais ça ne veut pas dire que les postes abondent.
D'une façon générale, rien ne t'empêche de tenter ta chance dans les pays anglophones, il y a des avantages et des inconvénients. Mais encore une fois en histoire les postes n'abondent pas tellement.

3. Si tu t'orientes vers une thèse, vu ta capacité à parler plusieurs langues, c'est un bon point : les thèses d'histoire internationale, en co-tutelle, ont le vent en poupe, surtout si c'est de l'histoire un peu "exotique" (la Suède, l'Europe du nord en général, c'est porteur).

Merci beaucoup d'avoir pris le temps de me répondre. Ta réponse confirme plus ou moins ce dont je me doutais: le supérieur est quasi inaccessible, qui plus est avec un parcours comme le miens. En plus le sujet qui me passionne vraiment, c'est le Haut Moyen Âge, pas sûr que cela soit hyper porteur.

J'avais déjà effectivement identifié le côté thèse internationale, à voir, je peux aussi creuser dans ce sens et voir comment cela se passe ici pour les postes, mais il y a pas franchement de raisons que cela soit bien différent de la France et l'Italie. Sinon, je me contenterai de l'histoire comme passion personnelle, ou peut-être que j'irai voir du côté archives, même si j'imagine là bas non plus cela ne doit pas être super reluisant.

Si quelqu'un a plus d'infos sur les postes dans les pays scandinaves/anglo-saxons, je suis preneur.

Après tu peux quand même faire de la recherche en gardant ton boulot à côté. J'ai comme ça des connaissances de travail qui sont des chercheurs reconnus. Il y a des cas célèbres (Jean Christian Petitfils, banquier le jour, historien la nuit). J'ai une connaissance avocat et historien.

Est-ce courant à l'époque actuelle ? L'université n'est-elke pas aujourd'hui plus fermée à ce type de profil ?

Jean-Christian Petitfils a un âge vénérable... Je ne suis pas sûre u'il pourrait faire ce qu'il fait aujourd'hui, si ?

Petitfils est un spécimen assez particulier.
Non mais de toute façon avoir un poste à la fac est bien évidemment impensable. Notre peut-être futur collègue trouvera cependant des vacations, peut-être, même si pour cela l'agrégation serait un plus.
Je pensais plutôt à des connaissances qui ont un boulot (comme moi je suis prof, eux sont avocats, commerciaux, etc) et ont une petite activité de recherche.

C'est surtout pour cela que j'avais commencé mon cursus, cela m'offre la capacité de me former à la méthode historique et approfondir mes connaissances, faire en quelques sortes l'historien de mon côté, même si professionnellement cela ne débouche sur rien.

Concernant les débouchés dans le supérieur tout a été dit.
Par contre sur le haut m-a, en Suède il y a de quoi faire !
Une autre piste, chaque année sont attribuées des bourses franco-suédoises pour des étudiants en Master/doctorat afin de travailler sur les premières archives royales de la dynastie actuelle, l'ancêtre du meilleur ami de Petter Northug  ayant continué d'utiliser le français une fois sur le trône.

Ah intéressant ! C'est quoi le nom de cette bourse/programme ?

Elaïna a écrit:Petitfils est un spécimen assez particulier.
Non mais de toute façon avoir un poste à la fac est bien évidemment impensable. Notre peut-être futur collègue trouvera cependant des vacations, peut-être, même si pour cela l'agrégation serait un plus.
Je pensais plutôt à des connaissances qui ont un boulot (comme moi je suis prof, eux sont avocats, commerciaux, etc) et ont une petite activité de recherche.

Pour Petitfils, mes questions étaient plutôt est-ce que l'université accepte aujourd'hui des profils atypiques dans les labos (et il n'est pas si atypique que ça) ? Et est-ce que l'université produit aussi des atypiques capables d'être de bons chercheurs et est-ce que le monde du travail le permet aujourd'hui ? Bref, Philippe Ariès, aujourd'hui ?

Jene crois pas trop au dyptique métier semi-alimentaire le jour et recherche la nuit. Y a-t-il des gens qui ont un métier a priri éloigné de la recherche et qui font de la recherche sur leur temps libre ?

Badier a écrit:Ah intéressant ! C'est quoi le nom de cette bourse/programme ?

Désolé je ne m'en souviens plus... J'étais tombé sur cette info en discutant avec une amie habitant Oslo et qui voulait faire un M2 en histoire.

Carmen, je t'ai répondu. Oui, je connais des gens qui ne sont pas mcf ou cnrs, font de la recherche sur leur temps libre, bien sûr pas énormément, mais ils font quand même des trucs. C'est rare mais pas impossible. Et du reste, mon métier de professeur de lycée est bien éloigné de la recherche en histoire, si on va par là. Après, non, ça ne facilite pas les choses pour un dossier mcf, m'enfin, qu'est-ce qui facilite les choses pour un dossier mcf, hein...

Elaïna a écrit:Il n'y a plus de poste, surtout hors histoire contemporaine

C'est ce qu'il y a de "moins bouché" la contempo' ? Tiens c'est marrant, j'aurais pensé l'inverse. Au début des années 2000, alors en licence, les profs d'ancienne et de médiévale nous vendait leur came en nous disant qu'il y avait souvent/parfois plus de postes qu'en contempo' (pas juste pour vendre un master en épigraphie grecque j'imagine...)

On peut se référer au wiki  2021 concernant les CNU 21 (histoire ancienne, histoire médiévale) et 22 (histoire moderne, histoire contemporaine, histoire de l'art) : le nombre de candidats par postes y est éloquent (même en contemporaine) :
https://afhe.hypotheses.org/suivi-des-recrutements

C'est normal que dans certains, hum beaucoup de cas, si je lis bien, il y ait 0 dossiers reçus ? Avec date de remise dépassée.
Ou alors il y a un truc que je n'ai pas compris ou raté...à vous lire...

Elaïna a écrit:Oui, je connais des gens qui ne sont pas mcf ou cnrs, font de la recherche sur leur temps libre, bien sûr pas énormément, mais ils font quand même des trucs. C'est rare mais pas impossible.

Mais comment font-ils pour publier ouvrages et articles ? Sont-ils rattachés à un labo ?

Ha@_x a écrit:C'est normal que dans certains, hum beaucoup de cas, si je lis bien, il y ait 0 dossiers reçus ? Avec date de remise dépassée.
Ou alors il y a un truc que je n'ai pas compris ou raté...à vous lire...

Hélas, les jurys ne remontent pas forcément ni rapidement les informations. L'an dernier, l'équipe du wiki avait publié ce message :
https://devhist.hypotheses.org/3912?fbclid=IwAR3NrUezWlCha3hTin-9OY-t3PQ2mAGIKbSuKNSe18K_-u94_1TcuSHkE6k

Pour cette campagne 2020, nous sommes parvenus, contre vents et marées, à obtenir 81 % des classements sur les 85 postes MCF/PR en sections 21 et 22 dont les auditions ont eu lieu à ce jour. Si ce résultat reste satisfaisant au regard des rétentions quasi exceptionnelles que nous avons pu observer cette année, il est aussi préoccupant. En effet, il témoigne d’une certaine érosion puisque ce chiffre s’élevait à 86 % en 2019 et à 89 % en 2018.
[...]
Et pourtant… cette année, les informations ont été plus difficiles à obtenir que les années précédentes, pour des périodes et des thématiques représentées par ces associations et des sections CNU. Les membres de l’équipe du wiki ont dû essayer de les obtenir par d’incessantes relances, plutôt que de relayer des informations transmises spontanément par des membres de comités ; ils se sont régulièrement heurtés à des refus fermes.

Et cette année encore, l'équipe du Wiki rencontre des difficultés :

[20 avril]. Certains collègues répondent à nos messages en indiquant que leur Université leur demande expressément de ne pas communiquer les informations. Nous rappelons, une fois de plus, les fondements juridiques de notre démarche de transparence.

Il faudra attendre un peu pour en savoir plus ou se reporter aux éditions précédentes pour étoffer sa recherche :
https://afhe.hypotheses.org/suivi-des-recrutements/archive-2019#mcf22
https://afhe.hypotheses.org/suivi-des-recrutements/archives-2018

Arverne a écrit:

Elaïna a écrit:Oui, je connais des gens qui ne sont pas mcf ou cnrs, font de la recherche sur leur temps libre, bien sûr pas énormément, mais ils font quand même des trucs. C'est rare mais pas impossible.

Mais comment font-ils pour publier ouvrages et articles ? Sont-ils rattachés à un labo ?

Ils font comme moi, ils proposent des articles ou des communications. Et ils signent avec ou sans fonction. On peut aussi se déclarer rattaché à un labo, de toute façon ça n'engage à pas grand chose.
Moi depuis deux ans je ne suis rattachée à rien, je publie sous le nom de "Madame elaina professeur au lycée de la banlieue ouest". Ma foi jusqu'à présent ça n'a jamais gené personne !

Elaïna a écrit:Après tu peux quand même faire de la recherche en gardant ton boulot à côté. J'ai comme ça des connaissances de travail qui sont des chercheurs reconnus. Il y a des cas célèbres (Jean Christian Petitfils, banquier le jour, historien la nuit). J'ai une connaissance avocat et historien.

Je le connais, cet historien. Je l’ai vu dans les émissions de Stéphane Bern; enfin je me souviens surtout de celle sur Mme de Sévigné..