- VerduretteModérateur
J'ai regardé récemment le dernier numéro d'un magazine TV que j'aime bien sur France 5 : "Ils font bouger les lignes". Il était consacré au poids des traditions, et un chapitre évoquait l'association "Trouve ta voix" qui aide des lycéens à progresser en éloquence.
Je ne vais pas parler d'éloquence pour des élèves de CP, je trouve ça aussi prétentieux que de parler de "littérature" ou de "cahier d'écrivain", mais la question demeure. On a une liste longue comme le bras de "compétences" à développer en langue orale, et je me heurte (et je pense ne pas être la seule) à plusieurs difficultés :
1/ Déjà il y a ceux et celles qui d'emblée parlent (parfois trop) et ceux qui ne parlent pas. Obliger un enfant à parler, ce n'est pas simple, même si on peut mettre à profit l'APC pour que ce soit en comité restreint, c'est une goute d'eau dans l'océan.
2/ Améliorer le langage demande un temps individuel qu'on n'a pas (comme pour les professeurs de LV).
3/ Je me heurte à des lacunes abyssales en vocabulaire, et des tournures impropres mais bien ancrées : toute la gamme des "je sais qu'est-ce que c'est", "je sais pas qu'est-ce qu'y faut faire" "je peux y-aller me moucher", plus une particularité locale qui consiste à mettre des y partout : "Faut y coller ?" , et même les parents : "J'y ai fait faire sa lecture". Je répète, je fais du feedback mais ...
Or parler, de manière à se faire bien comprendre, parler avec les mots justes, (sans même aller jusqu'à parler avec raffinement), avec des nuances, c'est la clef de tout : de l'apaisement puisqu'on verbalise au lieu de taper, de l'écriture puisqu'il faut parler pour écrire (Merci Madame Vaillé Nuyts), parler pour raconter, pour expliquer. En mathématiques aussi on a besoin du mot précis, compter jusqu'à mille comme un perroquet et trouver intuitivement un résultat, même si on calcule bien, ne suffisent pas.
Tout ce que j'ai trouvé, c'est de faire répéter et répéter encore ... en espérant que les élèves s'approprient certains mots, certaines tournures lorsqu'on raconte une histoire, lorsqu'on donne la solution d'un problème... mais j'ai l'impression de vider l'océan avec une petite cuillère.
Je suis les méthodes de Thierry Venot et de Catherine Huby (faire répondre pour les questions les plus simples par une phrase construite et pas par trois mots, notamment), mais pour certains enfants, j'ai l'impression de n'arriver à rien.
Je pense souvent à Azouz Begag, le "Gone du Chaaba" qui raconte qu'il avait trouvé une fois un dictionnaire dans la décharge qu'il fouillait régulièrement à côté de son bidonville, et qu'il le lisait inlassablement en se gargarisant de mots. Il ne faut pas rêver, je n'attends pas la même attitude de tous mes élèves, mais je suis déçue de cette indifférence à s'emparer de mots nouveaux, de mots "de grands", de mots parfois étranges.
Je suis bien consciente que c'est aussi le reflet de la langue dans laquelle ils baignent depuis la petite enfance, et aussi de la langue très restreinte de la TV et de leurs écrans, mais justement, comment remédier à cette inégalité-là ? Celle qui finalement engendre toutes les autres ?
Vos témoignages et conseils sont les bienvenus.
Je ne vais pas parler d'éloquence pour des élèves de CP, je trouve ça aussi prétentieux que de parler de "littérature" ou de "cahier d'écrivain", mais la question demeure. On a une liste longue comme le bras de "compétences" à développer en langue orale, et je me heurte (et je pense ne pas être la seule) à plusieurs difficultés :
1/ Déjà il y a ceux et celles qui d'emblée parlent (parfois trop) et ceux qui ne parlent pas. Obliger un enfant à parler, ce n'est pas simple, même si on peut mettre à profit l'APC pour que ce soit en comité restreint, c'est une goute d'eau dans l'océan.
2/ Améliorer le langage demande un temps individuel qu'on n'a pas (comme pour les professeurs de LV).
3/ Je me heurte à des lacunes abyssales en vocabulaire, et des tournures impropres mais bien ancrées : toute la gamme des "je sais qu'est-ce que c'est", "je sais pas qu'est-ce qu'y faut faire" "je peux y-aller me moucher", plus une particularité locale qui consiste à mettre des y partout : "Faut y coller ?" , et même les parents : "J'y ai fait faire sa lecture". Je répète, je fais du feedback mais ...
Or parler, de manière à se faire bien comprendre, parler avec les mots justes, (sans même aller jusqu'à parler avec raffinement), avec des nuances, c'est la clef de tout : de l'apaisement puisqu'on verbalise au lieu de taper, de l'écriture puisqu'il faut parler pour écrire (Merci Madame Vaillé Nuyts), parler pour raconter, pour expliquer. En mathématiques aussi on a besoin du mot précis, compter jusqu'à mille comme un perroquet et trouver intuitivement un résultat, même si on calcule bien, ne suffisent pas.
Tout ce que j'ai trouvé, c'est de faire répéter et répéter encore ... en espérant que les élèves s'approprient certains mots, certaines tournures lorsqu'on raconte une histoire, lorsqu'on donne la solution d'un problème... mais j'ai l'impression de vider l'océan avec une petite cuillère.
Je suis les méthodes de Thierry Venot et de Catherine Huby (faire répondre pour les questions les plus simples par une phrase construite et pas par trois mots, notamment), mais pour certains enfants, j'ai l'impression de n'arriver à rien.
Je pense souvent à Azouz Begag, le "Gone du Chaaba" qui raconte qu'il avait trouvé une fois un dictionnaire dans la décharge qu'il fouillait régulièrement à côté de son bidonville, et qu'il le lisait inlassablement en se gargarisant de mots. Il ne faut pas rêver, je n'attends pas la même attitude de tous mes élèves, mais je suis déçue de cette indifférence à s'emparer de mots nouveaux, de mots "de grands", de mots parfois étranges.
Je suis bien consciente que c'est aussi le reflet de la langue dans laquelle ils baignent depuis la petite enfance, et aussi de la langue très restreinte de la TV et de leurs écrans, mais justement, comment remédier à cette inégalité-là ? Celle qui finalement engendre toutes les autres ?
Vos témoignages et conseils sont les bienvenus.
- Cléopatra2Guide spirituel
Tu as aussi oublié le poids des pairs : j'ai l'impression que l'expression fautive se propage plus vite entre pairs que l'expression corrigée par la maîtresse. Je le vois avec ma fille, qui a toujours bien parlé, et qui désormais fait la faute "si j'aurais" qu'elle ne faisait plus depuis bien longtemps. Elle ne regarde pas la télé, et je doute que la maîtresse parle comme ça. Du coup, c'est extrêmement difficile, outre tout ce que tu listes.
Ensuite, je trouve qu'il faut distinguer l'aisance à l'oral (correction langagière ou pas) et timidité/refus de parler.
Je pense que la 2e est plus embêtante car l'enfant ne prend pas la parole et donc ne peut être corrigé.
Pour le premier cas, tu peux reprendre les formulations fautives.
Pour le vocabulaire, à part les faire lire...
En CE1, ma fille a des listes de mots de vocabulaire à savoir orthographier et connaître, mais ce sont des mots très basiques. Je pense (mais je ne suis pas spécialiste, j'observe mes enfants) que la lecture fait vraiment acquérir et réutiliser du vocabulaire plus varié.
Je regrette que sa maîtresse ne propose pas des pistes de livres à lire en autonomie, adaptés à différents niveaux (c'est du boulot la première année mais après ça n'a pas à être refait tous les ans), car ils ont lu pour l'instant 1 livre et demi tous ensemble. Je ne vois pas comment acquérir du vocabulaire à ce rythme-là s'il n'y a pas de livre à la maison, ce qui est le cas d'une bonne partie des enfants de sa classe.
En revanche, pour faire parler les enfants timides, c'est plus difficile. Au lycée j'ai le bac qui les force à venir (et j'ai vu les progrès énormes réalisés par l'ensemble des élèves en quelques mois). Je te dirais de les forcer à venir s'exprimer devant la classe sur un sujet qu'ils auront choisi, et même pas longtemps.
Voilà, mélange d'expérience de parent d'élève et d'enseignant de lycée.
Enfin, je dirais que je n'utilise pas de techniques d'éloquence, mais que je fais un retour "nourri" sur leur prestation : tu te tortilles, on ne t'entend pas, tu fais des fautes de français, tu as le nez dans tes notes, on voit trop ton stress. Le fait qu'ils en prennent conscience permet d'effacer plein de ces erreurs la fois d'après. Bon, faut adapter la remarque aux enfants de CP
Ensuite, je trouve qu'il faut distinguer l'aisance à l'oral (correction langagière ou pas) et timidité/refus de parler.
Je pense que la 2e est plus embêtante car l'enfant ne prend pas la parole et donc ne peut être corrigé.
Pour le premier cas, tu peux reprendre les formulations fautives.
Pour le vocabulaire, à part les faire lire...
En CE1, ma fille a des listes de mots de vocabulaire à savoir orthographier et connaître, mais ce sont des mots très basiques. Je pense (mais je ne suis pas spécialiste, j'observe mes enfants) que la lecture fait vraiment acquérir et réutiliser du vocabulaire plus varié.
Je regrette que sa maîtresse ne propose pas des pistes de livres à lire en autonomie, adaptés à différents niveaux (c'est du boulot la première année mais après ça n'a pas à être refait tous les ans), car ils ont lu pour l'instant 1 livre et demi tous ensemble. Je ne vois pas comment acquérir du vocabulaire à ce rythme-là s'il n'y a pas de livre à la maison, ce qui est le cas d'une bonne partie des enfants de sa classe.
En revanche, pour faire parler les enfants timides, c'est plus difficile. Au lycée j'ai le bac qui les force à venir (et j'ai vu les progrès énormes réalisés par l'ensemble des élèves en quelques mois). Je te dirais de les forcer à venir s'exprimer devant la classe sur un sujet qu'ils auront choisi, et même pas longtemps.
Voilà, mélange d'expérience de parent d'élève et d'enseignant de lycée.
Enfin, je dirais que je n'utilise pas de techniques d'éloquence, mais que je fais un retour "nourri" sur leur prestation : tu te tortilles, on ne t'entend pas, tu fais des fautes de français, tu as le nez dans tes notes, on voit trop ton stress. Le fait qu'ils en prennent conscience permet d'effacer plein de ces erreurs la fois d'après. Bon, faut adapter la remarque aux enfants de CP
- CalandriaGrand sage
Mes collègues de français ont commencé à faire travailler nos élèves sur l'éloquence l'an dernier. Collège REP, nous sommes souvent surpris pour ne pas dire sidérés par leur manque de vocabulaire (un élève demandait récemment ce qu'était un poney). Il est évident que le milieu familial influe énormément et que la tâche s'annonce ardue.
Mes enfants de 5 et 7 ans récitent parfois par coeur des histoires qu'ils ont écouté des dizaines de fois sur le lecteur CD. Il y a aussi les histoires de la Luni qui sont top :à force de les écouter, ils les connaissent par coeur et ils réutilisent volontiers les expressions. Je me souviens de mon fils utiliser le mot 'croquignolet'. Est ce que la Luni avec le casque (ou un lecteur cd avec casque), pour s'imprégner d'ube histoire précise serait possible ?
Mes enfants de 5 et 7 ans récitent parfois par coeur des histoires qu'ils ont écouté des dizaines de fois sur le lecteur CD. Il y a aussi les histoires de la Luni qui sont top :à force de les écouter, ils les connaissent par coeur et ils réutilisent volontiers les expressions. Je me souviens de mon fils utiliser le mot 'croquignolet'. Est ce que la Luni avec le casque (ou un lecteur cd avec casque), pour s'imprégner d'ube histoire précise serait possible ?
- roxanneOracle
Je vais un peu détonner et peut-être choquer sur un forum de profs, mais force est de constater que mon fils qui a un vocabulaire assez riche je trouve et s'exprime pas mal avec des discours très structurés a aussi pas mal appris par les nombreux films qu'il regarde et même avec des BD. Hier, il lisait les schtroumpfs (qu'on ne peut assimiler à de la grande littérature)et demandait des mots comme "potier" ou "surmenage" . C'est sûr que l'émulation entre pairs fonctionne. Mais, bon, avec des petits je ne sais pas. Je crois que le mien ne prenait pas trop la parole en classe par exemple.
- Cléopatra2Guide spirituel
Les schtroumpfs c'est top! Les films aussi, s'ils sont adaptés à l'âge des enfants, bien sûr. Tout support narratif est bon à prendre pour apprendre du vocabulaire.roxanne a écrit:Je vais un peu détonner et peut-être choquer sur un forum de profs, mais force est de constater que mon fils qui a un vocabulaire assez riche je trouve et s'exprime pas mal avec des discours très structurés a aussi pas mal appris par les nombreux films qu'il regarde et même avec des BD. Hier, il lisait les schtroumpfs (qu'on ne peut assimiler à de la grande littérature)et demandait des mots comme "potier" ou "surmenage" . C'est sûr que l'émulation entre pairs fonctionne. Mais, bon, avec des petits je ne sais pas. Je crois que le mien ne prenait pas trop la parole en classe par exemple.
Et oui, certains élèves ne parlent jamais et sont pourtant très bons en vocabulaire, c'est pour ça qu'à part les contraindre (ce qui est peut être dévastateur chez les petits...) on ne peut pas faire grand-chose. J'ai un élève mutique (mais vraiment, il ne dit jamais rien, ne rend aucun boulot, dort sur la table, a les cheveux devant les yeux, l'ado démotivé par excellence...). Hier il a dû passer à l'oral pour la première fois depuis que je l'ai (souvent absent, hein, les autres sont passés au moins 3 fois). Eh bien surprise, il parlait haut et fort avec une expression parfaite et une voix très agréable. Je me faisais du souci pour le grand oral, je suis rassurée!
- DorineHabitué du forum
Verdurette a écrit:
Je suis bien consciente que c'est aussi le reflet de la langue dans laquelle ils baignent depuis la petite enfance, et aussi de la langue très restreinte de la TV et de leurs écrans, mais justement, comment remédier à cette inégalité-là ? Celle qui finalement engendre toutes les autres ?
Vos témoignages et conseils sont les bienvenus.
Mon fils, qui a parlé très tôt, s'exprimait bien quand il est rentré en maternelle. Il avait un vocabulaire plutôt riche pour son âge et comme on le reprenait systématiquement, il a très vite fait les accords avec le COD placé avant le verbe. C'est avec l'école, au contact de ses petits camarades que le langage s'est relâché et c'était flagrant. Il nous ramenait des expressions jamais utilisées à la maison comme par exemple "il faut que je voye" (c'est la plus soft) et c'était la guerre à chaque fois. J'avoue que j'étais assez déstabilisée car je n'étais pas du tout préparée à ça. Et bien entendu, les choses ne se sont pas améliorées avec le temps, avec les écrans, et son vocabulaire est de plus en plus pauvre...
- lene75Prophète
Pour la timidité, en tant que grande timide, j'irais plutôt à contresens des autres : plus on force plus ça renforce la timidité. Il faut faire la part des choses entre l'enfant qui n'a pas les moyens de parler et celui qui est réservé. L'école survalorise souvent ceux qui parlent beaucoup (les groupes des « bons en anglais » comme dit mon mari), mais les bons élèves se trouvent plus souvent parmi les taiseux, qui se révèlent d'ailleurs parfois quand le contexte s'y prête (classe plus calme, demi-groupe, etc.). Il n'y a à mon sens aucune inquiétude à avoir pour ceux-là, surtout au CP. Plus tard, les seuls qui peuvent être sujets d'inquiétude sont ceux - finalement rares - qui restent bloqués à l'oral en tête à tête (sur un exercice scolaire, pas pour raconter leur life).
Pour le langage, j'ai envie de dire essayer de sensibiliser les familles pour les plus petits, quitte à passer par les aînés, qui peuvent faire la lecture aux plus petits : au CP c'est déjà tard.
Le livre Le Crétin digital est très éclairant (et documenté) sur le rôle des écrans dans l'appauvrissement du langage.
À l'école, les expériences sympas que j'ai vues : « décloisonnement » lecture, les CP et CE1 vont lire des histoires aux GS (pas très Covid-proof), olympiades de la lecture, c'est un concours des lecture à voix haute, si vous pouvez faire venir un comédien pour quelques séances les enfants adorent, mais c'est déjà bien si la maîtresse s'en charge, et le must, les bibliothèques tournantes, mais il faut pour ça qu'au moins certains enfants dans la classe aient des livres de qualité, l'école peut abonder un peu mais je trouve que c'est beaucoup plus efficace quand le prêt de fait entre pairs.
Ah, et ce qui fonctionne bien aussi : après la lecture d'un livre en classe, écrire à la manière de.
Après il ne faut pas penser que ça puisse faire des miracles, je le vois avec G. qui a des difficultés de langage : elle / on peut lire des centaines de pages par semaine, ça ne corrige pas ses erreurs de syntaxe, etc., elle est indécrottable et beaucoup plus efficace que les livres pour apprendre ses erreurs à sa petite soeur. Mais petit à petit ça fait quand même son chemin. Idem pour E. : nous étions effarés qu'elle puisse faire autant de fautes d'orthographe en lisant autant, cette année en CM2 un miracle a opéré, en 3 mois elle a énormément progressé, c'est l'écriture régulière (conjointe à la lecture) qui l'a débloquée. Mais je pense que cette écriture a été efficace sur le terreau déjà riche des lectures antérieures. Et ce sont des enfants fée milieu intellectuellement favorisé, la tâche est évidemment beaucoup plus ardue dans le cas contraire.
Pour le langage, j'ai envie de dire essayer de sensibiliser les familles pour les plus petits, quitte à passer par les aînés, qui peuvent faire la lecture aux plus petits : au CP c'est déjà tard.
Le livre Le Crétin digital est très éclairant (et documenté) sur le rôle des écrans dans l'appauvrissement du langage.
À l'école, les expériences sympas que j'ai vues : « décloisonnement » lecture, les CP et CE1 vont lire des histoires aux GS (pas très Covid-proof), olympiades de la lecture, c'est un concours des lecture à voix haute, si vous pouvez faire venir un comédien pour quelques séances les enfants adorent, mais c'est déjà bien si la maîtresse s'en charge, et le must, les bibliothèques tournantes, mais il faut pour ça qu'au moins certains enfants dans la classe aient des livres de qualité, l'école peut abonder un peu mais je trouve que c'est beaucoup plus efficace quand le prêt de fait entre pairs.
Ah, et ce qui fonctionne bien aussi : après la lecture d'un livre en classe, écrire à la manière de.
Après il ne faut pas penser que ça puisse faire des miracles, je le vois avec G. qui a des difficultés de langage : elle / on peut lire des centaines de pages par semaine, ça ne corrige pas ses erreurs de syntaxe, etc., elle est indécrottable et beaucoup plus efficace que les livres pour apprendre ses erreurs à sa petite soeur. Mais petit à petit ça fait quand même son chemin. Idem pour E. : nous étions effarés qu'elle puisse faire autant de fautes d'orthographe en lisant autant, cette année en CM2 un miracle a opéré, en 3 mois elle a énormément progressé, c'est l'écriture régulière (conjointe à la lecture) qui l'a débloquée. Mais je pense que cette écriture a été efficace sur le terreau déjà riche des lectures antérieures. Et ce sont des enfants fée milieu intellectuellement favorisé, la tâche est évidemment beaucoup plus ardue dans le cas contraire.
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Une classe, c'est comme une boîte de chocolats, on sait jamais sur quoi on va tomber...
- henrietteMédiateur
Les choses qu'on peut faire au collège, ou nos expériences en tant que parents avec nos propres enfants, je ne crois malheureusement pas que cela puisse beaucoup t'aider, Verdurette : ce n'est guère transposable au CP pour les premières, et pour les secondes, tes élèves ne baignent pas du tout dans le même environnement à la maison. Mais je suppose que tu demandes avant tout les témoignages et conseils des autres enseignants PE en petites classes, pour avoir des retours transposables dans tes classes ?
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- CathyFidèle du forum
Je suis hélas assez pessimiste : les études scientifiques montrent que l'écart se creuse dès l'âge de deux ans entre les enfants entrant rapidement dans le langage et baignant dans un environnement favorable et les autres. Cet écart se creuse encore plus dès l'accès au langage écrit : plus un enfant a de difficultés en lecture, moins il est exposé à des textes riches, moins il acquiert des structures langagières complexes. Or, à partir de l'entrée dans l'écrit, les études montrent que les enfants acquièrent majoritairement de nouveaux termes par l'écrit. C'est le serpent qui se mord la queue.
- SacapusHabitué du forum
J'émets une réserve...Cléopatra2 a écrit:
Les schtroumpfs c'est top! Les films aussi, s'ils sont adaptés à l'âge des enfants, bien sûr.
Il est assez facile pour un auteur des schtroumpfs de tomber dans l'écueil d'écrire "schtroumpf" ou "schtroumpfer" à la place de n'importe quel mot de vocabulaire un peu précis.
Je préfère les histoires de Johan et Pirlouit où on voit des schtroumpfs interagir avec des humains. Les humains ne comprennent pas ce que disent les schtroumpfs. (Alors que c'est clair pour le lecteur). Ça instille l'idée que sans vocabulaire précis, on n'est pas à l'abri de ne pas être compris.
- VerduretteModérateur
Pour la timidité, je rejoins Henriette, obliger est souvent contre-productif, et le petit groupe avec d'autres timides est beaucoup plus utile.
Vous m'inquiétez en parlant de l'influence des pairs qui ne se fait pas dans le bon sens, parce que j'étais persuadée que l'influence majeure venait de la famille : mes élèves ont avalé les mots familiers (ou carrément grossiers), les y et les "fais qu'est-ce que je te dis" avec leurs biberons et je me dis que je n'arrive pas à redresser la barre, mais quand vous me dites que vos enfants acquièrent des tournures impropres et perdent leur vocabulaire à l'école, là ...
Sinon, oui, clairement, j'attends plus de la part des PE confrontées au même public que moi, parce que ce que vous faites avec vos propres enfants, les parents de mes élèves sont incapables de le faire. J'en veux pour preuve les lacunes du confinement de l'année dernière : elles ont été bien pires en lecture/français qu'en mathématiques. Plus ou moins bien, les parents ont fait compter, calculer assez aisément ... mais ils n'ont pas fait lire, pas lu de livres à leurs enfants, pas fait écrire ou mal.
Vous m'inquiétez en parlant de l'influence des pairs qui ne se fait pas dans le bon sens, parce que j'étais persuadée que l'influence majeure venait de la famille : mes élèves ont avalé les mots familiers (ou carrément grossiers), les y et les "fais qu'est-ce que je te dis" avec leurs biberons et je me dis que je n'arrive pas à redresser la barre, mais quand vous me dites que vos enfants acquièrent des tournures impropres et perdent leur vocabulaire à l'école, là ...
Sinon, oui, clairement, j'attends plus de la part des PE confrontées au même public que moi, parce que ce que vous faites avec vos propres enfants, les parents de mes élèves sont incapables de le faire. J'en veux pour preuve les lacunes du confinement de l'année dernière : elles ont été bien pires en lecture/français qu'en mathématiques. Plus ou moins bien, les parents ont fait compter, calculer assez aisément ... mais ils n'ont pas fait lire, pas lu de livres à leurs enfants, pas fait écrire ou mal.
- lene75Prophète
Cathy a écrit:Je suis hélas assez pessimiste : les études scientifiques montrent que l'écart se creuse dès l'âge de deux ans entre les enfants entrant rapidement dans le langage et baignant dans un environnement favorable et les autres. Cet écart se creuse encore plus dès l'accès au langage écrit : plus un enfant a de difficultés en lecture, moins il est exposé à des textes riches, moins il acquiert des structures langagières complexes. Or, à partir de l'entrée dans l'écrit, les études montrent que les enfants acquièrent majoritairement de nouveaux termes par l'écrit. C'est le serpent qui se mord la queue.
Verdurette a écrit:Pour la timidité, je rejoins Henriette, obliger est souvent contre-productif, et le petit groupe avec d'autres timides est beaucoup plus utile.
Vous m'inquiétez en parlant de l'influence des pairs qui ne se fait pas dans le bon sens, parce que j'étais persuadée que l'influence majeure venait de la famille : mes élèves ont avalé les mots familiers (ou carrément grossiers), les y et les "fais qu'est-ce que je te dis" avec leurs biberons et je me dis que je n'arrive pas à redresser la barre, mais quand vous me dites que vos enfants acquièrent des tournures impropres et perdent leur vocabulaire à l'école, là ...
Sinon, oui, clairement, j'attends plus de la part des PE confrontées au même public que moi, parce que ce que vous faites avec vos propres enfants, les parents de mes élèves sont incapables de le faire. J'en veux pour preuve les lacunes du confinement de l'année dernière : elles ont été bien pires en lecture/français qu'en mathématiques. Plus ou moins bien, les parents ont fait compter, calculer assez aisément ... mais ils n'ont pas fait lire, pas lu de livres à leurs enfants, pas fait écrire ou mal.
C'est pour ça que je pense que le levier principal reste la sensibilisation des parents, mais qu'avec des élèves de CP, c'est essentiellement pour les petits frères et soeurs... mais à mon avis, il faut l'appui de la mairie pour pouvoir mettre en place des choses efficaces.
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Une classe, c'est comme une boîte de chocolats, on sait jamais sur quoi on va tomber...
- Cléopatra2Guide spirituel
Il faut inciter les parents avant la maternelle à lire des livres aux enfants. Malheureusement... bref.
- maikreeeesseGrand sage
Verdurette, pas trop de conseils, je me concentre sur la lecture/écriture et les mathématiques.
Pour l'oral: je travaille beaucoup la compréhension dès le début d'année avec réponses à l'oral, ce qui permet de travailler l'argumentatif, la réponse phrase obligatoire. Je bannis (sous forme de jeu) les En fait...., les Aussi...., les Ben moi....C'est qui qui...Je continue aussi les comptines/jeux de mots et de langues grâce aux formulettes (héritées de mes années de maternelle). J'ai un temps quotidien de lecture offerte, pour le plaisir (décrié par mes IENs hein), moments que les élèves et moi-même adorons. Une poésie tous les 15 jours pour travailler la mémoire et des syntaxes particulières. Je fais très attention à ma prononciation/articulation/syntaxe à l'oral (ce qui fait que j'ai un débit assez lent) qui doit paraître artificiel de l'extérieur. Celles et ceux qui ont profondément modifié leur façon de parler à la naissance de leur enfant me comprendront. Les élèves ont un dictaphone pour s'enregistrer lorsqu’ils lisent afin de s'améliorer. Cela fonctionne bien pour la mise en place des liaisons, du ton...
Ce que je constate: Je ne remarque des améliorations qu'avec une toute petite partie des élèves. Le manque de vocabulaire reste très perturbant et pénalisant. Peu d'élèves sont capables de relever ou demander lorsqu'ils ne comprennent pas un mot (ce sont ceux qui ont déjà un bon vocabulaire qui le font). Dès qu'on travaille sur les inférences, j'en perd beaucoup. Cela reste superficiel. Dans les évaluation nationales, les phrases du type "il les regarde" ou "la moto est suivie par le vélo" posent souci à beaucoup.
Pour l'oral: je travaille beaucoup la compréhension dès le début d'année avec réponses à l'oral, ce qui permet de travailler l'argumentatif, la réponse phrase obligatoire. Je bannis (sous forme de jeu) les En fait...., les Aussi...., les Ben moi....C'est qui qui...Je continue aussi les comptines/jeux de mots et de langues grâce aux formulettes (héritées de mes années de maternelle). J'ai un temps quotidien de lecture offerte, pour le plaisir (décrié par mes IENs hein), moments que les élèves et moi-même adorons. Une poésie tous les 15 jours pour travailler la mémoire et des syntaxes particulières. Je fais très attention à ma prononciation/articulation/syntaxe à l'oral (ce qui fait que j'ai un débit assez lent) qui doit paraître artificiel de l'extérieur. Celles et ceux qui ont profondément modifié leur façon de parler à la naissance de leur enfant me comprendront. Les élèves ont un dictaphone pour s'enregistrer lorsqu’ils lisent afin de s'améliorer. Cela fonctionne bien pour la mise en place des liaisons, du ton...
Ce que je constate: Je ne remarque des améliorations qu'avec une toute petite partie des élèves. Le manque de vocabulaire reste très perturbant et pénalisant. Peu d'élèves sont capables de relever ou demander lorsqu'ils ne comprennent pas un mot (ce sont ceux qui ont déjà un bon vocabulaire qui le font). Dès qu'on travaille sur les inférences, j'en perd beaucoup. Cela reste superficiel. Dans les évaluation nationales, les phrases du type "il les regarde" ou "la moto est suivie par le vélo" posent souci à beaucoup.
- VerduretteModérateur
Merci Maikreeeesse.
J'ai fait le même choix que toi, je me concentre presque exclusivement sur la lecture/mathématiques, mais comme toi sans doute je fais "parler pour écrire", parler pour dire comment on résout un problème, parler pour répondre aux questions de lecture, parler pour rédiger, parler pour raconter ... Je souffre d'entendre ces propos pauvres, approximatifs, et je mesure à quel point ils sont en manque de mots...
Et c'est encore pire pour mes deux CE2, là, c'est à se flinguer.
Pour la timidité, c'est Lene que je rejoignais ... grosse fatigue, ce soir !!
J'ai fait le même choix que toi, je me concentre presque exclusivement sur la lecture/mathématiques, mais comme toi sans doute je fais "parler pour écrire", parler pour dire comment on résout un problème, parler pour répondre aux questions de lecture, parler pour rédiger, parler pour raconter ... Je souffre d'entendre ces propos pauvres, approximatifs, et je mesure à quel point ils sont en manque de mots...
Et c'est encore pire pour mes deux CE2, là, c'est à se flinguer.
Pour la timidité, c'est Lene que je rejoignais ... grosse fatigue, ce soir !!
- ShingolaNiveau 4
Pour Noel j'ai offert à mon fils (5 ans MS) le grand livre de Pierre Lapin de Beatrix Potter.
400 pages de délices, du vocabulaire et pas qu'un peu, des ritournelles, du passé simple et des participes présent à gogo, pour servir des histoires extraordinaires. On tremble quand Tom Chaton est enroulé dans la pâte par deux rats qui veulent le cuisiner.
La plupart des histoires existent joliment mises en image de dessin animé. Je n'explique pas tout le vocabulaire à mon fils, il y en a trop, mais dès qu'il me le demande où quand ça me semble indispensable.
Je confirme qu'il rentre de l'école avec de mauvaises tournures, je n'arrive pas à le corriger parce qu'il reprend un bain quotidien d'erreurs, et il considère que c'est son parler puisque c'est celui de ses pairs.
400 pages de délices, du vocabulaire et pas qu'un peu, des ritournelles, du passé simple et des participes présent à gogo, pour servir des histoires extraordinaires. On tremble quand Tom Chaton est enroulé dans la pâte par deux rats qui veulent le cuisiner.
La plupart des histoires existent joliment mises en image de dessin animé. Je n'explique pas tout le vocabulaire à mon fils, il y en a trop, mais dès qu'il me le demande où quand ça me semble indispensable.
Je confirme qu'il rentre de l'école avec de mauvaises tournures, je n'arrive pas à le corriger parce qu'il reprend un bain quotidien d'erreurs, et il considère que c'est son parler puisque c'est celui de ses pairs.
- HannibalHabitué du forum
Verdurette a écrit:
Je suis bien consciente que c'est aussi le reflet de la langue dans laquelle ils baignent depuis la petite enfance, et aussi de la langue très restreinte de la TV et de leurs écrans, mais justement, comment remédier à cette inégalité-là ? Celle qui finalement engendre toutes les autres ?
Je ne suis pas Professeur des écoles, mais les pistes que donne maikreeeesse me paraissent très convaincantes, même si j'ai bien lu qu'elles avaient malgré tout leurs limites.
Je crois qu'il faut s'efforcer de créer une espèce d'univers référentiel commun, c'est-à-dire un petit patrimoine partagé de textes, d"histoires, de mots... Lire des histoires, mais surtout les relire encore et encore - et dès qu'une expression peut paraître difficile, ne pas la supprimer, mais ajouter un synonyme ou une reformulation plus facile, sans changer de ton ni interrompre le récit.
Faire apprendre des comptines, des chansons, des poésies ; les faire chanter ou réciter en chœur, et peut-être de temps en temps plus individuellement.
Encourager le plus possible la diffusion dans les familles de ces histoires, chansons, poésies, pour qu'elles y soient relayées. Suggérer aux parents de les diffuser ou de les lire le week-end, pendant les trajets en voiture, ou que sais-je.
Trouver des jeux ou des occasions destinés à réutiliser dans d'autres contextes les expressions issues des histoires et poèmes doit avoir son importance aussi.
Reste qu'il demeurera probablement un écart assez irréductible entre le vocabulaire réellement utilisé à l'oral, qui est modelé sur le niveau de langue de la famille et des pairs, et celui qui est acquis en classe.
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"Quand la pierre tombe sur l'oeuf, malheur à l'oeuf.
Quand l'oeuf tombe sur la pierre, malheur à l'oeuf." (proverbe)
- VerduretteModérateur
Puisque ce fil remonte ... merci d'abord pour vos contributions, mais parfois je désespère. Je viens d'accueillir deux nouveaux élèves, deux jumeaux, non seulement ils savent à peine lire (ils déchiffrent à peu près mais sans rien comprendre) et surtout n'écrivent quasiment pas, mais ils ont un vocabulaire très pauvre et souvent ordurier et manifestement ce n'est pas de la "provoc' " c'est... terriblement naturel.
C'est "nul à ch ...", en parlant d'un camarade un peu agité : "Wech Maîtresse, Machin y fait la m...(Cambronne)". "Bidule y m'a engueulé".
Prennent leur goûter avant l'APC et rotent ouvertement ...
Récemment nous avons cherché avec l'ensemble de la classe des noms d'oiseaux (de vrais oiseaux, pour le coup !!) et mes petits CP se sont rendu compte qu'ils en avaient découvert beaucoup, pie, loriot, mésange, moineau, colibri, canari , merle... ils m'en ont trouvé une bonne vingtaine; Sans mauvais jeu de mot, c'est passé totalement au dessus de la tête de mes nouveaux.
C'est "nul à ch ...", en parlant d'un camarade un peu agité : "Wech Maîtresse, Machin y fait la m...(Cambronne)". "Bidule y m'a engueulé".
Prennent leur goûter avant l'APC et rotent ouvertement ...
Récemment nous avons cherché avec l'ensemble de la classe des noms d'oiseaux (de vrais oiseaux, pour le coup !!) et mes petits CP se sont rendu compte qu'ils en avaient découvert beaucoup, pie, loriot, mésange, moineau, colibri, canari , merle... ils m'en ont trouvé une bonne vingtaine; Sans mauvais jeu de mot, c'est passé totalement au dessus de la tête de mes nouveaux.
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