- e-mietteNiveau 7
Je prépare l'explication linéaire d'un passage de la partie IV, lorsque Madame de Clèves détaille les raisons de son refus à Nemours. Or, me voilà bloquée dès la première phrase de l'extrait que j'ai sélectionné ! Il s'agit de :
"Je veux vous parler encore avec la même sincérité que j'ai déjà commencé"
Pourquoi diable cette chère Mme de Lafayette ne fait-elle pas l'accord pour le participe passé "commencé", qui me semble pourtant être lié à "sincérité" ? Le "que j'ai déjà commencé" ne serait donc pas une proposition relative ? S'agirait-il d'une tournure grammaticale archaïque ? Suis-je encore sous l'influence de l'abus d'alcool du 31 au soir ?
Là j'ai vraiment besoin de vos lumières, parce que j'avais prévu de mettre ce texte dans la liste pour l'EAF, et là j'ai un gros, gros gros problème !
"Je veux vous parler encore avec la même sincérité que j'ai déjà commencé"
Pourquoi diable cette chère Mme de Lafayette ne fait-elle pas l'accord pour le participe passé "commencé", qui me semble pourtant être lié à "sincérité" ? Le "que j'ai déjà commencé" ne serait donc pas une proposition relative ? S'agirait-il d'une tournure grammaticale archaïque ? Suis-je encore sous l'influence de l'abus d'alcool du 31 au soir ?
Là j'ai vraiment besoin de vos lumières, parce que j'avais prévu de mettre ce texte dans la liste pour l'EAF, et là j'ai un gros, gros gros problème !
- Mélusine2Niveau 10
Je comprends "que j'ai déjà commencé de vous parler" : ça devrait régler ton problème, j'espère
- CathEnchanteur
Oui, "commencé à vous parler".
- e-mietteNiveau 7
OK, je vois... ce serait donc une circonstancielle de comparaison ? Elidée bien sûr.
- Cle73Niveau 4
e-miette a écrit:OK, je vois... ce serait donc une circonstancielle de comparaison ? Elidée bien sûr.
Je le lis comme ça aussi; je ne crois pas trop à la tournure archaïque (qui serait de toute façon elle aussi élidée). Du coup, tu peux faire un commentaire sur le style classique et son goût de la contraction, après avoir interrogé les élèves pour savoir ce qui les choque dans la tournure (si quelque chose les choque). Intéressant, cette phrase.
- PonocratesExpert spécialisé
Je lis comme les autres. L'édition de 1694 du Dictionnaire de l'Académie souligne la fréquence de l'emploi elliptique de "que" https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A1Q0018-03
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"If you think education is too expensive, try ignorance ! "
"As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? "
- e-mietteNiveau 7
Merci Ponocrates pour le lien, très éclairant et riche d'exemples clairs, et Cle73 pour l'idée d'interroger les élèves : je sens que ça va être amusant :diable:
Grâce à vos réponses, je garde mon extrait tel quel et l'aborde en confiance. Ce sera peut-être difficile pour certains de mes élèves, mais la plupart sont capables d'aborder ces subtilités de la langue.
Grâce à vos réponses, je garde mon extrait tel quel et l'aborde en confiance. Ce sera peut-être difficile pour certains de mes élèves, mais la plupart sont capables d'aborder ces subtilités de la langue.
- PonocratesExpert spécialisé
Avec plaisir : c'est un autre néo - dont j'ai oublié le nom -qui m'a fait découvrir ici la version électronique du dictionnaire de l'Académie et depuis je l'utilise systématiquement en jouant sur l'année de l'édition quand je veux avoir le sens en langue à une époque précise. Je trouve cela très pratique...
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C'est le livre ? "
- NLM76Grand Maître
Littré aussi est intéressant :
Donc il me semble qu'il y a deux analyses possibles. D'abord, comme Littré le propose ci-dessus, relatif ("vicariant") marquant ici la manière; ensuite, mais c'est la même chose, équivalent de "comme" : conjonction de subordination. En fait, on peut le comprendre comme quō ou comme quō modō.Littré, article «que», point 15 a écrit:De la même façon on a fait, avec toutes sortes de substantifs et que, des composés où que signifie selon lequel, laquelle, lesquels, lesquelles.
"De la façon enfin qu'avec toi j'ai vécu, Les vainqueurs sont jaloux du bonheur du vaincu", Corneille, Cinna, V, 1.
"On se défend d'abord, mais de l'air qu'on s'y prend On fait entendre assez que notre cœur se rend", Molière, Tart. IV, 5.
"Elle [Mme de la Fayette] vous remercie tendrement de la manière que vous comprenez sa douleur", Sévigné, 12 avr. 1680.
"Commencez par décider… si je vendrai mes grains à Noël prochain au prix qu'ils se trouveront", Sévigné, à Mme de Guitaut, 22 nov. 1692.
"Elle [Mme de Fontevrault] pensa mourir de douleur en le voyant [son père] en l'état qu'il est [frappé d'apoplexie]", Sévigné, 12 juin 1675.
"Les écrits que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer n'envisagent point la matière du côté que je la regarde ici", Bossuet, Lettres, 237.
"Me voyait-il de l'œil qu'il me voit aujourd'hui ?" Racine, Andr. II, 1.
"Comme un arbre plus d'une fois mort et déraciné, selon l'expression d'un apôtre, vous allez rester pour toujours sur le côté que vous tomberez", Massillon, Carême, Inconst.
"Je tournai la tête du côté que partait la voix", Lesage, Gil Blas, I, 1.
"Le public ne prendrait pas le mot de secte dans le sens que je l'avais écrit", Rousseau, Lett. à M. de Bastide, 16 juin 1760.
"Pardonnez si je ne puis voir les périls qui vous effrayent du même œil que les voit une mère", Rousseau, Lett. à Mme de Créqui, 13 oct. 1758.
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Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- IphigénieProphète
En tout cas ce fil et celui dédié à La Fontaine sont extrêmement intéressants pour affiner la syntaxe, bien complexe, de la langue classique et voir la complexité aussi de la pensée à cette époque! (je me suis toujours demandé comment nos élèves pouvaient encore arriver à lire la Princesse, en réalité: je vous admire!)
- e-mietteNiveau 7
Et Montaigne ! Les programmes de Première sont exigeants, c'est vrai, notamment depuis qu'ils nous obligent à aborder grammaticalement une langue si éloignée de celle que nos élèves, déjà, peinent à maitriser... et là je parle de la syntaxe simple ! Alors celle du XVIIème ou du XVIème, n'est-ce pas... même pour moi elle est parfois obscure dans ses subtilités, j'en ai honte mais c'est ainsi. L'avantage c'est que cela oblige à les faire travailler sur le sens précis des phrases, à aiguiser leur intuition, et à manipuler.
- PonocratesExpert spécialisé
J'ignore qui sont vos élèves, mais pour les miens, même la syntaxe et le lexique des 19e et 20e sont problématiques. Au moins avec des textes plus anciens, ils sentent qu'il est "normal" qu'ils ne comprennent pas immédiatement et voient le soin que nous avons de "traduire" et de les faire accéder au sens. D'une certaine façon, cela permet à enseignant comme élèves de travailler conjointement le sens littéral, alors que pour les textes récents ils sont censés comprendre immédiatement - ce qui, évidemment, ne nous empêche pas de préciser ce qui est obscur pour eux.
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- NLM76Grand Maître
Oui. Et c'est pour cela que je milite pour qu'on introduise l'exercice du résumé... de textes littéraires !
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- IphigénieProphète
Autant je pense qu’on ne peut plus se priver de l’étape de la paraphrase autant je suis en désaccord avec toi pour ce qui est de l’exercice du résumé, qui me paraît contraire à l’idée que j’ai d’un texte littéraire, où les idées sont dans la forme autant que dans le verbe seul...c’est pas moi qui le dit c’est Victor( vieux souvenir de dissertation )NLM76 a écrit:Oui. Et c'est pour cela que je milite pour qu'on introduise l'exercice du résumé... de textes littéraires !
- PonocratesExpert spécialisé
Ce n'est pas du tout le même exercice que le commentaire, nous sommes d'accord, mais outre le travail spécifique qu'il exige pour la rédaction, le résumé fait travailler la lecture du texte ( littéraire ou non).Iphigénie a écrit:Autant je pense qu’on ne peut plus se priver de l’étape de la paraphrase autant je suis en désaccord avec toi pour ce qui est de l’exercice du résumé, qui me paraît contraire à l’idée que j’ai d’un texte littéraire, où les idées sont dans la forme autant que dans le verbe seul...c’est pas moi qui le dit c’est Victor( vieux souvenir de dissertation )NLM76 a écrit:Oui. Et c'est pour cela que je milite pour qu'on introduise l'exercice du résumé... de textes littéraires !
Pour en faire faire régulièrement, l'intérêt est de faire travailler les élèves sur la compréhension du texte en les obligeant à examiner des points - l'énonciation et l'argumentation en particulier- qu'ils ont tendance à négliger. Analyser une figure de style dans le cadre de la préparation du résumé permet de mieux comprendre non seulement ce qu'elle veut dire mais ce qu'elle apporte par rapport à l'expression simple, puisqu'il faut ensuite veiller à faire apparaître cet élément supplémentaire. C'est particulièrement vrai avec la métaphore.
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- IphigénieProphète
Énonciation et argumentation ça peut marcher sur Montaigne ou Montesquieu sans doute, ou tel discours de Hugo mais c’est un travail qui par ses visées est il me semble totalement différent de celui du résumé, qui demande d’abord de trier l’essentiel du raisonnement de l’accessoire des explications et exemples . Et je trouve que cela brouille, au contraire, les cartes avec le commentaire, justement. Je ne suis pas convaincue ...
D’autant que l’exercice destiné aux classes technologiques a traditionnellement, pour raison d’être, je crois, de permettre aux moins littéraires de faire néanmoins un travail d’expression: mixer les deux me paraît compliqué ...
Mais bon on est hors sujet là.
D’autant que l’exercice destiné aux classes technologiques a traditionnellement, pour raison d’être, je crois, de permettre aux moins littéraires de faire néanmoins un travail d’expression: mixer les deux me paraît compliqué ...
Mais bon on est hors sujet là.
- PonocratesExpert spécialisé
J'assume le hors-sujet parce qu'il n'en est que partiellement un: l'objectif n'est pas le même encore une fois. L'analyse de l'énonciation et de l'argumentation pour le résumé a un but pratique - l'élève doit reprendre le même type d'énonciation et d'argumentation- et non critique. Un commentaire peut, dans le meilleur des cas proposer des hypothèses sur les choix stylistique de l'auteur, là où le résumé se borne - mais c'est déjà très bien- à restituer le sens complet du texte en le reformulant. Les textes que j'utilise vont de Rousseau à nos jours: tout texte argumentatif qui n'est pas truffé de citation peut être utilisé. Et cela a le mérite de montrer que les auteurs littéraires veulent bien dire quelque chose - au-delà de l'insupportable "message". L'analyse de l'énonciation et de l'argumentation, nous la faisons au brouillon: elle prépare le résumé. Mais dans les deux cas - résumé comme commentaire- il faut comprendre le sens des textes.Iphigénie a écrit:Énonciation et argumentation ça peut marcher sur Montaigne ou Montesquieu sans doute, ou tel discours de Hugo mais c’est un travail qui par ses visées est il me semble totalement différent de celui du résumé, qui demande d’abord de trier l’essentiel du raisonnement de l’accessoire des explications et exemples . Et je trouve que cela brouille, au contraire, les cartes avec le commentaire, justement. Je ne suis pas convaincue ...
D’autant que l’exercice destiné aux classes technologiques a traditionnellement, pour raison d’être, je crois, de permettre aux moins littéraires de faire néanmoins un travail d’expression: mixer les deux me paraît compliqué ...
Mais bon on est hors sujet là.
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- IphigénieProphète
Si tu réduis la littérature aux textes argumentatifs en effet je comprends mieux ton point de vue. Mais il me semble que Nlm voyait l’exercice même sur un sonnet par exemple ( si j’ai bien lu son point de vue sur je ne sais plus quel fil) sauf erreur de ma part bien sûr !
- PonocratesExpert spécialisé
Ah, oui, j'aurais dû être plus claire. En effet, pour le résumé, je me limite aux textes argumentatifs en prose, même s'ils peuvent faire pour certains partie de pièces de théâtre ( tirade) ou de romans - discours d'un personnage. Mais je ne me vois pas demander aux élèves de résumer "À qui la faute ?" par exemple ( même si je l'aime beaucoup ) parce que passer des vers à la prose me paraît, comment dire, sacrilège ? Si Victor Hugo a choisi le vers - au lieu d'écrire un discours en prose comme celui d'Enjolras dans Les Misérables- c'est tellement consubstantiel du texte qu'il faudrait presque demander un résumé en vers pour être fidèle au texte, ce qui, dans l'état actuel de l'éducation en France est impossible - mais au 19e siècle...Iphigénie a écrit:Si tu réduis la littérature aux textes argumentatifs en effet je comprends mieux ton point de vue. Mais il me semble que Nlm voyait l’exercice même sur un sonnet par exemple ( si j’ai bien lu son point de vue sur je ne sais plus quel fil) sauf erreur de ma part bien sûr !
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- NLM76Grand Maître
Bon, après, c'était surtout pour provoquer... Comme exercice du bac, le résumé d'un sonnet, ce n'est pas terrible, en effet. Mais cela me paraît un exercice intéressant.
De fait, ce que je fais faire sur les textes littéraires, c'est le plan du texte. Ce n'est pas loin du résumé, mais on ne s'oblige pas à rédiger.
Cela dit, la paraphrase, je trouve ça très bien en général; savoir raconter à nouveau une histoire avec ses propres mots, c'est le travail du conteur, et c'est très bien.
De fait, ce que je fais faire sur les textes littéraires, c'est le plan du texte. Ce n'est pas loin du résumé, mais on ne s'oblige pas à rédiger.
Cela dit, la paraphrase, je trouve ça très bien en général; savoir raconter à nouveau une histoire avec ses propres mots, c'est le travail du conteur, et c'est très bien.
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