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Tangleding
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Brassard Noir en hommage à Samuel Paty : organisation de la reprise du 2 novembre - Page 16 Empty Re: Brassard Noir en hommage à Samuel Paty : organisation de la reprise du 2 novembre

par Tangleding Mar 27 Oct 2020 - 1:54
Plus vite on reviendra au coeur de nos enseignements avec nos élèves et mieux ce sera, c'est pour l'avoir fait que notre collègue a été assassiné, pas parce qu'il se prenait pour un héros. C'est dans le cœur de notre enseignement que nous avons le plus à apporter à nos élèves. Qu'il faille parfois faire un détour, parce que les circonstances l'exigent ou parce que des évènements tragiques interfèrent avec notre mission, je n'en disconviens pas, et je n'éprouve pas d'inquiétude particulière pour ma reprise, à tort ou à raison. Mais notre enseignement sera logiquement plus précieux pour nos élèves que la plupart de nos digressions. Il faut du moins l'espérer, et je ne suis pas le dernier à digresser, mais je ne m'en ferai pas gloire. Je le fais quand j'estime qu'il le faut, et je le fais aussi intelligemment que possible. Comme nous tous.
MUTIS
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par MUTIS Mar 27 Oct 2020 - 7:34
F.Lemoine a écrit:Je n'ai pas le courage de lire toutes les 15 pages précédentes. Évidemment je porterai le brassard noir, évidemment je montrerai les caricatures à mes élèves de collège. C'est vraiment un mini minimum.
Après les attentats contre Charlie Hebdo j'avais aussi porté une cible au niveau du cœur (parce que les professeurs français avaient été désignés comme cibles), affiché plusieurs caricatures dans ma salle et la phrase de la déclaration des droits de l'homme : "tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi".
Cela avait suscité nombre de réactions et de questions de la part de mes élèves, et avait été une occasion de parler de ces broutilles.

Tout à fait d’accord !
Quant à ceux qui se vantent de ne pas avoir été Charlie en 2015, qu’ils passent leur chemin. Ils n’ont toujours rien compris ...

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LadyOlenna
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par LadyOlenna Mar 27 Oct 2020 - 8:32
Je ne comprends pas ce qui vous choque tant dans l'idée qu'il faut des formations. Cela ne résoudra pas tout, certes, mais comme l'expliquait très bien JP Obin hier soir, je pense qu'une formation sur les idées qui circulent chez certains de nos élèves, leurs réseaux d'influence, et comment réagir face à certaines situations concrètes, ce n'est pas du luxe. Personnellement j'en aurais eu bien besoin tant je me suis sentie démunie face à certaines réactions (je pense à mes élèves de 2nde d'il y a deux ans, à qui j'avais montré, entre autres, une mise en scène du Tartuffe par Ariane Mnouckine et qui transposait l'action dans un pays du Moyen Orient). J'ai trouvé des choses à dire pour discuter avec  eux, bien sûr, mais j'étais peu à l'aise et peu sûre de mon fait. J'aurais aimé avoir travaillé sur des analyses de pratiques.
Ponocrates
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par Ponocrates Mar 27 Oct 2020 - 8:52
EdithW a écrit:Une directrice de primaire (REP+), il y a quelques années, a accusé une de mes filles (CE1) d'avoir parlé de Dieu à l'école "ce qui est interdit par l'obligation de laïcité" (en l'occurrence, elle avait répondu négativement à un "tu crois en Dieu, toi?" d'un camarade qui l'a ensuite insultée puis l'a menacée en faisant le signe de l'égorgement affraid ). On était quelques semaines après les attentats de Charlie... Le gamin et ses parents ont été convoqués, mais moi aussi... pour me rappeler qu'on ne parle pas de Dieu à l'école... Donc, oui, c'est TRES utile de rappeler la charte de la laïcité, qui était affichée dans le bureau de cette directrice et où il n'a jamais été question de rayer la question de la religion de l'école, juste de ne pas faire de prosélytisme et d'apprendre à connaître et respecter toutes les croyances. J'étais assez fière de ma fille qui avait ses propres opinions à son jeune âge (la famille étant plutôt catholique tiède)... et j'ai été vraiment dégoûtée par cet épisode affligeant.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas évoquer la charte, seulement qu'à mon sens elle est un aboutissement d'un processus complexe et que, en tant qu'enseignante, j'en ferais le point final et non le point de départ d'une explication de ce qu'est la laïcité. Mais c'est un simple point de vue pédagogique.
Sinon, je ne dirai pas ce que je pense de la directrice, mettant sur le même plan la victime, votre fille, et celui qui menace, ni de son interprétation erronée de ce qu'est la laïcité. Pensées pour votre fille - et ses parents- en revanche, parce que se faire menacer -même pour "rire"- et s'entendre dire que l'on est responsable de ce que l'on a subi...

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Sisyphe
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par Sisyphe Mar 27 Oct 2020 - 8:59
LadyOlenna a écrit:Je ne comprends pas ce qui vous choque tant dans l'idée qu'il faut des formations.

Je crois que s'expriment dans ce rejet à la fois l'idée qu'une formation reçue par Samuel Paty aurait pu permettre d'empêcher son assassinat et la défiance que nous éprouvons généralement face aux "formations éducation nationale". Samuel Paty a été assassiné par un terroriste et rien dans sa manière de transmettre le message n'aurait pu changer cela, si ce n'est peut-être de ne pas aborder le sujet. Mais je repasse dans ma tête mes cours et toutes les fois où j'aurais pu devenir une cible pour avoir parlé de Voltaire et de l'Infâme, de Tartuffe comme toi, des camps d'extermination, de la guerre d'Algérie, de la liberté d'expression en EMC... Je crois que parler de "formation" revient en partie à dire que tous les messages peuvent être reçus quand ils sont formulés correctement. C'est un peu ce que dit le gouvernement quand il s'accuse lui-même d'avoir manqué de "pédagogie" parce que nous refusons telle ou telle réforme. Les terroristes ont très bien compris ce qu'était la tolérance, les Lumières, la liberté de croire ou de ne pas croire. Ils l'ont compris et n'en veulent pas. Aucune formation ne peut faire de nous des professeurs capables de changer cela. Je voudrais que l'on précise cela à chaque fois que revient ce mot "formation".
Pour autant, je reconnais volontiers sur ce forum qu'une véritable formation peut toujours être profitable mais ce n'est que trop rarement le cas dans l'EN. On nous oblige surtout à assister à des formations hors sol et ineptes pour pouvoir dire que nous avons été formés et nous laisser seuls et désormais plus coupables encore de ne pas savoir faire. Qui n'a pas assisté à deux heures de "formation" sur l'autisme, la dyslexie ou le décrochage scolaire pour être ensuite proclamé "spécialiste" de ces questions et recevoir dans ses classes les élèves ayant besoin de ce désormais super prof ?
Notre problème, quand on entend le mot "formation" est que nous n'espérons plus rien. Chaque mot vient irriter un peu plus une plaie profonde.
Volo'
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par Volo' Mar 27 Oct 2020 - 8:59
LadyOlenna a écrit:Je ne comprends pas ce qui vous choque tant dans l'idée qu'il faut des formations. Cela ne résoudra pas tout, certes, mais comme l'expliquait très bien JP Obin hier soir, je pense qu'une formation sur les idées qui circulent chez certains de nos élèves, leurs réseaux d'influence, et comment réagir face à certaines situations concrètes, ce n'est pas du luxe. Personnellement j'en aurais eu bien besoin tant je me suis sentie démunie face à certaines réactions (je pense à mes élèves de 2nde d'il y a deux ans, à qui j'avais montré, entre autres, une mise en scène du Tartuffe par Ariane Mnouckine et qui transposait l'action dans un pays du Moyen Orient). J'ai trouvé des choses à dire pour discuter avec  eux, bien sûr, mais j'étais peu à l'aise et peu sûre de mon fait. J'aurais aimé avoir travaillé sur des analyses de pratiques.

Pour ma part, la question de la formation me donne un goût amer surtout par rapport au déroulé des événements avec Samuel Paty. La question n'est pas s'il a eu un problème lors de son cours puisque manifestement il n'en a pas eu. La question est celle de la formation des personnes autour de l'école : qu'ils soient élèves comme parents.

Amener sur le tapis la formation pour les enseignants, c'est pointer du doigt des défaillances de la part des professeurs. Alors oui, beaucoup de témoignages montrent que certains sujets sont difficiles à discuter dans tel établissement, ayant telle direction, avec telle équipe et tels élèves. Dans un moment où un collègue a été assassiné parce qu'il faisait son boulot, c'est envoyer la patate chaude sur les enseignants et non sur le corps social.

Personnellement, cette question de la formation m'énerve par rapport à cela. Puis qu'ils viennent nous former... quand je vois que j'ai fait des demandes de formation sur Gaia qui ont toutes été refusées.
Zybulka
Zybulka
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par Zybulka Mar 27 Oct 2020 - 9:04
Je rejoins ZeSandman pour dire que si l'on veut évoquer le sujet de la laïcité ou de la liberté d'expres​sion(comme n'importe quel sujet d'ailleurs, sachant qu'en plus pour ces sujets-là se rajoute un fort potentiel polémique, ce qui complique les choses), il ne faut pas se contenter de connaître vaguement la loi de 1905 ou de savoir réciter les valeurs de la république. Généralement, quand j'aborde un sujet avec mes élèves (quel qu'il soit), je m'arrange pour avoir une maîtrise suffisamment complète, ce qui, d'une part, rendra mon discours plus lisible, et d'autre part, me permettra d'être à l'aise face aux élèves, y compris en cas de digression (et encore plus sur ces sujets en cas d'éventuelle contestation malsaine, ce qui est une crainte qui revient souvent). Donc même si je partage l'idée que toute personne au contact avec les élèves doit avoir un bagage minimum en la matière, ça ne veut pas dire pour autant que n'importe quel·le prof est capable de discuter laïcité pendant 1h avec une classe entière.

A cet égard, ça ne me paraît pas absurde que des formations soient proposées sur ce sujet comme sur d'autres qui, bien que non strictement disciplinaires, sont susceptibles de concerner l'ensemble des personnels de l'éducation. En revanche, une formation doit être véritablement formative, donc animée par des professionnel·le·s qui ont justement une connaissance aigüe de tout ce qui concerne leur sujet, idéalement des universitaires qui auront une vue à la fois surplombante et détaillée. En tout cas pas simplement des animateurs qui vont nous demander d'échanger nos savoirs par petits groupes et d'en faire une affiche. Naturellement, une telle formation n'a pas à être imposée, ce serait un camouflet envers tou·te·s les collègues qui s'autoforment sur le sujet ou qui le maîtrisent déjà pour une raison ou pour une autre.

Pour en revenir sur la rentrée, je n'aime pas du tout l'idée de banaliser 2h le lundi matin puis d'enchaîner tout de suite : j'aime avoir le temps de préparer mes cours et de les soigner (surtout encore une fois sur un tel sujet, même si j'ai la chance d'être dans un établissement où a priori le risque de polémique est faible, à mon avis nos élèves seront aussi sidéré·e·s que nous), donc hors de question de préparer un truc sur un coin de table pour ensuite intervenir en duo avec un ou une collègue avec qui je n'ai jamais bossé auparavant !

Et par ailleurs, la mesure que personne (je crois) n'a évoquée mais qui me paraît cruciale, c'est le retour du médicosocial dans nos bahuts : je sais qu'il y a des élèves qui sont secoué·e·s, et ces élèves auront besoin d'une écoute attentive et bienveillante et peut-être d'un accompagnement. Où sont les psychologues et les infirmiers et infirmières dont on a déjà tant besoin en temps normal et dont la présence me paraît indispensable dès lundi dans les établissements, de façon pérenne ? Là pour le coup il me semble que c'est une revendication incontournable et qui devrait nous préoccuper bien avant la polémique (un peu stérile) sur la formation.
epekeina.tes.ousias
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par epekeina.tes.ousias Mar 27 Oct 2020 - 9:16
Ponocrates a écrit: Plus loin l'école est décrite comme un lieu de liberté d'expression  dans la limite du bon fonctionnement de l'École comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions. ah, oui mais " les protège de tout prosélytisme et de toute pression" Donc les élèves peuvent parler de leur religion, mais pas de façon prosélyte et sans faire pression. Le principe je le comprends bien. L'application ? Ben, c'est nettement plus compliqué.

C'est pourtant extrêmement simple. Le prosélytisme, c'est le fait de répandre la foi, de faire des adeptes, de tenter de convertir autrui à ses idées, et de vouloir lui imposer ses convictions. Exprimer ses convictions, c'est autre chose: c'est se limiter à les faire valoir pour soi-même, c'est affirmer une position en limitant sa valeur et son imposition à soi-même.
Donc quelqu'un peut parfaitement dire qu'il a une conviction athée (par ex. matérialiste) ou sceptique (et agnostique) ou catholique (mettons progressiste) ou, etc. C'est une chose totalement différente que de vouloir que tout le monde le soit et d'interdire tout autre conviction — ce qui reviendrait à interdire le pluralisme.

C'est une autre chose en matière politique. Là, disons qu'il est bien possible que la formule de Jean Macé n'ait pas trop vieilli: “l'instituteur ne fait pas des élections, il fait des électeurs”.

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par Cléopatra2 Mar 27 Oct 2020 - 9:20
Personne n'a parlé de faire un cours d'1h sur la laïcité ou autre, hein, mais d'aborder le sujet avec les élèves en rappelant les principes de la république.  J'adore les collègues qui disent que ça ne les intéresse pas de parler des institutions et de la laïcité en classe. Si vous croyez que ça me passionne, moi, mais alors pas du tout.
Mon conjoint est prof de maths et il peut faire un topo basique aux élèves et avouer "je ne sais pas" lorsque les questions deviennent trop pointues.
Là, vous savez que potentiellement vous aurez à en parler lundi. Il faut donc aller chercher des infos et ça ça fait partie de la formation initiale de prof, il me semble.
Lady Olenna. Les formations qui nous parleraient de radicalisation chez nos élèves, je ne crois pas qu'elles existent. Et ce n'est pas la même chose que ce qui était sous-entendu lorsque les gens disaient que les profs n'étaient pas formés, c'est-à-dire qu'ils font de mauvais cours.
Ponocrates
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par Ponocrates Mar 27 Oct 2020 - 9:26
epekeina.tes.ousias a écrit:
Ponocrates a écrit: Plus loin l'école est décrite comme un lieu de liberté d'expression  dans la limite du bon fonctionnement de l'École comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions. ah, oui mais " les protège de tout prosélytisme et de toute pression" Donc les élèves peuvent parler de leur religion, mais pas de façon prosélyte et sans faire pression. Le principe je le comprends bien. L'application ? Ben, c'est nettement plus compliqué.

C'est pourtant extrêmement simple. Le prosélytisme, c'est le fait de répandre la foi, de faire des adeptes, de tenter de convertir autrui à ses idées, et de vouloir lui imposer ses convictions. Exprimer ses convictions, c'est autre chose: c'est se limiter à les faire valoir pour soi-même, c'est affirmer une position en limitant sa valeur et son imposition à soi-même.
Donc quelqu'un peut parfaitement dire qu'il a une conviction athée (par ex. matérialiste) ou sceptique (et agnostique) ou catholique (mettons progressiste) ou, etc. C'est une chose totalement différente que de vouloir que tout le monde le soit et d'interdire tout autre conviction — ce qui reviendrait à interdire le pluralisme.

C'est une autre chose en matière politique. Là, disons qu'il est bien possible que la formule de Jean Macé n'ait pas trop vieilli: “l'instituteur ne fait pas des élections, il fait des électeurs”.
En tant qu'adulte, je comprends parfaitement la distinction - merci bien Wink - et je sais ce que je peux/dois dire. Mais Cléopatra2 nous a bien montré l'exemple d'une directrice qui visiblement ne la faisait pas, cette distinction, pour les propos des élèves. Et dans un groupe d'adolescents, avec le phénomène de pression des pairs, l'expression d'une conviction répétée par une groupe - majoritaire ou minoritaire peu importe- qui monopolise la parole, même si c'est seulement l'affirmation de convictions personnelles, quand c'est empilé, cela va à la limite du prosélytisme.
C'est comme les petites remarques, genre, à une élève qui mange un truc ou boit un café "Mais, euh, toi t'es pas musulmane ?" En période de ramadan, c'est une manière de vouloir mettre au pas, ramener dans les rangs de l'orthodoxie de la pratique. C'est insidieux, ne tombe pas vraiment sous le coup de la loi- ce qui ne m'empêche pas si je l'entends directement d'intervenir en disant que chacun fait ce qu'il veut.
C'est pour cela que la théorie est extrêmement simple, mais que l'application est plus complexe.

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par Isis39 Mar 27 Oct 2020 - 9:27
J’ai eu une formation de formateurs sur le complotisme et la radicalisation. Dommage que ça ne soit pas généralisé et offert à tous.
Ponocrates
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par Ponocrates Mar 27 Oct 2020 - 9:36
Cléopatra2 a écrit:Personne n'a parlé de faire un cours d'1h sur la laïcité ou autre, hein, mais d'aborder le sujet avec les élèves en rappelant les principes de la république.  J'adore les collègues qui disent que ça ne les intéresse pas de parler des institutions et de la laïcité en classe. Si vous croyez que ça me passionne, moi, mais alors pas du tout.
Mon conjoint est prof de maths et il peut faire un topo basique aux élèves et avouer "je ne sais pas" lorsque les questions deviennent trop pointues.
Là, vous savez que potentiellement vous aurez à en parler lundi. Il faut donc aller chercher des infos et ça ça fait partie de la formation initiale de prof, il me semble.
Lady Olenna. Les formations qui nous parleraient de radicalisation chez nos élèves, je ne crois pas qu'elles existent. Et ce n'est pas la même chose que ce qui était sous-entendu lorsque les gens disaient que les profs n'étaient pas formés, c'est-à-dire qu'ils font de mauvais cours.
Là pour le coup, je rejoindrais Tangleding sur le fait que chaque enseignant doit être maître de son cours. Si c'est juste pour faire passer un message en mode robot "la laïcité c'est bon, mangez-en", ben désolée, ce n'est pas ma façon d'exercer ce métier. J'ai besoin de m'approprier les choses, de les maîtriser avant d'en parler et je doute d'être la seule. Je ne crois pas que le recul des collègues soit lié au fait que cela ne les intéresse pas, mais plutôt qu'ils ne se sentent pas légitimes pour évoquer ces questions - et cela pose, quand même, la question de la formation de l'ensemble des collègues à ce que c'est que la République -souvenir vague et brumeux d'une après-midi de formation IUFM annulée sous un prétexte fumeux et je crois que l'on a eu deux pages de photocopies à la place de ce cours- la laïcité et être fonctionnaire. Alors, bien sûr, ils ont une semaine - de vacances...- pour préparer cette intervention. Et encore une fois, pour ceux qui ont un esprit scientifique plus que littéraire, "aller chercher l'information" dans les textes de loi, désolée, cela ne va pas de soi- et en ce qui me concerne si on m'intimait l'ordre d'aller me former en thermodynamique ou en médecine -pour parler du Coronavirus ( mauvais exemple j'aime la bio, mais je pense que vous voyez ce que je veux dire)...

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par epekeina.tes.ousias Mar 27 Oct 2020 - 9:58
Ponocrates a écrit:Mais Cléopatra2 nous a bien montré l'exemple d'une directrice qui visiblement ne la faisait pas, cette distinction, pour les propos des élèves.
Et que personne n'a songé à reprendre: ce que j'aurais fait, pour ma part…

Et dans un groupe d'adolescents, avec le phénomène de pression des pairs, l'expression d'une conviction répétée par une groupe - majoritaire ou minoritaire peu importe- qui monopolise la parole, même si c'est seulement l'affirmation de convictions personnelles, quand c'est empilé, cela va à la limite du prosélytisme.
Mais là, tu parles d'autre chose. Tu parles, d'une part, de la force des tendances sectaires chez les adolescents — et, de l'autre, de leur hypocrisie et de leur déni. Il ne s'agit plus d'explication — il s'agit de normes et d'interdits: aucune explication n'a jamais fait “changer d'avis” un croyant, un prosélyte (et d'ailleurs, une explication fait très rarement changer d'avis qui que ce soit sur quoi que ce soit). Elle ne sert que de justification et de fondement à des actes.

C'est comme les petites remarques, genre, à une élève qui mange un truc ou boit un café "Mais, euh, toi t'es pas musulmane ?" En période de ramadan, c'est une manière de vouloir mettre au pas, ramener dans les rangs de l'orthodoxie de la pratique.
Ce ne sont pas des “petites remarques”: c'est du prosélytisme

C'est insidieux, ne tombe pas vraiment sous le coup de la loi- ce qui ne m'empêche pas si je l'entends directement d'intervenir en disant que chacun fait ce qu'il veut.
Ça tombe d'abord sous le coup d'une explication pour signifier à cette élève que ce qu'elle fait est strictement interdit, qu'elle ferait mieux de se taire et qu'elle n'a pas à imposer ses opinions aux autres.
Ça tombe, éventuellement, si elle insiste, sous le coup de l'interdiction de prosélytisme, mais, plus précisément: ça tombe dans l'espace infini des lâchetés et des démissions de l'institution scolaire depuis 30 ans…
Quant à l'argument disant que “chacun fait ce qu'il veut” il n'a aucune valeur et aucun sens: la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas, mais à ne pouvoir faire que, de sorte que ses limites sont déterminées par les lois dont l'objet est d'interdire les actions nuisibles à la société, càd aux individus qui y vivent.

C'est pour cela que la théorie est extrêmement simple, mais que l'application est plus complexe.
Pour ce que j'en sais depuis 35 ans, la théorie est extrêmement simple — ne serait-ce que parce qu'elle est réputée n'avoir aucune valeur et aucune importance (le cas de la directrice que tu as évoqué en témoigne: elle a tellement peur de “faire des problèmes” qu'elle trahit les principes, ce qui prouvent qu'ils ne comptent pas).
En revanche, l'application n'est pas du tout complexe, elle est aussi très simple: il suffit de fermer les yeux pour… ne pas les appliquer: car les “appliquer”, ça n'est pas une question d'explication, c'est une question de norme et d'imposition des normes. C'est ce que fait l'institution depuis 30 ans, voire plus, ainsi qu'une bonne partie de la société, de l'opinion publique et des parents. Ça n'a strictement rien à voir avec “la théorie”: ça a tout à voir avec le fait massif et évident que les principes les plus fondamentaux sont tenus pour n'être “que de la théorie”. C'est qu'il n'existe, en réalité, aucune loi, aucune norme qui “s'applique”: il n'existe que des lois, des normes, des règlements, etc. que certaines personnes imposent. Les conduites ne sont pas les déductions pratiques de lois qui seraient comme des théories.
Et donc, ce n'est pas de “théories” qu'il s'agit: ce sont des convictions de base de toute vie démocratique, càd une condition nécessaire. Certaines sont des idéologies, parfois meurtrières et fanatiques, d'autres sont susceptibles d'être éclairées par un travail rationnel de réflexion critique (mais ce travail suppose d'avoir renoncé aux armes du meurtre). De sorte qu'on ne peut les invoquer que quand la très très grande majorité les partage. Et que, dès qu'une minorité les déteste et est prête à prendre les armes pour cela, l'affirmation de ces convictions, si elle reste une condition nécessaire, est tout sauf suffisante.

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par Guermantes729 Mar 27 Oct 2020 - 10:13
epekeina.tes.ousias a écrit:
Ponocrates a écrit:Mais Cléopatra2 nous a bien montré l'exemple d'une directrice qui visiblement ne la faisait pas, cette distinction, pour les propos des élèves.
Et que personne n'a songé à reprendre: ce que j'aurais fait, pour ma part…

Et dans un groupe d'adolescents, avec le phénomène de pression des pairs, l'expression d'une conviction répétée par une groupe - majoritaire ou minoritaire peu importe- qui monopolise la parole, même si c'est seulement l'affirmation de convictions personnelles, quand c'est empilé, cela va à la limite du prosélytisme.
Mais là, tu parles d'autre chose. Tu parles, d'une part, de la force des tendances sectaires chez les adolescents — et, de l'autre, de leur hypocrisie et de leur déni. Il ne s'agit plus d'explication — il s'agit de normes et d'interdits: aucune explication n'a jamais fait “changer d'avis” un croyant, un prosélyte (et d'ailleurs, une explication fait très rarement changer d'avis qui que ce soit sur quoi que ce soit). Elle ne sert que de justification et de fondement à des actes.

C'est comme les petites remarques, genre, à une élève qui mange un truc ou boit un café "Mais, euh, toi t'es pas musulmane ?" En période de ramadan, c'est une manière de vouloir mettre au pas, ramener dans les rangs de l'orthodoxie de la pratique.
Ce ne sont pas des “petites remarques”: c'est du prosélytisme

C'est insidieux, ne tombe pas vraiment sous le coup de la loi- ce qui ne m'empêche pas si je l'entends directement d'intervenir en disant que chacun fait ce qu'il veut.
Ça tombe d'abord sous le coup d'une explication pour signifier à cette élève que ce qu'elle fait est strictement interdit, qu'elle ferait mieux de se taire et qu'elle n'a pas à imposer ses opinions aux autres.
Ça tombe, éventuellement, si elle insiste, sous le coup de l'interdiction de prosélytisme, mais, plus précisément: ça tombe dans l'espace infini des lâchetés et des démissions de l'institution scolaire depuis 30 ans…
Quant à l'argument disant que “chacun fait ce qu'il veut” il n'a aucune valeur et aucun sens: la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas, mais à ne pouvoir faire que, de sorte que ses limites sont déterminées par les lois dont l'objet est d'interdire les actions nuisibles à la société, càd aux individus qui y vivent.

C'est pour cela que la théorie est extrêmement simple, mais que l'application est plus complexe.
Pour ce que j'en sais depuis 35 ans, la théorie est extrêmement simple — ne serait-ce que parce qu'elle est réputée n'avoir aucune valeur et aucune importance (le cas de la directrice que tu as évoqué en témoigne: elle a tellement peur de “faire des problèmes” qu'elle trahit les principes, ce qui prouvent qu'ils ne comptent pas).
En revanche, l'application n'est pas du tout complexe, elle est aussi très simple: il suffit de fermer les yeux pour… ne pas les appliquer: car les “appliquer”, ça n'est pas une question d'explication, c'est une question de norme et d'imposition des normes. C'est ce que fait l'institution depuis 30 ans, voire plus, ainsi qu'une bonne partie de la société, de l'opinion publique et des parents. Ça n'a strictement rien à voir avec “la théorie”: ça a tout à voir avec le fait massif et évident que les principes les plus fondamentaux sont tenus pour n'être “que de la théorie”. C'est qu'il n'existe, en réalité, aucune loi, aucune norme qui “s'applique”: il n'existe que des lois, des normes, des règlements, etc. que certaines personnes imposent. Les conduites ne sont pas les déductions pratiques de lois qui seraient comme des théories.
Et donc, ce n'est pas de “théories” qu'il s'agit: ce sont des convictions de base de toute vie démocratique, càd une condition nécessaire. Certaines sont des idéologies, parfois meurtrières et fanatiques, d'autres sont susceptibles d'être éclairées par un travail rationnel de réflexion critique (mais ce travail suppose d'avoir renoncé aux armes du meurtre). De sorte qu'on ne peut les invoquer que quand la très très grande majorité les partage. Et que, dès qu'une minorité les déteste et est prête à prendre les armes pour cela, l'affirmation de ces convictions, si elle reste une condition nécessaire, est tout sauf suffisante.

Merci epekeina.tes.ousias

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par Ponocrates Mar 27 Oct 2020 - 10:29
epekeina.tes.ousias a écrit:
Ponocrates a écrit:Mais Cléopatra2 nous a bien montré l'exemple d'une directrice qui visiblement ne la faisait pas, cette distinction, pour les propos des élèves.
Et que personne n'a songé à reprendre: ce que j'aurais fait, pour ma part…
J'ignore ce qu'a fait ou non Cléopatra2

epekeina.tes.ousias a écrit:
Et dans un groupe d'adolescents, avec le phénomène de pression des pairs, l'expression d'une conviction répétée par une groupe - majoritaire ou minoritaire peu importe- qui monopolise la parole, même si c'est seulement l'affirmation de convictions personnelles, quand c'est empilé, cela va à la limite du prosélytisme.
Mais là, tu parles d'autre chose. Tu parles, d'une part, de la force des tendances sectaires chez les adolescents — et, de l'autre, de leur hypocrisie et de leur déni. Il ne s'agit plus d'explication — il s'agit de normes et d'interdits: aucune explication n'a jamais fait “changer d'avis” un croyant, un prosélyte (et d'ailleurs, une explication fait très rarement changer d'avis qui que ce soit sur quoi que ce soit). Elle ne sert que de justification et de fondement à des actes.
Il ne s'agit pas de faire changer d'avis un croyant, seulement d'indiquer quelles sont les limites dans les faits. De mon point de vue, dans certain cas l'affirmation d'une croyance a un caractère prosélyte. Sauf que ce n'est pas ce dit la loi.
epekeina.tes.ousias a écrit:
C'est comme les petites remarques, genre, à une élève qui mange un truc ou boit un café "Mais, euh, toi t'es pas musulmane ?" En période de ramadan, c'est une manière de vouloir mettre au pas, ramener dans les rangs de l'orthodoxie de la pratique.
Ce ne sont pas des “petites remarques”: c'est du prosélytisme
Sur l'esprit, je suis d'accord et je le dis. Dans les faits, il est facile à la personne qui dit cela de se retrancher derrière l'innocuité de la demande- "je voulais juste savoir"- Le caractère prosélyte dépend du contexte qui fait l'implicite.
epekeina.tes.ousias a écrit:
C'est insidieux, ne tombe pas vraiment sous le coup de la loi- ce qui ne m'empêche pas si je l'entends directement d'intervenir en disant que chacun fait ce qu'il veut.
Ça tombe d'abord sous le coup d'une explication pour signifier à cette élève que ce qu'elle fait est strictement interdit, qu'elle ferait mieux de se taire et qu'elle n'a pas à imposer ses opinions aux autres.
Non, il n'est pas interdit à un élève de demander à un autre quelle est sa religion.- Sinon la directrice sus-citée aurait eu raison et évidemment elle a tort. Il est licite de parler de religion et d'évoquer la sienne à l'école. Et même si je suis d'accord qu'il s'agit d'imposer son opinion, ce n'est pas fait explicitement. Si on va au tribunal administratif avec cela, à mon avis c'est du quitte ou double en fonction du juge...
epekeina.tes.ousias a écrit:
Ça tombe, éventuellement, si elle insiste, sous le coup de l'interdiction de prosélytisme, mais, plus précisément: ça tombe dans l'espace infini des lâchetés et des démissions de l'institution scolaire depuis 30 ans…
Quant à l'argument disant que “chacun fait ce qu'il veut” il n'a aucune valeur et aucun sens: la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas, mais à ne pouvoir faire que, de sorte que ses limites sont déterminées par les lois dont l'objet est d'interdire les actions nuisibles à la société, càd aux individus qui y vivent.
Quand j'interviens je souffle dans les bronches, évoque la police religieuse qui n'a pas sa place dans un établissement scolaire, l'interdiction de prosélytisme etc. Ma remarque ici était synthétique. Sauf que je sais très bien qu'en faisant cela, je m'expose à des problèmes.

epekeina.tes.ousias a écrit:
C'est pour cela que la théorie est extrêmement simple, mais que l'application est plus complexe.
Pour ce que j'en sais depuis 35 ans, la théorie est extrêmement simple — ne serait-ce que parce qu'elle est réputée n'avoir aucune valeur et aucune importance (le cas de la directrice que tu as évoqué en témoigne: elle a tellement peur de “faire des problèmes” qu'elle trahit les principes, ce qui prouvent qu'ils ne comptent pas).
En revanche, l'application n'est pas du tout complexe, elle est aussi très simple: il suffit de fermer les yeux pour… ne pas les appliquer: car les “appliquer”, ça n'est pas une question d'explication, c'est une question de norme et d'imposition des normes. C'est ce que fait l'institution depuis 30 ans, voire plus, ainsi qu'une bonne partie de la société, de l'opinion publique et des parents. Ça n'a strictement rien à voir avec “la théorie”: ça a tout à voir avec le fait massif et évident que les principes les plus fondamentaux sont tenus pour n'être “que de la théorie”. C'est qu'il n'existe, en réalité, aucune loi, aucune norme qui “s'applique”: il n'existe que des lois, des normes, des règlements, etc. que certaines personnes imposent. Les conduites ne sont pas les déductions pratiques de lois qui seraient comme des théories.
Et donc, ce n'est pas de “théories” qu'il s'agit: ce sont des convictions de base de toute vie démocratique, càd une condition nécessaire. Certaines sont des idéologies, parfois meurtrières et fanatiques, d'autres sont susceptibles d'être éclairées par un travail rationnel de réflexion critique (mais ce travail suppose d'avoir renoncé aux armes du meurtre). De sorte qu'on ne peut les invoquer que quand la très très grande majorité les partage. Et que, dès qu'une minorité les déteste et est prête à prendre les armes pour cela, l'affirmation de ces convictions, si elle reste une condition nécessaire, est tout sauf suffisante.
Je ne ferme pas les yeux, merci, sauf que la guérilla contre la laïcité est permanente, sournoise et insidieuse, et que, pour être honnête, j'ai l'impression parfois qu'il n'y a que les enseignants à la mener. Et si, dans les faits, les revendications franches et tombant sous le coup de la loi, sont infiniment moins nombreuses que les micro-accrocs qui peuvent toujours faire l'objet - par l'Institution, un juge- d'interprétation a minima avec un "ce n'est pas grave".

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par micaschiste Mar 27 Oct 2020 - 10:34

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par Ponocrates Mar 27 Oct 2020 - 10:41
micaschiste a écrit:  
Non mais quel culot ! La fraternité cela commence par ne pas égorger les gens pour un bout de papier.
Benjamin Franklin a écrit:They who can give up essential liberty to obtain a little temporary safety, deserve neither liberty nor safety.'
Ce n'est pas en français, mais c'est bien ma pensée.

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par epekeina.tes.ousias Mar 27 Oct 2020 - 11:11
Ponocrates a écrit:
Non, il n'est pas interdit à un élève de demander à un autre quelle est  sa religion.- Sinon la directrice sus-citée aurait eu raison et évidemment elle a tort. Il est licite de parler de religion et d'évoquer la sienne à l'école.  Et même si je suis d'accord qu'il s'agit d'imposer son opinion, ce n'est pas fait explicitement. Si on va au tribunal administratif avec cela, à mon avis c'est du quitte ou double en fonction du juge...

Mais j'en suis tout à fait d'accord.
Tout dépend du sens de l'expression “demander à un autre quelle est sa religion”: si c'est une simple question de curiosité dans une conversation informelle, ça n'est à l'évidence pas un problème. Si "demander quelle est la religion” signifie “demander des comptes en matière de religion”, c'est à l'évidence une transgression grave.
Et la question de l'interprétation suppose celle-ci: “qui” interprète? La réponse étant: le prof. Et entendons-nous, il ne s'agit pas de culpabilisation, mais bien d'un fait. Fait auquel correspond un autre fait durement éprouvé par les profs: ils sont massivement déconsidérés au moment même où on les charge de procéder à cette interprétation. Tu évoques la possibilité d'un TA: c'est très exactement ce dont je parle: a priori et a posteriori, le prof qui fait son travail s'attend à se retrouver tout seul face aux recours aux lois, règles, etc. dont il sera fait usage contre lui. Où sont ceux qui devraient faire usage de la lois pour eux?


Quand j'interviens je souffle dans les bronches, évoque la police religieuse qui n'a pas sa place dans un établissement scolaire, l'interdiction de prosélytisme etc. Ma remarque ici était synthétique. Sauf que je sais très bien qu'en faisant cela, je m'expose à des problèmes.

Oui: c'est aussi ce que je dis. Le fait même de s'exposer à des problèmes vient de l'absence de réelle protection des lois — lois qui pourtant existent: ce qui signifie que ceux qui ont le pouvoir de faire respecter les lois ne le font pas.

Je ne ferme pas les yeux, merci, sauf que la guérilla contre la laïcité est permanente, sournoise et insidieuse, et que, pour être honnête, j'ai l'impression parfois qu'il n'y a que les enseignants à la mener. Et si, dans les faits, les revendications franches et tombant sous le coup de la loi, sont infiniment moins nombreuses que les micro-accrocs qui peuvent toujours faire l'objet - par l'Institution, un juge- d'interprétation a minima avec un "ce n'est pas grave".

Mais entendons-nous bien, je suis totalement d'accord avec ce que tu dis (et que j'entends massivement, et de plus en plus, si jamais j'écope de formation continue!): je ne parle pas du tout d'un aveuglement des profs! Pour le coup, s'il y a encore des gens qui ont parfaitement conscience des difficultés, ce sont eux, ne serait-ce que parce qu'ils prennent tout en pleine figure et très régulièrement. Pas tous, sans doute, pas partout, plus ou moins, mais en tout cas au moins implicitement et insidieusement, comme tu le dis, comme d'une sorte d'état de fait.
Je parle de l'aveuglement des politiques et des autorités administratives. Et je parle des véritables autorités administratives, celles qui ont un réel pouvoir de sanction — et certainement pas des chefs d'établissement, qui écopent de la même difficulté. C'est un aveuglement intrinsèque de l'institution elle-même, et de ses autorités détentrices de pouvoir.
De sorte que celles-ci ont, depuis longtemps, pris pour habitude de négliger tous les micros-accrocs (voire plus, si affinité) dont tu parles, en décidant d'affirmer que “ce n'est pas grave” (variantes: ce sont des gamins, on sait bien ce que c'est que la jeunesse, il faut être patient, toutes considérations qui, pour ne pas être fausses, passent à côté de l'essentiel): les profs savent très bien que, justement, si, c'est très grave; ils savent pertinemment que certains élèves rusent avec la règle, qu'ils tournent autour d'elle comme d'une limite à transgresser en faisant et disant tout ce qu'ils peuvent pour aller juste “un peu” trop loin, parce que ce qu'ils ont en visée, c'est de se payer le prof. Et ils voient de façon évidente que, lorsque le cas se produit, la seule possibilité, c'est de trancher par la sanction: sauf qu'il est totalement impossible de sanctionner quand on est seul, toute loi supposant, pour être imposée, l'acquiescement explicite d'une société qui lui prête sa force. Par conséquent, de façon non pas unanime mais courrante, l'institution exige, au moins implicitement, que les profs se tapent le sale boulot de la sanction, qu'ils se risquent à juger, mais sans assurance, en se gardant très souvent de tout acte de soutien et de solidarité. Car enfin, qu'un prof puisse abuser de son pouvoir, on sait depuis longtemps que le cas peut se produire, qu'il n'est pas impossible: de là à postuler, même implicitement, que c'est toujours possiblement le cas…
Ça revient un peu, après avoir amputé quelqu'un d'un bras, d'exiger qu'il soulève des altères.

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par Ponocrates Mar 27 Oct 2020 - 11:16
+1000...

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par chmarmottine Mar 27 Oct 2020 - 11:32
Tangleding
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par Tangleding Mar 27 Oct 2020 - 12:07
MUTIS a écrit:
F.Lemoine a écrit:Je n'ai pas le courage de lire toutes les 15 pages précédentes. Évidemment je porterai le brassard noir, évidemment je montrerai les caricatures à mes élèves de collège. C'est vraiment un mini minimum.
Après les attentats contre Charlie Hebdo j'avais aussi porté une cible au niveau du cœur (parce que les professeurs français avaient été désignés comme cibles), affiché plusieurs caricatures dans ma salle et la phrase de la déclaration des droits de l'homme : "tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi".
Cela avait suscité nombre de réactions et de questions de la part de mes élèves, et avait été une occasion de parler de ces broutilles.

Tout à fait d’accord !
Quant à ceux qui se vantent de ne pas avoir été Charlie en 2015, qu’ils passent leur chemin. Ils n’ont toujours rien compris ...
Qu'entends tu par "être Charlie" ? Dans 99% des cas cette phrase ne veut rien dire ou est erronée.

Personne d'autre que Samuel Paty n'est lui. Je suis son collègue et c'est pour moi un honneur et une peine supplémentaire. Ceux qui se prétendent lui commettent une faute discursive qui est peut-être une faute morale.

Pourquoi parles tu de "se vanter". Il n'y a que des affirmations ici.

J'ai manifesté en 2015 à République. D'autres n'y sont pas allés et faisaient remarquer que cela ne changerait rien.

Force est de constater qu'ils avaient raison.

Non seulement le terrorisme est toujours là.

Mais il est devenu impossible de décoller des caricatures qui n'ont jamais été faites pour le crime des meurtres commis au nom de ce dont elles se moquent.

Belle victoire de la raison. Et continuons à en faire des symboles alors qu'elles ne sont qu'un exemple tragique des risques que l'on peut malheureusement rencontrer en faisant usage de notre liberté d'expression.

Aujourd'hui c'est critiquer l'islam qui expose le plus, à d'autres époques d'autres idées exposaient, et demain ce sera peut-être encore une autre idée. Et il faudra toujours défendre la liberté d'expression, qui est une de nos libertés fondamentales.

Cette liberté n'est pas spécifiquement la liberté de critiquer l'islam. Il importe de le rappeler, surtout quand des idéologues meurtriers tentent de faire croire le contraire.

Notre flou et nos raccourcis nourrissent l'ennemi. Je suis pour une pensée claire, rationnelle, pas pour le brouillard de l'émotion, même si l'émotion est légitime face à l'horreur que nous vivons.

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Plutôt que de se battre pour des miettes et des contraintes:
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par nc33 Mar 27 Oct 2020 - 13:10
Rosanette a écrit:
Tu peux estimer que ton rôle est de dire Bonjour et de reprendre là où vous en étiez restés deux semaines auparavant mais ça signifie que tu délègues une responsabilité à d'autres collègues sur des points où tu es censé être autant outillé que n'importe quel citoyen éduqué.
Voila pour le rôle que j'ai accepté en échange de rémunération (et non ce n'est pas bien triste, j'aime transmettre cette matière).
Cléopatra2 a écrit:
On est tous censés avoir lu la charte de la laïcité à l'école, hein, et la liberté d'expression c'est dans la DDHC, donc ça va, c'est pas trop compliqué la base du discours à faire aux élèves.
Je ne pense pas que la réponse à cet acte terroriste soit forcément un discours programmé le 2. Ce n'est ni la seule option ni un impératif (moral/professionnel etc). En attendant je vais profiter de mes vacances, sans chercher à me renseigner sur ce genre de sujets que je ne maîtrise pas assez (ce qui n'est toujours pas bien triste, des collègues survivront sans chercher à combler des lacunes en sciences).
Cléopatra2 a écrit:
Là, vous savez que potentiellement vous aurez à en parler lundi. Il faut donc aller chercher des infos et ça ça fait partie de la formation initiale de prof, il me semble.
Personne ne pourra nous forcer non plus (si aurez est à valeur impérative).
fanette a écrit:Mais franchement, leur expliquer en quelques mots l'horreur de cet assassinat et en quoi c'est un symbole fort, nous pouvons tous le faire, non ? Vous n'abordez jamais aucun sujet en dehors de votre discipline avec vos élèves ?
Non jamais de digression.
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par Rosanette Mar 27 Oct 2020 - 13:31
nc33 a écrit:
Rosanette a écrit:
Tu peux estimer que ton rôle est de dire Bonjour et de reprendre là où vous en étiez restés deux semaines auparavant mais ça signifie que tu délègues une responsabilité à d'autres collègues sur des points où tu es censé être autant outillé que n'importe quel citoyen éduqué.
Voila pour le rôle que j'ai accepté en échange de rémunération (et non ce n'est pas bien triste, j'aime transmettre cette matière).

C'est beau de se bercer de sa mission première, mais je peux le poser autrement : si un gamin a malgré tout une parole malheureuse, ou juste t'interpelle sur le sujet, quelle que soit ta réponse/réaction, tu sortiras de ta matière ; comme un gamin peut avoir une parole malheureuse ou t'interpeller sur un autre sujet à d'autres moments. Si tu entends quelque chose qui n'a pas lieu d'être dans une salle de classe (et pas juste une salle de maths/de langues,...), tu sortiras de ta matière. Ou plutôt, ne rien faire dans ce genre de cas ne doit pas amener à croire qu'on se contente de faire son travail.
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par epekeina.tes.ousias Mar 27 Oct 2020 - 13:34
nc33 a écrit:Je ne pense pas que la réponse à cet acte terroriste soit forcément un discours programmé le 2. Ce n'est ni la seule option ni un impératif (moral/professionnel etc). En attendant je vais profiter de mes vacances, sans chercher à me renseigner sur ce genre de sujets que je ne maîtrise pas assez (ce qui n'est toujours pas bien triste, des collègues survivront sans chercher à combler des lacunes en sciences).

Sauf que l'on pourrait te répondre, d'une part, que le silence le plus absolu vaut difficilement en seule “réponse” et, d'autre part, que si nul n'est tenu de maîtriser toutes les disciplines (je ne réclame pas plus que tous s'y connaissent en philosophie que je ne me sens tenu de m'y connaître en mathématiques), il existe cependant des choses que l'on ne peut ignorer…

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par chmarmottine Mar 27 Oct 2020 - 13:37
France info a écrit:La rentrée des vacances de la Toussaint sera décalée à 10 heures, lundi, dans tous les établissements scolaires, pour laisser aux professeurs le temps de préparer l'hommage à Samuel Paty, le professeur décapité, indique le ministère de l'Education nationale. Evidemment, cette information reste valable sous réserve que les décisions prises face au Covid-19 ne bouleversent pas la donne d'ici là.
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par micaschiste Mar 27 Oct 2020 - 13:40
chmarmottine a écrit:
France info a écrit:La rentrée des vacances de la Toussaint sera décalée à 10 heures, lundi, dans tous les établissements scolaires, pour laisser aux professeurs le temps de préparer l'hommage à Samuel Paty, le professeur décapité, indique le ministère de l'Education nationale. Evidemment, cette information reste valable sous réserve que les décisions prises face au Covid-19 ne bouleversent pas la donne d'ici là.
Faire une grande réunion avec tous les profs dans une salle, quelle bonne idée d'organisation dans le contexte sanitaire actuel. Brassard Noir en hommage à Samuel Paty : organisation de la reprise du 2 novembre - Page 16 1665347707

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