- ProfMINiveau 3
Bonjour,
Je suis à la recherche de formations et de revues scientifiques concernant l'innovation pédagogique.
Si vous avez en tête des chercheurs (en France ou à l'international) qui exercent dans ce domaine, je suis également intéressé.
Merci.
Je suis à la recherche de formations et de revues scientifiques concernant l'innovation pédagogique.
Si vous avez en tête des chercheurs (en France ou à l'international) qui exercent dans ce domaine, je suis également intéressé.
Merci.
- beaverforeverNeoprof expérimenté
Est-ce que l'innovation pédagogique est un champ de recherche ? Et si oui, est-il pertinent ?
Quand j'entends parler d'innovation pédagogique, j'ai l'impression que l'on entend par là des nouvelles pratiques qui seraient supérieures aux anciennes ou aux actuelles. Il suffirait de connaître les méthodes innovantes pour remplacer les anciennes. Or c'est oublier que la pratique de l'enseignement a plusieurs milliers d'années et que nous avons eu le temps d'explorer bien des manières de faire la classe. Ce qui est présenté comme une innovation est bien souvent une réécriture d'une pratique ancienne.
La pratique actuelle dominante en histoire géographie en lycée - qui mélange cours dialogué, moments de travail des élèves et cours magistral, avec des évaluations de fin de chapitre résumées par des notes sur vingt dans le bulletin trimestriel - me semble être le résultat des contraintes de temps, de programmes et d'évaluations chiffrées plutôt que de la méconnaissance d'autres méthodes. Il est bien sûr possible d'utiliser d'autres méthodes, qui ne sont pas innovantes mais connues depuis bien longtemps, mais cela implique pour le professionnel de s'imposer un deuxième système de contraintes. Finalement, il me semble que peu de collègues font ce choix (mais je n'ai pas les données pour en être certain). Sans doute la masse de travail supplémentaire, le manque de reconnaissance, la difficulté de mesurer les effets de ces pratiques et l'isolement professionnel rendent cette évolution difficile.
C'est pourquoi, je pense qu'il faut éviter de parler d'innovation pédagogique. Il faudrait parler de progrès, d'adaptation et d'optimisation pédagogiques, voire de développement professionnel enseignant et surtout d'expertise enseignante et pédagogique. Comme le disait Elon Musk "La meilleure pièce de votre fusée, c'est celle que vous pouvez supprimer.", et pour moi, un enseignant expert c'est celui qui est assez savant pour supprimer les pratiques pédagogiques inutiles ou néfastes, y compris celles qui peuvent être présentées comme des innovations, et se concentre sur les pratiques les plus adaptées aux contraintes du système éducatif et qui maximisent l'apprentissage durable des élèves.
Alors, tu me diras : "C'est sympa, mais c'est vague et cela ne répond pas à ma question" et tu auras en partie raison. Ceci dit, cela permet de s'orienter : si une publication présente une innovation sans proposer une mesure des effets sur l'apprentissage durable des élèves, ou propose une mesure méthodologiquement médiocre, c'est un indicateur qu'il s'agit d'une pièce de fusée inutile.
Pour s'orienter entre les pratiques pédagogiques plus ou moins efficaces (et non anciennes ou innovantes), je te conseille les travaux de John Hattie, qui a mené une synthèse de méta-analyses en éducation. Si cette synthèse s'intéresse à différents facteurs structurels (emplois du temps, durée des vacances, rôles des chefs d'établissement...), elle étudie aussi des pratiques pédagogiques parfois présentées comme des innovations. Par exemple, la méthode globale de lecture fait progresser les élèves de 0,06 écart type (c'est très mauvais), mettre de la musique d'ambiance donne 0,1 (c'est très mauvais), faire de l'humour c'est 0,04 (c'est très mauvais), donner aux élèves le contrôle de leur apprentissage c'est 0,02 (c'est très mauvais), par contre enseigner les stratégies de transfert c'est 0,86 (c'est très bon), mettre en place des discussions de classe c'est 0,82 ou étayer le travail des élèves c'est 0,82 (c'est très bon). (Je précise que pour comprendre à quoi correspond chaque facteur, il faut impérativement lire au minimum sa présentation dans le livre d'origine, sans quoi on risque de sauter à la conclusion et au contre sens.)
Évidemment, ça serait cool s'il suffisait de prendre les dix meilleurs facteurs et de les appliquer mécaniquement pour optimiser sa pratique. Mais, c'est impossible, car il s'agit d'une synthèse, qui par définition ne correspond pas au cadre précis de notre enseignement. Alors, pour t'aider dans ta quête, je te confie un trésor, un outil pour savoir si ta pratique pédagogique (née de la dernière pluie ou issue de neiges d'antan) fait progresser les élèves : la taille d'effet.
Avec la taille d'effet pour alliée, tu pourras évaluer l'efficacité de tes pratiques, innovantes ou antédiluviennes et tu n'auras plus besoin de chercher des innovations. Et n'oublie pas ces paroles d'Elon, qui s'y connaît en innovation : "Si tu n'est pas obligé de réimplanter des pièces que tu as enlevées, c'est que tu n'enlèves pas assez de pièces inutiles" et "Je me trompe souvent".
Quand j'entends parler d'innovation pédagogique, j'ai l'impression que l'on entend par là des nouvelles pratiques qui seraient supérieures aux anciennes ou aux actuelles. Il suffirait de connaître les méthodes innovantes pour remplacer les anciennes. Or c'est oublier que la pratique de l'enseignement a plusieurs milliers d'années et que nous avons eu le temps d'explorer bien des manières de faire la classe. Ce qui est présenté comme une innovation est bien souvent une réécriture d'une pratique ancienne.
La pratique actuelle dominante en histoire géographie en lycée - qui mélange cours dialogué, moments de travail des élèves et cours magistral, avec des évaluations de fin de chapitre résumées par des notes sur vingt dans le bulletin trimestriel - me semble être le résultat des contraintes de temps, de programmes et d'évaluations chiffrées plutôt que de la méconnaissance d'autres méthodes. Il est bien sûr possible d'utiliser d'autres méthodes, qui ne sont pas innovantes mais connues depuis bien longtemps, mais cela implique pour le professionnel de s'imposer un deuxième système de contraintes. Finalement, il me semble que peu de collègues font ce choix (mais je n'ai pas les données pour en être certain). Sans doute la masse de travail supplémentaire, le manque de reconnaissance, la difficulté de mesurer les effets de ces pratiques et l'isolement professionnel rendent cette évolution difficile.
C'est pourquoi, je pense qu'il faut éviter de parler d'innovation pédagogique. Il faudrait parler de progrès, d'adaptation et d'optimisation pédagogiques, voire de développement professionnel enseignant et surtout d'expertise enseignante et pédagogique. Comme le disait Elon Musk "La meilleure pièce de votre fusée, c'est celle que vous pouvez supprimer.", et pour moi, un enseignant expert c'est celui qui est assez savant pour supprimer les pratiques pédagogiques inutiles ou néfastes, y compris celles qui peuvent être présentées comme des innovations, et se concentre sur les pratiques les plus adaptées aux contraintes du système éducatif et qui maximisent l'apprentissage durable des élèves.
Alors, tu me diras : "C'est sympa, mais c'est vague et cela ne répond pas à ma question" et tu auras en partie raison. Ceci dit, cela permet de s'orienter : si une publication présente une innovation sans proposer une mesure des effets sur l'apprentissage durable des élèves, ou propose une mesure méthodologiquement médiocre, c'est un indicateur qu'il s'agit d'une pièce de fusée inutile.
Pour s'orienter entre les pratiques pédagogiques plus ou moins efficaces (et non anciennes ou innovantes), je te conseille les travaux de John Hattie, qui a mené une synthèse de méta-analyses en éducation. Si cette synthèse s'intéresse à différents facteurs structurels (emplois du temps, durée des vacances, rôles des chefs d'établissement...), elle étudie aussi des pratiques pédagogiques parfois présentées comme des innovations. Par exemple, la méthode globale de lecture fait progresser les élèves de 0,06 écart type (c'est très mauvais), mettre de la musique d'ambiance donne 0,1 (c'est très mauvais), faire de l'humour c'est 0,04 (c'est très mauvais), donner aux élèves le contrôle de leur apprentissage c'est 0,02 (c'est très mauvais), par contre enseigner les stratégies de transfert c'est 0,86 (c'est très bon), mettre en place des discussions de classe c'est 0,82 ou étayer le travail des élèves c'est 0,82 (c'est très bon). (Je précise que pour comprendre à quoi correspond chaque facteur, il faut impérativement lire au minimum sa présentation dans le livre d'origine, sans quoi on risque de sauter à la conclusion et au contre sens.)
Évidemment, ça serait cool s'il suffisait de prendre les dix meilleurs facteurs et de les appliquer mécaniquement pour optimiser sa pratique. Mais, c'est impossible, car il s'agit d'une synthèse, qui par définition ne correspond pas au cadre précis de notre enseignement. Alors, pour t'aider dans ta quête, je te confie un trésor, un outil pour savoir si ta pratique pédagogique (née de la dernière pluie ou issue de neiges d'antan) fait progresser les élèves : la taille d'effet.
- Qu'est-ce qu'une taille d'effet ?:
- La taille d’effet compare statistiquement les progressions. Popularisée par John Hattie dans son livre Visible learning, publié en 2009, elle mesure la progression d’une classe et la compare à d’autres classes. L’enseignant a une information fondamentale : il sait si ses pratiques font progresser rapidement ses élèves. Il a une boussole pour orienter ses choix et améliorer sa pratique.
La taille d’effet calcule, en écart type, la progression entre deux évaluations successives et similaires. Si vous avez évalué vos élèves en cartographie, vous avez une série de notes pour cette évaluation 1. Après un nouveau cours de cartographie, vous faites une évaluation 2. Les deux évaluations sont très proches, voire identiques.
Alors, vous pouvez calculer la taille d’effet selon cette formule :
???????????????????????? ????′????????????????????=(???????????????????????????? é???????????????????????????????????? 2− ???????????????????????????? év???????????????????????????????? 1)/(Écart type)
L’écart type peut être soit celui de l’évaluation 1, de l’évaluation 2, de l’ensemble des deux séries de notes, voire (si vous utilisez une évaluation standardisée qui a été réalisée sur un grand nombre d’élèves) celui d’une très grande série de notes obtenues par d’autres élèves à la même évaluation. Mon conseil est de prendre la valeur la plus élevée, pour être le plus prudent possible.
Si la différence entre les deux moyennes n’était pas divisée par l’écart type, l’enseignant n’aurait qu’un écart en points propre aux deux évaluations données. Peut-être que les moyennes en cartographie sont plus élevées qu’en analyse de document. Si les élèves progressent de deux points en cartographie et de un point en analyse, comment comparer ces écarts ? En supposant que les notes de chaque évaluation ont une distribution normale, la division par l’écart type mesure le déplacement, en nombre d’écart type, entre les deux distributions. La progression est alors exprimée en écart type, ce qui permet de les comparer dans une unité commune. Si les élèves progressent de 0.2 écart type en cartographie et de 0.8 en analyse de document, je peux être plus confiant pour dire qu’ils progressent plus vite dans le second exercice.
Pour calculer une taille d’effet crédible, il faut au minimum une trentaine de notes et si possible soixante-dix ou plus.
Avec la taille d'effet pour alliée, tu pourras évaluer l'efficacité de tes pratiques, innovantes ou antédiluviennes et tu n'auras plus besoin de chercher des innovations. Et n'oublie pas ces paroles d'Elon, qui s'y connaît en innovation : "Si tu n'est pas obligé de réimplanter des pièces que tu as enlevées, c'est que tu n'enlèves pas assez de pièces inutiles" et "Je me trompe souvent".
- MathieuNiveau 2
Entièrement d’accord avec ce qui a été dit. J’ajoute le travail d’André Tricot avec son livre L’innovation pédagogique (Mythes et réalités). Il vérifie la validité de certaines croyances que nous pouvons avoir à ce sujet en les confrontant avec des résultats de recherche. Tu pourras trouver également ses conférences sur YouTube à ce sujet.
- ProfMINiveau 3
Oui, il y a bien sûr de la recherche en innovation pédagogique.
Par exemple, j'ai suivi ce MOOC pour me sensibiliser à ce domaine: https://www.fun-mooc.fr/fr/cours/se-former-pour-enseigner-dans-le-superieur/ qui fait intervenir de nombreux chercheurs.
J'ai connaissance des travaux de gens comme Hattie ou Bissonnette qui, de manière générale ne mâchent pas leurs mots pour critiquer tout ce qui ne relève pas de l'enseignement explicite. Si leurs initiatives sont louables, il manque le nécessaire questionnement sur l'avenir de l'éducation dans son ensemble.
L'innovation pédagogique n'est pas un ensemble de gadgets allant à l'encontre du modèle établi mais propose des solutions pour adapter l'éducation aux enjeux contemporains. Appréhender l''innovation pédagogique amène justement à repenser l'enseignement beaucoup plus en profondeur, quitte à remettre en cause la forme scolaire actuelle. Comme tu le dis, bon nombre d'idées ne sont pas nouvelles (par exemples, reprises des pédagogies dites alternatives ou pratiquées dans d'autres pays).
Plus concrètement, je trouve que les nouveaux programmes du lycée (dans les matières que j'enseigne) sont en régression par rapport aux précédents. Là où on faisait place à l'expérimentation, à la modélisation, à la recherche (par exemple avec la mise en œuvre d'outils logiciels variés), on en est aujourd'hui à vouloir "expliciter", modeler, morceler jusqu'à l'extrême en exercices-types que les élèves se contentent de reproduire. On privilégie le "comment" (appliquer une recette de cuisine) sur le "pourquoi" (comprendre les objets mathématiques, leurs interactions, leur application à la résolution de problèmes). Ce n'est pas l'essence des mathématiques.
On a également du mal à se trouver avec l'enseignement de l'informatique et du numérique: résoudre des exercices-types d'algorithmique ne fera pas les citoyens numériquement éclairés de demain. Est-ce qu'il est utile d'avoir des notions d'algorithmique pour le devenir? Certainement, mais dans quelle mesure? A travers cet exemple, je mets en évidence que le problème est plus complexe qu'il n'y paraît. Du point de vue pédagogique, on a des difficultés à conceptualiser l'enseignement par projets (ce que la plupart des enseignants d'informatique appellent "projets" sont en fait des TP déguisés, ce qui n'est pas dans l'esprit de la pédagogie de projet) car on manque de cadres théoriques pertinents au niveau recherche (en France et pas dans les pays scandinaves ou aux USA où ces pédagogies sont bien implantées) et que les élèves n'y sont pas habitués (disparition des IDD, EPI, TPE, changement d'optique en primaire...)
J'ai lu le livre d'A. Tricot. Contrairement à Hattie, Bissonnette et co., il ne rejette pas tout en bloc et ses nuances sont appréciables.
Par exemple, j'ai suivi ce MOOC pour me sensibiliser à ce domaine: https://www.fun-mooc.fr/fr/cours/se-former-pour-enseigner-dans-le-superieur/ qui fait intervenir de nombreux chercheurs.
J'ai connaissance des travaux de gens comme Hattie ou Bissonnette qui, de manière générale ne mâchent pas leurs mots pour critiquer tout ce qui ne relève pas de l'enseignement explicite. Si leurs initiatives sont louables, il manque le nécessaire questionnement sur l'avenir de l'éducation dans son ensemble.
L'innovation pédagogique n'est pas un ensemble de gadgets allant à l'encontre du modèle établi mais propose des solutions pour adapter l'éducation aux enjeux contemporains. Appréhender l''innovation pédagogique amène justement à repenser l'enseignement beaucoup plus en profondeur, quitte à remettre en cause la forme scolaire actuelle. Comme tu le dis, bon nombre d'idées ne sont pas nouvelles (par exemples, reprises des pédagogies dites alternatives ou pratiquées dans d'autres pays).
Plus concrètement, je trouve que les nouveaux programmes du lycée (dans les matières que j'enseigne) sont en régression par rapport aux précédents. Là où on faisait place à l'expérimentation, à la modélisation, à la recherche (par exemple avec la mise en œuvre d'outils logiciels variés), on en est aujourd'hui à vouloir "expliciter", modeler, morceler jusqu'à l'extrême en exercices-types que les élèves se contentent de reproduire. On privilégie le "comment" (appliquer une recette de cuisine) sur le "pourquoi" (comprendre les objets mathématiques, leurs interactions, leur application à la résolution de problèmes). Ce n'est pas l'essence des mathématiques.
On a également du mal à se trouver avec l'enseignement de l'informatique et du numérique: résoudre des exercices-types d'algorithmique ne fera pas les citoyens numériquement éclairés de demain. Est-ce qu'il est utile d'avoir des notions d'algorithmique pour le devenir? Certainement, mais dans quelle mesure? A travers cet exemple, je mets en évidence que le problème est plus complexe qu'il n'y paraît. Du point de vue pédagogique, on a des difficultés à conceptualiser l'enseignement par projets (ce que la plupart des enseignants d'informatique appellent "projets" sont en fait des TP déguisés, ce qui n'est pas dans l'esprit de la pédagogie de projet) car on manque de cadres théoriques pertinents au niveau recherche (en France et pas dans les pays scandinaves ou aux USA où ces pédagogies sont bien implantées) et que les élèves n'y sont pas habitués (disparition des IDD, EPI, TPE, changement d'optique en primaire...)
J'ai lu le livre d'A. Tricot. Contrairement à Hattie, Bissonnette et co., il ne rejette pas tout en bloc et ses nuances sont appréciables.
- beaverforeverNeoprof expérimenté
J'ai du mal à voir en quoi Hattie est un défenseur de l'enseignement explicite. Dans sa théorie de l'apprentissage visible, son point clef est de rendre visible la progression des élèves aux enseignants et aux élèves eux-mêmes. L'important, pour lui, est qu'enseignants et élèves voient leur progrès et prennent des décisions éclairées en conséquence. Notamment, dans un texte sur la transformation des établissements, il faisait remarquer qu'il y avait toujours un collègue expérimenté, en fin de carrière, du type sévère-mais-juste, que les élèves trouvaient intimidant au début mais sympathique en fin d'année. C'est typiquement le genre de collègue qui ne participera pas à la mise en place d'une transformation des pratiques. Hattie faisait remarquer que ce n'était pas un problème, tant que la progression des élèves était satisfaisante.ProfMI a écrit:J'ai connaissance des travaux de gens comme Hattie ou Bissonnette qui, de manière générale ne mâchent pas leurs mots pour critiquer tout ce qui ne relève pas de l'enseignement explicite. Si leurs initiatives sont louables, il manque le nécessaire questionnement sur l'avenir de l'éducation dans son ensemble.
Sur l'enseignement explicite, il est effectivement plutôt efficace pour les élèves novices. Or des élèves novices, c'est un peu la situation par défaut. C'est donc logique que cette pratique finisse par être mise en avant.
Dans ta formulation, on a l'impression qu'il y a une innovation pédagogique, un ensemble structuré de méthodes défendu par un groupe de chercheurs et d'enseignants. J'ai plutôt l'impression que c'est un buffet désorganisé ou chacun peut venir piocher ce qui va confirmer son biais initial. C'est l'autre point de Hattie : toutes les pratiques font progresser les élèves, toutes les modifications de l'environnement font progresser les élèves (ou presque). Le problème n'est pas de prouver que les élèves ont progressé, mais d'établir qu'ils ont au moins progressé à la vitesse moyenne, voire plus. L'argument du type : "C'est une innovation pédagogique, donc c'est une meilleure pratique." me semble fallacieux. Il faut d'abord démontrer que les élèves progressent de plus de 0,4 écart type par an pour ensuite proposer de généraliser une pratique.L'innovation pédagogique n'est pas un ensemble de gadgets allant à l'encontre du modèle établi mais propose des solutions pour adapter l'éducation aux enjeux contemporains. Appréhender l''innovation pédagogique amène justement à repenser l'enseignement beaucoup plus en profondeur, quitte à remettre en cause la forme scolaire actuelle. Comme tu le dis, bon nombre d'idées ne sont pas nouvelles (par exemples, reprises des pédagogies dites alternatives ou pratiquées dans d'autres pays).
Je ne suis pas assez compétent dans ta discipline pour avoir un avis éclairé, mais je dirais, de manière générale, que le modelage (enseignement explicite) est utile pour les élèves novices alors que la pédagogie de projet est plus utile pour les élèves avancés et autonomes. Ces pratiques me semblent plus se succéder que s'opposer.Plus concrètement, je trouve que les nouveaux programmes du lycée (dans les matières que j'enseigne) sont en régression par rapport aux précédents. Là où on faisait place à l'expérimentation, à la modélisation, à la recherche (par exemple avec la mise en œuvre d'outils logiciels variés), on en est aujourd'hui à vouloir "expliciter", modeler, morceler jusqu'à l'extrême en exercices-types que les élèves se contentent de reproduire. On privilégie le "comment" (appliquer une recette de cuisine) sur le "pourquoi" (comprendre les objets mathématiques, leurs interactions, leur application à la résolution de problèmes). Ce n'est pas l'essence des mathématiques.
On a également du mal à se trouver avec l'enseignement de l'informatique et du numérique: résoudre des exercices-types d'algorithmique ne fera pas les citoyens numériquement éclairés de demain. Est-ce qu'il est utile d'avoir des notions d'algorithmique pour le devenir? Certainement, mais dans quelle mesure? A travers cet exemple, je mets en évidence que le problème est plus complexe qu'il n'y paraît. Du point de vue pédagogique, on a des difficultés à conceptualiser l'enseignement par projets (ce que la plupart des enseignants d'informatique appellent "projets" sont en fait des TP déguisés, ce qui n'est pas dans l'esprit de la pédagogie de projet) car on manque de cadres théoriques pertinents au niveau recherche (en France et pas dans les pays scandinaves ou aux USA où ces pédagogies sont bien implantées) et que les élèves n'y sont pas habitués (disparition des IDD, EPI, TPE, changement d'optique en primaire...)
- ElyasEsprit sacré
Pour Hattie, il dit même qu'un professeur qui utilise la pire méthode du monde peut avoir des résultats supérieurs aux autres professeurs avec les méthodes dites efficaces juste parce qu'il y croit, rend visible ce qu'il veut et fait, et s'investit dans sa méthode. Donc, j'ai des difficultés à le comparer à Bissonnette.
- Prof'aîtNiveau 1
'Jour
Le meilleur apprentissage est l'écoute des autres. Les pauses cafés lors des formations sont plus enrichissantes que les formations elles-mêmes. L'innovation n'est qu'une autre façon de voir autrement une traversée du miroir. Je remarque depuis qqs années des vagues de comportements d'apprenants tous les 3/4 ans ou 4/5 ans ! Notre pratique est devenue très difficile pour s'adapter à ces turbulences, de plus en plus fortes depuis le Covid. Par exemple, le temps de Powerpoint est révolu, celui des vidéos qui créait une pause et un éclairage différent est moins bien accepté. Ils semblent saturés de vidéos. En revanche, l'an passé, ils étaient demandeurs d'écriture avec un stylo tout en étant fatigué d'écrire très rapidement. Est ce un besoin ou une inquiétude sociale d'oublier l'écris ?
Ce n'est pas une innovation, je me debrouille pour les faire écrire "sans qu'ils s'en aperçoivent ". Ex . Ecrire la prise de la Bastille en qqs lignes sous la forme d'un journal... Et ils écrivent...
Le meilleur apprentissage est l'écoute des autres. Les pauses cafés lors des formations sont plus enrichissantes que les formations elles-mêmes. L'innovation n'est qu'une autre façon de voir autrement une traversée du miroir. Je remarque depuis qqs années des vagues de comportements d'apprenants tous les 3/4 ans ou 4/5 ans ! Notre pratique est devenue très difficile pour s'adapter à ces turbulences, de plus en plus fortes depuis le Covid. Par exemple, le temps de Powerpoint est révolu, celui des vidéos qui créait une pause et un éclairage différent est moins bien accepté. Ils semblent saturés de vidéos. En revanche, l'an passé, ils étaient demandeurs d'écriture avec un stylo tout en étant fatigué d'écrire très rapidement. Est ce un besoin ou une inquiétude sociale d'oublier l'écris ?
Ce n'est pas une innovation, je me debrouille pour les faire écrire "sans qu'ils s'en aperçoivent ". Ex . Ecrire la prise de la Bastille en qqs lignes sous la forme d'un journal... Et ils écrivent...
- Ruggera7Neoprof expérimenté
Profait, tu commences toujours tes messages par "jour"? Quelqu'un t'en a déjà fait la remarque sur une autre discussion...
- ProfMINiveau 3
@beaverforever
Effectivement, le terme "visible" convient mieux aux idées d'Hattie.
Et je suis d'accord là-dessus: il n'y a aucun intérêt à innover pour innover et l'enseignement explicite est efficace pour le "gros du peloton".
Mon premier message manque certainement de nuance: je pratique l'enseignement explicite/visible, notamment en maths et j'observe son efficacité, à la fois pour l'enseignant (débutant comme expert pour rationaliser, optimiser ses pratiques) et pour l'élève.
Néanmoins, je ne suis pas convaincu que la pédagogie de type explicite soit la réponse universelle à tous les problèmes de l'éducation aujourd'hui et c'est là que l'innovation pédagogique a à mon sens un rôle à jouer. Par exemple, que penser du phénomène des devoirs maisons pompés sur le copain/le prof particulier/internet alors que l'élève a tous les outils pour le résoudre dans son cours? Innover sur la forme pourrait être un levier d'implication de l'élève hors classe. Idem concernant la place d'outils basés sur l'IA comme les traducteurs ou les solveurs mathématiques. Quelle pédagogie pour un usage raisonné de ces derniers? Quid des tables de vocabulaire, des automatismes de calcul?
Enfin, enseignement explicite et innovation pédagogique ne s'opposent pas forcément: voir le MOOC précédemment cité où il est question d'utiliser des outils de live polling pour justement stabiliser les notions et s'assurer de la compréhension (notamment dans le cas de cours en classe inversée, qui fait souvent aussi la part belle au modelage dans les capsules vidéos présentées aux apprenants).
Autre exemple en SI/physique où le travail sur simulateurs permet d'aborder plus tôt des problèmes plus complexes et des modélisations plus proches du réel, ce qui est motivant pour les élèves et réaliste professionnellement (les ingénieurs ne calculent plus à la main) sans suivre la démarche "classique" d'enseignement basée sur des situations simplifiées bien souvent à l'extrême pour que les calculs soient réalisables à la main en un temps raisonnable.
Quand Hattie montre que la discussion, le débat favorisent les apprentissages, on s'éloigne aussi un peu de l'explicite dans le sens où peuvent être générés des idées et questionnements non initialement prévus ou modelés par l'enseignant.
Justement, c'est là qu'il y a à mon sens de la recherche à découvrir (pour les enseignants et formateurs) et à faire (pour les chercheurs) d'où l'idée initiale de mon topic.
C'est une progression qui est suivie en langues quand les enseignants font des "tâches finales" en fin de séquence il me semble. Je ne suis pas certain que ce soit valable dans le cadre strict de la pédagogie de projet cependant: une des caractéristiques du projet est qu'il doit amener l'élève à générer de nouvelles connaissances/capacités (disciplinaires ou non) et d'en rendre compte.
En maths et informatique, on n'a pas le temps de faire les deux (ou c'est très compliqué en pratique).
Effectivement, pour les élèves avancés et autonomes, il y a des établissements d'enseignement alternatifs particulièrement intéressants de ce point de vue (à l'étranger, j'ignore si ce type d'école existe en France), qui proposent une pédagogie de projet et/ou basée sur les méthodologies de recherche dans toutes les disciplines (et également des projets multidisciplinaires, des projets sur des thématiques personnelles). Je ne suis pas étonné de leur succès pour ce profil d'élèves.
J'ai du mal à voir en quoi Hattie est un défenseur de l'enseignement explicite. Dans sa théorie de l'apprentissage visible, son point clef est de rendre visible la progression des élèves aux enseignants et aux élèves eux-mêmes. L'important, pour lui, est qu'enseignants et élèves voient leur progrès et prennent des décisions éclairées en conséquence. Notamment, dans un texte sur la transformation des établissements, il faisait remarquer qu'il y avait toujours un collègue expérimenté, en fin de carrière, du type sévère-mais-juste, que les élèves trouvaient intimidant au début mais sympathique en fin d'année. C'est typiquement le genre de collègue qui ne participera pas à la mise en place d'une transformation des pratiques. Hattie faisait remarquer que ce n'était pas un problème, tant que la progression des élèves était satisfaisante.
Sur l'enseignement explicite, il est effectivement plutôt efficace pour les élèves novices. Or des élèves novices, c'est un peu la situation par défaut. C'est donc logique que cette pratique finisse par être mise en avant.
Effectivement, le terme "visible" convient mieux aux idées d'Hattie.
Et je suis d'accord là-dessus: il n'y a aucun intérêt à innover pour innover et l'enseignement explicite est efficace pour le "gros du peloton".
Mon premier message manque certainement de nuance: je pratique l'enseignement explicite/visible, notamment en maths et j'observe son efficacité, à la fois pour l'enseignant (débutant comme expert pour rationaliser, optimiser ses pratiques) et pour l'élève.
Néanmoins, je ne suis pas convaincu que la pédagogie de type explicite soit la réponse universelle à tous les problèmes de l'éducation aujourd'hui et c'est là que l'innovation pédagogique a à mon sens un rôle à jouer. Par exemple, que penser du phénomène des devoirs maisons pompés sur le copain/le prof particulier/internet alors que l'élève a tous les outils pour le résoudre dans son cours? Innover sur la forme pourrait être un levier d'implication de l'élève hors classe. Idem concernant la place d'outils basés sur l'IA comme les traducteurs ou les solveurs mathématiques. Quelle pédagogie pour un usage raisonné de ces derniers? Quid des tables de vocabulaire, des automatismes de calcul?
Enfin, enseignement explicite et innovation pédagogique ne s'opposent pas forcément: voir le MOOC précédemment cité où il est question d'utiliser des outils de live polling pour justement stabiliser les notions et s'assurer de la compréhension (notamment dans le cas de cours en classe inversée, qui fait souvent aussi la part belle au modelage dans les capsules vidéos présentées aux apprenants).
Autre exemple en SI/physique où le travail sur simulateurs permet d'aborder plus tôt des problèmes plus complexes et des modélisations plus proches du réel, ce qui est motivant pour les élèves et réaliste professionnellement (les ingénieurs ne calculent plus à la main) sans suivre la démarche "classique" d'enseignement basée sur des situations simplifiées bien souvent à l'extrême pour que les calculs soient réalisables à la main en un temps raisonnable.
Quand Hattie montre que la discussion, le débat favorisent les apprentissages, on s'éloigne aussi un peu de l'explicite dans le sens où peuvent être générés des idées et questionnements non initialement prévus ou modelés par l'enseignant.
Dans ta formulation, on a l'impression qu'il y a une innovation pédagogique, un ensemble structuré de méthodes défendu par un groupe de chercheurs et d'enseignants. J'ai plutôt l'impression que c'est un buffet désorganisé ou chacun peut venir piocher ce qui va confirmer son biais initial. C'est l'autre point de Hattie : toutes les pratiques font progresser les élèves, toutes les modifications de l'environnement font progresser les élèves (ou presque). Le problème n'est pas de prouver que les élèves ont progressé, mais d'établir qu'ils ont au moins progressé à la vitesse moyenne, voire plus. L'argument du type : "C'est une innovation pédagogique, donc c'est une meilleure pratique." me semble fallacieux. Il faut d'abord démontrer que les élèves progressent de plus de 0,4 écart type par an pour ensuite proposer de généraliser une pratique.
Justement, c'est là qu'il y a à mon sens de la recherche à découvrir (pour les enseignants et formateurs) et à faire (pour les chercheurs) d'où l'idée initiale de mon topic.
Je ne suis pas assez compétent dans ta discipline pour avoir un avis éclairé, mais je dirais, de manière générale, que le modelage (enseignement explicite) est utile pour les élèves novices alors que la pédagogie de projet est plus utile pour les élèves avancés et autonomes. Ces pratiques me semblent plus se succéder que s'opposer.
C'est une progression qui est suivie en langues quand les enseignants font des "tâches finales" en fin de séquence il me semble. Je ne suis pas certain que ce soit valable dans le cadre strict de la pédagogie de projet cependant: une des caractéristiques du projet est qu'il doit amener l'élève à générer de nouvelles connaissances/capacités (disciplinaires ou non) et d'en rendre compte.
En maths et informatique, on n'a pas le temps de faire les deux (ou c'est très compliqué en pratique).
Effectivement, pour les élèves avancés et autonomes, il y a des établissements d'enseignement alternatifs particulièrement intéressants de ce point de vue (à l'étranger, j'ignore si ce type d'école existe en France), qui proposent une pédagogie de projet et/ou basée sur les méthodologies de recherche dans toutes les disciplines (et également des projets multidisciplinaires, des projets sur des thématiques personnelles). Je ne suis pas étonné de leur succès pour ce profil d'élèves.
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