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Absence et négation Empty Absence et négation

par NLM76 Mar 07 Juil 2020, 10:34
Qu'en pensez-vous ?
Quelle différence fondamentale entre ce qui n'est pas et ce qui n'est pas là ?
Ou peut-être, plus humblement, quelles différences fondamentales ?

(Un grammairien qui travaille sur la négation du nom)

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
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par lolvstein Mar 07 Juil 2020, 10:47
Pour répondre rapidement, je dirai que l'absence renvoie à un vide, tandis que le néant à une non-existence. L'absence peut-être ressenti sous la forme du manque par exemple, ce qui n'est pas le cas de la négation.
L'absent n'est simplement pas LÀ, c'est-à-dire dans un espace-temps donné, il peut-être ailleurs : il est de l'ordre de l'existence. Le néant au contraire ne s'insère même pas dans l'ordre de l'essence.
Je ne sais pas si c'est ce genre de réponse que tu cherches. C'est pour une recherche particulière ?
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par Ponocrates Mar 07 Juil 2020, 11:02
J'avais lu en psychologie qu'entre une phrase négative - type "vous n'avez pas réussi"- et la même idée transcrite avec un verbe intégrant la négation " vous avez échoué", le cerveau dans le premier cas encaissait mieux le choc parce que, même avec la négation, l'idée positive était présente - la réussite.
Quand je nie - je dis que quelque chose n'est pas- je ne pose pas dans le même mouvement ce qui existe à la place, donc même nié, le quelque chose existe au moins dans l'esprit de celui qui parle, ce qui rejoint ce que dit lovstein sur son existence possible, probable, ailleurs dans l'espace et le temps. >Il y a "ne ...pas" mais aussi "ne...plus", "ne...Pas encore" etc.
[HS: D'une certaine façon, quand je corrige les copies j'ai le travers - que des années de pratique corrigent peu à peu- de me focaliser sur ce qui manque - ce qui n'est pas là- non sur ce qui est présent. Je fais exister dans mon commentaire ce qui est absent pour en souligner l'importance, au détriment parfois du présent que je considère comme acquis]
Je ne sais pas si cela aide...

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Absence et négation Empty Re: Absence et négation

par NLM76 Mar 07 Juil 2020, 12:16
Ça aide, ça aide. Tout aide.
Disons que la différence me paraît en soi triviale.
Ce qui est intéressant, c'est sans doute de chercher dans quelle mesure c'est la même chose.
Autrement dit, peut-on concevoir ce qui n'est pas sans se contenter de concevoir ce qui n'est pas là ? Autrement dit, si on se met à concevoir ce qui n'est pas, on commence à le concevoir comme non une inexistence mais comme une absence.
Autrement dit, est-ce qu'on peut concevoir le non-arbre autrement que comme l'absence de l'arbre ? S'agit-il de tout ce qui n'est pas arbre ?


J'admire un pommier
J'admire un non-pommier ???
J'admire l'absence de pommier ?
J'admire tout sauf ce pommier ?
J'admire ce pommier qui n'en est pas un ?
Ceci n'est pas un pommier.

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Absence et négation Empty Re: Absence et négation

par Ponocrates Mar 07 Juil 2020, 12:23
Pour percevoir et formuler l'absence, il faut que la présence soit considérée comme pertinente, allant de soi.
Quand je pense "désert du Sahara", je ne dis pas "Il n'y pas d'arbres" - à moins de devoir expliquer à quelqu'un originaire d'un pays forestier ce qu'est le désert. Je dirai éventuellement, il n'y a pratiquement pas d'eau.
Quand je fais une négation, je sélectionne -dans tout ce qui est absent- ce qui pourrait/devrait être là et le rend présent par mon évocation.

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par Rwan Mar 07 Juil 2020, 12:25
Autrement dit, est-ce qu'on peut concevoir le non-arbre autrement que comme l'absence de l'arbre ? S'agit-il de tout ce qui n'est pas arbre ?
Si "être un non-arbre" est pareil que "ne pas être un arbre", je suis un non-arbre. Je suis d'ailleurs aussi une non-pomme et un non-facteur.

Pour moi, le "non" va plus loin que l'absence : non seulement la chose n'est pas là, mais en plus il y a autre chose à la place.

"Il n'y a pas de pommier" -> absence
"Il y a un arbre, mais ce n'est pas un pommier" -> négation

Bien sûr, en cas d'absence il y a forcément quelque chose à la place (ne serait-ce que l'air, la lumière...). Mais le but du discours n'est pas de décrire la réalité, mais de transmettre une vision de la réalité, et la négation englobe l'absence en lui ajoutant un supplément d'informations.

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Pourtant R est n'est pas dénombrable.

C'est beau.
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par The Paper Jeu 09 Juil 2020, 08:57
NLM76 a écrit:Autrement dit, est-ce qu'on peut concevoir le non-arbre autrement que comme l'absence de l'arbre ? S'agit-il de tout ce qui n'est pas arbre ?
N'a-t-on pas tendance à lier la négation à l'idée d'opposition ? Si on me dit "Il n'y a pas d'arbre", j'aurai tendance à penser "Il y a des gratte-ciel" en fonction de la traditionnelle opposition Ville/Campagne alors que j'aurais pu penser "Il y a des grottes, des volcans, une banquise, etc."

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par barèges Jeu 09 Juil 2020, 10:07
[rêverie pseudo-grammaticale pour le français]
Pour revenir sur la tarte à la crème des mots de la négation :
- passage du stade où il n'y avait que le "discordanciel" ("ne"), qui permet de nier une proposition par action directe sur le verbe, à un stade où s'ajoute un nom au sens positif désignant une quantité négligeable, miette, pas, maille, point, goutte, voire res >rien : nie-t-on la moindre quantité pour suggérer l'absence ? Passe-t-on de l'idée logique de nier une proposition (acte sur la langue) à une tentative d'évoquer l'absence sur le plan du référent (monde "réel"), grâce à l'apparition dans la négation d'un substantif nié ?
- passage contemporain de cette situation discordanciel/forclusif au forclusif seul... Je suis la première à le faire à l'oral, mais la proposition n'est plus niée, rien ne vient contrarier le sens "positif" du verbe avant énonciation du forclusif... Etrange en fait.
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par Delia Jeu 09 Juil 2020, 15:52
Vous réinventez le carré logique et sa variante moderne, le carré sémiotique.

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par epekeina.tes.ousias Jeu 09 Juil 2020, 16:17
La négation (dirait Leibniz) enveloppe une infinité: “Cette personne n'est pas ma belle-mère”, signifie qu'il y a quelqu'un et que ça peut être n'importe qui dans l'infinité des êtres, mais pas “ma belle-mère”. De même “mon chien n'aboie pas” ne me dit pas ce qu'il est encore en train de faire comme bêtise.

L'absence évoque en général une singularité: “Ma belle-mère est absente”= “tout le monde est là sauf ma belle-mère qui est absente” signifie qu'il y a tout le monde sauf une et une seule personne. C'est bien différent du manque (par ex. “ma belle-mère est absente, mais elle ne manque à personne”).

Le vide n'est pas une négation mais une absence portée à l'absolu: il y a ici l'absence de toutes choses quelle qu'elles soient (par ex. “ma belle-même arrive et la salle se vide”).

Le manque, lui, peut inclure des degrés et viser du général: “la cuisine de ma belle-mère manque de sel” peut vouloir dire dire “il y a du sel, mais pas assez” (on sait de quoi ça manque et on ne demande pas tel type de sel singulier, mais “du” sel). Mais aussi du singulier et de l'absolu.
Alors que, quand “un seul être vous manque et tout est dépeuplé” signifie à la fois l'absence d'une et une seule personne (par ex. ma belle-mère et personne d'autre), et l'état d'absoluité du manque: la personne était là (par ex. ma belle-mère), l'univers serait plein même s'il était vide).

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par trompettemarine Jeu 09 Juil 2020, 16:35
Je parcours ce fil intéressant; mais je travaillerai sur les questions de négation posée par NLM un plus tard.
Je fais juste une petite remarque. Je constate dans les copies des élèves la disparition du mot "absence" (trop abstrait pour eux ?) au profit du nom précédé de non.
L'absence d'action devient la non-action par exemple. Est-ce lié à la perte de sens du préfixe in- ou a- ou à une nouvelle façon de concevoir les termes ?
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par NLM76 Jeu 09 Juil 2020, 22:40
"Il n'est pas de molécule qui ne soit composée d'atomes"
"Dans cet univers, il n'est pas de molécule qui ne soit composée d'atomes"
Est-ce qu'il y a une différence ?
Est-ce possible que la première proposition n'implique pas la seconde ?
Une proposition peut-elle n'être pas inscrite dans le temps et l'espace ? [Je parle du propos de la proposition, et non seulement de son énonciation]

D'autre part, je conçois ce qu'est le "non-vert"; mais je conçois difficilement ce qu'est un "non-ordinateur". Ou, pire LE non-ordinateur. Parce qu'en fait, contrairement à ce que disait Rwan, je ne pense pas que je sois un non-arbre. "Je ne suis pas un arbre" n'équivaut pas à "Je suis un non-arbre", ou "Je suis la négation d'un arbre", ou "Je suis une négation d'arbre".
"Tout ce qui n'est point prose est vers; et tout ce qui n'est point vers est prose." Oui; à condition qu'on se place à l'intérieur de l'ensemble des discours possibles — et encore sans doute faudrait-il préciser qu'il s'agit de discours dans un cadre culturel déterminé.
Autrement dit, évoquer la négation d'une chose (et non d'un propos), il me semble que c'est, d'une certaine façon, toujours évoquer en fait l'absence de cette chose. Le non-[truc nommé par un nom], c'est l'absence de [truc].
Voir la façon en français ou en anglais d'exprimer l'existence par un locatif : "il y a"= "il est" = "there are" = sunt

Et puis, quand je dis "Truc n'est pas", je fabrique son existence conceptuelle par le fait de le nommer : je me contente de le sortir de l'espace constitué de ce que je considère comme étant, pour le placer dans l'espace de ce qui pour moi n'est pas. Il n'est pas "en réalité", mais il est dans l'esprit de ceux qui se trompent, et aussi, par ricochet dans le mien, dans cette zone de ce qui n'est pas. Autrement dit, je dis que "Truc" est absent de telle zone (la réalité & l'espace intellectuel des considérés par moi comme réels).

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par epekeina.tes.ousias Jeu 09 Juil 2020, 23:06
NLM76 a écrit:D'autre part, je conçois ce qu'est le "non-vert"; mais je conçois difficilement ce qu'est un "non-ordinateur". Ou, pire LE non-ordinateur. Parce qu'en fait, contrairement à ce que disait Rwan, je ne pense pas que je sois un non-arbre. "Je ne suis pas un arbre" n'équivaut pas à "Je suis un non-arbre", ou "Je suis la négation d'un arbre", ou "Je suis une négation d'arbre".

Logiquement, pas vraiment:
Je ne suis pas un arbre = je ne suis pas X = je suis (tout ce que vous voulez mais) “pas X” donc je suis non-X.
Entre une proposition négative= “je ne suis pas X” signifie X n'appartient pas à l'ensemble des prédicats attribuables à Je
et une proposition affirmative attribuant la négation du prédicat de la précédente: “je suis non-X” signifie “non-X” est un prédicable attribuable à moi, car il recouvre l'ensemble de tous les prédicats strictement autres que X
Il n'y a qu'un degré d'abstraction qui a pour intérêt de permettre d'attribuer “ce qui n'est pas”.

On dira que ça ne sert à rien. Sauf que, si toutes les choses changent avec le temps ou “deviennent”, il faut bien qu'elles deviennent autre que ce qu'elles étaient, donc qu'elles deviennent ce qu'elles n'étaient pas, ce qui revient à leur attribuer du non-être pour rendre compte de leur être (qui devient). Très vieille question, comme on sait.

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par NLM76 Ven 10 Juil 2020, 04:20
Qu'est-ce que ça veut dire, "logiquement" ? Qui relève du logos ? C'est quoi, le logos ?

Voyez-vous pourquoi ce qui m'intéresse là-dessous, c'est la différence de nature entre le nom substantif et le nom adjectif, çàd entre le nom et l'adjectif qualificatif ?
Le non-vert, on voit à peu près ce que c'est. Le non-éléphant, en revanche... "Je ne suis pas un éléphant" a un sens; "Je suis un non-éléphant" n'en a pas.
Tiens, d'ailleurs, est-ce que "non-sens" est la négation de "sens" ?

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par epekeina.tes.ousias Ven 10 Juil 2020, 09:06
NLM76 a écrit:Qu'est-ce que ça veut dire, "logiquement" ? Qui relève du logos ? C'est quoi, le logos ?

J'en parlais au point de vue de la logique. Par ex. “Le chien est mortel” signifie, du point de vue des ensembles, l'ensemble des individus “chiens” est inclus dans l'ensemble des individus “mortel”. On peut aussi l'écrire du point de vue des quantificateurs, etc.
Alors que, quand j'ai parlé du devenir, j'ai parlé de la négation du point de vue ontologique à partir d'une saisie logique de la phrase (ce que j'aurais dû dire, d'ailleurs).



Le non-vert, on voit à peu près ce que c'est. Le non-éléphant, en revanche... "Je ne suis pas un éléphant" a un sens; "Je suis un non-éléphant" n'en a pas.

Je ne suis pas certain que “c'est non-vert” ait plus de “sens” de “non-éléphant”. J'ai l'impression que tu emploies “avoir du sens” pour dire “ça peut se dire habituellement”, “on peut être compris quand on le dit”. De ce point de vue, mettons… Mais même, comme ça, dans la vie courante, quelqu'un qui dirait, en voiture, “Arrête-toi, le feu est non-vert”, je ne suis pas sûr qu'il n'étonnerait pas.

Mais autrement, je trouve “non-vert” aussi clair que “non-éléphant”. La seule question que ça pose pour moi, c'est: est-ce que le non-vert est seulement l'ensemble des couleurs non vertes? est-ce que le non-éléphant est seulement l'ensemble des animaux non éléphants? Ou est-ce que le non-vert englobe aussi (par ex.) le sable (qui n'est pas vert, mais donc une substance et non une qualité) et est-ce que le non-éléphant englobe aussi le bleu (qui n'est pas éléphant, mais donc une qualité et non une substance)?

Voyez-vous pourquoi ce qui m'intéresse là-dessous, c'est la différence de nature entre le nom substantif et le nom adjectif, çàd entre le nom et l'adjectif qualificatif ?

Dirait Aristote que ce sont deux catégories différentes. Autre la qualité, qui se dit à propos d'autre chose et doit s'attribuer à, se prédiquer — autre est la substance, qui se dit seule et indépendamment. On peut dire “l'éléphant” tout court, qui existe (on demande ensuite, où il est, quel âge il a, ce qu'il fait, etc.), mais “le vert” ne peut exister sans être “le vert de quelque chose” (que ce soit le vert de l'herbe ou le vert dont parle cette proposition). De ce point de vue (aristotélicien), on est facilement réaliste: on se dit que “un éléphant” signifie quelque chose comme “un éléphant (ça) existe” alors que “le vert” signifie “le vert (des choses vertes)” — du coup on trouve plus facile de nier qu'une chose soit verte que de nier l'éléphant, car on voit mal ce que veut dire “nier l'éléphant”.
Pourtant, si l'on considère que “le vert” consiste à poser en concept une qualité on l'abstrayant de la réalité dont elle se dit, on peut très bien considérer que l'éléphant est aussi une abstraction, à savoir “l'essence de l'espèce des éléphants”, laquelle ne convient pas aux vaches ou aux chiens.
C'est en ce sens qu'on parle d'inhumanité (Untel est inhumain signifie logiquement que Untel n'appartient pas à l'ensemble des êtres humains, et cela signifie aussi qu'on ne peut lui attribuer “humanité”: donc qu'on peut chercher en lui, on ne trouvera pas cette abstraction — ce qui montre aussi que “manque” et “négation” peuvent être deux manières d'exprimer la même propriété logique, mais non nécessairement deux choses toujours identiques, si on en fait des abstractions.

Tiens, d'ailleurs, est-ce que "non-sens" est la négation de "sens" ?

Ou bien le non-sens est la négation du sens, qui est toujours premier: il faut du sens d'abord pour que le non-sens nous apparaissent.
Ou bien le sens est la négation du non-sens, lequel est toujours premier: la réalité existerait d'abord et nous lui donnerions un/des sens par après, ce que nous ne pourrions pas faire si le sens était une propriété objective des choses…

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par NLM76 Ven 10 Juil 2020, 18:17
Quand je posais la question de ce que signifie "logiquement", en fait je cherchais à tenir une définition claire de la logique, justement. Qu'est-ce que la logique ? Et je sous-entendais le problème suivant : est-ce qu'elle ne serait pas forcément, quoiqu'on en dise — et malgré le fantasme pythagoricien de mathématisation de la pensée — liée à la langue ? à telle ou telle langue ? Le logos, c'est du discours ou c'est de la pensée ?

Pourquoi est-ce que je conçois mieux "non-vert" que "non-éléphant" ? Cela a sans doute à voir avec les classifications que les anciens opéraient à l'intérieur de la catégorie des noms, qui incluait pour eux les adjectifs qualificatifs. Cela n'a sans doute pas grand-chose à voir avec "cela se dit" ou pas. Tu l'expliques très bien : personne ne dit "non-vert", pas plus que "non-éléphant". Mais le "non-vert", c'est assez évident que c'est dans l'ensemble des couleurs qu'on le saisit principalement. Le "non-éléphant", cela peut être dans l'ensemble des mammifères, des animaux de la savane, des animaux, ou alors dans le monde des êtres divisés entre ceux qui "ont beaucoup de mémoire" et ceux qui n'en ont pas. Il s'agirait peut-être de quelque chose comme de la différence entre substance et qualité. De sorte que le "non-éléphantesque" est beaucoup plus concevable que le "non-éléphant".
Autrement dit,:
En revanche, l'absence d'éléphant dans une zone où on s'attendrait à le retrouver, c'est autre chose.
Je relie cela avec la propension des adjectifs qualificatifs à être pourvus d'antonymes, et à la répugnance des noms à en être pourvus.
On peut cependant bien sûr prendre l'exemple de "non-événement", voire de "pseudo-..." pour réfléchir à la façon dont on peut concevoir la négation d'une chose.


Tu opposes "sens" et "non-sens" comme on oppose cosmos et chaos. C'est bien sûr très important et très intéressant ; mais je voudrais me laisser interroger par la langue qui dit "ceci est un non-sens" et ne l'oppose pas à "ceci est un sens", mais à "ceci a du sens".

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par epekeina.tes.ousias Ven 10 Juil 2020, 18:26
NLM76 a écrit:Quand je posais la question de ce que signifie "logiquement", en fait je cherchais à tenir une définition claire de la logique,

C'est la science, fondée par Aristote dit-on (ça ne me paraît pas totalement faux), des raisonnements vrais (et qui établit aussi ceux qui sont faux et pourquoi). La question de savoir si la logique est une discipline intérieure à la philosophie ou une science indépendante, me semble très difficile et pas réglée entièrement. J'incline plutôt pour la seconde opinion que pour la première, mais…

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par NLM76 Ven 10 Juil 2020, 18:36
Voilà. La question est de savoir si un tel "raisonnement" (logos, logismos ?) relève du discours ou de la pensée.

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par epekeina.tes.ousias Sam 11 Juil 2020, 08:45
NLM76 a écrit:Voilà. La question est de savoir si un tel "raisonnement" (logos, logismos ?) relève du discours ou de la pensée.

Je ne pense pas qu'un grec se demanderait si le logos relève du logos ou bien du logos Absence et négation 437980826  donc il relève du logos abi

Plus sérieusement, je vois mal comment on pourrait penser en dehors de toute langue, sauf à penser une pensée informulable, indicible, impensable: la langue (une au moins, un usage d'une langue) est le mode d'être de la pensée. C'est ce que dit logos, en grec, tout à la fois discours et raison (et même définition etc.).
Mais cela n'empêche pas que des structures propres de la pensée viennent affleurer dans la langue — quelle qu'elle soit (les chiens grognent et aboient, les humains grognent et parlent). Ce sont ces structures formelles que la logique étudie, si l'on s'en tient à la position la plus ancienne — quitte à élaborer la langue nécessaire à la description de ces structures.

Cela étant dit, il est bien possible qu'il y ait plus dans ce logos que des règles purement formelles. Michel Foucault a, ce me semble, renouvelé la question du “discours” (spécialement dans Les Mots et les choses, La Naissance de la clinique, L'Archéologie du savoir et L'Ordre du discours).

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par verdurin Sam 11 Juil 2020, 21:51
Je réponds après un repas peut-être un peu trop arrosé.
NLM76 a écrit:Quand je posais la question de ce que signifie "logiquement", en fait je cherchais à tenir une définition claire de la logique, justement. Qu'est-ce que la logique ? Et je sous-entendais le problème suivant : est-ce qu'elle ne serait pas forcément, quoiqu'on en dise — et malgré le fantasme pythagoricien de mathématisation de la pensée — liée à la langue ? à telle ou telle langue ? Le logos, c'est du discours ou c'est de la pensée ?
Pour participer au fantasme, la logique a une définition : c'est ce que font les logiciens.
Et, en logique mathématique, il y a bien un langage qui, en dehors des noms donnés aux objets, ne comporte pas plus de dix signes dont certains sont redondants.

NLM76 a écrit:Pourquoi est-ce que je conçois mieux "non-vert" que "non-éléphant" ? Cela a sans doute à voir avec les classifications que les anciens opéraient à l'intérieur de la catégorie des noms, qui incluait pour eux les adjectifs qualificatifs. Cela n'a sans doute pas grand-chose à voir avec "cela se dit" ou pas. Tu l'expliques très bien : personne ne dit "non-vert", pas plus que "non-éléphant". Mais le "non-vert", c'est assez évident que c'est dans l'ensemble des couleurs qu'on le saisit principalement. Le "non-éléphant", cela peut être dans l'ensemble des mammifères, des animaux de la savane, des animaux, ou alors dans le monde des êtres divisés entre ceux qui "ont beaucoup de mémoire" et ceux qui n'en ont pas. Il s'agirait peut-être de quelque chose comme de la différence entre substance et qualité. De sorte que le "non-éléphantesque" est beaucoup plus concevable que le "non-éléphant".
Autrement dit,:
Personnellement j'ai beaucoup plus de facilité à dire « ceci n'est pas un éléphant » qu'a dire « ceci n'est pas vert ».
Il me semble qu'il y a beaucoup moins d'ambiguïté dans la distinction entre un éléphant et un objet qui n'est pas un éléphant  qu'entre un objet vert et un objet non vert.
En particulier parce que les frontières entre les couleurs dépendent beaucoup plus du langage que les frontières entre les espèces.
NLM76 a écrit:En revanche, l'absence d'éléphant dans une zone où on s'attendrait à le retrouver, c'est autre chose.
Là je suis bien d'accord, mais je ne vois pas le rapport.
NLM76 a écrit:Je relie cela avec la propension des adjectifs qualificatifs à être pourvus d'antonymes, et à la répugnance des noms à en être pourvus.
J'ai beaucoup de mal à croire que les noms puissent éprouver un répugnance à quoi que ce soit.
NLM76 a écrit:On peut cependant bien sûr prendre l'exemple de "non-événement", voire de "pseudo-..." pour réfléchir à la façon dont on peut concevoir la négation d'une chose.
En fait j'ai du mal avec ton vocabulaire.
Ce qui n'est pas une critique mais plutôt une constatation. Et pourtant nous parlons et pensons dans la même langue.

NLM76 a écrit:Tu opposes "sens" et "non-sens" comme on oppose cosmos et chaos. C'est bien sûr très important et très intéressant ; mais je voudrais me laisser interroger par la langue qui dit "ceci est un non-sens" et ne l'oppose pas à "ceci est un sens", mais à "ceci a du sens".
Je ne dis jamais « ceci est un non-sens » mais « ceci n'a pas de sens », bien que je connaisse la première expression.
Il me semble que le langage ne relève pas que de la logique mais aussi de l'usage. En particulier de l'usage de formules toutes faites.
En se laissant porter par le langage on ne fait pas de logique, au mieux on fait de la poésie.

La classification des syllogismes par Aristote est, à mon avis, une résistance contre le langage.

Voilà, j'espère ne pas être trop hors sujet et, avec un peu de chance, t'être utile.

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