[Histoire] Miniature des Cantigas de Alfonso- XIIIe siècle

Bonjour à tous,
j'ai un petit problème pour la lecture d'un document. Ce sont des Miniatures des Cantigas de Alfonso- XIIIe siècle, présents dans différents manuels de 5e pour la reconquista (hatier, magnard, etc.)
la cantiga est une forme de poésie chantée médiévale de la péninsule ibérique. Celles d'Alfonso sont richement illustrés. Alfonso en question est le roi de Castille Alfonso X.
On y voit des soldats musulmans et chrétiens s'affrontant.
Or sur le bouclier d'un musulman, on peut y reconnaître une étoile à 6 branches et j'aimerai bien comprendre pourquoi. Que signifie cette étoile? Les juifs ont eu un rôle particulier pendant ces batailles? L'artiste s'est- il trompé dans son illustration, dans la représentation de l'autre? Est le symbole d'autre chose?




Dans une autre miniature, toujours de la même source, on retrouve aussi ce motif.



Mes connaissances sur cette période sont limitées et mes recherches se sont trouvées infructueuses.
Dans le cadre du cours, mon ignorance ne me pénalise pas, mais cela me perturbe. Aidez moi à être moins perturber!

ah oui tiens bizarre, je n'avais jamais fait attention ...

Je penserais plutôt à une forme d'antisémitisme dans le contexte de la Reconquista. L'iconographie médiévale est très rarement fidèle aux événements, donc ça m'étonnerait que ce soit pour indiquer la présence de troupes juives sur le champ de bataille. Donc ces étoiles de David (sinon quoi d'autre?) sont faites surtout pour stigmatiser l'adversaire musulman, dans un contexte d'exaltation de la foi chrétienne pour la Reconquista. Donc c'est plus un message politique je pense

C'est une question qu'un élève m'a posé pas plus tard que la semaine dernière quand nous avons étudié ce document. Je dois dire que je n'avais pas vu ce détail jusque là.
Et je dois bien dire que je n'ai pas su répondre à l'élève.

La réponse m'intéresse donc grandement.

Bonjour,
La piste de l'antisémitisme est hautement improbable car:
- Alphonse X, le sage, est le roi qui a encouragé le développement de "l'Ecole des traducteurs" à Tolède. Cette ville accueillait alors des savants chrétiens, musulmans et juifs qui traduisaient et commentaient des ouvrages ( issus notamment de la culture classique grecque) de l'arabe et l'hébreu au latin et castillan ou galaico-portugais.D'autres miniatures des cantigas représentent d'ailleurs des savants ou "étudiants" juifs et musulmans.
- Les pogroms se sont produits surtout au XIVème et XVè s. , alors que les chrétiens dominent largement la péninsule, et dans un contexte de crise (épidémies, guerres civiles...).

Disposer de la miniature dans son ensemble évite le contresens qui consisterait à réduire la reconquista à un affrontement entre chrétiens et musulmans ' ce que tendent à faire nos manuels en "zoomant" sur un détail: des chevaliers sous la bannière de la vierge poursuivant des cavaliers apparemment maures ou arabes. En fait il s'agit d'almohades. Ils sont à cette époque en guerre civile, et l'un des camps fait appel au roi de castille Ferdinand III. A noter que son adversaire compte aussi des alliés chrétiens. Je ne suis pas sur de parvenir à joindre l'image.On y voit un campement musulman assiégeant une ville musulmane dont le prince reçoit des émissaires chrétiens. Puis deux armées qui se font face, et comptent toutes deux dans leurs rangs des cavaliers musulmans et des chevaliers chrétiens. Puis la scène dont est extraite cette image représentant la victoire de Ferdinand III, père d'Alphonse, sous la bannière de la vierge. Mais si vous regardez dans le coin en haut à droite vous verrez des turbans, qui montrent que les chevaliers chrétiens sont suivis de cavaliers musulmans qui sont dans le même camp.
Dès lors:
- Si les rois chrétiens d'Espagne ont reçu le soutien de croisés européens à un moment où ils étaient en difficulté face à l'Empire almohade, il apparait clairement que leurs buts étaient politiques, bien plus que religieux. (Des témoignages racontent d'ailleurs que les souverains chrétiens ibériques ont du calmer les ardeurs de croisés, francs par exemple, prompt à passer au fil de l'épée tous les infidèles, car ils ne souhaitaient pas conquérir des villes et territoires vides, et car ils savaient d'expérience qu'il leur faudrait ensuite composer et peut-être s'allier avec des voisins musulmans. Sans compter les risques de représailles).
- il n'y aurait rien d'étonnant à ce que des souverains musulmans comptent dans leurs armées des sujets juifs, voire chrétiens mozarabes. Le détail de l'étoile de David peut nous servir à illustrer le fait que, dans les Etats musulmans comme dans les royaumes chrétiens d'Espagne, les minorités religieuses étaient tolérées (pas au sens de la tolérance actuelle: elles étaient bien souvent traitées en sujets de seconde zone, et victimes de certaines formes de discriminations)