étudier l'Ecume des jours avec une élève concernée par la maladie ?

Bonjour à tous,

J'ai travaillé tout l'été sur une séquence que je compte mener avec mes 3e, portant sur L'Ecume des jours de Boris Vian.
J'ai découvert mes classes cette semaine, il s'avère qu'une de mes élèves a une maman atteinte du cancer: elle suit une chimiothérapie.
J'envisage les répercussions que cette lecture pourrait avoir dans le mental de cette élève (que je ne connais pas) et je me sens un peu désemparée.
Que feriez-vous à ma place?

Merci d'avance à ceux qui répondront.

Si l'élève avait été elle-même malade, j'aurais évité, personnellement. Après, c'est clairement dur mais je ne vois pas d'obstacle majeur à ce que tu fasses étudier l'oeuvre pour cette raison.
J'ai eu un "problème" l'an dernier, une élève dont j'ai appris qu'elle avait eu du mal à suivre le cours d'histoire à un moment, parce qu'en histoire médiévale on parle chrétienté, religion, enfer/paradis, etc, et qu'elle venait de perdre un proche et donc que le cours la renvoyait à ce décès. J'ai bien sûr écouté les parents quand ils m'ont dit cela, je ne les ai pas envoyés paître évidemment, mais je n'y peux rien si c'est le programme.

J'ai eu un problème similaire (le père était décédé en juillet). Lors de la réunion parents/prof, je m'étais arrangée pour parler avec la mère qui m'avait donné le feu vert. Il est vrai que c'était un élève très solide.

C'est bien sûr le genre de choses que je ne raconte pas normalement, mais ici ça s'y prête ; en 3e, j'ai perdu mon meilleur ami qui était malade depuis 3 ans, et quelques semaines après, on a étudié l'Ecume des jours... La professeur ne m'en avait pas parlé, peut-être n'y avait-elle pas réfléchi. Quoiqu'il en soit, j'ai adoré, et ça m'a même fait du bien de lire une belle histoire qui me permettait en plus de nommer ce que je pouvais ressentir. Après j'étais du genre solide... Il faut voir le profil de l'élève ? Mais en tant qu'enseignant, je le ferais.

Situation vécue: dans une classe, j'avais prévu de faire travailler les élèves sur Philadelphia. Or, un élève souffrait d'un cancer, il commençait à aller mieux mais c'était pas encore ça.

Je l'ai donc pris à part à la fin d'un cours pour lui dire mon projet et lui demander s'il se sentait d'aborder un film qui allait beaucoup lui évoquer la maladie, les hôpitaux... Réponse du gamin: "s'il vous plait, faites le truc normal comme vous avez prévu, j'en ai marre que tout le monde prenne des gants et s'inquiète pour moi".

Le mieux serait d'en parler avec l'élève et sa maman, pour éviter la crise de larmes en direct (situation vécue), et ensuite bien surveiller les débats en classe pour éviter les remarques maladroites des autres élèves. Ca reste délicat à gérer ... et ça dépend tellement des personnes concernées !

J'ai eu aussi le cas en classe de 3e avec une jeune fille très discrète et très sérieuse. Personne parmi ses camarades n'était au courant, car elle était nouvelle dans le collège. Son père était mort pendant l'été dans un accident de la route et nous travaillions sur la 1re GM. Elle a eu du mal avec les descriptions des corps mutilés. J'avais simplement dit à l'élève que si elle se sentait mal à l'aise, ou qu'elle n'était pas en mesure de gérer ses émotions, elle pouvait demander à sortir le temps de se calmer, de se gérer. Elle a demandé une seule fois à sortir.
Après j'ai eu des élèves mal à l'aise sur des textes comme Le livre de ma mère (Cohen) et dont j'ai appris que leur père / mère / grand-mère / grand-père était malade ou décédé(e); on ne peut pas faire ses choix de corpus en prenant en compte toutes les situations personnelles, tout d'abord parce qu'on ne les connaît pas forcément, et d'autre part parce que malheureusement, c'est la vie...
Il n'y a qu'une fois où j'ai dû renoncer une étude de texte (Double assassinat dans la Rue Morgue); c'était pour un élève dont le père avait assassiné la mère pendant qu'il était à l'école. Le gamin avait découvert le corps en rentrant à la maison.

oui dans tous les cas l'important c'est que l'élève puisse sortir/ne pas venir s'il se sent mal...

Pour rejoindre ce que dit Nicétas : ça peut aussi avoir un effet positif, lui permettre de mettre des mots sur ce qu'elle ressent, de prendre de la distance, en s'identifiant à autre chose, de pleurer si elle en a besoin. Il faut peut-être surveiller discrètement ses réactions et éviter de l'interroger devant la classe...
A voir peut-être avec elle (elle plutôt que ses parents qui vont vouloir la protéger mais peuvent se tromper)
(personellement, mes filles sont adoptées et je ne me suis jamais privé de leur raconter des histoires d'enfants abandonnés, jes les ai laissé voir des films et dessins animés sur le sujet, en me disant au contraire que ça pouvait trouver une résonnance particulière en elles et que ce n'était pas une mauvaise chose).
C'est juste un avis personnel, bien sûr...

Et puis que la littérature soit un espace de projection, je trouve même que c'est une bonne chose.

Merci pour vos réponses. Je pense que la situation serait différente si la maman était décédée (c'est affreux à dire mais ce serait peut-être plus simple, en fait). Là, la maman est en traitement, un traitement lourd qui ne garantit pas la guérison. Etudier un livre dont le personnage principal meurt d'une maladie invasive (ressemblant fortement au cancer) me semble risqué. Je vais en parler au prof principal, et j'envisage de voir l'élève directement pour la "sonder".

Je comprends bien vos remarques concernant la projection, l'effet thérapeutique éventuel des mots, mais je ne suis pas sûre que cela fonctionne avec ce roman. A la fin du livre, il ne reste que le désespoir de Colin, le vide, rien d'autre. Bon... Et puis, aux dires des collègues, c'est une élève qui n'est pas très copine avec la littérature...

Je pense que tu tiens ta réponse : tu ne le sens pas.

Et donc c'est prudent de ne pas jouer les apprentis sorciers sur un éventuel effet thérapeutique. Il y a eu un drame dans ma famille il y a cinq ans, et personne ne peut regarder un film ou lire un livre qui traite de sujets similaires sans finir en larmes. Et on a suivi des thérapies, pourtant.

Oui, compte-tenu de comment tu le sens, ne le fais pas, c'est tout !

Bonjour,
J'ai vécu une situation proche l'an dernier. Une élève très brillante mature et littéraire a perdu son père juste avant ma séquence sur Le Cid. Je ne me suis pas du tout sentie capable de travailler normalement et j'ai choisi une autre pièce. J'ai travaillé dans l'urgence, ça n'a pas été ma meilleure séquence… Mais vu l'état de la jeune fille dans les semaines suivantes, je n'ai pas regretté mon choix.

pseudo-intello a écrit:Je pense que tu tiens ta réponse : tu ne le sens pas.

J'ai eu la même impression en te lisant.

non, effectivement, je ne le sens pas. Mais j'ai quand même bousillé mon mois d'août sur cette séquence que je suis sensée commencer en octobre. Vous comprendrez pourquoi j'hésite (en dehors du fait que j'adore ce livre et que j'ai très envie de l'étudier avec des 3e). Bon... Je prendrai ma propre décision, seule. Je compte en parler à la pp et pourquoi pas, au CDE. On verra bien. Merci pour vos réponses

Quels extraits étudiez-vous ?

Je comprends tes interrogations. On a tous la crainte de mal faire. 
J'étais au lycée quand j'ai dû lire et étudier ce livre, qui m'a fait périr d'ennui. Ma mère était à l'époque en traitement pour un cancer. Je n'ai fait aucun rapport entre sa maladie et ce livre que j'ai trouvé idiot (mais je comprends qu'on puisse l'aimer car je peux aimer des livres que d'autres ont détesté !!! C'est comme ça).

Le message d'Adelou date de 2018...