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- ML184Niveau 5
Bonjour à tous,
Est-ce que vous revoyez chaque classe grammaticale séparément ou vous faites une leçon globale sur les différentes classes grammaticales ?
Faites-vous également une leçon sur comment distinguer la classe grammaticale d'une fonction ?
En début d'année, j'ai fait une leçon globale sur les classes grammaticales et après j'en ai revues lors de leçons particulières : le verbe, le nom, le pronom, l'adjectif mais je n'ai pas eu le temps de m'attarder sur le déterminant et l'adverbe par exemple...
Henriette, tu pourrais-nous en dire plus, sur cette notion de "légo" ? Si je te suis bien, on mise tout en début d'année sur les fonctions avant de voir sa nature ?
Est-ce que vous revoyez chaque classe grammaticale séparément ou vous faites une leçon globale sur les différentes classes grammaticales ?
Faites-vous également une leçon sur comment distinguer la classe grammaticale d'une fonction ?
En début d'année, j'ai fait une leçon globale sur les classes grammaticales et après j'en ai revues lors de leçons particulières : le verbe, le nom, le pronom, l'adjectif mais je n'ai pas eu le temps de m'attarder sur le déterminant et l'adverbe par exemple...
Henriette, tu pourrais-nous en dire plus, sur cette notion de "légo" ? Si je te suis bien, on mise tout en début d'année sur les fonctions avant de voir sa nature ?
- doctor whoDoyen
Ca dépend dans quelle classe.
Une bonne classe de quatrième : toutes les natures en même temps, ou presque, quitte à les revoir ensuite (ex : les pronoms personnels pendant la leçon sur les compléments du verbe). Sinon, on revoit séparément, ou en en regroupant certaines (ex : nom, article, adjectif qualificatif).
Pas de leçons nature / fonction : petit speech au début et rabâchage toutes les dix minutes pendant l'année entière.
Une bonne classe de quatrième : toutes les natures en même temps, ou presque, quitte à les revoir ensuite (ex : les pronoms personnels pendant la leçon sur les compléments du verbe). Sinon, on revoit séparément, ou en en regroupant certaines (ex : nom, article, adjectif qualificatif).
Pas de leçons nature / fonction : petit speech au début et rabâchage toutes les dix minutes pendant l'année entière.
_________________
Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
Blog pédagogique : http://pedagoj.eklablog.com
- V.MarchaisEmpereur
Comme Doctor Who.
En 6e, je revois méthodiquement toutes les classes de mots une par une, ce qui, avec les conjugaisons, m'occupe presque tout le premier trimestre.
En 5e, à peu près pareil, en regroupant les éléments du GN.
En 4e et en 3e, une leçon sur les mots variables, une sur les mots invariables. Là, pas le choix, il faut accélérer.
En 6e, je revois méthodiquement toutes les classes de mots une par une, ce qui, avec les conjugaisons, m'occupe presque tout le premier trimestre.
En 5e, à peu près pareil, en regroupant les éléments du GN.
En 4e et en 3e, une leçon sur les mots variables, une sur les mots invariables. Là, pas le choix, il faut accélérer.
- henrietteMédiateur
ML184 a écrit:
Henriette, tu pourrais-nous en dire plus, sur cette notion de "légo" ? Si je te suis bien, on mise tout en début d'année sur les fonctions avant de voir sa nature ?
C'est en effet la démarche de cette formatrice, et ses résultats semblent impressionnants.
Elle utilise les legos pour faire visualiser aux élèves la structure de la phrase :
long lego rouge plat pour le Gsujet; lego rouge plus épais pour le verbe, lego bleu pour les compléments type COD/COI (avec petit lego noir pour la préposition qui introduit), lego vert pour tous les CC quelle que soit leur nature.
Elle passe beaucoup de temps au départ pour apprendre aux élèves à repérer le verbe principal en commençant directement avec des phrases simples et des phrases complexes par subordination (pas de juxtaposition ou coordination au départ, le temps de mettre les automatismes en place).
Puis beaucoup de temps encore pour les automatisme de pronominalisation, avec une "boite à outil" comprenant des petites cartes sur lesquels figurent les différents pronoms.
Elle discrimine très rapidement les fonctions sujet (manipulation de phrase avec c'est... qui + verbe principal) des fonctions compléments (c'est...que + verbe principal), et ensuite elle affine progressivement les différentes fonctions de compléments.
Il y a plusieurs de ses documents sur le site académique d'Aix-Marseille (elle s'appelle Anne Guerpillon), mais ce n'est vraiment qu'après avoir fait un stage avec elle que j'ai commencé à comprendre la logique de sa démarche, et ses choix, en particulier de corpus de phrases.
- LisaZenideExpert spécialisé
Même formation en début d'année avec elle...
Tout n'est pas à jeter dans ce qu'elle dit, loin de là, mais je reste sceptique sur certains trucs (plus sur les parties séquences ou choix de textes que sur la grammaire d'ailleurs)...
J'ai encore du mal à voir comment elle fait pour ne pas perdre ses élèves en commençant par les phrases complexes avec subordonnées. Je compte me replonger dans les docs cet été.
Le coup des étiquettes en revanche, ça a l'air de fonctionner plutôt bien. Cette année, je n'ai pas utilisé les étiquettes mais systématiquement fait à l'oral pour les analyses des phrases du jour. A force, ça rentre.
Idem pour le repérage du verbe principal (et des verbes conjugués en général). Expérimenté cette année en soutien. Ça a bien fonctionné... le problème est que pour les élèves en difficulté qui n'apprennent pas, obligation de rappeler le fonctionnement (même en quelques mots) pour qu'ils retrouvent la démarche et trouvent ce qui est demandé (mais déjà, les plus faibles ne me disent plus que "hache" est un verbe dans la phrase "ils s'armaient de leurs haches" ).
Sinon, pour la différenciation Nature / Fonction, j'utilise la même technique que Malo21. Ca ne marche pas à tous les coups, mais ça fait souvent tilt chez les élèves quand même...
Tout n'est pas à jeter dans ce qu'elle dit, loin de là, mais je reste sceptique sur certains trucs (plus sur les parties séquences ou choix de textes que sur la grammaire d'ailleurs)...
J'ai encore du mal à voir comment elle fait pour ne pas perdre ses élèves en commençant par les phrases complexes avec subordonnées. Je compte me replonger dans les docs cet été.
Le coup des étiquettes en revanche, ça a l'air de fonctionner plutôt bien. Cette année, je n'ai pas utilisé les étiquettes mais systématiquement fait à l'oral pour les analyses des phrases du jour. A force, ça rentre.
Idem pour le repérage du verbe principal (et des verbes conjugués en général). Expérimenté cette année en soutien. Ça a bien fonctionné... le problème est que pour les élèves en difficulté qui n'apprennent pas, obligation de rappeler le fonctionnement (même en quelques mots) pour qu'ils retrouvent la démarche et trouvent ce qui est demandé (mais déjà, les plus faibles ne me disent plus que "hache" est un verbe dans la phrase "ils s'armaient de leurs haches" ).
Sinon, pour la différenciation Nature / Fonction, j'utilise la même technique que Malo21. Ca ne marche pas à tous les coups, mais ça fait souvent tilt chez les élèves quand même...
- retraitéeDoyen
Cela me rappelle le petit train que j'utilisais à mes débuts . Le verbe= la locomotive. Le sujet = le conducteur (il impose l'accord du verbe) assis à l'avant ou à l'arrière (sujet inversé). Et les wagons, accrochés directement ou avec un long crochet symbolisant les prépositions, de couleur différentre selon les fonctions.
Et on pouvait même trouver un petit train miniature dans la poche du conducteur ou dans les wagons quand le wagon COD (par exemple) contenait une subordonnée.
Un peu réducteur, mais les 6e aimaient. C'était il y a 40 ans.
Et je ne commençais pas évidemment par des phrases complexes.
Ensuite, j'ai eu des enveloppes avec des étiquettes. Une seule étiquette recto/verso/tête bêche pour attribut du sujet /COD/COI, parce que le verbe ne peut être à la fois transitif direct/indirect ou attributif. On avait bien le temps d'introduire des notions de COS (attribution) et attribut du COD plus tard.
Et on pouvait même trouver un petit train miniature dans la poche du conducteur ou dans les wagons quand le wagon COD (par exemple) contenait une subordonnée.
Un peu réducteur, mais les 6e aimaient. C'était il y a 40 ans.
Et je ne commençais pas évidemment par des phrases complexes.
Ensuite, j'ai eu des enveloppes avec des étiquettes. Une seule étiquette recto/verso/tête bêche pour attribut du sujet /COD/COI, parce que le verbe ne peut être à la fois transitif direct/indirect ou attributif. On avait bien le temps d'introduire des notions de COS (attribution) et attribut du COD plus tard.
- caroletteNeoprof expérimenté
arcenciel a écrit:Et on commence dès le CE1 à en parler...
Dans les classes utilisant les manuels du SLECC, en effet, sinon je n'en ai jamais entendu parler (ni vu dans les cours de ma fille en CM1 : le programme est fait en ce sens que les natures et fonctions attendues à ce stade-là sont connues et comprises, mais elle ne connait pas ces termes).
- alaing1Niveau 2
est-ce que tes élèves savent mieux écrire et parler après avoir distinguer nature ou classe et fonction ?
- CeladonDemi-dieu
Je ne sais pas, mais je vois en CM2 à force de leur faire compléter des principales par des relatives, au moins leurs phrases sont correctes maintenant. Et ils savent ce qu'est un mot subordonnant et ne classent pas les conj de coord parmi eux. Appeler les choses par leur nom permet tout de même d'avoir une prise sur l'apprentissage, non ?
- V.MarchaisEmpereur
Je ne suis pas sûre que ce soit à l'oral que l'on puisse voir les résultats d'un tel travail, surtout que la langue orale est une langue relativement relâchée.
Par contre, l'analyse fonctionnelle ou logique permet de mieux comprendre ce qu'on lit, assurément, surtout quand on arrive au stade de phrases littéraires un peu complexes, dans tous les sens du terme. Mais même au niveau de phrases très simples, la compréhension des textes est freinée par la méconnaissance de leur langue par les élèves. Je te donne un exemple concret.
J'ai mis longtemps à comprendre qu'une des choses qui faisait barrage, en compréhension de texte, c'était les pronoms. Dans un enchaînement aussi basique que : Louis aperçoit un homme près de la barrière. Il l'observe à la dérobée pendant quelques minutes. Soudain, il est distrait par le passage d'un troupeau, les élèves ne font pas attention au "l'" qui n'est pour eux qu'un "petit mot" vide de sens comme "que" ou "à". Ils ne comprennent pas que c'est un pronom, qu'il désigne l'homme, et que là, il se passe un truc entre l'homme et Louis. Il a fallu que je travaille beaucoup sur les pronoms, leur repérage, leurs fonctions, pour venir à bout de cette difficulté.
La grammaire est normative. l'analyse permet de corriger la syntaxe, d'expliquer pourquoi "La sorcière qui habitait dans cette maison" n'est pas une phrase correcte.
Paradoxalement, elle permet, en posant la règle, de signaler l'écart, c'est-à-dire ce qui fait style, et d'apprendre à en jouer. Je glisse toujours dans mes leçons de grammaire de phrase quelques exercices d'écriture.
Donc oui, l'analyse permet de mieux écrire. Elle corrige ce qui est incorrect et apprend à jouer d'une règle (ce qui présuppose de connaître ladite règle).
Par contre, l'analyse fonctionnelle ou logique permet de mieux comprendre ce qu'on lit, assurément, surtout quand on arrive au stade de phrases littéraires un peu complexes, dans tous les sens du terme. Mais même au niveau de phrases très simples, la compréhension des textes est freinée par la méconnaissance de leur langue par les élèves. Je te donne un exemple concret.
J'ai mis longtemps à comprendre qu'une des choses qui faisait barrage, en compréhension de texte, c'était les pronoms. Dans un enchaînement aussi basique que : Louis aperçoit un homme près de la barrière. Il l'observe à la dérobée pendant quelques minutes. Soudain, il est distrait par le passage d'un troupeau, les élèves ne font pas attention au "l'" qui n'est pour eux qu'un "petit mot" vide de sens comme "que" ou "à". Ils ne comprennent pas que c'est un pronom, qu'il désigne l'homme, et que là, il se passe un truc entre l'homme et Louis. Il a fallu que je travaille beaucoup sur les pronoms, leur repérage, leurs fonctions, pour venir à bout de cette difficulté.
La grammaire est normative. l'analyse permet de corriger la syntaxe, d'expliquer pourquoi "La sorcière qui habitait dans cette maison" n'est pas une phrase correcte.
Paradoxalement, elle permet, en posant la règle, de signaler l'écart, c'est-à-dire ce qui fait style, et d'apprendre à en jouer. Je glisse toujours dans mes leçons de grammaire de phrase quelques exercices d'écriture.
Donc oui, l'analyse permet de mieux écrire. Elle corrige ce qui est incorrect et apprend à jouer d'une règle (ce qui présuppose de connaître ladite règle).
- V.MarchaisEmpereur
Je copie ici un message posté ailleurs, qui montre peut-être davantage le lien entre écriture et grammaire.
Mes autres arguments seront moins purement grammaticaux, davantage fondés sur une certaine conception de l'enseignement de la grammaire.
Selon moi, l'enseignement de la grammaire a (au moins) deux objectifs essentiels :
- faire prendre conscience des règles de construction de la phrase à la fois pour que cette conscience soit, tout simplement (ahi ! un verbe être sans complément essentiel...) - n'oublions pas que la grammaire est une première entrée dans l'abstraction et le raisonnement logique, au point que les Grecs en faisaient une propédeutique à la philosophie - éventuellement transposable à d'autres apprentissages, notamment ceux des langues étrangères, mais aussi pour permettre à l'élève, grâce à la dimension normative de la grammaire, de corriger son expression et de comprendre pourquoi Un dragon qui vivait là, point, ou Je sais pas c'est quoi sont incorrects.
- permettre de prendre conscience de tout écart par rapport à cette norme, c'est-à-dire rendre capable de repérer les effets de style et d'en jouer soi-même.
Or, poser comme postulat de départ que la place des complément est soit figée, soit complètement aléatoire, c'est brouiller la règle et l'écart. C'est surtout complètement faux.
Du point de vue de la construction syntaxique, en gros, dans la phrase verbale, il y a un thème et un prédicat, c'est-à-dire un sujet et un verbe au moins, ce qu'on peut affiner :
S + v. intr.
S + v. intr + attribut
S + v. tr. + CO
À cette structure minimale, on pourra ajouter tout un tas d'enrichissements. Mais c'est cette structure qui reste fondamentale, constitutive du prédicat. Elle impose un ordre canonique. Mais cet ordre est sans cesse bousculé par des considérations stylistiques. J'affirme haut et fort que n'importe quel groupe fonctionnel peut être placé, à des fins stylistiques, à une place non canonique par rapport à cette structure de base, en début ou en fin de phrase :
- sujet : Au commencement était le verbe.
- complément d'objet : A toi, mon fils, je donnerai mon royaume.
- attribut du sujet : Grande était la douleur de Roland.
- complément circonstanciel : Dans cette maison vivait une sorcière.
Il y a deux exceptions.
La première, c'est le COD, qui ne peut pas être placé en début de phrase, pour cette seule raison que, comme rien, syntaxiquement, ne le distingue du sujet, cela créerait des confusions. La souris mange le chat a peu de chance de passer pour une figure de style, mais plus vraisemblablement pour une cocasserie. Mais je vais jusqu'à hasarder que dans un contexte poétique, par exemple dans La Chanson de Roland, où nous lisons communément Fol était Roland, Nombreux sont les ennemis, nous pourrions peut-être lire sans broncher : Son épée brandit Roland. C'est un peu audacieux de ma part, mais je veux juste insister sur le caractère purement stylistique de la place des GN (il n'en va pas de même pour les pronoms dont l'emploi très peu souple suffit à foutre par terre cette histoire de compléments mobiles, systématiquement fausse quand les compléments en question sont des pronoms, soit dit en passant, parce que ça non plus, c'est pas rare, et cela ne peut qu'ajouter à la confusion des élèves à qui on serine qu'un CC, c'est déplaçable. D'où ils peuvent conclure à juste titre que y et en ne sauraient être CC). Pardon, je m'égare. Revenons à notre syntaxe et à nos effets de style.
Par contre, un COD peut parfaitement être rejeté loin du verbe. C'est ce que fait Perrault dans La Belle au bois dormant, en substance : Le prince découvrit, dans une chambre tout en haut de la plus haute tour, sur un lit d'ivoire et d'or encadré de voiles diaprés, une éblouissante princesse. Vous me direz que c'est les CC qu'on a intercalés, mais on s'en fout : ce qui fait style, ici, c'est pas les CC en milieu de phrase, c'est bien le COD rejeté en fin de phrase pour créer un effet d'attente. Si je remets le COD juste après le verbe, c'est quoi, que je déplace, le COD ou les CC ? Franchement, on s'en tape et, surtout, on joue sur les mots.
La deuxième fonction qui n'a aucune mobilité, c'est le complément d'agent. Les thuriféraires des critères de distribution le poussent commodément sous le tapis celui-là. L'est chiant. Il est parfaitement suppressible - c'est même un des grands intérêts du recours à la voix passive que de faire opportunément disparaître l'agent du procès - et pas du tout déplaçable. On en fait quoi ?
Il a été tué par Mlle Rose.
*Par Mlle Rose il a été tué.
*Il a par Mlle Rose été tué.
Et s'il n'est pas déplaçable, ce n'est pas, comme le COD, à cause de risques de confusion, puisque le complément d'agent est introduit par une préposition qui permet de le repérer aisément. C'est justement à cause de ces histoires de style, de thème et de prédicat. La voix passive met le CO à la place du sujet : ce qui se passe, c'est qu'on change de sujet, communément parlant, ou de thème, pour parler le grammairien. On parle parfois de diathèse pour signifier que, par rapport à la voix active, on opère un déplacement du thème et du prédicat. Et c'est une chose à laquelle je tiens à sensibiliser les élèves. Regardez dans TDL 5e : dès ce niveau, je leur fais comparer deux phrases comme : Sherlock Holmes a été créé en 1881 par A. C. Doyle et A. C. Doyle a créé Sherlock Holmes en 1881, en leur demandant laquelle de ces phrases on pourrait trouver dans une biographie de Doyle, laquelle dans un article sur Sherlock Holmes. Et les élèves ne s'y trompent pas, ils sentent bien que ça n'a pas le même sens. Pour moi, enseigner la grammaire, c'est enseigner cette finesse de compréhension, permettre de s'approprier ces nuances subtiles de la langue. Et c'est cette subtilité que la grammaire distributionnelle fait voler en éclats quand elle prétend que : Dans cette maison vivait une sorcière et Une sorcière vivait dans cette maison, c'est pareil, ou pire encore, que Dans le living-room il a été tué pourrait être une phrase correcte, alors que, pour des raisons de style qui n'ont rien d'abscons dès qu'on les explicite, en réalité, on ne peut pas dire une phrase pareille.
Je défends une grammaire structurante par la clarté qu'elle fait de la description des structures de base de la phrase, de leur caractère normé, qui se garde bien de fiche la phrase sens dessus dessous.
Je défends une grammaire créatrice par la mise en évidence, dès la Sixième, de tous les effets possibles qui naissent de l'écart avec cette norme.
Parce que selon moi, une grammaire qui apprend à bien lire et bien écrire, c'est ça, pas un tripatouillage de la phrase qui revient à dire que la place des mots, finalement, n'a pas beaucoup d'importance.
Vous voyez qu'au-delà de la question pragmatique de l'efficacité pédagogique, il y a aussi une vision de la grammaire et de ses fins.
Mes autres arguments seront moins purement grammaticaux, davantage fondés sur une certaine conception de l'enseignement de la grammaire.
Selon moi, l'enseignement de la grammaire a (au moins) deux objectifs essentiels :
- faire prendre conscience des règles de construction de la phrase à la fois pour que cette conscience soit, tout simplement (ahi ! un verbe être sans complément essentiel...) - n'oublions pas que la grammaire est une première entrée dans l'abstraction et le raisonnement logique, au point que les Grecs en faisaient une propédeutique à la philosophie - éventuellement transposable à d'autres apprentissages, notamment ceux des langues étrangères, mais aussi pour permettre à l'élève, grâce à la dimension normative de la grammaire, de corriger son expression et de comprendre pourquoi Un dragon qui vivait là, point, ou Je sais pas c'est quoi sont incorrects.
- permettre de prendre conscience de tout écart par rapport à cette norme, c'est-à-dire rendre capable de repérer les effets de style et d'en jouer soi-même.
Or, poser comme postulat de départ que la place des complément est soit figée, soit complètement aléatoire, c'est brouiller la règle et l'écart. C'est surtout complètement faux.
Du point de vue de la construction syntaxique, en gros, dans la phrase verbale, il y a un thème et un prédicat, c'est-à-dire un sujet et un verbe au moins, ce qu'on peut affiner :
S + v. intr.
S + v. intr + attribut
S + v. tr. + CO
À cette structure minimale, on pourra ajouter tout un tas d'enrichissements. Mais c'est cette structure qui reste fondamentale, constitutive du prédicat. Elle impose un ordre canonique. Mais cet ordre est sans cesse bousculé par des considérations stylistiques. J'affirme haut et fort que n'importe quel groupe fonctionnel peut être placé, à des fins stylistiques, à une place non canonique par rapport à cette structure de base, en début ou en fin de phrase :
- sujet : Au commencement était le verbe.
- complément d'objet : A toi, mon fils, je donnerai mon royaume.
- attribut du sujet : Grande était la douleur de Roland.
- complément circonstanciel : Dans cette maison vivait une sorcière.
Il y a deux exceptions.
La première, c'est le COD, qui ne peut pas être placé en début de phrase, pour cette seule raison que, comme rien, syntaxiquement, ne le distingue du sujet, cela créerait des confusions. La souris mange le chat a peu de chance de passer pour une figure de style, mais plus vraisemblablement pour une cocasserie. Mais je vais jusqu'à hasarder que dans un contexte poétique, par exemple dans La Chanson de Roland, où nous lisons communément Fol était Roland, Nombreux sont les ennemis, nous pourrions peut-être lire sans broncher : Son épée brandit Roland. C'est un peu audacieux de ma part, mais je veux juste insister sur le caractère purement stylistique de la place des GN (il n'en va pas de même pour les pronoms dont l'emploi très peu souple suffit à foutre par terre cette histoire de compléments mobiles, systématiquement fausse quand les compléments en question sont des pronoms, soit dit en passant, parce que ça non plus, c'est pas rare, et cela ne peut qu'ajouter à la confusion des élèves à qui on serine qu'un CC, c'est déplaçable. D'où ils peuvent conclure à juste titre que y et en ne sauraient être CC). Pardon, je m'égare. Revenons à notre syntaxe et à nos effets de style.
Par contre, un COD peut parfaitement être rejeté loin du verbe. C'est ce que fait Perrault dans La Belle au bois dormant, en substance : Le prince découvrit, dans une chambre tout en haut de la plus haute tour, sur un lit d'ivoire et d'or encadré de voiles diaprés, une éblouissante princesse. Vous me direz que c'est les CC qu'on a intercalés, mais on s'en fout : ce qui fait style, ici, c'est pas les CC en milieu de phrase, c'est bien le COD rejeté en fin de phrase pour créer un effet d'attente. Si je remets le COD juste après le verbe, c'est quoi, que je déplace, le COD ou les CC ? Franchement, on s'en tape et, surtout, on joue sur les mots.
La deuxième fonction qui n'a aucune mobilité, c'est le complément d'agent. Les thuriféraires des critères de distribution le poussent commodément sous le tapis celui-là. L'est chiant. Il est parfaitement suppressible - c'est même un des grands intérêts du recours à la voix passive que de faire opportunément disparaître l'agent du procès - et pas du tout déplaçable. On en fait quoi ?
Il a été tué par Mlle Rose.
*Par Mlle Rose il a été tué.
*Il a par Mlle Rose été tué.
Et s'il n'est pas déplaçable, ce n'est pas, comme le COD, à cause de risques de confusion, puisque le complément d'agent est introduit par une préposition qui permet de le repérer aisément. C'est justement à cause de ces histoires de style, de thème et de prédicat. La voix passive met le CO à la place du sujet : ce qui se passe, c'est qu'on change de sujet, communément parlant, ou de thème, pour parler le grammairien. On parle parfois de diathèse pour signifier que, par rapport à la voix active, on opère un déplacement du thème et du prédicat. Et c'est une chose à laquelle je tiens à sensibiliser les élèves. Regardez dans TDL 5e : dès ce niveau, je leur fais comparer deux phrases comme : Sherlock Holmes a été créé en 1881 par A. C. Doyle et A. C. Doyle a créé Sherlock Holmes en 1881, en leur demandant laquelle de ces phrases on pourrait trouver dans une biographie de Doyle, laquelle dans un article sur Sherlock Holmes. Et les élèves ne s'y trompent pas, ils sentent bien que ça n'a pas le même sens. Pour moi, enseigner la grammaire, c'est enseigner cette finesse de compréhension, permettre de s'approprier ces nuances subtiles de la langue. Et c'est cette subtilité que la grammaire distributionnelle fait voler en éclats quand elle prétend que : Dans cette maison vivait une sorcière et Une sorcière vivait dans cette maison, c'est pareil, ou pire encore, que Dans le living-room il a été tué pourrait être une phrase correcte, alors que, pour des raisons de style qui n'ont rien d'abscons dès qu'on les explicite, en réalité, on ne peut pas dire une phrase pareille.
Je défends une grammaire structurante par la clarté qu'elle fait de la description des structures de base de la phrase, de leur caractère normé, qui se garde bien de fiche la phrase sens dessus dessous.
Je défends une grammaire créatrice par la mise en évidence, dès la Sixième, de tous les effets possibles qui naissent de l'écart avec cette norme.
Parce que selon moi, une grammaire qui apprend à bien lire et bien écrire, c'est ça, pas un tripatouillage de la phrase qui revient à dire que la place des mots, finalement, n'a pas beaucoup d'importance.
Vous voyez qu'au-delà de la question pragmatique de l'efficacité pédagogique, il y a aussi une vision de la grammaire et de ses fins.
- SapotilleEmpereur
retraitée a écrit:Cela me rappelle le petit train que j'utilisais à mes débuts . Le verbe= la locomotive. Le sujet = le conducteur (il impose l'accord du verbe) assis à l'avant ou à l'arrière (sujet inversé). Et les wagons, accrochés directement ou avec un long crochet symbolisant les prépositions, de couleur différentre selon les fonctions.
Et on pouvait même trouver un petit train miniature dans la poche du conducteur ou dans les wagons quand le wagon COD (par exemple) contenait une subordonnée.
Un peu réducteur, mais les 6e aimaient. C'était il y a 40 ans.
Et je ne commençais pas évidemment par des phrases complexes.
Pas réducteur, explicite !!!
Tu peux nous mettre un exemple ?
- mascaradeNiveau 5
J'aime bien la solution du petit train, j'ai appris comme cela en primaire. Mais il est déprimant de voir que même quand ils semblent avoir fini par comprendre, ils finissent bien souvent par tout remélanger... Et l'année suivante il faut TOUT recommencer...
Pour l'anecdote : la solution donnée par une inspectrice (d'une académie que je ne citerai pas) à une de mes collègues :
Il ne faut plus faire de langue au collège !! Si les élèves comprennent que dans "le chat mange la souris", c'est la souris qui subit l'action, c'est très bien et ils n'ont pas besoin de savoir que c'est un COD ! Les élèves "ressentent" les choses, comprennent instinctivement la langue...
Fions-nous à l'instinct de nos chers élèves... Merci Madame l'Inspectrice
Pour l'anecdote : la solution donnée par une inspectrice (d'une académie que je ne citerai pas) à une de mes collègues :
Il ne faut plus faire de langue au collège !! Si les élèves comprennent que dans "le chat mange la souris", c'est la souris qui subit l'action, c'est très bien et ils n'ont pas besoin de savoir que c'est un COD ! Les élèves "ressentent" les choses, comprennent instinctivement la langue...
Fions-nous à l'instinct de nos chers élèves... Merci Madame l'Inspectrice
- V.MarchaisEmpereur
Et s'ils ne ressentent rien du tout, s'ils n'y comprennent plus rien, c'est tant pis ?
Et s'ils ressentent qu'on dit "Je ne sais pas qu'est-ce que c'est", on respecte leur ressenti ? Ou bien on essaye de leur faire rentrer dans la tête qu'on dit "Je ne sais pas ce que c'est" sans leur expliquer pourquoi, sans leur donner de règle reproductible à d'autres exemples ?
Et s'ils ressentent qu'on dit "Je ne sais pas qu'est-ce que c'est", on respecte leur ressenti ? Ou bien on essaye de leur faire rentrer dans la tête qu'on dit "Je ne sais pas ce que c'est" sans leur expliquer pourquoi, sans leur donner de règle reproductible à d'autres exemples ?
- XueqinCNiveau 4
Hello,
Stagiaire, j'ai un doute quant à l'enseignement des natures et fonctions en classe de 4eme.
Pou' l'instant j'ai vu avec ma classe de 4eme les natures variables (avec un petit test pour évaluer pour évaluer les acquis) Toutefois, je n'ai pas vu les fonctions en même temps, pensez-vous que j'aurais du les voir en même temps ?
J'étais actuellement sur le réalisme, je ne suis pas sur de pouvoir traiter les fonctions avant les vacances, je compte sûrement m'y pencher sur la prochaine séquence qui traitera du fantastique, qu'en pensez-vous ?
Bien à vous,
Stagiaire, j'ai un doute quant à l'enseignement des natures et fonctions en classe de 4eme.
Pou' l'instant j'ai vu avec ma classe de 4eme les natures variables (avec un petit test pour évaluer pour évaluer les acquis) Toutefois, je n'ai pas vu les fonctions en même temps, pensez-vous que j'aurais du les voir en même temps ?
J'étais actuellement sur le réalisme, je ne suis pas sur de pouvoir traiter les fonctions avant les vacances, je compte sûrement m'y pencher sur la prochaine séquence qui traitera du fantastique, qu'en pensez-vous ?
Bien à vous,
- DerborenceModérateur
Sujets fusionnés.
_________________
"La volonté permet de grimper sur les cimes ; sans volonté on reste au pied de la montagne." Proverbe chinois
"Derborence, le mot chante triste et doux dans la tête pendant qu’on se penche sur le vide, où il n’y a plus rien, et on voit qu’il n’y a plus rien."
Charles-Ferdinand Ramuz, Derborence
- HermionyGuide spirituel
XueqinC a écrit:Hello,
Stagiaire, j'ai un doute quant à l'enseignement des natures et fonctions en classe de 4eme.
Pou' l'instant j'ai vu avec ma classe de 4eme les natures variables (avec un petit test pour évaluer pour évaluer les acquis) Toutefois, je n'ai pas vu les fonctions en même temps, pensez-vous que j'aurais du les voir en même temps ?
J'étais actuellement sur le réalisme, je ne suis pas sur de pouvoir traiter les fonctions avant les vacances, je compte sûrement m'y pencher sur la prochaine séquence qui traitera du fantastique, qu'en pensez-vous ?
Bien à vous,
Non, tu fais bien, comme cela il y a moins de risque qu'ils mélangent tout. Je vois toutes les natures (les variables d'abord, les invariables ensuite) et je passe aux fonctions. Cela permet en même temps de revoir les natures.
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"Soyons subversifs. Révoltons-nous contre l'ignorance, l'indifférence, la cruauté, qui d'ailleurs ne s'exerce si souvent contre l'homme que parce qu'elles se sont fait la main sur les animaux. Il y aurait moins d'enfants martyrs s'il y avait moins d'animaux torturés".
Marguerite Yourcenar
« La vraie bonté de l’homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu’à l’égard de ceux qui ne représentent aucune force. » «Le véritable test moral de l’humanité, ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. » Kundera, L’Insoutenable Légèreté de l’être
- XueqinCNiveau 4
Merci beaucoup, Hermiony. Tu viens de me rassure, tu ne sais pas à quel point. Je suis tellement stressé, je commence à être à bout. Vivement les vacances. (Qui n'ont de vacances que le nom, d'ailleurs).
- HermionyGuide spirituel
XueqinC a écrit:Merci beaucoup, Hermiony. Tu viens de me rassure, tu ne sais pas à quel point. Je suis tellement stressé, je commence à être à bout. Vivement les vacances. (Qui n'ont de vacances que le nom, d'ailleurs).
Allez courage ! L'année de stage est éprouvante.
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"Soyons subversifs. Révoltons-nous contre l'ignorance, l'indifférence, la cruauté, qui d'ailleurs ne s'exerce si souvent contre l'homme que parce qu'elles se sont fait la main sur les animaux. Il y aurait moins d'enfants martyrs s'il y avait moins d'animaux torturés".
Marguerite Yourcenar
« La vraie bonté de l’homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu’à l’égard de ceux qui ne représentent aucune force. » «Le véritable test moral de l’humanité, ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. » Kundera, L’Insoutenable Légèreté de l’être
- OudemiaBon génie
Comme Hermiony : il faut absolument bien ancrer la notion de nature (classe grammaticale, si on veut) avant de passer à autre chose.
Je commençais par là le premier cours de grammaire, tous niveaux confondus, en m'appuyant sur les réponses données à la simple question : "Quelles sont les différentes sortes de mots ?" et en faisant ensuite le tri...
Après on reprenait, variables puis invariables, de façon plus ou moins approfondie selon les classes, avant de passer aux fonctions.
Je commençais par là le premier cours de grammaire, tous niveaux confondus, en m'appuyant sur les réponses données à la simple question : "Quelles sont les différentes sortes de mots ?" et en faisant ensuite le tri...
Après on reprenait, variables puis invariables, de façon plus ou moins approfondie selon les classes, avant de passer aux fonctions.
- DerborenceModérateur
Je fais comme Hermiony et Oudemia.
Courage !
Courage !
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"La volonté permet de grimper sur les cimes ; sans volonté on reste au pied de la montagne." Proverbe chinois
"Derborence, le mot chante triste et doux dans la tête pendant qu’on se penche sur le vide, où il n’y a plus rien, et on voit qu’il n’y a plus rien."
Charles-Ferdinand Ramuz, Derborence
- CeladonDemi-dieu
Un(e) collègue avait posté voici quelque temps déjà un schéma intitulé La maison des mots. Ce n'était pas mal, à compléter car il manque les pronoms relatifs et des déterminants, mais cela peut servir de base, une fois intégré, pour construire des phrases permettant d'installer la notion de fonction et de faire bâtir des exos par les élèves eux-mêmes.
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