- InvitéInvité
Extrait :
Là-dedans, quelle est la part de Jean-Michel Blanquer ?
Jean-Michel Blanquer se situe dans le temps long de l'institution scolaire. Il a démarré sa carrière dans l'Education nationale il y a plus de 10 ans. Dans un chapitre du livre, je retrace sa vision du pouvoir en étudiant ses écrits.
Au départ, c'est un professeur de droit public, un juriste. A un moment il a décidé de faire carrière dans l'Education nationale en devenant recteur puis en montant au ministère à différentes responsabilités : au cabinet de Gilles de Robien en 2006 puis comme Dgesco sous Luc Chatel. Ses idées sur l'enseignement de la lecture ou les maths ne sont pas récentes. Son programme date d’une vingtaine d’années. Il le met en oeuvre de façon obstinée depuis qu'il est ministre.
Il a le soutien d'un groupe de neuroscientifiques et cognitivistes, qui ne représente pas l'ensemble des chercheurs du domaine ni tous les domaines de recherche, tant s’en faut. Ce sont les mêmes qui étaient déjà dans son entourage quand il était Dgesco, qu’on retrouve aussi dans l'association Agir pour l'Ecole de l’Institut Montaigne et aujourd'hui dans le Conseil scientifique du ministère. En fait l’agenda de prise de pouvoir s'est mis en place dans les années 1990 en même temps que l'avènement du numérique et le développement des neurosciences.
Pour comprendre ce qui se passe à l’Education nationale, je pense qu'il faut rapporter l'évolution de l'Ecole à celle des institutions de la République. C'est très éclairant de lire ce qu'écrivait Jean-Michel Blanquer quand il était professeur de droit public et qu'il se livrait à une analyse critique de la Vème République. Il expliquait que le Parlement (le législatif) avait peu de pouvoir, et que depuis l'élection du Président au suffrage universel direct, la nature monarchique et anti-démocratique de la Vème République était en quelque sorte neutralisée. De sorte que la responsabilité des gouvernants (de l’exécutif présidentiel, détenteur des principaux pouvoirs) était juste d'expliquer leur politique directement aux électeurs, « à la télévision ». C'est à dire de faire de la communication plutôt que de chercher à trouver des accords avec les contre-pouvoirs institutionnels (impuissants) et les acteurs de la société.
On peut dire que Jean-Michel Blanquer était donc un macronien avant l'heure puisque c'est exactement la vision des gouvernants actuels. Ils se considèrent comme des experts avec une vision fondée sur la science (économique, politique, neuro, etc.), donc indiscutable, et ils se pensent les seuls aptes à tout décider. Une fois la décision prise, il suffirait de l'expliquer au « bon peuple » pour qu’il s'aligne sur la politique définie au-dessus de lui. C'est évidemment une vision typiquement technocratique. Je cite dans le livre de nombreux travaux de sciences politiques qui expliquent cela.
Dans les écrits antérieurs à sa prise de pouvoir, Jean-Michel Blanquer montre que, pour qui veut faire carrière dans cette République à dominante présidentialiste, il est inutile de perdre son temps à militer dans un parti politique. De même, se faire élire à un échelon local pour parvenir ensuite à l’échelon national est un long détour tout aussi inutile. Il faut mieux se rapprocher au plus vite d’une équipe présidentielle pour parvenir au sommet directement. Ainsi on peut faire une vraie carrière politique sans engagement partisan affiché ni recours à l’élection, en travaillant au contact direct des milieux dirigeants.
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- HORAHabitué du forum
Très éclairant !
- BalthazaardVénérable
Je me méfie toujours des amis qui nous veulent du bien...Champy était à l'INRP, sa dénonciations de la "dictature" des neurosciences a du mal à me convaincre que l'on est pas dans une guerre de chapelle où chacun cherche à prendre les profs en otage...neurosciences ou sciences de l'éduc sous couvert de liberté, pour moi c'est pareil. Contre Blanquer c'est bien sans doute, mais pour des motifs qui pour moi ne sont pas si transparents qu'il ne le dit.
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